Cour d'appel de Rouen, 1ère ch. civile, 4 décembre 2013, n° 12/06110

  • Crédit foncier·
  • Intérêts intercalaires·
  • Contrat de prêt·
  • Taux légal·
  • Vente·
  • Annulation·
  • Résolution·
  • Garantie·
  • Livraison·
  • Résolution du contrat

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Rouen, 1re ch. civ., 4 déc. 2013, n° 12/06110
Juridiction : Cour d'appel de Rouen
Numéro(s) : 12/06110
Décision précédente : Tribunal de grande instance d'Évreux, 29 novembre 2012, N° 11/02399
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

R.G : 12/06110

COUR D’APPEL DE ROUEN

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 04 DECEMBRE 2013

DÉCISION DÉFÉRÉE :

11/02399

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE D’EVREUX du 30 Novembre 2012

APPELANT :

Maître D LEFEVRE

XXX

XXX

représenté par Me Yannick ENAULT, avocat au barreau de ROUEN, postulant

assisté de Me DEMOUSTIER, avocat au barreau de PARIS, plaidant

INTIMES :

Monsieur B X

né le XXX à XXX

XXX

XXX

représenté et assisté par Me Michel BARON, avocat au barreau de l’EURE (SCP BARON COSSE GRUAU)

Madame Z X

née le XXX à XXX

XXX

XXX

représentée et assistée par Me Michel BARON, avocat au barreau de l’EURE (SCP BARON COSSE GRUAU)

La société civile CELIA prise en la personne de son représentant légal

XXX

XXX

représentée et assistée par Me CHOUVELLON, avocat au barreau de ROUEN,

substituant la SELARL LEXAVOUE NORMANDIE, avocats au barreau de ROUEN

LA SA CREDIT FONCIER

XXX

XXX

représentée et assistée par Me BEIGNET, avocat au barreau de l’EURE ( SCP RIDEL STEFANI DUVAL) substituant Me JOURDE, avocat au barreau de PARIS''''''

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 786 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 28 Octobre 2013 sans opposition des avocats devant Madame BOISSELET, Conseiller, rapporteur, en présence de Monsieur LOTTIN, Président, et de Madame GIRARD, Conseiller

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur LOTTIN, Président

Madame BOISSELET, Conseiller

Madame GIRARD, Conseiller

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme VERBEKE, Greffier

DEBATS :

A l’audience publique du 28 Octobre 2013, où l’affaire a été mise en délibéré au 04 Décembre 2013

ARRET : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 04 Décembre 2013, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

signé par Monsieur LOTTIN, Président, et par Mme VERBEKE, Greffier présent à cette audience.

Par acte authentique reçu par Maître Y, notaire, le 7 février 2008, les époux X ont acquis de la SCCV Celia dans un ensemble immobilier sis au Neubourg (Eure) XXX, cadastré XXX, pour le prix de 130 000 €, les lots numéros 19, 116 et 117 formant une maison individuelle d’habitation n° G001 et deux emplacements de stationnement n° 77 et 78 vendus en l’état futur d’achèvement et livrables au plus tard au cours du deuxième trimestre 2009 sauf causes légitimes de suspension du délai de livraison telles que définies à l’acte.

Par actes des 19 et 20 avril 2011, les époux X ont assigné la SCCV Celia en annulation de la vente, faute de livraison de la maison, ainsi que le Crédit Foncier de France, et Maître Y, devant le tribunal de grande instance d’ Evreux, afin d’obtenir également la résolution du prêt et l’indemnisation du préjudice causé, notamment, par les fautes commises par le notaire.

La SCCV Celia n’a pas comparu.

