Cour d'appel de Rouen, Ch. civile et commerciale, 30 octobre 2014, n° 13/04277

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Rouen, ch. civ. et com., 30 oct. 2014, n° 13/04277
Juridiction : Cour d'appel de Rouen
Numéro(s) : 13/04277
Décision précédente : Tribunal de commerce de Le Havre, 13 août 2013, N° 13/003750
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

R.G : 13/04277

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRET DU 30 OCTOBRE 2014

DÉCISION DÉFÉRÉE :

13/003750

TRIBUNAL DE COMMERCE DU HAVRE du 14 Août 2013

APPELANTE :

XXX

chez son Agent CHINA SHIPPING FRANCE AGENCY SAS

XXX

XXX

représentée par Me Marie-Christine COUPPEY, avocat au barreau de ROUEN, postulant

assistée de Me François-Xavier LE COZ, avocat au barreau du HAVRE, plaidant.

INTIMEE :

Société MOIROUD Société par actions simplifiée au capital de 3.250.000 €

XXX

XXX

XXX

représentée par Me HUCHET de la SCP HUCHET DOIN, avocat au barreau du HAVRE, postulant

assistée de Me DE RICHEMONT Henri, avocat au barreau de PARIS, plaidant.

PARTIES INTERVENANTES :

XXX

Rm 1604-1607 – N°440

XXX

XXX

sans avocat constitué bien que régulièrement assigné par acte d’huissier en date du 27 janvier 2014.

XXX

Rm 1604-1607 – XXX

XXX

sans avocat constitué bien que régulièrement assigné par acte d’huissier en date du 27 janvier 2014.

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 786 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 25 Septembre 2014 sans opposition des avocats devant Monsieur FARINA, Président, en présence de Madame AUBLIN-MICHEL, Conseiller, et de Madame BERTOUX, Conseiller

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur FARINA, Président

Madame AUBLIN-MICHEL Pascale, Conseiller

Madame BERTOUX, Conseiller

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme LAKE, Greffier

DEBATS :

A l’audience publique du 25 Septembre 2014, où l’affaire a été mise en délibéré au 30 Octobre 2014

ARRET :

REPUTE CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 30 Octobre 2014, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

Signé par Monsieur FARINA, Président et par Mme LAKE, Greffier.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE

La société Moiroud a pour activité le transport et la logistique.

La société Agora distribution, centrale d’achat pour des enseignes de marques de vêtements, lui a confié la mission d’importer de Chine des lots d’articles de confection commandés auprès de fournisseurs implantés dans ce pays.

Pour remplir sa mission, la société Moiroud a demandé à son agent en Chine, la société XXX Co Ltd, d’assurer l’acheminement de la marchandise vers le Havre .

A cette fin la société XXX Co Ltd s’est adressée aux compagnies maritimes :

XXX,

— Evergreen Line,

— X ,

— et XXX .

La société Moiroud devait prendre livraison des marchandises, au Port du Havre, en présentant aux compagnies maritimes, les originaux des connaissements .

Lui opposant l’existence d’une créance d’indemnité d’un montant de 296 157 USD qu’elle aurait sur elle à raison d’une autre opération commerciale, la société XXX Co Ltd a refusé de remettre à la société Moiroud les connaissements représentant les marchandises .

Bien que la société Moiroud ait réglé le coût des prestations de

transport, les sociétés maritimes ont, en effet, refusé de lui livrer les conteneurs de crainte de voir leur responsabilité engagée envers le porteur des connaissements,

La société Moiroud n’a donc pas pu obtenir livraison des merchandises .

Faisant valoir qu’elle n’était pas concernée par le litige qui opposait les sociétés Moiroud et XXX Co Ltd, la société Agora distribution a menacé d’engager des poursuites en vue de débloquer les marchandises .

Considérant que la rétention des originaux des connaissements constituait un trouble manifestement illicite, la société Moiroud a assigné en référé les sociétés:

XXX, et XXX,

— ainsi que les compagnies maritimes de transport :

XXX ,

— Evergreen Line ,

— X ,

— et XXX ,

aux fins de voir :

1°) autoriser les compagnies maritimes, chacune en ce qui la concerne, à lui livrer, sans remise des connaissements originaux, un ensemble de conteneurs ,

2°) enjoindre aux sociétés XXX co Ltd et XXX à lui remettre ces mêmes documents .

