Cour d'appel de Rouen, 1ère ch. civile, 19 mai 2021, n° 18/03856

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Rouen, 1re ch. civ., 19 mai 2021, n° 18/03856
Juridiction : Cour d'appel de Rouen
Numéro(s) : 18/03856
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Rouen, 23 août 2018, N° 17/00118
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

N° RG 18/03856 – N° Portalis DBV2-V-B7C-H6VW

COUR D’APPEL DE ROUEN

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 19 MAI 2021

DÉCISION DÉFÉRÉE :

[…]

Tribunal de grande instance de ROUEN du 24 août 2018

APPELANTE :

Samcv MATMUT

[…]

[…]

représentée et assistée par Me Renaud DE BEZENAC de la Selarl DE BEZENAC & ASSOCIES, avocat au barreau de ROUEN

INTIMES :

Monsieur A Y

né le […] à DIJON

[…]

[…]

représenté et assisté par Me Franck ROGOWSKI de la Selarl CONIL ROPERS GOURLAIN PARENTY ROGOWSKI et Associés, avocat au barreau de ROUEN

Sa GRESHAM

[…]

[…]

représentée et assistée par Me Emmanuelle BOURDON de la Selarl EMMANUELLE BOURDON CELINE BART Avocats Associés, avocat au barreau de ROUEN

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DU JURA

[…]

[…]

non constituée bien que régulièrement assignée par acte d’huissier délivré le 21 décembre

20218 à personne morale

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 15 mars 2021 sans opposition des avocats devant M. Jean-François MELLET, conseiller, rapporteur,

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :

Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre

Mme Laurence de SURIREY, conseillère

M. Jean-François MELLET, conseiller

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme C D,

DEBATS :

A l’audience publique du 15 mars 2021, où l’affaire a été mise en délibéré au 19 mai 2021

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU PRONONCÉ :

Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre

M. François BERNARD, conseiller

M. Jean-François MELLET, conseiller

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 19 mai 2021, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

signé par Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre et par Mme D, greffier.

*

* *

Le 22 août 2011, M. A Y, conducteur d’un véhicule terrestre à moteur, a été victime d’un accident de la circulation impliquant Mme X, assurée auprès de la société MATMUT ASSURANCES (ci-après la MATMUT).

Il en est résulté un traumatisme crânien et facial, une fracture de la face, des fractures du tibia, du péroné gauche, du radius droit, de deux métacarpiens de la main droite, outre des

répercussions psychologiques.

La CPAM du Jura et la société Gresham, compagnie d’assurances ayant consenti des garanties collectives à l’employeur de la victime, ont servi des prestations à M. Y.

Par arrêt confirmatif en date du 22 octobre 2015, la cour d’appel de Rouen a jugé que le droit à réparation de M. Y au titre des préjudices consécutifs à l’accident devait être réduit d’un tiers compte tenu de sa faute.

Par jugement contradictoire en date du 24 août 2018, le tribunal de grande instance de Rouen a statué ainsi qu’il suit :

— condamne la MATMUT à payer à M. A Y la somme de

206 712,39 euros au titre de la réparation de son préjudice corporel, outre celle de 1 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamne la MATMUT à payer à la société Gresham la somme de

69 314,17 euros au titre de sa créance subrogatoire, et celle de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— ordonne l’exécution provisoire du jugement,

— déclare le présent jugement commun à la CPAM de Haute-Saône et opposable à la société Gresham,

— fait masse des dépens et condamne la société MATMUT à en supporter les 2/3, le 1/3 restant devant étre supporté par M. Y.

Par déclaration reçue au greffe le 21 septembre 2018, la MATMUT a interjeté appel de la décision.

