Cour d'appel de Rouen, Chambre de la proximité, 19 avril 2012, n° 11/04033

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Rouen, ch. de la proximité, 19 avr. 2012, n° 11/04033
Juridiction : Cour d'appel de Rouen
Numéro(s) : 11/04033
Décision précédente : Tribunal de grande instance d'Évreux, JEX, 9 août 2011
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Texte intégral

R.G : 11/04033

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE DE LA PROXIMITÉ

ARRET DU 19 AVRIL 2012

DÉCISION DÉFÉRÉE :

Jugement du JUGE DE L’EXECUTION D’EVREUX du 10 Août 2011

APPELANTE :

XXX

XXX

XXX

Représentée pa la SCP COLIN VOINCHET RADIGUET ENAULT, avoués près la Cour,

puis Me Yannick ENAULT, avocat au barreau de ROUEN, avocat postulant et Me Sébastien CAP, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

INTIMEE :

SARL SORELIS

XXX

XXX

Représentée par la SCP DUVAL BART

puis assistée de Me Céline BART, avocat au barreau de ROUEN, avocat postulant et

Me Nathalie PEYRON, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 910 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 12 Mars 2012 sans opposition des avocats devant Madame PLANCHON, Président, rapporteur, en présence de Madame AUBLIN-MICHEL, Conseiller, a été entendue en son rapport oral de la procédure avant plaidoiries

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame PLANCHON, Président

Madame PRUDHOMME, Conseiller

Madame AUBLIN-MICHEL, Conseiller

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme LOUE-NAZE, Greffier

DEBATS :

A l’audience publique du 12 Mars 2012, où l’affaire a été mise en délibéré au 19 Avril 2012

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 19 Avril 2012, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame PLANCHON, Président et par Mme NOEL-DAZY, Greffier présent à cette audience.

*

* *

FAITS ET PROCEDURE

La société BLOC SYSTEME EQUIPEMENT X s’est vu confier des travaux de rénovation au sein de la clinique XXX à XXX.

Suivant bons de commande en date des 9 et 16/07/2010 cette dernière a sous traité à la société SORELIS la réfection totale de la chaufferie pour un montant de 140.000 euros HT, et la réfection partielle de la climatisation de deux blocs opératoires pour un montant de 105.333 euros HT.

La société X a versé un acompte de 30% d’un montant de 83510,70 € le 12/08/2010.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 29/10/2010 la société SORELIS a mis la société X en demeure de régler le solde de ses factures.

Par ordonnance du 8 mars 2011 le Juge de l’exécution du Tribunal de grande instance d’Evreux a autorisé la société SORELIS à diligenter une saisie-conservatoire sur le compte bancaire de la société X pour un montant de 180.652,07 euros.

Par acte d’huissier du 7/04/2011 la société SORELIS a fait pratiquer une saisie conservatoire entre les mains de la CRCA de Magny En Vexin au préjudice de la société X pour obtenir paiement de la somme de 180207,30 €.

La saisie a immobilisé la somme de 136972,52 € dont le compte était créditeur.

Par acte d’huissier du 10/05/2011 la société X a fait assigner la société SORELIS devant le Juge de l’exécution d’Evreux aux fins de voir ordonner la mainlevée de la saisie en ce que la créance de 180.207,30 euros n’est pas fondée en son principe, et en ce qu’il n’y a pas de circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement .

Par jugement en date du 10 août 2011 le Juge de l’exécution près le Tribunal de grande instance d’Evreux a:

— Validé la saisie-conservatoire du 8 mars 2011 pour un montant de 100.000 euros,

— Débouté les parties de toute autre demande,

— Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du Code de procédure civile,

— Condamné la société X aux dépens.

La Cour d’appel a été saisie selon déclaration de la société X en date du 17 août 2011.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 15 novembre 2011 et expressément visées, la société X demande à la Cour de:

— infirmer le jugement du 10 août 2011,

— ordonner la mainlevée totale de la saisie conservatoire,

— condamner la société SORELIS à lui payer la somme de 5.095 euros en réparation des préjudices que la saisie lui a causés,

— condamner la société SORELIS à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

— condamner la société SORELIS aux entiers dépens de première instance et d’appel qui seront recouvrés en vertu des dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.