Par jugement du 30 novembre 2012, le tribunal de grande instance d’Evreux a :

— prononcé l’annulation de la vente,

— prononcé la résolution consécutive du contrat de prêt numéro 50419394 6088979 conclu le 7 février 2008 entre les époux X d’une part et la société anonyme Crédit Foncier de France d’autre part,

en conséquence :

— condamné la société civile de construction vente Celia à payer aux époux X les sommes de 120 900 € et 13 000 € augmentées des intérêts au taux légal à compter du 19 avril 2011 date de l’assignation et dit que ces intérêts dus pour une année entière seront capitalisés conformément aux dispositions de l’article 1145 du Code civil,

— condamné Maître D Y à garantir les époux X du paiement des sommes qui leur sont dues par la SCCV Celia,

— condamné les époux X à restituer au Crédit Foncier de France la somme de 120 900 € au titre du capital emprunté augmentée des intérêts au taux légal à compter du 19 avril 2011, date de la demande,

— condamné le Crédit Foncier de France à restituer aux époux X la somme de 8 237, 32 € au titre des intérêts intercalaires payés par ceux-ci augmentée des intérêts au taux légal à compter du 19 avril 2011, date de l’assignation,

— condamné in solidum la société civile de construction vente Celia et Maître Y à payer au Crédit Foncier de France la somme de 8 237, 32 € augmentée des intérêts au taux légal à compter du jugement,

— dit que ces intérêts dus pour une année entière seront capitalisés conformément aux dispositions de l’article 1145 du Code civil,

— débouté les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires,

— condamné la société civile de construction vente Celia et Maître Y à payer au titre de l’article 700 du Code de procédure civile la somme de 5 000 € aux époux X et celle de 3000 € au Crédit Foncier de France,

— ordonné l’exécution provisoire,

— condamné la société civile de construction vente Célia et Maitre Y aux dépens, avec recouvrement direct.

Maître Y en a relevé appel le 28 décembre 2012.

Par conclusions du 4 juillet 2013, il demande à la cour de :

— constater que les MMA IARD, bénéficiaire d’une quittance subrogative du Crédit Foncier de France pour la somme de 112 662, 67 €, sont subrogées dans tous les droits et actions du Crédit Foncier de France contre les époux X, et condamner en conséquence, dans l’hypothèse où le prêt viendrait à être résolu, les époux X à payer aux MMA IARD une somme de 112662,67 €,

— constater l’achèvement de l’ensemble immobilier dont dépendent les lots appartenant aux époux X,

— débouter ces derniers de leur demande tendant à voir prononcer la nullité de l’acte de vente en l’état futur d’achèvement du 7 février 2008,

— infirmer le jugement en ce que la responsabilité de Maître Y a été retenue,

— constater que la garantie intrinsèque était parfaitement constituée le jour où Maître Y a prêté son ministère,

— débouter les époux X de toutes leurs demandes contre Maître Y,

— les condamner à lui payer la somme de 4 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Par conclusions du 24 octobre 2013, la SCCV Celia fait valoir que le contrat de VEFA était parfaitement régulier et que le bien vendu est désormais achevé, de sorte que les époux X n’ont plus aucun intérêt à poursuivre la nullité du contrat. Elle ajoute que le délai de plus de trois ans prévu entre la date initialement prévue pour la livraison et celle de l’assignation exclut que l’annulation de la vente soit prononcée, comme tardivement sollicitée. Elle conclut en conséquence au rejet de toutes les demandes des époux X dirigées contre elle et leur réclame la somme de 5 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions du 22 mai 2013, le Crédit Foncier de France demande à la cour de:

— statuer ce que de droit sur l’appel de Maître Y,

— lui donner acte que la condamnation prononcée en sa faveur ne fait l’objet d’aucune critique de la part de ce dernier,

— confirmer le jugement en ce que les époux X ont été condamnés à lui restituer la somme de 120 900 €,

— infirmer le jugement en ce qu’il a été condamné à leur restituer le montant des intérêts intercalaires non pris en charge par le vendeur soit la somme de 8 237, 32 €,

— juger que le contrat de prêt sera caduc ou à tout le moins résilié, et que le Crédit Foncier pourra conserver les intérêts intercalaires perçus,

subsidiairement,

— si la résolution du contrat de prêt était prononcée sur le fondement de l’article L312-12 du code de la consommation, juger irrecevable la demande des époux X en restitution des intérêts perçus au titre du contrat de prêt, cette demande étant contradictoire,

