Cour d'appel de Riom, Chambre sociale, 20 octobre 2020, n° 19/01354

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Riom, ch. soc., 20 oct. 2020, n° 19/01354
Juridiction : Cour d'appel de Riom
Numéro(s) : 19/01354
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

20 octobre 2020

Arrêt n°

CV / EB / NS

Dossier N° RG 19/01354 – N° Portalis DBVU-V-B7D-FHZY

ASSOCIATION ADAPEI DU PUY DE DÔME

/

Z X Y

Arrêt rendu ce VINGT OCTOBRE DEUX MILLE VINGT par la QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d’Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :

M. Christophe RUIN, Président

Mme Diane AMACKER, Conseiller

Madame Claude VICARD, Conseiller

En présence de Mme Erika BOUDIER greffier lors des débats et du prononcé

ENTRE :

ASSOCIATION ADAPEI DU PUY DE DÔME

[…]

[…]

Représentant constitué : Me Barbara GUTTON PERRIN de la SELARL LEXAVOUE, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

ayant pour avocat Me Sandra MAGNAUDEIX, de la SELAS BARTHÉLÉMY, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

APPELANTE

ET :

Mme Z X Y

[…]

[…]

Représentée par M. Cédric TABORDA, défenseur syndical ouvrier

INTIMÉE

Après avoir entendu les représentants des parties à l’audience publique du 14 Septembre 2020, la Cour a mis l’affaire en délibéré, Monsieur le Président ayant indiqué aux parties que l’arrêt serait prononcé, ce jour, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l’article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

L’Association Départementale d’Amis, de Parents et de Personnes Handicapées Mentales du Puy-de-Dôme, ci- après dénommée ADAPEI 63, est une association créée en 1959, dont la vocation est de défendre les intérêts des personnes handicapées et de leurs familles.

Employant plus de 300 salariés au sein de 67 établissements, elle fait application de la Convention collective nationale de travail des Etablissements et Services pour Personnes Inadaptées et Handicapées du 15 mars 1966.

Elle applique également un accord d’aménagement du temps de travail signé le 28 juin 1999, modifié par deux avenants en date des 16 décembre 1999 et 11 juillet 2000.

Par requête en date du 15 avril 2019, Madame Z X Y, salariée de l’association, a saisi la formation de référé du conseil de prud’hommes de Clermont-Ferrand pour faire cesser le trouble manifestement illicite résultant de la suppression d’un usage sans respect par l’employeur des règles de dénonciation, et aux fins d’obtenir la remise en vigueur de cet usage, la régularisation rétroactive de sa situation ainsi que l’octroi d’une provision sur dommages et intérêts.

Au soutien de sa requête, elle expliquait que depuis le mois de juin 2000, les salariés absents pour maladie bénéficiaient d’un décompte de leur jours d’arrêt au planning réel sur le cycle de travail et pour un maximum d’un mois. En cas de prolongation de l’arrêt maladie à l’issue de ce délai, une comptabilisation à 7 heures par jour à raison de 35 heures par semaine prenait le relais.

Elle reprochait à l’employeur d’avoir unilatéralement modifié, depuis le 1er juin 2018, ces modalités avantageuses de calcul des jours d’arrêt maladie, en ce qu’elles évitaient de rendre le salarié débiteur d’heures à l’égard de l’employeur à son retour, pour désormais les décompter à hauteur de 7 heures dès le premier jour d’arrêt de travail.

Elle faisait valoir que cette modification des modalités de décompte des jours d’arrêt maladie, opérée sans respect de la procédure de dénonciation, constituait la suppression illicite d’un usage.

Par ordonnance de référé en date du 25 juin 2019, le conseil de prud’hommes de Clermont-Ferrand a :

— dit qu’il y avait lieu à référé ;

— jugé recevable et bien fondée la demande de Mme X Y ;

— constaté l’absence de respect de la procédure de dénonciation de l’usage applicable à cette dernière ;

— jugé que l’usage non régulièrement dénoncé demeure en vigueur au sein de l’association ADAPEI 63 ;

— ordonné à l’employeur de régulariser la situation de la demanderesse à compter du 1er juin 2018 conformément à l’usage en vigueur ;

— condamné l’association ADAPEI 63 à lui payer la somme de 50 euros à titre de provision sur dommages et intérêts pour absence de dénonciation d’un usage;

— condamné l’association ADAPEI 63 à lui payer la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

— débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

— condamné la partie défenderesse aux entiers dépens.

Par déclaration en date du 3 juillet 2019, l’association ADAPEI 63 a interjeté appel de cette décision notifiée le 25 juin 2019.

Par ordonnance d’incident du 3 décembre 2019, le président de la chambre sociale de la cour d’appel de Riom, saisi par Madame X Y d’une demande d’irrecevabilité de l’appel, a :

— déclaré sa demande irrecevable,

— l’a condamnée aux éventuels dépens de la présente procédure sur incident.

