Cour d'appel de Rouen, 1ère ch. civile, 20 février 2013, n° 12/00461

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Rouen, 1re ch. civ., 20 févr. 2013, n° 12/00461
Juridiction : Cour d'appel de Rouen
Numéro(s) : 12/00461
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Dieppe, 25 octobre 2011
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

R.G : 12/00461

COUR D’APPEL DE ROUEN

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 20 FEVRIER 2013

DÉCISION DÉFÉRÉE :

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE DIEPPE du 26 Octobre 2011

APPELANTS :

Monsieur Y X, directeur général de la SAS A B

né le XXX à XXX

XXX

XXX

représenté et assisté par Me BEUVIN, avocat au barreau de DIEPPE (SCP BEUVIN & RONDEL)

LA SAS A B

XXX

XXX

représentée et assistée par Me BEUVIN, avocat au barreau de DIEPPE (SCP BEUVIN & RONDEL)

INTIMEE :

LA FEDERATION DE LA SEINE MARITIME POUR LA PÊCHE ET L A PROTECTION DU MILIEU AQUATIQUE

XXX

XXX

représentée par la SCP GARRAUD-OGEL, avocats au barreau de DIEPPE,

postulant

assistée de Me BOUSQUET, avocat au barreau de PARIS, plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 786 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 16 Janvier 2013 sans opposition des avocats devant Madame BOISSELET, rapporteur, en présence de Madame DOS REIS, Présidente

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame DOS REIS, Présidente de Chambre

Monsieur GALLAIS, Conseiller

Madame BOISSELET, Conseiller

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Melle VERBEKE, Greffier

DEBATS :

A l’audience publique du 16 Janvier 2013, où l’affaire a été mise en délibéré au 20 Février 2013

ARRET : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 20 Février 2013, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame DOS REIS, Présidente, et par Melle VERBEKE, Greffier présent à cette audience.

*

* *

La société A B occupe divers bâtiments à usage industriel et commercial à Arques-la-Bataille, avec pour obligation d’assurer l’entretien et le suivi d’une chaudière commune à toutes les entreprises du site. Le 22 août 2008, un incident technique a entraîné une vaporisation huileuse à proximité immédiate du site, entraînant une pollution des rivières la Varenne, la Béthune et l’Arques.

Par actes du 3 août 2010, la Fédération de Seine-Maritime pour la Pêche et la Protection du Milieu aquatique a assigné A B et son directeur général Y X devant le tribunal de grande instance de Dieppe afin d’obtenir réparation des préjudices subis.

Par jugement du 26 octobre 2011, le tribunal a statué en ces termes :

'CONDAMNE la Société A B à régler à la Fédération de Seine-Maritime pour la Pêche et la Protection du Milieu Aquatique, en réparation de son préjudice, la somme de 31.881,47 €, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la notification du présent jugement ;

DÉBOUTE la Fédération de Seine-Maritime pour la Pêche et la Protection du Milieu Aquatique de l’ensemble de ses demandes dirigées contre Monsieur Y X, et du surplus de ses demandes au principal à l’encontre de la Société A B ;

DÉBOUTE Monsieur X de sa demande reconventionnelle de dommages-intérêts;

CONDAMNE la Société A B à régler à la Fédération de Seine-Maritime pour la Pêche et la Protection du Milieu Aquatique, au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, la somme de 1.200 Euros.'

Y X et A B ont relevé appel de ce jugement.

Selon leurs dernières conclusions, du 17 août 2012, A B et Y X, réitérant devant la Cour les demandes formées devant les premiers juges, sollicitent que la Fédération de Seine-Maritime pour la Pêche et la Protection du Milieu aquatique soit déboutée de ses demandes et, reconventionnellement, que celle-ci soit condamnée à leur verser :

— à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et injustifiée, la somme de 1 € à régler spécialement à Y X ;

— au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, la somme de 1500 €, outre les dépens dont distraction au profit de leur avocat.

Selon ses dernières conclusions, du 9 octobre 2012, la Fédération de Seine-Maritime pour la Pêche et la Protection du Milieu aquatique sollicite la confirmation du jugement sur le principe de la responsabilité de A B, mais, formant appel incident, réitère sa demande tendant à la condamnation solidaire de A B et de son directeur général Y X et demande que le montant des sommes qui lui seront allouées soit fixé

à 35 916,45 € dont 10 535 € au titre de la perte de jouissance, et 24 881, 47 € au titre des frais de rempoissonnement, outre 500 € au titre des frais administratifs. Elle réclame au titre de l’article 700 du code de procédure civile, la somme complémentaire de 2500 €.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 19 décembre 2012.

SUR QUOI LA COUR:

A B et Y X exposent que le dommage a entièrement été réparé à la suite du nettoyage mis en oeuvre par l’entreprise immédiatement et que la Fédération de Seine-Maritime pour la Pêche et la Protection du Milieu Aquatique (ci-après la Fédération) ne démontre pas avoir subi un préjudice, étant souligné notamment qu’aucun rempoissonnement n’a été nécessaire.

La Fédération fonde son action, à titre principal, sur les articles 1382 et 1383 du Code civil, et à titre subsidiaire, sur l’article 1384 alinéa 1 du même Code, ou plus subsidiairement encore, sur la théorie des troubles anormaux du voisinage.

