Cour d'appel de Rouen, Chambre sociale, 31 janvier 2019, n° 15/02821

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Rouen, ch. soc., 31 janv. 2019, n° 15/02821
Juridiction : Cour d'appel de Rouen
Numéro(s) : 15/02821
Décision précédente : Conseil de prud'hommes d'Évreux, 25 mai 2015
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

N° RG 15/02821 – N° Portalis DBV2-V-B67-GYH5

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 31 JANVIER 2019

DÉCISION

DÉFÉRÉE :

Jugement du CONSEIL DE PRUD’HOMMES D’EVREUX du 26 Mai 2015

APPELANTE :

Société GOODRICH ACTUATION SYSTEMS appartenant au Groupe UTC AEROSPACE SYSTEMS

[…]

[…]

représentée par Me Anahid PAPAZIAN, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE :

Madame B Y

[…]

[…]

comparante en personne,

assistée de Me Karim BERBRA de la SELARL BAUDEU & ASSOCIES AVOCATS, avocat au barreau de ROUEN substituée par Me Aurélia DOUTEAUX, avocat au barreau de ROUEN

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats et du délibéré :

Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente

Madame DE SURIREY, Conseiller

Monsieur TERRADE, Conseiller

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Madame HOURNON, Greffière

DEBATS :

A l’audience publique du 18 Décembre 2018, où l’affaire a été mise en délibéré au 31 Janvier 2019

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé le 31 Janvier 2019, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente et par Madame LAKE, Greffière présente à cette audience.

EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES

Mme B Y a été engagée par la société Goodrich Actuation Systems en qualité d’ingénieur assurance qualité statut cadre par contrat à durée indéterminée à compter du 22 août 2011.

Les relations contractuelles des parties étaient soumises à la convention collective nationale des ingénieurs et cadres des industries des métaux.

Le licenciement pour insuffisance professionnelle a été notifié à la salariée le 17 août 2012.

Le 22 octobre 2013, Mme B Y a saisi le conseil de prud’hommes d’Evreux en contestation du licenciement et paiement d’indemnités.

Par jugement du 26 mai 2015, le conseil de prud’hommes a :

— dit le licenciement nul,

— condamné la société UTC Aerospace Systems au paiement des sommes suivantes :

• dommages-intérêts pour licenciement nul : 46 000 euros,

• dommages-intérêts pour irrégularité de la procédure : 3 600 euros,

• indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile : 1 500 euros, ainsi qu’aux dépens,

— ordonné à la société UTC Aerospace Systems le remboursement aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées à Mme B Y du jour de son licenciement au jour du prononcé du jugement, dans la limite de six mois,

— ordonné l’exécution provisoire,

— débouté la société UTC Aerospace Systems de sa demande reconventionnelle,

— dit qu’à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées et en cas d’exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par l’huissier instrumentaire devront être supportées par la société UTC Aerospace Systems.

La société Goodrich Actuation Systems a interjeté appel le 10 juin 2015 par lettre recommandée avec accusé de réception.

Par ses dernières conclusions remises le 5 octobre 2017, soutenues oralement à l’audience, et auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé, la société Goodrich Actuation Systems a demandé à la cour de :

— infirmer le jugement entrepris,

— condamner Mme B Y au remboursement de la somme de 49 260 euros perçue au titre de l’exécution provisoire,

— débouter Mme B Y de l’intégralité de ses demandes et la condamner aux éventuels dépens.

Par ses dernières conclusions remises le 6 mars 2017, modifiées et soutenues oralement à l’audience, et auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens, Mme B Y a demandé à la cour de :

— confirmer le jugement entrepris,

y ajoutant :

— dire nul le forfait jours,

— à titre subsidiaire, dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

— condamner la société Goodrich Actuation Systems au paiement des sommes suivantes :

• dommages intérêts au titre de la nullité du forfait jours : 15 000 euros,

• indemnité pour travail dissimulé : 22 500 euros,

• indemnité au titre du préjudice subi : 46 000 euros,

• indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile : 2 500 euros, ainsi qu’aux entiers dépens.

