Cour d'appel de Riom, 16 septembre 2015, n° 13/02499

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Riom, 16 sept. 2015, n° 13/02499
Juridiction : Cour d'appel de Riom
Numéro(s) : 13/02499
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand, 20 août 2013, N° 10/02651

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE RIOM

Troisième chambre civile et commerciale

TF

ARRET N°

DU : 16 Septembre 2015

RG N° : 13/02499

FR

Arrêt rendu le seize Septembre deux mille quinze

COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré de :

M. Stéphane TAMALET, Président de chambre

M. François RIFFAUD, Président

Mme A B, Conseillère

lors des débats et du prononcé : Mme Carine CESCHIN, Greffière

Sur APPEL d’une décision rendue le 21 août 2013 par le Tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand (RG N° 10/02651/Ch1c2)

ENTRE :

M. C-D X

XXX

XXX

Représentant : Me Yves LACOUR, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

APPELANT

ET :

SARL GARAGE DE L’OBSERVATOIRE

XXX

63000 CLERMONT-FERRAND

Représentant : Me Annie GOUNEL-VERICEL de la SCP JAUBOURG-GOUNEL, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

INTIMÉ

DÉBATS :

Après avoir entendu en application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, à l’audience publique du 7 mai 2015, sans opposition de leur part, les avocats des parties, M. Riffaud, magistrat chargé du rapport, en a rendu compte à la Cour dans son délibéré et à l’audience publique de ce jour, indiquée par le magistrat rapporteur, l’arrêt dont la teneur suit a été prononcé publiquement conformément aux dispositions de l’article 452 du code de procédure civile :

FAITS – PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Monsieur C-D X, médecin, a acquis, une automobile de marque RENAULT modèle Velsatis 2.0 Turbo, fonctionnant à l’essence, le 16 avril 2002.

Après en avoir confié l’entretien au concessionnaire de la marque, il a chargé la SARL GARAGE DE L’OBSERVATOIRE, ci-après dénommée le garagiste, agent RENAULT, de ces opérations à compter du 17 février 2006.

Le 16 juillet 2008, le moteur a présenté une grave avarie qui a entraîné sa destruction.

Il avait alors parcouru 80 296 kilomètres.

Le constructeur et le garagiste refusant de prendre en charge la réparation, une expertise amiable a été réalisé par Monsieur Z, technicien désigné par sa compagnie d’assurance.

Dans une note du 7 mai 2010, ce technicien a estimé que la destruction du moteur avait été causée par l’utilisation d’une huile incompatible avec les caractéristiques du moteur et différente de celle prescrite impérativement par le constructeur, ce qui avait altéré le graissage par transformation de l’huile en boue et obstruction des canalisations.

Le cabinet BCA EXPERTISES, mandaté par l’assurance de la partie adverse, écartait, quant à lui, tout problème au niveau du lubrifiant employé.

Les parties n’ayant pu parvenir à un accord, Monsieur X a fait assigner le garagiste devant le tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand pour obtenir une indemnité égale au coût des réparations (10 048,86 €), le remboursement de divers frais et la réparation du préjudice causé par la privation de son automobile.

Le 6 juillet 2011, le tribunal a ordonné une expertise confiée à Monsieur Y. A la demande de ce technicien, la S.A. RENAULT a été appelée à la procédure.

Dans son rapport, déposé le 2 juillet 2012, l’expert judiciaire, qui a constaté la présence d’huile coquéfiée, a estimé que l’huile non conforme aux préconisations du constructeur avait provoqué seulement une aggravation ou une accélération des désordres et que le sinistre résultait surtout d’un manque d’huile, de l’échauffement de l’huile et de sa transformation en une solution pâteuse qui a bouché les conduits du turbo et en a provoqué la casse.

Il a précisé que sur ce type de véhicule l’entretien est prévu tous les 30 000 kilomètres, sauf en cas d’utilisation sévère, entre autres une utilisation en ville, ce qui était le cas de cette automobile.

