Cour d'appel de Rouen, Chambre sociale, 5 novembre 2013, n° 13/00784

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Rouen, ch. soc., 5 nov. 2013, n° 13/00784
Juridiction : Cour d'appel de Rouen
Numéro(s) : 13/00784
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Rouen, 2 juillet 2012
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

R.G. : 13/00784

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU 05 NOVEMBRE 2013

DÉCISION DÉFÉRÉE :

Jugement du CONSEIL DE PRUD’HOMMES DE ROUEN du 03 Juillet 2012

APPELANT :

Monsieur F X

XXX

XXX

comparant en personne,

assisté de Me Michel ROSE, avocat au barreau de ROUEN substitué par Me Eléonore LAB SIMON, avocat au barreau de ROUEN

INTIMEE :

Association EMERGENCE(S), venant aux droits de l’ASSOCIATION OEUVRE HOSPITALIERE DE NUIT

XXX

XXX

représentée par Me Clara LE MOAL-SANTOS, avocat au barreau de ROUEN

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 05 Septembre 2013 sans opposition des parties devant Madame DELAHAYE, Conseiller, magistrat chargé d’instruire seul l’affaire,

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame PAMS-TATU, Président

Monsieur HAQUET, Conseiller

Madame DELAHAYE, Conseiller

GREFFIER LORS DES DEBATS :

M. GEFFROY, Greffier

DEBATS :

A l’audience publique du 05 Septembre 2013, où l’affaire a été mise en délibéré au 05 Novembre 2013

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé le 05 Novembre 2013, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame PAMS-TATU, Président et par Mme LOUE-NAZE, Greffier présent à cette audience.

EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES

Selon contrat à durée indéterminée à effet du 30 juin 2004, F X était engagé par l’association OEUVRE HOSPITALIERE DE NUIT devenue EMERGENCE(S) en qualité de chef de service des chantiers d’insertion pour une durée mensuelle de 151h67.

Par lettre du 5 mars 2010, une mise à pied de 3 jours sans maintien de salaire à exécuter du mercredi 14 au vendredi 16 avril lui était notifiée pour les motifs suivants :

'J’ai été informé le 7 janvier 2010 du fait qu’en dehors de votre activité salariée au sein de notre association vous exercez une activité en tant qu’auto-entrepreneur. Les informations complémentaires recueillies depuis m’amènent à considérer que vous pouvez être amené à exercer cette activité, liée à la vente dans le cadre de la société S-Sens d’Encens, lors de votre temps de travail en tant que salarié de notre association.

En effet, j’ai pu constater le 7 janvier que sur le site internet de l’entreprise 'S-Sens d’encens’ dont vous êtes le propriétaire, il était précisé dans le chapitre 'contact’ : vous pouvez nous contacter par téléphone du lundi au samedi aux horaires suivants 8h30-12h00 – 13h00-19h00", le numéro de téléphone mentionné étant celui de votre téléphone portable personnel, le 06 81 17 08 80 qui correspond à celui que vous avez communiqué au niveau de l’association et notamment sur la fiche que vous avez remplie lors de votre embauche. Nous avons pu constater à plusieurs reprises que vous étiez effectivement joignable à ce numéro lors de vos heures de travail. Votre horaire de travail s’inscrit à l’intérieur de l’horaire que vous avez communiqué pour être contacté dans le cadre de l’entreprise S-Sens d’encens. Ces mentions de contact sont demeurés sur le site 'S-Sens d’encens’ au moins jusqu’au 23 février 2010, veille de la date fixée pour notre entretien.

Nous disposons par ailleurs d’un témoignage écrit émanant d’une personne totalement extérieure à notre association qui a appelé ce numéro durant vos heures de travail et qui a pu obtenir des informations détaillées sur les produits que vous vendez. J’ai pu constater en consultant aujourd’hui le site internet de l’entreprise S-Sens d’encens que le numéro de téléphone mentionné a été récemment modifié'.

Le 3 avril 2010, F X était placé en arrêt de travail pour maladie jusqu’au 11 avril suivant, pour 'syndrome anxio-depressif réactionnel'.