MOTIFS DE LA DECISION

- Sur les demandes au titre de l’exécution du contrat de travail

I – nullité du forfait en jours

En cause d’appel, Mme B Y a soulevé la nullité de la convention de forfait en jours, faute pour l’employeur d’établir qu’il a :

— contrôlé le nombre de jours travaillés,

— établi un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées et demi-journées travaillées, ainsi que le positionnement et la qualification des jours de repos en repos hebdomadaires, congés payés, congés conventionnels ou jours de repos au titre de la réduction du temps de travail,

— assuré le suivi régulier de l’organisation de son travail et de sa charge,

— organisé un entretien annuel avec son supérieur hiérarchique au cours duquel ont été évoquées l’organisation, la charge de travail et l’amplitude des journées d’activité,

— vérifié que ces amplitudes et charges restent raisonnables et bien réparties.

L’employeur estime avoir garanti le droit à la santé et au repos de la salariée en :

— assurant une amplitude et charge de travail raisonnables par la mise en place du badgeage permettant de comptabiliser le nombre de jours travaillés par mois, lesquels sont mentionnés sur les bulletins de paie, et permettant à Mme B Y de prendre la totalité de ses jours de congés et repos, y compris des congés sans solde en décembre 2011 et janvier 2012,

— respectant les repos quotidien et hebdomadaire, lesquels étaient régulièrement suivis par Mme X, sa responsable hiérarchique qui travaillait dans des bureaux proches permettant d’assurer une visibilité sur l’amplitude des journées de travail et ainsi qu’en attestent les mails adressés et reçus entre 8 et 19h00 soit dans une plage horaire raisonnable.

Il résulte du contrat de travail liant les parties que la durée de travail de Mme B Y que est de 217 jours incluant la journée solidarité par année calendaire et qu’elle bénéficie d’une rémunération forfaitaire brute annuelle, avec rappel de la convention collective applicable.

Il n’est pas discuté que la convention collective et plus particulièrement l’accord national du 28 juillet 1998 sur l’organisation du travail dans la Métallurgie modifié par avenants des 29 janvier 2000, 14 avril 2003 et 3 mars 2006 permettent la conclusion de convention individuelle de forfait pour les cadres qui bénéficient d’une autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l’horaire collectif applicable et que le statut de Mme B Y permettait de prévoir une telle convention.

L’article 14-2 dudit accord prévoit notamment que :

— le salarié doit bénéficier d’un temps de repos quotidien d’au moins 11 heures consécutives, sauf dérogations dans les conditions fixées par les dispositions législatives et conventionnelles en vigueur,

— le salarié doit bénéficier d’un temps de repos hebdomadaire de 24 heures, auquel s’ajoute le repos quotidien de 11 heures,

— le forfait en jours s’accompagne d’un contrôle du nombre de jours travaillés. Afin de décompter le nombre de journées ou demi-journées travaillées, ainsi que des journées ou demi-journées de repos prises, l’employeur est tenu d’établir un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées, ainsi que le positionnement et la qualification des jours de repos en repos hebdomadaires, congés payés, congés conventionnels ou jours de repos au titre de la réduction du temps de travail auxquels le salarié n’a pas renoncé dans le cadre de l’avenant à son contrat de travail ….,

— le supérieur hiérarchique du salarié assure le suivi régulier de l’organisation du travail de l’intéressé et de sa charge de travail,

— le salarié bénéficie chaque année d’un entretien avec son supérieur hiérarchique au cours duquel seront évoquées l’organisation et la charge de travail de l’intéressé et l’amplitude de ses journées d’activité.

Si l’examen des bulletins de paie révèle que l’employeur procédait au contrôle du nombre de jours travaillés, lesquels y sont mentionnés, tout comme les jours de repos quelque soit leur qualification, en revanche, il ne démontre pas de quelle manière le supérieur hiérarchique assurait le suivi régulier de l’organisation du travail de Mme B Y et de sa charge, outre le contrôle visuel invoqué en raison de la proximité des bureaux, ce qui est insuffisant, et en tout état de cause, alors que Mme B Y a été engagée le 22 août 2011 et licenciée une année plus tard, il n’est pas justifié de la tenue de l’entretien annuel exigé abordant les questions directement relatives à la charge de travail et l’amplitude des journées, les entretiens qui se sont déroulés au cours de la relation contractuelle

ayant eu pour unique objet ses performances techniques.