Par dernières conclusions notifiées le 19 octobre 2020, l’appelante demande à la cour d’appel de :

— infirmer la décision entreprise et statuant à nouveau,

— dire et juger que le préjudice de M. Y sera liquidé par une somme globale de 81 742,40 euros après application de la limitation de son droit à indemnisation,

— déduire les provisions à hauteur de 45 500 euros,

— dire et juger que le solde revenant à M. A Y s’élève à la somme de 36 242,40 euros,

— dire et juger qu’il revient à la société Gresham la somme totale de

44 415,84 euros,

— débouter monsieur Y du surplus de ses demandes, et notamment de sa demande d’indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions notifiées le 10 février 2019, M. Y, demande à la cour

d’appel, de :

— confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Rouen du 24 août 2018 en toutes ses dispositions et plus précisément en ce qu’il a condamné la société MATMUT Assurances à payer à M. A Y la somme de 206 712,39 euros au titre de la réparation de son préjudice corporel, outre celle de 1 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et ordonné l’exécution provisoire du jugement,

— rejeter l’intégralité des demandes de la MATMUT,

— dire et juger que dans l’hypothèse où à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par le jugement à intervenir, l’exécution forcée devra être réalisée par l’intermédiaire d’un huissier, le montant des sommes retenues par l’huissier en application du tarif des huissiers sera supporté intégralement par la MATMUT, en sus de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner la MATMUT à payer à M. Y la somme de

3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel,

— condamner la MATMUT aux entiers dépens de l’instance.

Par dernières conclusions notifiées le 24 mai 2019, la Sa Gresham intimée, demande à la cour d’appel, au visa des articlers L. 121-12 du code des assurances et L. 376-1 du code de la sécurité sociale, de :

— confirmer le jugement entrepris en ce que :

o il a admis le recours subrogatoire de la société Gresham à hauteur de la somme de 24 967,14 euros au titre de la perte de gains professionnels actuels,

o il a alloué à la société Gresham la somme de 800 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

— infirmer le jugement entrepris en ce que :

o au titre des pertes de gains professionnels futurs, il a commis une erreur de calcul dans la détermination de la créance de la société Gresham à ce titre,

o il n’a pas imputé le reliquat des créances des tiers payeurs sur le poste de déficit fonctionnel permanent reconnu au profit de M. Y,

statuant à nouveau,

— constater la subrogation de la société Gresham dans les droits et actions de M. Y à l’encontre de la société MATMUT ASSURANCES, assureur du tiers responsable,

— juger qu’au titre des pertes de gains professionnels actuels, la société Gresham est fondée à récupérer la somme de 24 967,14 euros,

— juger qu’au titre des pertes de gains professionnels futurs, la société Gresham est fondée à récupérer la somme de 30 138,82 euros,

— juger qu’au titre du déficit fonctionnel permanent, la société Gresham est fondée à récupérer

la somme de 13 357,13 euros,

— condamner en conséquence la société MATMUT ASSURANCES à régler à la société Gresham la somme totale de 68 463,09 euros,

— condamner la société MATMUT à régler à la société Gresham, au titre de l’instance d’appel, la somme de 2.500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner la société MATMUT aux entiers dépens, dont distraction au profit de la Selarl Bourdon et Bart prise en la personne de Me Emmanuelle Bourdon.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures visées ci-dessus conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

La CPAM n’ a pas constitué avocat, bien que citée à personne morale.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 17 février 2021, et l’affaire, plaidée à l’audience du 15 mars 2021, a été mise en délibéré au 19 mai 2021.

MOTIFS

A titre liminaire, il y a lieu de relever que le tribunal a fait application du barème de capitalisation publié dans la 'Gazette du Palais’ en 2018, année à laquelle M. Y liquide son préjudice, et que ce choix n’est pas contesté par les parties. Les conclusions de l’expert ne sont pas davantage contestées. Enfin, il n’y a pas lieu de fixer le montant de la créance subrogatoire de la CPAM à défaut de demande en ce sens.

Après avoir relevé que M. Y, né le […], exerçait la profession d’agent de maintenance à l’époque des faits, il sera fait application de l’article 25 de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006, selon lequel le recours subrogatoire des tiers payeurs s’exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu’ils ont pris en charge.

- Dépenses de santé actuelles

Le tribunal a fixé ce poste à la somme de 77 322,04 euros, dont

42 597,30 euros pris en charge par la CPAM et 34 724, 74 euros au titre de frais restés à la charge de la victime.