Il a constaté que l’entretien avait été pratiqué le 3 novembre 2004, à 31 546 kilomètres chez le concessionnaire ESPACE AUTOMOBILES D’AUVERGNE et le 15 novembre 2006 à 61 314 kilomètres chez le garagiste et qu’à cette occasion ce dernier avait mis une huile 10 W 40 non conforme.

Il a précisé que le 17 mars 2006 à XXX, le garagiste avait précédemment rajouté deux litres d’huile 10 w 40 et a spécifié que l’automobile ne présentait pas une surconsommation d’huile au regard des spécifications du constructeur (0,5 l/1000 km).

Après démontage, il a observé que le tuyau d’alimentation en huile du turbocompresseur était obturé et que l’intérieur de cette pièce était encrassé par des imbrûlés.

Il a estimé que lorsque le garagiste avait remis 2 litres d’huile, le mal était déjà fait, le niveau d’huile se trouvant en-dessous du minimum, le moteur ayant obligatoirement chauffé ce qui provoque une dénaturation et une pollution du lubrifiant qui se transforme en une solution pâteuse.

Par jugement du 21 août 2013, le tribunal a rejeté l’intégralité des demandes de Monsieur X et l’a condamné aux dépens en ce compris les frais d’expertise.

Suivant déclaration enregistrée au greffe de la cour le 30 septembre 2013, Monsieur X a relevé appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières écritures enregistrées le 9 mai 2014 il demande à la cour de réformer le premier jugement et au visa des articles 1147 et 1315 du Code civil, par application de la présomption de faute et de causalité pesant sur le garagiste réparateur et après n’avoir que partiellement homologué les conclusions de l’expert judiciaire de :

— dire que le garagiste a failli à son obligation de résultat et à son devoir de conseil et en ses prestations pour l’entretien du véhicule dont il avait la charge ;

— de le condamner à lui payer, en réparation de son préjudice et avec intérêts au taux légal :

* la somme de 7 000,00 euros au titre de valeur vénale du véhicule hors service ;

* la somme de 5 000,00 euros en réparation des préjudices annexes ;

Il demande encore que le garagiste soit condamné aux dépens comprenant les frais d’expertise judiciaire, dont distraction au bénéfice de Maître LACOUR, avocat, et à lui payer une indemnité de 3 000,00 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

Il fait observer que la qualité de l’huile joue un rôle important dans sa dégradation et qu’il ne faut pas transgresser le cahier des charges du constructeur.

Il estime que le sinistre a été provoqué par la mauvaise qualité de l’huile majorée par son niveau insuffisant ce qui, en toute hypothèse, implique des fautes d’entretien imputables au garagiste.

Il fait encore remarquer, que le garagiste s’est trouvé en possession du véhicule à 10 reprises avant la casse du moteur et qu’il ne s’est guère soucié du niveau d’huile à l’occasion de ses interventions.

Aux termes de ses dernières écritures enregistrées le 16 janvier 2014, la SARL GARAGE DE L’OBSERVATOIRE conclut à la confirmation du jugement querellé.

Elle demande à la cour de :

— dire qu’elle n’a pas failli à son obligation de résultat et à son devoir de conseil ;

— en cas de partage de responsabilité :

* de dire que se portage s’opérerait à hauteur de 50 % de la valeur vénale du véhicule soit 3 500,00 euros ;

* de rejeter tout autre demande autre que celle formulée au titre de cette valeur vénale ;

— en toute hypothèse, de condamner Monsieur X aux entiers dépens, en ce compris les frais d’expertise, dont distraction au bénéfice de la SCP JAUBOURG-GOUNEL, avocat et à lui payer une indemnité de 3 000,00 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Elle fait remarquer qu’aucune faute ne peut lui être reprochée dans la mesure où la surchauffe du moteur s’était déjà produite avant son intervention et Monsieur X a lui-même contribué à l’avarie en s’abstenant de vérifier le niveau d’huile de son moteur.