La société Agora distribution est intervenue volontairement à

l’instance en référé.

Considérant d’une part que la société XXX ne

pouvait, sur des marchandises appartenant à la société Agora Distribution, prétendre au remboursement d’une créance qui n’était ni certaine ni liquide ni exigible, d’autre part que la rétention illégitime des connaissements par la société Joyspeed constituait un trouble manifestement illicite et par ailleurs qu’il existait une situation d’urgence manifeste, la pérennité de la société Moiroud étant mise à mal par la retention, le juge des référés du Tribunal de commerce du Havre, par ordonnance de référé du 14 août 2013 du Havre a :

— donné acte à la société Moiroud de :

*ce qu’elle avait consigné la somme de 296 57 USD, destinée à garantir les compagnies maritimes au prorata, pour chacune d’elles, du volume des marchandises retenues ,

*et de sa volonté d’engager une action contre la société Joyspeed afin de faire trancher le litige qui les oppose,

— enjoint sous astreinte les transporteurs maritimes : XXX, et X, à livrer à la société Moiroud, sans remise de connaissements originaux, les marchandises appartenant à la société Agora Distribution .

— condamné les sociétés :

XXX, X, Evergreen shipping Agency France, XXX,

— ainsi que XXX, aux dépens et à payer à la société Moiroud la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile .

La société China Shipping Container Lines Ltd a interjeté appel de cette décision dont elle poursuit l’infirmation.

Par conclusions du 27 novembre 2013 elle demande à la cour de :

— dire n’y avoir lieu à référé,

— dire que le juge des référés ne pouvait lui enjoindre de délivrer les containers,

— condamner la société Moiroud aux dépens et à payer à la société China Shipping Container Lines Ltd la somme de 10'000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de son appel la société China Shipping Container Lines Ltd fait valoir essentiellement ce qui suit :

— l’article 872 du code de procédure civile ne doit pas recevoir application dès lors:

— d’une part que la société Moiroud ne prouve ni l’existence d’une situation d’urgence, ni celle d’un risque pour la pérennité de son entreprise, la seule crainte d’une instance judiciaire engagée par la société Agora distribution, comme la nature de la marchandise ne pouvant, à elles seules, caractériser l’urgence requise;

— d’autre part que concernant le litige qui oppose la société Moiroud à la société Joyspeed Global, rien ne prouve que la société Moiroud ne soit pas responsable de ce litige ni que le refus opposé par la société Joyspeed Global serait abusif et constituerait un trouble manifestement illicite,

— l’existence de ce litige représente une contestation sérieuse ;

— il ressort des articles 49 et 50 du décret du 31 décembre 1966 que la remise de l’original du connaissements est une condition essentielle pour pouvoir opérer la livraison de marchandises, la méconnaissance de ce principe constituant, pour le transporteur maritime, une faute susceptible d’engager sa responsabilité.

Par conclusions en réponse la société Moiroud demande à la cour de :

— confirmer l’ordonnance déférée,

— condamner la société China Shipping Container Lines Ltd aux dépens et à payer la somme de 10 000 euros, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner les sociétés Joyspeed aux dépens en ce compris les frais de traduction, et au paiement de la somme de 30 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile .

Qu’elle fait valoir principalement ce qui suit :

— les conditions d’exercice d’un droit de rétention par la société Joyspeed Global ne sont pas réunies dès lors que :

— les connaissements délivrés par la société Joyspeed Global mentionnent comme destinataire réel des marchandises la société Agora distribution,

— la société Joyspeed Global savait en conséquence que les marchandises retenues appartenaient à un tiers et non à la société Moiroud, son donneur d’ordres,

— la créance d’indemnité invoquée par la société Joyspeed Global n’était pas établie, la société Joyspeed Global ne pouvant justifier d’une créance certaine et exigible contre la société Moiroud,

— la rétention des conteneurs a mis en péril l’activité de la société Moiroud et ce pour les raisons suivantes :

— la société Agora distribution est l’un de ses clients les plus importants, et l’immobilisation prolongée de 30 conteneurs a exposé la société Moiroud à la perte de ce client,