Il était à nouveau placé en arrêt de travail pour maladie pour le même motif du 3 au 14 septembre 2010, puis à compter du 17 septembre 2010, prolongé jusqu’au 8 mars 2011, les arrêts étant alors prolongés à compter du 20 octobre 2010 par le Docteur C, psychiatre.

Le 9 mars 2011, il était déclaré apte à reprendre son poste par le médecin du travail.

Le 28 novembre 2011, il était placé en arrêt de travail pour maladie par le même psychiatre pour 'choc psychologique avec état d’angoisse réactionnel et symptomathologie dépressive', l’arrêt étant prolongé jusqu’au 6 avril 2012.

Le 31 mars 2012, F X faisait une déclaration d’accident du travail et était arrêté par son psychiatre jusqu’au 31 mai 2012.

Le 14 juin 2012, le médecin du travail le déclarait inapte pour danger immédiat en une seule visite (article R4624-31). Capacité restante : Apte au même poste dans un contexte organisationnel et/ou relationnel différent.

Le 20 août 2012, il était licencié pour inaptitude médicale définitive à effet immédiat constatée par la médecine du travail et du constat de l’impossibilité de reclassement. La lettre précisant que 'le service de médecine du travail ADESTI ayant assorti sa décision d’inaptitude médicale définitive de la précision suivante : les capacités restantes que la médecine définit sont les suivantes : Apte au même poste dans un contexte organisationnel et/ou relationnel différent, j’ai procédé à une recherche de reclassement dans un même poste mais celle-ci a été vaine. D’autres postes (veilleurs, animateur social en hébergement…) Étaient en mouvement mais ne peuvent être catalogués de même poste. Je vous ai indiqué en ce qui concerne l’organisation interne, qu’elle s’appuie sur deux directions fonctionnelles, bientôt complétées par une responsable des ressources humaines. Les chefs de services relèvent nécessairement de l’une ou l’autre de ces directions'.

Le 18 mars 2010, F X saisissait le Conseil de prud’hommes aux fins de voir annuler cette sanction et se plaignait de harcèlement moral, lequel, a, par jugement du 3 juillet 2012 :

— débouté Mr F X de sa demande en annulation de la sanction disciplinaire prononcée à son encontre et de ses autres demandes formulées de ce chef,

— dit et jugé que l’Association EMERGENCE(S) n’a pas commis de faits de harcèlement moral à la date d’introduction de sa demande du 28 décembre 2011,

— débouté Mr F X de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral,

— débouté les deux parties de leur demande respective sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

— condamné Mr F X aux entiers dépens.

Par communication électronique du 2 août 2012, F X a formé appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 12 juillet 2012.

Appelée à l’audience du 30 janvier 2013, l’affaire a été radiée puis réinscrite par l’appelant et rappelée à l’audience du 5 septembre 2013.

Par conclusions écrites déposées au greffe de la Cour le 4 septembre 2013 soutenues oralement à l’audience du 5 septembre 2013 et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, F X demande à la Cour de :

— infirmer le jugement, et y ajouter :

— dire et juger que la mise à pied disciplinaire repose sur des faits prescrits, et n’est en tout état de cause ni justifiée ni proportionnée,

— en conséquence prononcer l’annulation de la mise à pied disciplinaire de trois jours effectué par Monsieur X,

— condamner l’association EMERGENCE(S), venant aux droits de l’association OHN à payer à Monsieur X la somme de 468,28 € à titre de rappel de salaire, ainsi que 46,30 € de congés payés sur rappel de salaire,

— le condamner à payer la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice distinct subi du fait de la sanction injustifiée

— ordonner la remise du bulletin de salaire du mois d’avril rectifié sous astreinte de 75 jours de retard à compter de la notification de l’arrêt,

— dire et juger que Monsieur X a été victime d’un harcèlement moral au sein de l’association OHN,

— en conséquence, condamner l’association EMERGENCE(S), venant aux droits de l’association OHN, à payer à Monsieur X la somme de 46.500 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral subi,

— dire et juger en outre que le licenciement pour inaptitude de Monsieur X est consécutif au harcèlement moral subi et le déclarer nul,

— en conséquence, condamner l’association EMERGENCE(S), venant aux droits de l’association OHN, à payer à Monsieur X :

37.000 € à titre d’indemnités pour licenciement nul,

9.262,86 € d’indemnités compensatrices de préavis

926,30 € de congés payés sur préavis.