Il s’en déduit que l’employeur a manqué à ses obligations, ce qui rend la convention de forfait inopposable à la salariée qui peut prétendre à l’indemnisation du préjudice qui en résulte, lequel n’est pas caractérisé, puisque comme le relève à juste titre l’employeur, la salariée a obtenu l’ensemble des congés auxquels elle pouvait prétendre et qu’elle ne soutient pas avoir accompli des heures supplémentaires qui seraient restées non rémunérées.

En conséquence, la cour la déboute de sa demande de dommages et intérêts.

II – travail dissimulé

La nullité de la convention de forfait n’entraîne pas de manière automatique la condamnation à une indemnité pour travail dissimulé.

En l’espèce, le motif retenu pour dire nulle la convention de forfait tient à l’absence de contrôle suffisant de l’employeur pour assurer la garantie du droit à la santé et au repos de la salariée, laquelle ne soutient pas ne pas avoir été rémunérée des heures de travail effectivement accomplies.

Par conséquent, non seulement le travail dissimulé au sens des articles L.8221 ' 1 du code du travail et suivants n’est pas caractérisé, et en tout état de cause, le caractère intentionnel exigé n’est pas établi par la salariée sur laquelle pèse la charge de la preuve.

Dès lors, elle est déboutée de la demande à ce titre.

- Sur les demandes au titre de la rupture du contrat de travail

I – nullité du licenciement

Mme B Y soulève la nullité du licenciement pour violation des droits de la défense.

Il résulte de l’article 7 de la convention n° 158 de l’organisation internationale du travail qu’un travailleur ne devra pas être licencié pour des motifs liés à sa conduite ou à son travail avant qu’on ne lui ait offert la possibilité de se défendre contre les allégations formulées, à moins que l’on ne puisse pas raisonnablement attendre de l’employeur qu’il lui offre cette possibilité.

L’article L.1232-2 du code du travail prévoit que la lettre de convocation à entretien préalable doit préciser l’objet de la convocation.

Contrairement à ce qu’affirme Mme B Y, ni le principe du contradictoire, ni la convention internationale précitée, ni les dispositions de la convention Européenne des droits de l’homme, ni la convention collective applicable, ni aucune disposition légale n’impose à l’employeur d’indiquer dans la lettre de convocation à l’entretien préalable les griefs reprochés.

L’énonciation de l’objet de l’entretien dans la lettre de convocation consistant à préciser qu’une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement est envisagée et la tenue d’un entretien préalable prévue par les articles L. 1232-2 et R. 1232-1 du code du travail, au cours duquel le salarié, qui a la faculté d’être assisté, peut se défendre contre les griefs formulés par son employeur, satisfont à l’exigence de loyauté et du respect des droits du salarié dont les droits de la défense sont ainsi garantis.

Dès lors, le fait que la lettre de convocation à l’entretien préalable n’indique pas les griefs reprochés à la salariée ne rend pas nul le licenciement intervenu le 17 août 2012.

La cour infirme en ce sens le jugement entrepris.

II – irrégularité de la procédure

Mme B Y soulève l’irrégularité de la procédure de licenciement au motif que le délai de 5 jours ouvrables entre la convocation à l’entretien préalable et cet entretien n’a pas été respecté.

La société Goodrich Actuation Systems s’y oppose considérant avoir respecté les délais légaux impartis.

En application de l’article L.1232-2 dernier alinéa, l’entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation, étant précisé que le jour de la remise ne compte pas, et que le délai se décompte en jours ouvrables, lesquels sont les jours qui peuvent être légalement travaillés, à savoir du lundi au samedi à l’exclusion du dimanche.

Il est produit au débat la copie de la convocation signée par la salariée le lundi 6 août 2012, date de la remise en main propre, de sorte que les cinq jours ouvrables expiraient le samedi 11 août suivant.

En application des dispositions de l’article R.1231-1 du code du travail, lorsque les délais prévus par les dispositions légales du présent titre expirent un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, ils sont prorogés jusqu’au premier jour ouvrable suivant.