Vu les conclusions notifiées à la cour le 7 janvier 2020 par l’ADAPEI 63,

Vu les conclusions notifiées à la cour le 5 août 2019 par Madame Z X Y,

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières écritures, l’ADAPEI 63 conclut à la réformation de l’ordonnance déférée en toutes ses dispositions, au débouté de la requérante en toutes ses prétentions ainsi qu’à sa condamnation à lui payer la somme de 300 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et ce, en sus de la charge des entiers dépens.

L’appelante soulève en premier lieu l’incompétence de la formation de référé pour octroyer des provisions sur salaire et/ ou de dommages et intérêts dès lors que pour ce faire, elle doit se prononcer sur le fond et prendre parti sur la réalité et la modification de l’usage invoqué.

Sur le fond, elle conteste l’existence de l’usage invoqué, en faisant valoir que les modalités de décompte des arrêts maladies varient selon les établissements, parfois d’un salarié à un autre au sein d’un même établissement, sans que ces variations ne découlent de l’application d’une règle préétablie et déterminée ; que les modalités de calcul des arrêts maladies ne présentent donc aucun caractère général, fixe et constant permettant de les qualifier d’usage.

Elle soutient en outre que l’intimée n’est pas en mesure d’indiquer précisément ce qui aurait été modifié dans le décompte des arrêts maladie.

Dans ses dernières écritures, Madame Z X Y conclut à la confirmation de l’ordonnance déférée en toutes ses dispositions et demande à la cour de :

— juger qu’il y a lieu à référé,

— juger qu’elle est recevable et bien fondée en ses demandes,

— débouter l’association ADAPEI 63 de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

— condamner cette dernière à lui payer la somme de 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, en sus des entiers dépens.

L’intimée soutient au visa des articles R. 1455-5 et R. 1455-6 du code du travail que la suppression unilatérale par l’employeur d’un usage acquis sans dénonciation régulière, constitue un trouble manifestement illicite que le juge des référés est fondé à faire cesser, nonobstant l’existence d’une contestation sérieuse.

Elle fait ensuite valoir que les nouvelles modalités de décompte des arrêts maladie rendent les salariés redevables d’heures de travail à l’égard de leur employeur et leur font perdre un avantage acquis ; que l’employeur a reconnu à plusieurs reprises lors de réunions des institutions représentatives du personnel, l’existence de l’usage revendiqué et son absence de dénonciation ; qu’il a malgré tout modifié cet usage à compter de juin 2018, sans respecter la procédure de dénonciation ; que l’absence de dénonciation régulière de l’usage rend sa modification inopposable aux salariés et justifie l’octroi d’une provision sur dommages et intérêts.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

L’affaire a été fixée à l’audience du 14 septembre 2020 en application des dispositions de l’article 905 du code de procédure civile.

MOTIFS :

1°- Sur la compétence de la formation de référé du conseil de prud’hommes :

Aux termes de l’article R. 1455-6 du code du travail, 'la formation de référé peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent pour prévenir un dommage imminent ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite'.

Il s’ensuit que l’existence d’une contestation sérieuse ne fait pas obstacle au pouvoir du juge des référés de faire cesser le trouble manifestement illicite : celui- ci est dès lors tenu de trancher la contestation, même sérieuse, pour se prononcer sur l’existence du trouble manifestement illicite.

La cour de cassation juge régulièrement que seule la violation évidente de la règle de droit constitue un tel trouble.

En l’espèce, la vérification de l’existence du trouble manifestement illicite invoqué, qui résulterait de la suppression irrégulière d’un usage, nécessite de se prononcer préalablement sur la réalité de celui- ci, étant rappelé que les ordonnances de référé sont dépourvues d’autorité de chose jugée au principal.

Aussi, s’agissant de l’existence de l’usage invoqué , il convient tout d’abord de relever que dans une note de service affichée dans tous ses établissements, établie le 1er mars 2001 pour clarifier la mise en place des 35 heures, l’ADAPEI 63 a défini les modalités de calcul des jours d’arrêt maladie comme suit :

'' Un jour de maladie correspond au nombre d’heures inscrit au planning. Il correspondra à 7 heures uniquement si la programmation n’est pas possible (ex: maladie durant congés payés annuels). Au retour du salarié, celui- ci n’a pas d’heures à rendre à l’employeur du fait de sa maladie et inversement.

' Le temps de congé maladie ne génère pas de RTT.

' En cas de maladie sur un jour RTT acquis précédemment, ce jour est dû.

' Dans le cadre de l’aménagement (1/ 2 journée par semaine ou 1 journée par quinzaine), les jours de repos accordés ne sont pas des jours RTT. Que la maladie tombe ou non sur ces jours ou ces 1/ 2 journées là, rien n’est dû par le salarié ou par l’employeur'.

Dans une directive de la direction des ressources humaines en date du 10 février 2015, de nouveau diffusée dans tous ses établissements, l’ADAPEI 63 rappelle que 'les absences pour maladie ne pouvant faire l’objet d’une récupération, il en résulte une baisse du temps de travail à effectuer dans l’année. (…) Si le salarié se trouve malade pendant une semaine où il devait travailler 40 heures, le nouveau temps de travail annuel se trouve réduit de 40 heures (…).' (Fiche n° 7 paragraphe 7-2-2).