Contrairement à ce qu’indique la MATMUT, ces derniers frais sont justifiés par la note d’honoraires dressée par le Dr Z le 7 mars 2014 à hauteur de 33 460 euros. Cette note précise qu’hormis les dépenses mentionnées aux deux premières lignes, le surplus des dépenses engagées n’est pas remboursé par la CPAM. Les conditions de prise en charge des prothèses par l’assureur et la CPAM sont quant à elle justifiées par le relevé de remboursement 'Henner' daté du 12 mars 2014.

Après imputation des dépenses non prises en charge, et application du ratio de responsabilité imputable à M. Y, la décision sera confirmée en ce que le tribunal a fixé la créance de la victime à la somme de 34 724,74 euros.

- Frais divers

Le tribunal a retenu une somme de 9 819,60 euros, soit une indemnisation totale de 6 546,40 euros après application du ratio de responsabilité.

L’appelante conclut à une minoration à la somme de 6 000,60 euros au motif que les factures de portage de repas produites concerneraient également Mme Y et qu’elle aurait également bénéficié des déplacements facturés. Ce moyen ne justifie toutefois pas l’infirmation quant au quantum : le fait que les factures de portage de repas ont été dressées au nom des deux époux ne remet pas en cause le droit de la victime à être indemnisée de ces dépenses consécutives à l’accident. Par ailleurs, aucun élément ne permet de conclure que Mme Y aurait bénéficié des déplacements indemnisés, et le fait qu’elle a pu éventuellement accompagner son mari n’interdit pas ce dernier d’en solliciter l’indemnisation.

- Tierce personne temporaire (avant consolidation)

L’expert a retenu la nécessité d’une intervention 2 heures par jour entre le 30 octobre 2011 et le 17 janvier 2012, puis 1 heure par jour jusqu’au 31décembre 2014.

L’ADMR a facturé 410,06 euros au titre de 20 heures 25.

Le tribunal a retenu cette somme, outre 1 342,75 heures après application d’un taux horaire de 16 euros, soit une somme totale de 21 894,06 euros. Après application du ratio de responsabilité, l’indemnisation a été fixée à

14 596,04 euros.

La MATMUT sollicite la minoration, mais la référence à un taux horaire de 16 euros est appropriée et il y a lieu à confirmation de ce chef.

- Perte de gains professionnels actuelle

Il s’agit de compenser les répercussions de l’invalidité sur la sphère professionnelle de la victime jusqu’à la consolidation de son état de santé. L’évaluation de ces pertes de gain doit être effectuée in concreto au regard de la preuve d’une perte de revenus établie par la victime jusqu’au jour de sa consolidation.

Le rapport d’expertise conclut à un arrêt de travail du 2 août 2011 au 7 septembre 2014.

La CPAM a versé des indemnités journalières à hauteur de 43 687,21 euros et la société Gresham la somme de 37 517,66 euros

Le tribunal a retenu en outre une perte nette de congés payés évaluée à

3 045 euros et condamné la MATMUT à hauteur de cette somme.

Cette dernière ne conteste pas le montant des créances fixées au bénéfice de la CPAM et la société Gresham, soit 28 154,44 euros et 24 967,14 euros, qui n’appelle pas de critique. Elle soutient à juste titre que le ratio de responsabilité doit s’appliquer au calcul de celle de M. Y, si bien que l’indemnisation sera limitée à la somme de 2 030 euros.

- Dépenses de santé futures

M. Y sollicite une somme de 66 668,26 euros, correspondant à l’application du barème de capitalisation au coût total des importantes interventions dentaires dont il a bénéficié.

Le rapport d’expertise dressé par le professeur Breton n’évoque pourtant que 'le renouvellement des prothèses dans un délai de 12 à 15 ans' sans mentionner la nécessité de reprendre les interventions réalisées. Le tribunal n’a, dès lors, pas fait droit à hauteur des montants demandés, mais a limité ce poste au remboursement des seuls renouvellements de prothèse, qu’il a capitalisé en appliquant, sur le coût d’appareillage mentionné au relevé de remboursement Henner, soit 12 087,24 euros, le point de rente correspondant à un premier renouvellement à 65 ans. Après imputation du ratio de responsabilité, le montant de l’indemnisation a été fixé à 11 792,30 euros payable à la victime.