— subsidiairement, dire et juger que le licenciement de Monsieur X est sans cause réelle et sérieuse,

— en conséquence, condamner l’association EMERGENCE(S), venant aux droits de l’association OHN à payer à Monsieur X :

37.000 € à titre d’indemnités de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

9.262,86 € d’indemnités compensatrices de préavis

926,30 € de congés payés sur préavis.

— condamner l’association EMERGENCE(S), venant aux droits de l’association OHN à payer à Monsieur X la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 Code de procédure civile,

— la condamner aux entiers dépens.

Par conclusions écrites déposées au greffe de la Cour le 3 septembre 2013 soutenues oralement à l’audience du 5 septembre 2013 et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, l’association EMERGENCE(S) demande à la Cour de :

1) Sur les demandes liées à l’annulation de la mise à pied disciplinaire et à l’existence d’un harcèlement moral :

— confirmer en tout point le jugement du Conseil de Prud’hommes de ROUEN en ce qu’il a :

dit et jugé que la mise à pied disciplinaire repose sur des faits non prescrits et est justifiée et proportionnée au regard de la faute commise par Monsieur X ;

en conséquence, débouté Monsieur X de sa demande à titre de rappel de salaire et congés payés, et de dommages et intérêts;

considéré qu’il n’y a pas lieu à remise d’un bulletin de salaire rectifié pour le mois d’avril sous astreinte ;

dit et jugé que l’Association EMERGENCE(S) n’a pas commis de faits de harcèlement moral à l’encontre de Monsieur X ;

— en conséquence, débouter Monsieur X de sa demande de dommages et intérêts ;

2) Sur les demandes liées au licenciement de Monsieur X

— débouter Monsieur X de sa demande de nullité de son licenciement pour inaptitude, Monsieur X n’ayant pas été victime de harcèlement moral et par conséquent des demandes qui en découle (indemnités, indemnité de congés payés, congés payés afférents).

— à titre subsidiaire, constater que le licenciement de Monsieur X repose sur une cause réelle et sérieuse et ainsi le débouter des indemnités formulées à ce titre ;

— condamner Monsieur X à verser à l’Association EMERGENCE(S) la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

— condamner Monsieur X aux entiers dépens.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I – Sur l’annulation de la mise à pied du 14 au 16 avril 2010

Attendu que le salarié estime que les faits objets de la sanction sont prescrits puisque l’employeur était informé en novembre 2009 de l’exercice de son activité en qualité d’auto-entrepreneur, qu’en tout état de cause les faits reprochés sont hypothétiques, et la sanction est injustifiée à tout le moins disproportionnée ;

Que l’employeur réplique que c’est bien la consultation du site internet qui a permis de déterminer que le salarié exerçait son activité d’auto-entrepreneur pendant ses heures de travail, et compte tenu des fonctions occupées par le salarié et de ses responsabilités, la sanction est parfaitement justifiée ;

Attendu qu’aucun fait fautif ne peut donner lieu à l’engagement de poursuite disciplinaires au delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur a eu une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l’ampleur des faits ;

Qu’en l’espèce, le salarié qui exerce depuis le 10 septembre 2009 une activité de vente à distance par l’intermédiaire d’un site hébergé en mono-licence installée sur son ordinateur personnel ne justifie pas en avoir informé son employeur en novembre 2009 ; que dès lors, aucun élément ne permet d’établir que l’employeur ait consulté ce site avant le 7 janvier, à tout le moins avant le 12 décembre 2009, la convocation à l’entretien préalable datant du 12 février 2010 ;

Que les faits reprochés ne sont donc pas prescrits ;

Attendu que sur le fond, si aucune clause du contrat de travail du salarié ne lui interdit l’exercice d’une autre activité professionnelle, encore faut-il que cet exercice ne nuise pas aux obligations inhérentes à son contrat de travail ;

Qu’en l’occurrence, la lecture du site internet permet de vérifier que le salarié peut être joint à un numéro qui correspond à son téléphone portable personnel du lundi au vendredi de 9h à 12h et de 14h à 18h, ce qui correspond à ses horaires de travail;