Il est renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leur arguementation.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 24 mai 2014.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Le garagiste réparateur est tenu à l’égard de son client d’une obligation de résultat en ce qui concerne la réparation qui lui est confiée, mais également d’une obligation générale de conseil afférente au véhicule sur lequel il est chargé d’intervenir.

En l’espèce, le tribunal, reprenant les conclusions de l’expert judiciaire, a rejeté l’action en responsabilité dirigée par Monsieur X à l’encontre du garagiste au motif que l’avarie du véhicule n’était pas due à un défaut d’entretien mais à l’utilisation du moteur avec un niveau d’huile trop faible qui avait provoqué l’échauffement de celle-ci et sa transformation en une solution pâteuse ayant encrassé totalement le moteur et bouché les conduits de lubrification du turbocompresseur au point d’entraîner sa casse.

Le premier juge a également retenu les constatations du technicien en ce que l’automobile présentait une consommation normale d’huile et que l’emploi de l’huile 10 W 40 au lieu et place de l’huile 5 W 40 préconisée par le constructeur n’avait pas été un facteur déclenchant du sinistre mais tout au plus une cause d’aggravation des dommages, de sorte que si le garagiste avait effectivement commis une faute en n’utilisant pas l’huile préconisée par le constructeur, cette faute était dépourvue de lien de causalité avec les dommages survenus.

L’historique des interventions du garagiste, retracé à l’occasion des opérations d’expertise, montre que le véhicule – dont le turbocompresseur avait été remplacé et qui avait été vidangé à 31 546 kilomètres le 3 novembre 2004 à la concession – a été pris en charge pour la première fois par LE GARAGE DE L’OBSERVATOIRE le 17 février 2006 à 48 969 kilomètres pour procéder au remplacement d’une lampe de phare.

Le 17 mars 2006, il a été de nouveau pris en charge par ce même garage à XXX pour un remplacement des rotules de suspension et un remplacement des plaquettes de freins. A cette occasion, le garagiste qui a constaté l’insuffisance du niveau d’huile, en a rajouté 2 litres alors que l’automobile avait parcouru 18 647 kilomètres depuis la précédente vidange.

Il apparaît que le véhicule est ensuite passé dans son atelier :

— le 15 novembre 2006 à 61 314 kilomètres pour une révision comportant une vidange et un remplacement du filtre à huile (soit 29 768 km après la précédente vidange) ;

— le 19 décembre 2006 à 62 267 kilomètres pour le remplacement de deux pneumatiques,

— le 25 septembre 2007 à XXX pour un contrôle du calculateur avec outil de diagnostic et, partant, pour une recherche d’un dysfonctionnement du moteur (soit 13 482 kilomètres après la vidange) ;

— le 8 octobre 2007, à 75 049 kilomètres pour une recharge et l’entretien de la climatisation (soit 13 735 kilomètres après la vidange) ;

— le 29 mai 2008, à 79 995 kilomètres pour un remplacement de la pompe à eau (soit 18 681 kilomètres après la vidange) ;

— le 16 juillet 2008, à 80 045 kilomètres (soit 18 731 kilomètres après la vidange) pour un contrôle du calculateur avec remplacement d’une sonde à oxygène, soit de nouveau pour un dysfonctionnement du moteur, sa première intervention du 25 septembre 2007 n’ayant pas permis de remédier au manque de puissance qui était signalé par son client.

Le véhicule avait parcouru 251 kilomètres de plus (au total 80 296 kilomètres) lorsque la panne est survenue.

La note établie par le technicien désigné par la compagnie d’assurance de Monsieur X montre que lorsqu’il a été procédé à l’examen du moteur après la panne, le niveau d’huile était inférieur à la normale.

L’historique des interventions du garagiste et de leur nature, montre qu’il n’a pas respecté les préconisations du constructeur en ce qui concerne non seulement la viscosité du lubrifiant 10 W 40 au lieu de 5 W 40, mais encore, qu’ayant pu constater que le moteur consommait de l’huile et que son client en faisant une utilisation importante en ville, de ne pas lui avoir conseillé de rapprocher les vidanges, préconisées par le constructeur à 20 000 kilomètres au lieu de 30 000 kilomètres en cas d’utilisation intensive.