à défaut, vu l’article 1382 du code civil,

— dire que les fautes commises par les époux X justifient que le Crédit Foncier conserve le montant des intérêts intercalaires en cas de résolution du contrat,

— condamner la SCCV Célia à garantir le remboursement de la somme prêtée soit 120 900 € avec intérêts au taux légal à compter de chaque versement et à lui payer à titre de dommages et intérêts le montant des intérêts intercalaires si leur restitution était ordonnée,

— dire que, si le contrat de prêt est résolu, Maître Y devra garantir solidairement le remboursement au Crédit Foncier de la somme de 120 900 € et payer les intérêts perçus si leur restitution est ordonnée,

en tout état de cause,

— dire que la restitution des fonds versés sera assortie de l’intérêt au taux légal à compter de chaque versement,

— condamner les époux X à lui payer la somme de 5 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Par conclusions du 4 octobre 2013, les époux X demandent à la cour de :

— confirmer le jugement en ce qu’il a

annulé la vente en l’état futur d’achèvement,

prononcé la résolution consécutive du contrat de prêt,

condamné la SCCV Celia à payer aux époux X les sommes de 120900 € et 13 000 € avec intérêts au taux légal à compter du 19 avril 2011 et capitalisation,

condamné Maître Y à garantir les époux X du paiement des sommes mises à la charge de la SCCV Celia en cas d’insolvabilité de cette dernière,

condamné les époux X à restituer au Crédit Foncier la somme de 120 900 € avec intérêts au taux légal à compter du 19 avril 2011,

condamné le Crédit Foncier à leur restituer la somme de 8 237, 32 € au titre des intérêts intercalaires, avec intérêts au taux légal à compter du 19 avril 2011,

condamné in solidum la SCCV Célia et Maître Y à payer au Crédit Foncier la somme de 8 237, 32 € avec intérêts au taux légal à compter du jugement et capitalisation,

condamné la SCCV Célia et Maître Y aux dépens, et à leur payer la somme de 5 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— subsidiairement, dans le cas où l’annulation du contrat de VEFA ne serait pas prononcée pour défaut de constitution de la garantie intrinsèque,

prononcer la résolution du contrat aux torts de la SCCV Célia pour manquement à son obligation de livraison à bonne date,

condamner la SCCV Célia à restituer aux époux X les sommes de 120 900 € et 13 000 € avec intérêts au taux légal à compter du 19 avril 2011 et capitalisation,

les recevoir en leur appel incident et condamner in solidum la SCCV Célia et Maître Y à leur payer la somme de 25 000 € à titre de dommages et intérêts,

— en toute hypothèse, dans le cas où la garantie de Maître Y ne leur serait pas accordée pour les sommes restant dues au Crédit Foncier,

leur accorder un différé de paiement de deux ans ou subsidiairement les plus larges délais pour régler les sommes dues au Crédit Foncier ou à MMA dans le cas où elle serait subrogée,

dire que les sommes dues au Crédit Foncier ne produiront intérêts qu’au taux légal pendant toute la durée du différé de paiement,

condamner solidairement la SCCV Célia et Maître Y à leur payer la somme de 5 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 28 octobre 2013.

CECI EXPOSE

Sur la demande d’annulation du contrat de VEFA :

Il est exact que l’article 261-11 du code de la construction dispose que la nullité du contrat ne peut être invoquée que par l’acquéreur et avant l’achèvement des travaux. Néanmoins la cour doit se placer à la date de l’acte introductif d’instance devant le tribunal pour vérifier l’existence de cette condition, qui se trouve ainsi remplie, puisque l’immeuble n’a été achevé qu’en juillet 2013, ce qui a conduit les époux X à en refuser la livraison. En outre, l’offre de livraison aux époux X, en juillet 2013, est largement postérieure à la date du jugement déféré, lequel était assorti de l’exécution provisoire. Contrairement à ce que soutient encore la SCCV Célia, la demande des époux X, introduite moins de deux ans après la date de livraison prévue, et après diverses promesses de livraison de la part de la SCCV Célia, acceptées par les époux X mais non tenues, ne peut être considérée comme tardive. Enfin, à supposer même, pour les besoins du raisonnement, que l’action en nullité ne puisse être mise en oeuvre, l’action résolutoire fondée sur l’article 1184 du code civil, formée à titre subsidiaire, ne pourrait qu’être accueillie, la démonstration de l’inexécution de ses obligations contractuelles par la SCCV Célia étant faite plus qu’à suffire.