Que N-O P atteste avoir appelé ce numéro le 29 janvier 2010 à 9h15 'pour prendre des renseignements sur la société S-SENS d’ENCENS’ et avoir 'discuté avec son interlocuteur sur la gamme des produits, cela pendant environ cinq minutes’ ;

Que si l’exercice de cette activité durant ces horaires de travail constitue une faute, force est toutefois de constater que cet événement unique ne permet pas de justifier la sanction d’une mise à pied de trois jours avec perte de salaire, qui apparaît manifestement disproportionnée ; que ce d’autant que le salarié a retiré le numéro de téléphone du site dès le 23 février 2010 ;

Qu’elle sera en conséquence annulée et le jugement infirmé sur ce point.

Que l’employeur sera en conséquence condamné à payer au salarié la somme de 468,28 € à titre de rappel de salaire, ainsi que celle 46,30 € à titre de congés payés y afférents, et à lui remettre le bulletin de salaire du mois d’avril rectifié dans un délai d’un mois à compter de la signification de l’arrêt et à défaut sous astreinte provisoire de 20 € par jour pendant une durée de 3 mois;

Que faute pour la salariée d’établir un préjudice justifiant une réparation d’un montant supérieur à 500 €, il y a lieu de condamner l’employeur à lui régler cette somme à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral.

II – Sur le harcèlement moral

Attendu qu’en application de l’article L1154-1 du Code du travail, il appartient au salarié d’établir la matérialité des faits qu’il invoque, puis au juge d’appréhender ces dans leur ensemble pour rechercher s’ils permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral, l’employeur devant établir que ces faits ne caractérisent pas une situation de harcèlement

Que le salarié qui estime que les relations avec son employeur se sont détériorées depuis qu’il a indiqué exercer une activité en qualité d’auto-entrepreneur, invoque les faits suivants :

1) intrusions à plusieurs reprises dans son bureau et vol d’effets personnels et absence de mesures par l’employeur ;

Attendu qu’il produit la copie d’une lettre qu’il a adressé à son employeur le 10 février 2010 l’informant de la disparition d’effets personnels qui se trouvaient dans son bureau et avoir été alerté par deux collègues d’intrusion répétée dans son bureau à des moments où il était absent et lui demandant de prendre des mesures;

Qu’il produit également la copie de la plainte déposée auprès des services de police le 12 février 2010 pour le vol dans son bureau de son PDA, d’un dossier médical d’un collègue de travail et d’une clé USB contenant des informations professionnelles ;

2) des sanctions injustifiées, deux mises à pied de trois jours prononcées le 5 mars 2010 et le 10 février 2012 et une procédure de licenciement engagée en juin 2012 alors qu’il était en arrêt pour maladie et à laquelle il ne sera donné aucune suite ;

3) des propos méprisants et menaçants de M. B, le dénigrement de son travail et des ordres contradictoires le mettant en situation de faute professionnelle.

Attendu que le salarié produit un courriel de L-M B dont il n’est pas destinataire du 9 avril 2010 sur une consigne de la direction en matière de contrats aidés, alors que la matière relève de ses fonctions ;

Qu’il produit une lettre adressé le 10 février 2010 à I J directeur général concernant une instruction faite par L-M B de ne pas appliquer le protocole 152 pour les contrats aidés, entraînant ainsi une diminution du salaire de base et d’avoir donné l’instruction contraire à sa secrétaire ;

Qu’il produit également deux échanges de courriels des 9 et 10 mai 2012 où son supérieur hiérarchique, L-M B, le premier lui demandant le rapport d’activité d’activité 2011 des chantiers, 'pour vendredi dernier délai. Dans le cas contraire, je me verrais obligé d’en informer la direction générale et le président', et le second lui disant 'je ne suis pas satisfait de ta réponse qui n’apporte aucune solution à la question';

Qu’il produit par ailleurs :

— une attestation de M. Z, animateur au sein de l’association, qui évoque ses propres difficultés avec M. B à l’occasion de la pose de congés ;

— une attestation de Mohamed A, aide cuisinier au sein de l’association qui indique avoir constaté à plusieurs reprises, 'que M. X F a été interpellé par M. B L-M de manière excessive par des propos désagréables’ ;