En l’espèce, l’entretien s’étant tenu le lundi 13 août 2012, le délai légalement prescrit n’a pas été respecté et la salariée qui a moins de deux ans d’ancienneté est fondée à obtenir réparation de son préjudice par une indemnité distincte dont le montant ne peut être supérieure à un mois de salaire.

Faute de préjudice justifié, la salariée s’étant présentée à l’entretien assistée de M. D E délégué syndical, la cour rejette la demande d’indemnisation, infirmant ainsi le jugement entrepris.

III – cause du licenciement

Par lettre du 17 août 2012, Mme B Y a été licenciée pour insuffisance professionnelle.

L’insuffisance professionnelle constitue une cause légitime de licenciement à condition que l’incompétence alléguée repose sur des éléments concrets et suffisamment pertinents pour justifier la rupture du contrat de travail en ce qu’elle perturbe la bonne marche de l’entreprise ou le fonctionnement du service, sans qu’il soit pour autant nécessaire d’établir l’existence d’un préjudice chiffrable pour l’entreprise.

Mme B Y a été engagée en qualité d’ingénieur Assurance Qualité Module position cadre.

Il résulte du référentiel métier applicable dans l’entreprise et dont la salariée n’invoque pas la méconnaissance qu’à ce titre, la salariée avait la responsabilité et l’autorité pour :

— mesurer la conformité des processus mis en oeuvre pour obtenir des produits et services conformes aux exigences du système Qualité,

— traiter les défaillances système et produit,

— aider dans la mise en oeuvre des améliorations.

L’examen de son parcours professionnel antérieur révèle que Mme B Y disposait de plusieurs expériences dans le même domaine d’activité.

En premier lieu, la salariée soutient que sous couvert d’une insuffisance professionnelle, l’employeur lui reproche en réalité des fautes, ainsi que cela ressort de la convocation à l’entretien préalable à une sanction disciplinaire, invoquant des griefs qu’il estime fautifs, que dans ses écritures la société affirme ce caractère disciplinaire en indiquant 'qu’il est important de rappeler que Madame Y n’a pas été licenciée pour des questions de résultats/niveau qualité', alors que l’insuffisance professionnelle ne peut être fautive ce qui rend le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La société UTC Aerospace Systems maintient que le licenciement de Mme B Y repose sur son insuffisance professionnelle constituait par son manque de rigueur dans le suivi de ses actions, une maîtrise approximative de son poste de travail, de son manque de professionnalisme dans ses rapports avec le client Eurocopter et ses interlocuteurs internes, la seule convocation de la salariée pour entretien préalable en vue d’une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement étant indifférente.

C’est le motif de rupture mentionné dans la lettre de licenciement qui détermine le caractère disciplinaire ou non du licenciement, peu important que l’employeur ait initié la procédure de licenciement en visant son caractère disciplinaire.

En l’espèce, l’examen de la lettre de licenciement révèle que l’employeur a fondé la rupture du contrat de travail sur des reproches en lien avec une insuffisance professionnelle, laquelle est distincte de l’insuffisance de résultat, puisqu’il lui reproche son manque d’efficacité à piloter les actions auprès du client Eurocopter et à résoudre les problèmes qu’elle rencontre, son manque de professionnalisme dans l’exercice de ses fonctions, ses difficultés avec les clients internes, illustrant ses propos avec des exemples concrets.

Ce moyen est donc inopérant et doit être rejeté.

En second lieu, Mme B Y conteste les griefs qui lui sont imputés.

— missions d’Assurance Qualité Module pour le client Eurocopter et des lignes de production associées

La société UTC Aerospace Systems reproche à la salariée d’avoir été à l’origine de tensions avec le client Eurocopter, lequel représente 26 % du chiffre d’affaire neuf du site de Vernon et 10 % du chiffre d’affaires total, en raison de ses erreurs, du manque de fiabilité des informations transmises, l’amenant à solliciter la suppression des entretiens téléphoniques hebdomadaires, nécessitant l’intervention de Mme X pour rétablir le dialogue, sans pour autant que cela ne satisfasse le client en raison de la persistance d’informations erronées et incohérentes.

Avant l’arrivée de Mme B Y engagée en août 2011, il résulte du document 'Quality Improvement Plan’ que des difficultés tenant à la qualité préexistaient dans la relation avec la société Eurocopter puisqu’en 2010, avait été attribuée la note D avec un taux de défaut de 10,30 %.