— la société Agora distribution, par conclusions d’intervention volontaire devant le tribunal de commerce a souligné que, s’agissant de textiles saisonniers, les articles de confection retenus étaient destinés à la collection automne hiver 2013 ;

— du fait de l’immobilisation des conteneurs:

— d’une part la perte de marge subie par la société Agora distribution s’est élevée à 683'000 euros,

— et d’autre part la société Moiroud a dû régler au transporteur maritime la somme de 14'935 euros de frais de stationnement et de surestaries,

— le principe posé par les articles 49 et 50 du décret du 31 décembre 1966, selon lequel le transporteur ne peut livrer la marchandise que sur présentation du connaissement original, même si celui-ci est à personne dénommée, n’est fait que pour protéger les ayants – droit à la marchandise ;

— en l’occurrence la société Moiroud est intervenue pour la société Agora distribution, seul ayant droit légitime des conteneurs bloqués au Havre;

— les droits de celle-ci n’étaient pas compromis, dans la mesure où les marchandises étaient payées par la société Agora distribution aux fournisseurs en Chine, où les frais étaient payés, et où le seul ayant droit des marchandises était la société Agora distribution ;

— dans ce contexte la rétention était constitutive d’un abus de droit, et l’obligation faite aux compagnies maritimes d’avoir à livrer les marchandises n’était pas sérieusement contestable .

Par actes du 27 janvier 2014 la société Moiroud a fait assigner en intervention forcée :

— la société Joyspeed Global Cargo ( China ) Ltd ,

— et la société Joyspeed Transport co Ltd ;

Régulièrement assignées ces sociétés n’ont pas constituent avocat .

Pour un exposé plus ample des faits, des demandes, des prétentions et des moyens des parties la cour se réfère à la décision entreprise ainsi qu’aux conclusions susvisées.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 4 septembre 2014 .

Cela étant exposé

Attendu que la société China Shipping Container Lines Ltd fait valoir que sous peine d’engager sa responsabilité envers la société porteur du connaissement, il est interdit à un transporteur de livrer la marchandise sans que lui soit présenté l’original du connaissement;

Qu’elle considère qu’en la contraignant à remettre les conteneurs, alors que la société Moiroud ne disposait pas des connaissements, la décision déférée a méconnu cette interdiction ;

Mais attendu que la règle selon laquelle le transporteur ne peut livrer la marchandise que contre présentation du connaissement original reçoit exception lorsque l’impossibilité pour le mandataire du propriétaire des marchandises de remettre ce document procède d’un fait matériel ou juridique illicite, constitutif d’une voie de fait ;

Attendu que la société Moiroud invoque à ce titre, sur le fondement des articles 872 et 873 – 1 du code de procédure civile, l’atteinte résultant de l’exercice par la société Joyspeed Global d’un droit de rétention sur les marchandises appartenant à la société Agora distribution ;

Attendu que selon les dispositions de l’article 872 du code de procédure civile « dans tous les cas d’urgence le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de la compétence du tribunal, ordonner en référé les mesures que justifie l’existence d’un différend » ;

Attendu que l’article 873 – 1 du code de procédure civile dispose que « le président peut, dans les mêmes limites et même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite » ;

Attendu que le trouble manifestement illicite désigne toutes perturbations résultant d’un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit ;

Que l’illicéité du fait invoqué peut résulter de la méconnaissance de dispositions légales ou réglementaires ou même quel que soit le fond du droit, du procédé auquel une partie a eu recours pour régler le différend et obtenir par violence ou voie de fait le bénéfice de ce droit ;

Que dès lors que la violation de la règle de droit est intervenue dans des conditions justifiant qu’il soit fin à l’acte perturbateur, la condition tenant à l’existence d’un trouble manifestement illicite est remplie ;

Que la mesure sollicitée doit être de nature à mettre fin à la situation provoquant cette atteinte dommageable aux droits et aux intérêts légitimes du demandeur ;

Attendu que la société Moiroud conteste à ce titre le procédé qui a consisté à retenir les connaissements en garantie du paiement d’une créance d’indemnité qui concernerait d’autres relations contractuelles que celles qui ont donné lieu aux opérations de transport objets de la présente instance

Attendu que le droit de rétention d’une chose, conséquence de sa détention est un droit réel opposable à tous et même aux tiers non tenus à la dette; que s’exerçant par le mandataire sur des objets qui lui ont été confiés pour l’exécution du mandat, il ne peut cependant être opposé que pour le paiement d’une créance née à raison du mandat ;