Au soutien de son appel, X fait valoir que:

La créance de 180.207,30 euros en principal n’est pas fondée en son principe;

La société SORELIS a gravement manqué à ses obligations contractuelles dès lors que les travaux qui lui avaient été confiés ont été exécutés très partiellement, avec d’importants dysfonctionnements et de nombreux retards;

La société SORELIS a caché, à l’occasion de sa requête aux fins de saisie, l’existence même de ces difficultés dont elle avait pourtant parfaitement connaissance;

Elle produit aux débats des mails adressés à la société SORELIS constatant le retard dans la réalisation des travaux ainsi que plusieurs constats d’huissier;

Les nombreux dysfonctionnements et retards remettent en cause la créance dont la société SORELIS se prévaut; La clinique CCBB a ré-ouvert ses portes le 1er septembre 2010; A cette date, les travaux de rénovation de la chaufferie et de la climatisation des blocs opératoires étaient loin d’être terminés;

Elle n’a eu d’autre choix, compte tenu du contexte, que de rompre ses accords avec la société SORELIS afin de missionner en urgence d’autres entreprises pour reprendre les malfaçons et terminer les travaux; La résiliation se justifie par l’urgence et la gravité des manquements et inexécutions de la société SORELIS;

La société SORELIS ne peut soutenir que 90% des travaux auraient été accomplis; En effet, les travaux effectués par les nouveaux prestataires représentent un coût total de 151.397 euros (108.116 euros plus 43.281 euros); La totalité du chantier confié à SORELIS n’était donc achevée qu’à hauteur de 41% lorsqu’elle s’est vue retirer le chantier;

De plus, la société SORELIS soutient à tort que le recouvrement de sa créance serait menacé par le retard de paiement de l’acompte de 83.510,70 euros dont le règlement n’est pas contesté, alors qu’elle oppose en sa qualité d’entrepreneur principal, un refus de paiement du solde des factures consécutif à la résiliation des marchés de travaux;

Son activité comme le niveau de sa situation financière permettent de comprendre que le recouvrement de la créance n’était manifestement pas menacé;

La société X sollicite enfin l’octroi d’une indemnité de 5.095 euros en réparation des préjudices que lui a causés la saisie-conservatoire pratiquée le 7 avril 2011, en application de l’article 1382 du Code civil.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 9 février 2012 et expressément visées, la société SORELIS demande à la Cour de:

— constater que sa créance est fondée en son principe,

— constater qu’elle justifie de circonstances en menaçant le recouvrement,

— constater qu’elle n’a pas commis de faute au sens de l’article 1382 du Code civil en sollicitant une saisie-conservatoire,

— confirmer le jugement du 10 août 2011 en ce qu’il a validé la mesure de saisie-conservatoire,

— rejeter la demande de mainlevée de X ainsi que sa demande de condamnation de 5.095 euros à titre de dommages-intérêts,

— constater que le Juge de l’exécution n’a pas motivé sa décision de porter la saisie-conservatoire à la somme de 100.000 euros,

— constater qu’aucun élément en l’espèce ne justifie que la saisie soit ramenée à la somme de 100.000 euros,

— infirmer le jugement du 10 août 2011 en ce qu’il a diminué le quantum de la saisie-conservatoire la somme 100.000 euros,

— autoriser la mesure de saisie conservatoire à hauteur de 180.207,30 euros,

— condamner la société X au paiement d’une somme de 10.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,

— la condamner aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître PEYRON, conformément à l’article 699 du Code de procédure civile.

La société SORELIS expose que:

Elle a fait établir l’état d’avancement de ses travaux par deux constats d’huissier; Il ressort de ces constats que les travaux confiés à SORELIS étaient au jour de leur établissement réalisés à 90%;

Sa créance est fondée dans son principe;

Concernant les délais contractuels, s’agissant de la chaufferie, elle ne s’est pas engagée à achever les travaux de chaufferie le 20 août 2011; S’agissant de la climatisation, la société X avait accepté un report dans l’achèvement des travaux au 10 septembre 2010 de façon expresse dans un mail du 3 août 2010; elle ne peut le remettre en cause aujourd’hui;

Les mails et constats d’huissier versés aux débats par X sont des éléments subjectifs, incomplets et pas toujours exacts;

Les dysfonctionnements allégués par X ne sont pas démontrés et ne peuvent remettre en cause le bien fondé de la créance et donc de la saisie;

De plus, la rupture des relations contractuelles à l’initiative de X est totalement abusive; Cette résiliation est intervenue alors que le délai contractuel recalé n’était pas expiré, sans lui laisser la possibilité de procéder aux réglages, reprises, tests nécessaires en fin de travaux pour s’assurer du bon fonctionnement des équipements mis en oeuvre;

La société X a refusé de régler les sommes dues, ce qui constitue une circonstance susceptible de menacer le recouvrement de sa créance;

Le préjudice et le lien de causalité ne sont pas établis; X ne prouve pas l’existence d’un préjudice sur le fondement de l’article 1382 du Code civil.

La société SORELIS demande enfin à la Cour d’infirmer le jugement s’agissant de la somme saisie (100.000 euros), qui ne correspond à aucune des factures qu’elle a émises et d’autoriser la saisie à hauteur de 180.207,30 euros correspondant à sa créance; d’ailleurs la société X n’avait pas sollicité que la saisie soit ramenée à 100.000 euros.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 24 février 2012.