— une attestation de Mimouna D, déléguée du personnel indiquant avoir constaté que M. X F était replié sur lui même et présente un état de déprime constant alors qu’il est de nature joviale dans nos relations au quotidien ;

4) des pressions de son employeur pour qu’il renonce à la procédure engagée devant le Conseil de prud’hommes le 18 mars 2010 ;

Qu’il produit une attestation du 30 juin 2010 de Sylvestre Y, encadrant technique, aux termes de laquelle : 'le jour du rendez-vous de conciliation au prud’hommes avant notre départ avec M. X que j’accompagnais M. B a stipulé à M. X qu’il était encore temps pour lui de changer d’avis, de ne pas aller au dit RDV et que leurs relations de ce fait allaient sérieusement se dégrader. Tout ceci en ma présence et sur un ton plutôt agressif;'

5) un certificat du 7 mars 2011 du Docteur C, psychiatre, indiquant que M. X est régulièrement suivi depuis octobre 2010. Il évoque une situation tendue et conflictuelle dans son entreprise et son état de santé a nécessité un arrêt de travail jusqu’à ce jour ;

Attendu qu’il résulte des pièces et documents concordants du dossier que le salarié a fait l’objet d’une mise à pied disciplinaire injustifiée le 5 mars 2010, que la contestation en mars 2010 de celle-ci devant le Conseil de prud’hommes a donné lieu, avant la tenue de l’audience de conciliation à des pressions de l’employeur et des menaces sur ses relations futures avec son salarié, parfaitement établies par l’attestation de M. Y rappelée ci-dessus; que le ton des courriels de M. B et sa manière de s’adresser au salarié, l’interpellant de manière excessive par des propos désagréables, l’absence de communication d’instruction importante au salarié, alors que ce dernier se repliait sur lui même et était régulièrement suivi par un médecin psychiatre ;

Attendu qu’appréciés dans leur ensemble les éléments ci-dessus exposés et considérés comme établis permettent de présumer l’existence d’une situation de harcèlement moral de nature à entraîner une dégradation des conditions de travail du salarié et à altérer sa santé physique ou mentale ainsi qu’il ressort des documents médicaux produits et de l’avis d’inaptitude à son poste pour danger immédiat en une seule visite, sauf si ce poste évolue dans un contexte organisationnel et/ou relationnel différent.

Que les autres éléments invoqués par le salarié ne sont pas considérés comme faisant présumer un harcèlement moral, ainsi le vol dans l’entreprise et l’absence de réaction de l’employeur, la mise à pied de trois jours prononcé le 10 février 2012 pour mauvaise exécution de ses tâches par le salarié qui a fait l’objet d’une transaction lors de l’audience de conciliation du Conseil de prud’hommes le 6 juin 2012 sans que les éléments permettent d’établir si elle était ou non justifiée, la procédure de licenciement pour faute engagée le 4 juin 2012 certes pendant la suspension du contrat de travail pour maladie – ce qui n’est pas illégal – mais avant la déclaration d’inaptitude et qui a été abandonnée par ce motif par l’employeur ;

Qu’il sera en revanche souligné qu’à compter du 24 juin 2010, le CHSCT informait les salariés de la mise en place d’un protocole d’intervention de la psychologue du travail pour identifier les situations de souffrance au travail dont font état certains salariés et y remédier.

Attendu que pour établir que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, l’employeur fait valoir que :

— le courriel du 9 avril 2010 n’a pas été communiqué à M. X car celui-ci était en arrêt pour maladie; que toutefois, compte tenu de l’importance des termes de ce message au vu des fonctions exercées par le salarié, et alors même que l’arrêt pour maladie prenait fin le 11 avril suivant et que l’employeur ne justifie pas avoir transmis ce courriel ultérieurement

— l’attestation de M. Y révèle des propos tenus par M. B qui sont différents de ceux allégués par le salarié dans un courrier adressé à l’employeur.