Par ailleurs, alors même qu’il existait des signes avant-coureurs de la panne, force est de constater qu’il n’a pas su déceler l’origine du dysfonctionnement (manque de puissance) qui lui était signalé par Monsieur X et qui, si l’on retient le processus de dégradation du moteur proposé par l’expert judiciaire, était déjà imputable à un fonctionnement avec un niveau d’huile insuffisant et à la dégradation du lubrifiant.

Le garagiste, chargé de l’entretien du véhicule, n’est susceptible de s’exonérer de sa responsabilité que s’il est démontré que les manquements qui viennent d’être énoncés sont sans relation avec l’avarie qui a provoqué la destruction du moteur.

L’expert judiciaire a estimé que tel était le cas, considérant que le moteur avait été utilisé avec un niveau d’huile trop faible et qu’il appartenait à Monsieur X d’en vérifier régulièrement le niveau ce qu’il s’abstenait de faire. Il a ajouté que le fait de ramener les vidanges à 20 000 kilomètres aurait été sans incidence 'puisque le véhicule consommait de l’huile et que le niveau n’était pas vérifié'…

Les constatations qui ont été opérées montre qu’effectivement le véhicule avait consommé 2 litres d’huile avant d’avoir parcouru 20 000 kilomètres pour une contenance du moteur de 5,5 litres ce qui ne constitue pas une consommation anormale selon le constructeur dès lors qu’elle n’avait pas dépassé 0,5 litre aux 1000 kilomètres. Il restait donc environ 3,5 litres d’huile lorsque le garagiste est intervenu la première fois pour en compléter le niveau.

Il ne peut être retenu que le garagiste – qui a reçu l’automobile en atelier pour de fréquentes interventions mécaniques, à l’occasion desquelles il devait d’autant plus contrôler le niveau d’huile et sa qualité qu’il en avait déjà refait le complément entre deux vidanges et que l’historique du véhicule montrait un remplacement du turbocompresseur – serait exonéré de son obligation de résultat en tenant pour acquis le processus de dégradation du lubrifiant retenu par l’expert.

En effet, contrairement à ce qui a été retenu par le technicien et le tribunal, il ne peut être déterminé que le moteur – qui a parcouru environ 30 000 kilomètres entre l’ajout d’huile et l’ultime panne – était irrémédiablement dégradé et sans aucune possibilité de réparation, en particulier du circuit de lubrification, lorsque le GARAGE DE L’OBSERVATOIRE a été chargé de son entretien régulier.

Il s’ensuit que la décision du premier juge sera infirmée et le garagiste devra supporter l’indemnisation du préjudice subi par son client qui est constitué, l’automobile n’étant pas économiquement réparable, par la perte de sa valeur vénale estimée à 7 000,00 euros.

Le surplus des demandes de Monsieur X, dépourvues de relations directes avec le sinistre, sera rejeté.

Le GARAGE DE L’OBSERVATOIRE supportera les dépens, en ce compris les frais d’expertise judiciaire et devra payer à Monsieur C-D X la somme de deux mille euros (2 000,00 €) au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Infirme le jugement déféré,

Condamne la SARL GARAGE DE L’OBSERVATOIRE à payer à Monsieur C-D X la somme de sept mille euros (7 000,00 €) en réparation de son préjudice ;

Déboute Monsieur C-D X du surplus de ses demandes ;

Condamne la SARL GARAGE DE L’OBSERVATOIRE aux dépens, en ce compris les frais d’expertise judiciaire et à payer à Monsieur C-D X la somme de deux mille euros (2 000,00 €) au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Accorde le bénéfice des dispositions de l’article 699 du même code à Maître LACOUR, avocat.

Le greffier, Le président,

C. Ceschin S. Tamalet

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