Sur le fondement de l’article R.261-18 b) du code de la construction, le tribunal a exactement relevé, en des motifs complets et pertinents que la cour adopte, que la garantie intrinsèque de l’opération n’était pas légalement constituée puisque les conditions prévues par ce texte n’étaient pas remplies en l’absence d’une attestation d’achèvement des fondations du bâtiment comprenant la maison des époux X (il s’agissait de maisons individuelles jumelées par trois) établie par un homme de l’art indépendant, puisque l’attestation annexée au contrat émanait du Directeur des Travaux de la société Finaxiome Production, membre du groupe Finaxiome associé unique de la SCCV Célia, et, qui, rédigée en termes généraux, ne concernait même pas spécialement le groupe de maisons en cause, et en l’absence d’un financement établi par les fonds propres du vendeur, une avance de trésorerie de la société mère de la SCCV ne remplissant pas les conditions de permanence exigibles. La cour ajoute que les dispositions du code de la construction relatives aux conditions de forme et de fond des contrats de VEFA doivent être interprétées strictement puisqu’elles sont destinées à protéger les acquéreurs en l’état futur d’achèvement contre l’insolvabilité du vendeur promoteur et sont à ce titre impératives, de sorte que ne peut être admis aucun équivalent ou approximation.

Le jugement sera donc confirmé sur l’annulation de la vente, faute de garantie intrinsèque conforme aux dispositions d’ordre public ci-dessus rappelées.

Par suite, étant observé qu’elles ne font l’objet en elles-mêmes d’aucune observation, seront confirmées les dispositions du jugement condamnant la SCCV Célia à restituer aux époux X la somme de 120 900 € correspondant à la portion du prix de vente réglée, assortie de l’intérêt au taux légal à compter de l’assignation, soit du 19 avril 2011, avec capitalisation. Sera également confirmée la condamnation prononcée au titre de la clause pénale, pour la somme de 13 000 €, avec intérêts au taux légal et capitalisation, l’annulation de la vente étant assimilable à sa résolution, la SCCV Célia ne formant d’ailleurs aucune observation sur ce point.

Sur la responsabilité de Maître Y :

Ce dernier expose que la garantie intrinsèque était parfaitement constituée lorsqu’il a prêté son ministère.

S’il est vrai qu’aucune disposition n’exige que l’achèvement des fondations soit constaté par un architecte, ni ne prohibe l’existence de relations juridiques entre l’homme de l’art attestant de l’état du chantier et le vendeur, force est de rappeler que l’objet des dispositions précitées est précisément d’apporter une garantie minimale aux acquéreurs. Or, nul ne pouvant se constituer de preuve à soi même, une attestation émanant d’un préposé d’une entreprise appartenant au même groupe que le promoteur ne remplit pas les conditions d’objectivité nécessairement prévues par ces règles, peu important à cet égard que le chantier ait ou non atteint ce stade ultérieurement ou même concomitamment à l’acte de VEFA.