Que par lettre du 15 avril 2010 adressée à M. B, le salarié fait état des propos suivants : 'pour toi et dans ton intérêt il est encore temps de changer d’avis et de prendre la décision de ne pas y aller’ ; que ces termes ne sont toutefois pas fondamentalement différents de ceux rappelés par M. Y, étant au demeurant précisé que dans une nouvelle lettre du 14 avril 2010 adressée à M. B (et postérieure à l’audience de conciliation qui s’est tenue le 13 avril 2010), le salarié faisait état de propos de ce dernier à la perspective de cette audience : 'dorénavent nos relations seraient différentes et compliqués en raison de ma détermination à contester les faits que l’on me reproche’ ;

Qu’ainsi, ces éléments ne sont pas susceptibles de remettre en cause l’attestation de M. Y ;

— l’attestation de M. A fait état de propos imprécis et n’a pas de valeur probante; que toutefois, la Cour estime qu’elle s’inscrit dans la ligne des propos tenus par M. B indiquant au salarié que leurs relations allaient se dégrader, qu’il en est de même de l’attestation de Mme D qui ne fait pas de constatation médicale contrairement à ce que soutient l’employeur mais qui atteste seulement que le comportement du salarié a changé.

Qu’ainsi, l’employeur n’établissant pas que les faits relevés ci-avant ne caractérisent pas une situation de harcèlement moral, il convient de dire que le harcèlement moral est établi et d’infirmer le jugement du Conseil de prud’hommes en ce qu’il en a écarté l’existence.

III – Sur la nullité du licenciement

Attendu qu’eu égard aux éléments rappelés ci-dessus et à la motivation de l’avis d’inaptitude, le harcèlement moral doit être retenu comme étant directement à l’origine de l’inaptitude physique de F X ayant abouti à son licenciement , lequel doit par conséquent être déclaré nul ;

Attendu que le salarié est en droit d’obtenir, outre l’indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, à raison du licenciement nul, dont le montant n’est pas autrement contesté, des dommages et intérêts d’un montant au moins égal à l’indemnité minimum prévue par l’article L 1235-3 du code du travail à raison de la nullité du licenciement , quels que soient son ancienneté et l’effectif de l’entreprise; qu’en considération notamment de son âge, de sa formation, de ses capacités à retrouver un nouvel emploi, de son ancienneté, des circonstances du licenciement, la cour dispose des éléments nécessaires pour fixer les dommages- intérêts à ce titre à la somme de 30 000 € ;

Attendu qu’il convient également de lui allouer la somme de 6.000 € en réparation du préjudice subi compte tenu du harcèlement moral.

Attendu que l’association EMERGENCE(S) qui perd le procès sera condamnée aux dépens d’appel; qu’il serait par ailleurs inéquitable de laisser à la charge de F X les frais irrépétibles qu’il s’est vu contraint d’exposer devant la cour; qu’une somme de 1.500 € lui sera donc accordée sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, tandis que sera déboutée de sa demande présentée sur le même fondement.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Infirme le jugement rendu le 3 juillet 2012 par le Conseil de prud’hommes de ROUEN,

Statuant à nouveau,

Annule la mise à pied prononcée le 5 mars 2010,

Condamne l’association EMERGENCE(S) prise en la personne de son représentant légal à payer à F X de 468,28 € à titre de rappel de salaire, celle de 46,30 € à titre de congés payés y afférents et celle de 500 € à titre de dommages et intérêts,

Condamne l’association EMERGENCE(S) prise en la personne de son représentant légal à payer à F X la somme de 6.000 € à titre de dommages et intérêts pour le harcèlement moral subi,

Dit que l’association EMERGENCE(S) prise en la personne de son représentant légal devra remettre au salarié le bulletin de salaire d’avril 2010 rectifié dans un délai d’un mois à compter de la signification de l’arrêt et à défaut sous astreinte provisoire de 20 € par jour pendant une durée de 3 mois,

Y ajoutant,

Prononce la nullité du licenciement du 20 août 2012,

Condamne l’association EMERGENCE(S) prise en la personne de son représentant légal à payer à F X les sommes suivantes :

30,000 € à titre de dommages et intérêts,

9262,86 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

926,30 € à titre de congés payés y afférents,

1.500 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,

La déboute de chef

La condamne aux dépens de première instance et d’appel.

Le greffier Le président

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code du travail
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