En 2011, une amélioration a été constatée puisque la note C a été accordée pour un taux de défaut de 5,73 %.

Compte tenu de la date d’embauche de Mme B Y le 22 août 2011, cette amélioration ne peut être imputée à ses seuls mérites et en tout état de cause, est sans incidence sur les difficultés constatées au cours de l’année 2012.

Selon Mme B Y, il a été mis un terme aux conférences téléphoniques hebdomadaires en raison de la surcharge des plannings.

Or, cette allégation est remise en cause par l’employeur qui verse au débat les échanges de mails avec

ses interlocuteurs de la société Eurocopter dans lesquels ils expriment leur incompréhension sur plusieurs points relevant des missions de Mme B Y et notamment le 7 mai 2012, M. M-N-O a constaté qu’il manquait la 'FME alors qu’au cours des discussions relatives à cet équipement fin mars, la FME n’était pas manquante', qu’il s’ensuit leur volonté de remettre en cause la procédure de conférence téléphonique hebdomadaire mise en place entre l’employeur et son client, puisque les points évoqués au cours des conf call (conférence téléphonique) continuent de se produire et que force est de constater que cette démarche mise en oeuvre dans le passé avec succès n’apporte plus les résultats escomptés, ce qui a contraint Mme F X, responsable hiérarchique de Mme B Y à proposer la mise en place de la formalisation du contenu de ces échanges téléphoniques afin de permettre un retour clair pour chaque problème évoqué.

Il en résulte que contrairement à ce que soutient la salariée, la remise en cause de cette pratique ne repose pas sur la surcharge des plannings mais sur l’insatisfaction du client qui en constate les limites, faute de réponses cohérentes en lien avec les échanges antérieurs.

En dépit de la mise en place de la formalisation des échanges par Mme X, dès le 18 juin 2012, M. Z de la société Eurocopter faisait part à nouveau auprès de Mme B Y de son mécontentement et de son agacement en constatant des mentions erronées sur la FEE alors que ce point avait été déjà abordé et compris et le 25 juin suivant, M. Z regrettait que la réponse apportée par Mme B Y ne soit pas conforme à sa demande et aux engagements pris.

Par mail du 13 juillet 2012, M. Z faisait suite à des informations transmises le 6 juillet précédent, révélant leur caractère erroné, et par lettre du 17 juillet 2012, Mme G H, supplier quality assurance de la société Eurocopter indiquait que les résultats n’étaient pas à la hauteur de l’amélioration attendue en terme de réactivité et fiabilité des réponses de Goodrich sur les sujets qualité, exprimant sa crainte que Mme B Y, son interlocuteur principal n’ait pas le poids et le crédit suffisant pour mener à bien les actions nécessaires à la tenue des objectifs qualité.

Sur le grief relatif à la réédition des originaux des fiches matricules équipement avec des annotations, Mme B Y fournit une explication non sérieusement contredite par l’employeur, de sorte que l’imputabilité à l’insuffisance de la salariée est contestable

— entretien du 29 juin 2012 et objectifs fixés

Il n’est pas discuté que le vendredi 29 juin 2012, s’est tenu un entretien informel entre la salariée, M. A, responsable des ressources humaines, et Mme X responsable directe de Mme B Y au cours duquel l’objectif de clôture des actions a été fixé et la salariée s’est exécutée pour le 2 juillet suivant.

Cet entretien a donné lieu à une lettre de l’employeur le 2 juillet 2012 reprenant les points abordés, décrivant les motifs d’insatisfaction et demandant à la salariée de mettre en oeuvre des actions permettant d’assurer la satisfaction des clients internes et externes.

Au cours de cette rencontre, il avait également été demandé à Mme B Y de préparer la réunion mensuelle du 5 juillet suivant avec la société Eurocopter et le bilan des retours 0 heures.

Il résulte du courriel adressé par Mme X le 6 juillet 2012 que cette réunion n’a pas donné satisfaction, en raison d’actions à la charge de la salariée non faites et laissées sans réponse, faites en retard ou faites avec fourniture d’éléments erronés.