SUR CE,

Sur la demande de main levée de la saisie conservatoire

L’article 67 de la loi du 9/07/1991 dispose que toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l’autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement;

Il est constant que le marché portant sur la réfection de la chaufferie était conclu pour la somme de 140000 € HT et celui portant sur la réfection de la climatisation des blocs opératoires pour la somme de 105333 € HT;

En l’espèce il résulte tant du bon de commande n°610 en date du 9/07/2010 signé par les parties que des contrats de sous traitance n°924 et 931 en date des 9 et 16/07/2010 que la fin des travaux était prévue le 20/08/2010;

L’examen des pièces versées aux débats révèle que ce délai contractuel impératif n’a pas été respecté par la société SORELIS, qui a mis la société X dans une situation très inconfortable à l’égard de la clinique maître de l’ouvrage; que contrairement aux allégations de l’intimée, la société X n’a nullement donné son accord à une prorogation des délais au 8 et 10/09/2010 qu’elle s’est vue imposer par sa cocontractante, et dont elle lui a seulement donné acte( mail X 3/08/2010);

Elle verse notamment quatre procès- verbaux de constat d’huissier en date des 19/08, 25/08 14 et 15/09/2010 dont il résulte qu’au 25/08/2010 les travaux n’étaient pas finis et que la chaudière ne fonctionnait pas;

La société X démontre par l’ensemble des mails et courriers adressés au sous traitant que la société SORELIS n’a pas exécuté correctement ses prestations; qu’en particulier une importante fuite de fuel dans la chaufferie était à déplorer non sans conséquences sur la sécurité des personnes; qu’elle s’abstenait de nettoyer les gravats du chantier et de débarrasser le matériel stocké à la sortie de secours; que dès le 26/08/2010 le directeur de la clinique dénonçait un problème d’eau chaude ayant des répercussions sur le lave endoscope; Il apparaît encore que lors du contrôle de l’installation de climatisation du bloc ambulatoire étaient constatés de grossières malfaçons et des travaux inachevés; que dans ces conditions et par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 6/09/2010 la société X demandait à la société SORELIS de ne plus intervenir sur le système de climatisation;

Il est établi que par mise en demeure en date du 7/09/2010 l’entrepreneur principal faisait injonction au sous traitant de finir la chaufferie sous trois jours; que par trois mails successifs des 8, 11 et 13/09/2010 le directeur de la clinique se plaignait auprès de la société X de ce qu’il pleuvait au rez de chaussée, de ce qu’il n’y avait plus d’eau chaude et de ce qu’il subissait des pannes à répétition du chauffage toujours pas réceptionné;

Il n’est pas contesté que par lettre recommandée avec accusé de réception la société X a résilié le contrat de sous traitance et qu’elle a ensuite missionné d’autres entreprises au lieu et place de la société SORELIS, afin de reprendre et terminer les prestations; que néanmoins elle recevait toujours des doléances de la clinique concernant l’eau chaude ou l’eau calcaire ( mails des 14 et 21/09/2010);

Il résulte des éléments du dossier que l’appelante a dû exposer des dépenses supplémentaires de l’ordre de 108116 € HT pour la chaufferie et 43281 € HT pour la climatisation des blocs;

Dans ces conditions la créance de la société SORELIS fermement et dûment contestée par la société X, n’apparaît pas fondée en son principe; par ailleurs l’intimée ne justifiait d’aucune circonstance susceptible d’en menacer le recouvrement, alors même que la société X démontre que sa situation financière était saine en 2010 et que le refus de régler les causes du contrat étaient motivées par les défaillances du sous traitant;

Il y a lieu par conséquent réformant le jugement entrepris, d’ordonner la mainlevée totale de la saisie conservatoire;

Sur la demande de dommages et intérêts

La saisie conservatoire qui à tort a immobilisé la somme de 136972,52 € au préjudice de la société X depuis le 7/04/2011, lui a nécessairement fait grief; La société SORELIS sera tenue de lui verser la somme de 1000 € en réparation de son préjudice;

Sur les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile

Il n’apparaît pas équitable de laisser à la société X la charge de ses frais irrépétibles et non compris dans les dépens, qu’il convient d’évaluer à 2000 €;

Sur les dépens

Il y a lieu réformant le jugement déféré de ce chef de condamner l’intimée aux entiers dépens de première instance et d’appel;

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Réforme le jugement entrepris.

Et statuant à nouveau,

Ordonne la mainlevée totale de la saisie conservatoire pratiquée par la société SORELIS au préjudice de la société X.

Y ajoutant,

Condamne la société SORELIS à verser à la société X une indemnité de 1000 € en réparation de son préjudice et une indemnité de 2000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La condamne aux entiers dépens de première instance et d’appel avec droit de recouvrement direct au profit des avocats de la cause.

Le Greffier Le Président

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