En second lieu, une simple avance de trésorerie ne peut constituer les fonds propres exigés, puisqu’elle constitue un simple prêt, sans aucune garantie de durée, et remboursable à première demande. Il est d’ailleurs constant en l’espèce que les difficultés de la SAS Finaxiome, société mère de la SCCV Célia, qui ont conduit à l’ouverture d’une procédure collective au profit de la première, ont eu une répercussion immédiate sur le chantier, qui a été interrompu de longs mois. C’est tout aussi vainement que Maître Y soutient que la création pour un chantier déterminé d’une SCCV exclusivement alimentée par des fonds provenant de l’entité qui est à son origine est usuelle, ce qui n’est pas contesté. En revanche, rien n’empêche que, dans le cadre d’un tel montage juridique, l’attribution des fonds nécessaires dans le cadre de l’opération de VEFA à la société venderesse se fasse selon des modalités garantissant la pérennité de ce financement. N’est en effet pas en cause le recours à une SCCV entièrement dédiée à une opération particulière, qui n’est pas critiquable en soi, mais le mode de financement de cette dernière, qui ne présente pas les garanties suffisantes aux yeux de la loi, faute de certitude que 'l’avance’ effectuée restera dédiée à l’opération en cause, étant d’ailleurs observé que l’article R.261-18 du code de la consommation précise expressément que les fonds doivent appartenir au vendeur et ne peuvent être issus d’emprunts. Enfin, s’il est admis que, contrairement à la lettre de l’article R.621-20 du code de la

construction, l’existence de fonds propres puisse être certifiée par un expert comptable, contrairement à ce que feint de croire Maître Y, ce n’est pas la qualité du signataire de l’attestation relative aux fonds propres de la SCCV Célia qui est à l’origine de l’absence de garantie intrinsèque, mais bien les modalités de mise à disposition des fonds qui interdisent de considérer qu’il s’agissait de fonds propres.

Ainsi, en présence d’une opération immobilière de VEFA avec garantie intrinsèque, dont la fragilité ne pouvait, en sa qualité de professionnel du droit et de l’immobilier, lui échapper, les devoirs inhérents à son ministère imposaient à Maître Y de ne pas se borner à annexer à son acte les attestations fournies par la SCCV Célia sans s’interroger sur leur portée et sur la réalité de la garantie qu’elles étaient censées établir, mais lui prescrivaient au contraire, dans le cadre d’une obligation de vigilance et de conseil renforcée au regard des risques inhérents à la nature de l’opération, de mettre en garde les époux X contre une acquisition en l’état futur d’achèvement assortie d’une garantie intrinsèque sans réelle consistance. Ne s’en étant pas acquitté, et ayant ainsi manqué à son obligation d’assurer l’efficacité de l’acte auquel il prêtait son ministère, il doit répondre des conséquences dommageables de cette défaillance.

L’annulation de l’acte étant imputable à sa faute, Maître Y a justement été condamné in solidum avec la SCCV Célia à payer le montant de la clause pénale, point sur lequel il ne formule d’ailleurs aucune observation particulière.

La restitution du prix de vente n’étant qu’une conséquence de l’annulation de la vente, et ne constituant pas un élément du préjudice indemnisable, Maître Y ne peut être condamné de plano à garantir cette restitution. Néanmoins, bien que la SCCV Célia soit in bonis, force est de constater que les époux X sont exposés au risque d’insolvabilité de cette dernière en ce qui concerne la restitution du prix en conséquence de l’annulation du contrat, elle-même imputable à la faute du notaire. Il est donc légitime que Maître Y soit, en cas d’insolvabilité de la SCCV Célia et à titre de dommages et intérêts, condamné à garantir les époux X des sommes qu’ils n’auront pu recouvrer contre la SCCV Célia, sommes qui constitueront alors un préjudice découlant directement de l’inefficacité de l’acte. Le jugement sera donc réformé sur ce point.

Sur le contrat de prêt et les demandes du Crédit Foncier :

L’annulation du contrat principal de vente est assimilée à son absence de conclusion et entraîne, ipso facto, la résolution du contrat de prêt qui lui est intimement lié. Il en résulte que, le contrat de prêt étant réputé n’avoir jamais existé, les parties doivent être remises dans leur état antérieur à sa conclusion. S’il serait en effet possible de considérer que le contrat de prêt ne deviendrait alors que caduc, puisque parfaitement régulier initialement et seulement privé d’objet en raison de l’annulation du contrat principal, cette caducité ne pourrait être que rétroactive puisque le lien d’indivisibilité entre les deux contrats impose de remettre les parties dans l’état antérieur en ce qui concerne l’ensemble de leurs obligations.