Mme X- Y produit aux débats une partie des plannings de plusieurs établissements sur une période comprise entre juillet 2012 et juin 2018 démontrant que les arrêts maladie des salariés sont, conformément à la note de service et directive sus- rappelées, décomptés au planning réel et non sur une base hebdomadaire de 35 heures.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments qu’une pratique avantageuse de décompte des arrêts maladie au planning réel, évitant de rendre les salariés débiteurs d’heures à leur retour, s’est instaurée et poursuivie de manière continue depuis 2001.

L’employeur soutient que les modalités de calcul des arrêts maladie varient d’un établissement à un autre, parfois d’un salarié à un autre au sein d’un même établissement, sans que ces variations ne découlent de l’application d’une règle préétablie et déterminée

Il ne produit toutefois, hormis les déclarations de son directeur des ressources humaines lors de réunions plénières du comité d’entreprise, aucun élément tangible étayant ces assertions.

Les plannings de l’établissement 'La Roussille’ qu’il produit aux débats, faisant apparaître que les heures d’absence de huit salariés arrêtés pour maladie au cours du mois de septembre 2017 ont été, à l’exception d’un seul, décomptées au planning réel, confirment au contraire ces modalités de calcul.

Le cas unique et ponctuel d’une salariée, qui ne s’est d’ailleurs vue décompter aucune heure d’absence pour son arrêt maladie, ne saurait en effet suffire à démontrer l’absence de généralité, de constance et de fixité de ces modalités de décompte qui s’apparentent, sinon à un usage d’entreprise, à tout le moins à un engagement unilatéral de l’employeur soumis aux règles de dénonciation.

Ce dernier a d’ailleurs admis sa soumission à ces règles en déclarant à plusieurs reprises, lors des réunions plénières du comité d’entreprise des 27 novembre 2018 et 29 janvier 2019, que les pratiques, bien que variant selon lui entre les établissements, 'perdurent tant qu’elles ne sont pas dénoncées'.

Or, il n’est pas contestable ni d’ailleurs contesté qu’à compter du mois de juin 2018, l’ADAPEI 63 a modifié, sans respect des règles de dénonciation, les modalités de calcul des arrêts maladie, pour désormais les décompter à hauteur de 7 heures dès le premier jour d’arrêt de travail.

Cette modification, sans dénonciation régulière de la pratique avantageuse jusqu’alors mise en oeuvre, caractérise une violation évidente de la règle de droit constitutive d’un trouble manifestement illicite.

En jugeant qu’il appartenait au juge des référés de faire cesser, même en présence d’une contestation sérieuse, l’existence d’un tel trouble, le conseil de prud’hommes de Clermont- Ferrand n’a pas méconnu l’étendue de ses pouvoirs et a retenu, à bon droit, sa compétence.

La décision déférée sera donc confirmée sur ce point.

2°- Sur la cessation du trouble manifestement illicite :

L’employeur doit maintenir l’avantage octroyé en vertu d’un usage ou d’un engagement unilatéral tant qu’il n’a pas été régulièrement dénoncé, ce qui suppose l’information individuelle de chaque salarié concerné, l’information des institutions représentatives du personnel et le respect d’un délai de prévenance suffisant.

Faute d’une dénonciation régulière, l’usage ou l’engagement unilatéral demeure en vigueur et sa modification n’est pas opposable aux salariés qui peuvent prétendre à des dommages et intérêts.

En l’espèce, il n’est pas démontré ni même soutenu que la modification des modalités de calcul des arrêts maladie ait fait l’objet d’une quelconque information préalable des salariés et des institutions représentatives du personnel.

Le conseil de prud’hommes, ayant relevé cette absence de dénonciation régulière, a à bon droit décidé que la modification des modalités de calcul des arrêts maladie n’était pas opposable aux salariés et ordonné à l’employeur de régulariser la situation de chacun d’eux à compter du 1er juin 2018, conformément à la pratique antérieure demeurée en vigueur.

La cour estime par ailleurs que le conseil de prud’hommes a fait une juste appréciation du préjudice résultant de la suppression del’usage en allouant à chacun des salariés une somme de 50 euros à titre de provision sur dommages et intérêts.

Le jugement déféré sera donc également confirmé sur ces points.

3°- Sur les frais et dépens :

Les dispositions du jugement de première instance quant aux frais irrépétibles et dépens seront confirmées.

L’ADAPEI 63, partie qui succombe au sens de l’article 696 du code de procédure civile, sera déboutée de sa demande en indemnisation de ses frais irrépétibles et condamnée à payer à Mme

Z X Y la somme de 500 euros surle fondement des dispositions de l’article 700 du code précité et ce, en sus de la charge des entiers dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, en référé, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

— Confirme l’ordonnance déférée en toutes ses dispositions ;

— Y ajoutant, condamne l’ADAPEI 63 à payer à Mme Z X Y la somme de 500 euros (cinq cents euros) sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

— Condamne l’ADAPEI 63 aux entiers dépens d’appel ;

— Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Le greffier, Le président,

E. BOUDIER C. RUIN

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