Elle fait valoir pour l’essentiel :

que le produit déversé a eu un impact sur le milieu naturel et notamment aquatique et piscicole, ressenti sur un parcours de 8.300 mètres ;

que les dommages causés sur les rivières de la Varenne et de la Béthune (toutes deux de première catégorie piscicole), et sur l’Arques (cours d’eau à migrateurs et zone spéciale de conservation), ont fait l’objet d’une évaluation selon une méthode reconnue dite « méthode Leger Huet Arrignon », permettant d’établir le préjudice piscicole.

Sur les demandes intéressant Y X :

Aucun fait détachable de ses fonctions au sein de A B n’étant même allégué, le jugement ne peut qu’être confirmé en ce que la Fédération a été déboutée de ses demandes contre lui. En l’assignant à titre personnel, dans le cadre de demandes manifestement infondées, la Fédération a agi à son égard avec une légèreté blâmable que Y X demande à juste titre à voir réparer par la somme symbolique d'1 € qui lui sera accordée, le jugement étant infirmé sur ce point.

Sur le préjudice subi par la Fédération :

La société A B ne conteste pas devoir réparer les conséquences de la pollution accidentelle à l’origine de laquelle elle se trouve. La seule discussion concerne la réalité et l’étendue du préjudice subi.

— au titre de trouble de jouissance :

Les faits de pollution des cours d’eau intéressés, incontestés, ont bien eu pour effet de porter atteinte aux intérêts collectifs que la Fédération, reconnue d’utilité publique, a pour mission de défendre, tels notamment que la protection du patrimoine piscicole et la lutte contre la pollution des eaux, de sorte que son action est sur le principe recevable.

L’impact de la pollution est suffisamment mis en évidence par les constatations circonstanciées des agents verbalisateurs, qui ont relevé l’existence d’un film gras sur toute la largeur de la Béthune à proximité immédiate du site industriel et sur une longueur de 6 km, n’en occupant plus que la moitié jusqu’au débouché du cours d’eau dans la mer, les végétaux et la faune avicole étant souillés. Il est également constant que les cours d’eaux concernés, soit la Béthune, puis la Varenne et enfin l’Arques sont des cours d’eaux non domaniaux classés en première catégorie piscicole, et dans lesquels sont présentes des espèces piscicoles à forte valeur patrimoniale, telles que la lamproie de Planer, l’anguille, le saumon. Il n’est enfin pas véritablement contesté que le produit rejeté, fluide caloporteur à base d’hydrocarbure, s’il n’est pas d’une toxicité élevée, est néanmoins nocif à long terme pour le milieu aquatique, et à l’origine de mortalités piscicoles différées, et ce même si n’a été constatée la mort que de trois larves de lamproies.

Le calcul scientifique proposé par la Fédération, tendant à chiffrer la perte de poisson causée par la pollution sera, à défaut de tout autre outil de réflexion pertinent proposé retenu. Néanmoins A B observe justement que ce calcul est seulement prédictif et que la Fédération n’avait pas vocation à commercialiser l’intégralité de la production halieutique des cours d’eaux, de sorte que son préjudice de jouissance sera fixé à la somme de 5 000 €.

— au titre des frais de rempoissonnement :

Il est également justifié d’un calcul scientifique évaluant à 66 528 truitelles à déverser sur quatre ans pour le coût global de 24 881, 45 € afin de satisfaire le besoin de rempoissonnement. Néanmoins ce calcul est lui aussi prédictif. Or, près de cinq ans après les faits, il n’est fait état ni d’un rempoissonnement effectif, ni de rempoissonnements antérieurs, permettant de caractériser le préjudice réellement subi par comparaison avec les rempoissonnements avant pollution et après. Il n’est pas davantage fourni d’éléments sur la population piscicole survivante, et celle existante avant les faits. En l’état, ce chef de demande sera rejeté, faute de démonstration de la réalité du préjudice subi.

Sur les autres demandes :

A défaut de justification de la somme réclamée au titre de frais administratifs, le jugement sera encore confirmé sur le rejet de cette demande.

Le principe de la condamnation de A B étant confirmé, elle supportera les dépens d’appel, l’équité commandant également qu’elle contribue aux frais irrépétibles exposés par la Fédération devant la Cour à hauteur de 2 000 €. Les dispositions du jugement déféré seront confirmées sur ces points.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Réformant partiellement le jugement entrepris, et statuant à nouveau sur l’entier litige,

Condamne la société A B à payer à la Fédération de Seine-Maritime pour la Pêche et la Protection du Milieu aquatique la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts,

Condamne la Fédération de Seine-Maritime pour la Pêche et la Protection du Milieu aquatique à payer à Y X la somme de 1 € à titre de dommages et intérêts,

Rejette toute autre demande plus ample ou contraire,

Condamne la société A B à payer à la Fédération de Seine-Maritime pour la Pêche et la Protection du Milieu aquatique la somme complémentaire de 2 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, l’indemnité allouée au même titre par le tribunal étant confirmée,

La condamne aux dépens de première instance et d’appel, avec recouvrement direct.

Le Greffier La Présidente

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Textes cités dans la décision

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  2. Code civil
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