Il ne ressort pas des éléments du débat que cette réunion devait être préparée avec Mme X, laquelle intervenait comme observatrice pour s’assurer du respect des consignes données à la salariée, présence qu’elle a indiqué maintenir lors des conférences téléphoniques et réunions mensuelles au regard des défaillances de la salariée, étant rappelé que compte tenu de ses fonctions

et de son statut de cadre, il appartenait à Mme B Y d’assumer ses tâches et missions de manière autonome dans le respect des consignes de l’employeur.

— difficultés de communication interne

Il résulte des échanges entre Mme B Y et d’autres salariés de l’entreprise et des attestations de MM. I J, responsable de ligne de production et Gilbert Pépin préparateur méthodes, K L, responsable atelier de traitement que la salariée manquait de rigueur dans le traitement des informations communiquées, et de connaissance techniques suffisantes, ce qui avait une incidence sur l’intervention de ses interlocuteurs internes et générait des tensions.

Si parmi les exemples retenus par l’employeur pour caractériser les difficultés de la salariée dans ses relations avec les clients internes, certaines ne lui sont pas imputables comme elle s’en explique sans être contredite par l’employeur, il n’en demeure pas moins, qu’elle ne peut se retrancher derrière les défaillances d’un stagiaire placé sous sa responsabilité pour s’affranchir de sa propre responsabilité et qu’en tout état de cause, il résulte des attestations produites par l’employeur que la salariée présentaient des carences dans le domaine technique et qu’en dépit du soutien des professionnels sur des questions relevant de sa compétence, ses carences persistaient, lesquelles avaient une incidence dans les relations avec les clients.

Alors que le métier d’ingénieur exige une assise de connaissances techniques certaines et fiables, que depuis embauche, soit sur une année, la société UTC Aerospace Systems justifie de ce que Mme B Y a suivi treize sessions de formation, notamment dans les domaines de la sécurité, techniques de l’audit, cours de français, conduite de chantier, maîtrise des normes de qualité applicables dans le secteur aéronautique, que la hausse de salaire dont elle a bénéficié en avril 2012 résultait d’une clause du contrat de travail, que les carences de la salariée dans le traitement des clients Eurocopter et des clients internes sont établis et lui sont imputables, que l’employeur a recherché les moyens de les combler sans que d’effets positifs n’en ressortent et alors qu’elle disposait déjà d’une expérience professionnelle dans le même domaine, l’insuffisance professionnelle de la salariée est caractérisée et légitime son licenciement.

- Sur les autres points

L’employeur demande que soit ordonnée la restitution des sommes qu’il a versées en vertu du jugement assorti de l’exécution provisoire, avec intérêts au taux légal à compter de leur versement, de la demande de remboursement.

Cependant, le présent infirmatif constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement et les sommes devant être restituées portent intérêts au taux légal à compter de la signification, valant mise en demeure, de la décision ouvrant droit à restitution.

Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur la demande de la société Goodrich Actuation Systems.

- Sur les dépens et frais irrépétibles

En qualité de partie partiellement succombante, la société Goodrich Actuation Systems est condamnée aux entiers dépens et déboutée de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.

Compte tenu de l’issue du litige, il n’est pas inéquitable de laisser à la charge de Mme B Y les frais générés par la présente instance et non compris dans les dépens en appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant contradictoirement,

Infirme le jugement entrepris sauf sur ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles ;

Statuant à nouveau,

Dit que le licenciement de Mme B Y n’est pas nul ;

Dit que le licenciement de Mme B Y repose sur une cause réelle et sérieuse ;

Déboute Mme B Y de sa demande de dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure ;

Y ajoutant,

Dit la convention de forfait inopposable à Mme B Y ;

Déboute Mme B Y de sa demande de dommages et intérêts pour convention de forfait en jours nulle et au titre du travail dissimulé ;

Dit n’y avoir lieu à ordonner la restitution des sommes excédentaires versées en vertu de l’exécution provisoire attachée au jugement déféré, le présent arrêt valant titre de restitution ;

Déboute la société Goodrich Actuation Systems de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile;

Déboute Mme B Y de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile en appel ;

Condamne la société Goodrich Actuation Systems aux entiers dépens.

La greffière La présidente

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