Que le créancier n’est donc pas en droit de retenir des objets jusqu’au paiement d’une créance qui a pu naître à l’occasion de précédentes relations contractuelles, distinctes de celles qui portent sur ces objets ;

Attendu en l’espèce que, pour l’exécution du mandat d’acheminement des marchandises qu’elle lui avait donné la société Moiroud a confié à la société Joyspeed Global les marchandises représentées par les connaissements ;

Que dans ce cadre juridique la société Joyspeed Global détenait à la fois le connaissement et les marchandises dont la livraison ne pouvait se faire sans présentation des connaissements ;

Qu’invoquant une créance sur la société Moiroud, elle a refusé de remettre à celle-ci les connaissements originaux ;

Qu’en exerçant un droit de rétention sur les connaissements originaux elle a également retenu la marchandise ;

Mais attendu que les conditions d’exercice par la société Joyspeed Global d’un droit de rétention n’étaient pas réunies ;

Que la créance invoquée par la société Joyspeed Global n’a pas, en effet, pris naissance à l’occasion des opérations d’acheminement des marchandises appartenant à la société Agora distribution confiées par celle-ci à la société Moiroud ;

Qu’il n’existe donc pas de lien de connexité matérielle entre la créance invoquée au soutien de l’exercice d’un droit de rétention et les marchandises ;

Que dans ces conditions la rétention des connaissements à laquelle la société Joyspeed Global a procédé apparait illicite ;

Qu’elle a occasionné à la société Moiroud un trouble manifestement illicite ;

Attendu que la société Moiroud justifie en outre de l’existence d’un dommage imminent ;

Attendu en effet :

— d’une part que dans ses conclusions d’intervention volontaire devant le juge des référés la société Agora distribution a indiqué que les articles de confection se trouvant dans les 30 conteneurs étaient destinés à la collection automne – hiver 2013 programmée pour être mis en place dès le mois de juillet 2013 ;

— d’autre part que la société Moiroud justifie de l’existence d’une perte de marge de la société Agora distribution à raison du retard dans la livraison des marchandises ;

Attendu qu’il convient par ailleurs d’observer que les mesures ordonnées en référé ont été accompagnées de la constitution d’une garantie par la société Moiroud ;

Attendu que compte tenu de ce qui précède la demande formée en référé par la société Moiroud en vue d’obtenir l’autorisation pour les compagnies maritimes de livrer la marchandise sans présentation des connaissements originaux était justifiée ;

Attendu que l’ordonnance entreprise sera donc confirmée ;

Attendu que l’équité commande de condamner la société China Shipping Container Lines Ltd à payer à la société Moiroud la somme de 3000 euros pour frais hors dépens d’appel, les demandes en paiement d’indemnité pour frais hors dépens formées par la société Moiroud à l’encontre des sociétés Joyspeed et par la société China Shipping Container Lines Ltd étant par ailleurs rejetées ;

Attendu qu’en application des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile les dépene seront mis à la charge in solidume de la société China Shipping Container Lines Ltd et des sociétés Joyspeed étant précisé que celles ci supporteront seules les frais de traduction d’actes de procédure, frais que l’article 695 du code de procédure civile inclus dans les dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant par décision réputée contradictoire, mise à disposition au greffe,

Confirme l’ordonnance entreprise,

Condamne la société China Shipping Container Lines Ltd à payer à la société Moiroud la somme de 3 000 euros pour frais non répétibles d’appel,

Rejette toutes demandes plus amples ou contraires au présent dispositif,

Condamne in solidum la société China Shipping Container Lines Ltd d’une part et les sociétés Joyspeed Global Cargo (China) Ltd et XXX co Ltd d’autre part aux dépens d’appel .

Dit que les sociétés Joyspeed Global Cargo (China) Ltd et XXX co Ltd, supporteront seules in solidum les frais de traduction des actes de la procédure d’appel, lesquels sont compris dans les dépens .

Autorise la distraction des dépens dans les termes de l’article 699 du code de procédure civile .

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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Cour d'appel de Rouen, Ch. civile et commerciale, 30 octobre 2014, n° 13/04277