Les époux X ont donc à bon droit été condamnés à restituer au Crédit Foncier le montant des sommes débloquées, soit 120 900 €, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 19 avril 2011, rien ne justifiant que les sommes débloquées portent intérêts à compter de leur décaissement par la banque, à défaut de toute mise en demeure. Le Crédit Foncier pour sa part devra leur restituer les intérêts intercalaires qu’ils ont réglés à hauteur de 8 237, 32 €, avec intérêts au taux légal à compter du 19 avril 2011. Sa demande tendant à conserver cette somme à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice qui lui aurait été causé par la faute des époux X, auxquels il reproche leur négligence dans le suivi du chantier, ainsi que de ne pas l’avoir informé de la défaillance du vendeur dans le délai prévu au contrat de prêt sera également écartée en l’absence de tout lien de causalité.

Il est produit une quittance subrogative du Crédit Foncier au profit des MMA IARD datée du 12 avril 2013 pour la somme de 112 662, 67 €. Néanmoins, les MMA IARD n’étant pas partie à la présente instance, et Maître Y étant dépourvu de qualité pour solliciter, aux lieu et place de son assureur, la condamnation des époux X à s’acquitter du remboursement du capital prêté entre les mains de ce dernier, cette demande sera déclarée irrecevable.

Le préjudice subi par le Crédit Foncier du fait de l’immobilisation des fonds débloqués sans contrepartie est avéré. Les condamnations prononcées contre Maître Y à son profit et en réparation de ce préjudice ne font d’ailleurs l’objet d’aucune observation de la part de ce dernier, non plus d’ailleurs que de la part de la SCCV Célia, et les dispositions du jugement sur ce point seront confirmées, la demande du Crédit Foncier tendant à obtenir des intérêts à compter de chaque versement étant cependant rejetée, puisqu’il s’agit de dommages et intérêts, qui porteront donc intérêts, conformément au jugement sur ce point également confirmé, à compter de sa date.

La demande du Crédit Foncier tendant à être garanti par la SCCV Célia et Maître Y du paiement de la somme prêtée est sans objet puisque le Crédit Foncier reconnaît lui-même avoir reçu la quasi-totalité de cette somme des MMA.

Sur les demandes de dommages et intérêts complémentaires des époux X :

Les dispositions du jugement déféré relatives à l’application de la clause pénale prévue en cas de résolution du contrat au profit des époux X, qui n’ont donné lieu à aucune observation de la SCCV Célia et de Maître Y, ont été confirmées plus haut. Les époux X, qui n’explicitent pas en quoi la somme complémentaire sollicitée aurait vocation à indemniser des préjudices distincts de ceux déjà réparés par l’indemnité prévue au contrat, seront déboutés de cette demande.

Sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile :

Les dispositions du jugement sur ces points seront confirmées. L’équité conduit à allouer aux époux X et au Crédit Foncier la somme complémentaire au titre de l’article 700 du code de procédure civile de 2000 € chacun. Les dépens d’appel seront supportés, avec recouvrement direct, par la SCCV Célia et Maître Y.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Réformant partiellement le jugement en ce que Maître Y a été condamné à garantir les époux X du paiement des sommes dues par la SCCV Célia et statuant à nouveau sur ce seul point,

Condamne Maître Y, en cas d’insolvabilité de la SCCV Célia, à garantir les époux X des sommes dues par la SCCV Célia du chef de l’annulation de la vente, et qui n’auront pu être recouvrées contre elle,

Confirme le jugement déféré en toutes ses autres dispositions,

Rejette toutes autres demandes plus amples ou contraires,

Y ajoutant,

Déclare Maître Y irrecevable en sa demande tendant à obtenir condamnation des époux X à s’acquitter des sommes initialement dues au Crédit Foncier entre les mains des MMA IARD,

Condamne in solidum Maître Y et la SCCV Célia à payer aux époux X unis d’intérêts et au Crédit Foncier de France, la somme complémentaire de 2 000 € chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Les condamne également aux dépens d’appel, avec recouvrement direct.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Rouen, 1ère ch. civile, 4 décembre 2013, n° 12/06110