La victime sollicite la confirmation en appel.

La MATMUT critique cette décision, relevant que les conditions de prise en charge futures ne sont pas déterminables. Elle soutient qu’il reviendrait à

M. Y de prouver le montant des remboursements par les tiers-payeurs afin de justifier des éventuelles sommes à sa charge.

S’agissant de capitaliser un préjudice futur, il n’y a pas lieu d’exiger de la victime qu’elle prouve des dépenses ou des remboursements qu’elle n’a par hypothèse pas encore effectués ni reçus.

Ainsi que l’a estimé le tribunal, le relevé 'Henner' permet de déterminer le reste à charge au titre du remplacement des prothèses, soit la somme non prise en charge et non payée par l’assureur, à savoir 12 087,24 euros. Le choix du tribunal quant à la base de capitalisation n’appelle aucune critique et la décision qui a fixé l’indemnisation à la somme de 11 792,30 euros sera confirmée.

- Tierce personne permanente

Le rapport d’expertise évoque la nécessité de 2 heures par semaine à compter du mois de janvier 2015 pour réaliser le ménage et faire les achats quotidiens. Le tribunal a liquidé le montant de l’indemnité à la somme de 27 502,58 euros sur la base d’un taux horaire de 16 euros de l’heure, en appliquant le barème de capitalisation ci-dessus.

Contrairement à ce qu’allègue l’appelante, la réalité et le quantum de l’indemnisation sont justifiées sur la base de ce calcul qui n’emporte aucune critique, la victime ne pouvant se voir reprocher de ne pas justifier sur facture des frais qu’elle n’a pas encore engagés.

- Perte de gain professionnels futurs

Elle résulte de la perte de l’emploi ou du changement d’emploi. Ce préjudice est évalué à partir des revenus antérieurs afin de déterminer la perte annuelle. Il convient de distinguer deux périodes :

— de la consolidation à la décision : il s’agit des arrérages échus qui seront payés sous forme de capital,

— après la décision : il s’agit d’arrérages à échoir qui peuvent être capitalisés en fonction de l’âge de la victime.

Le tribunal n’a retenu aucune créance de ce chef, considérant que la rente d’invalidité versée par la CPAM et la pension d’invalidité servie par la société Gresham, (soit respectivement 144 569,13 euros et 51 803,26 euros) n’impliquaient aucune baisse de revenus au regard du montant du salaire antérieur, et que M. Y, qui n’était pas inapte pour un poste de type

administratif ou de bureau, ne justifiait pas de recherches d’emploi depuis sa consolidation.

M. Y remarque que la reprise de son ancien emploi de technicien de maintenance lui est impossible, qu’il est exclu, à dire d’expert, qu’il puisse reprendre une activité professionnelle nécessitant des efforts, des déplacements et le port de charges, et que la CPAM l’a placé en invalidité de 2e catégorie.

La MATMUT soutient que les médecins experts ne l’ont pas déclaré inapte au travail, alors même qu’ils avaient connaissance de son statut d’invalidité, que le médecin du travail confirme qu’un poste administratif pourrait convenir, que néanmoins M. Y n’est pas inscrit à Pole Emploi, et que son licenciement serait lié à un refus d’accepter un reclassement.

L’auteur d’un dommage est tenu d’en réparer toutes les conséquences préjudiciables. La victime n’est pas tenue, quant à elle, de limiter son préjudice dans l’intérêt du responsable. Elle n’est pas tenue de démontrer des recherches d’emploi afin d’être recevable en sa demande au titre des pertes de gains professionnels.

M. Y verse en pièce n° 11 sa lettre de licenciement dont il résulte qu’il a été licencié pour inaptitude 'constatée par le médecin du travail suite à laquelle son reclassement dans l’entreprise s’est révélé impossible'.

La motivation retenue par le tribunal est donc erronée.

Le tribunal a calculé l’enveloppe totale du préjudice économique futur, en ce compris l’incidence économique évaluée à 50 000 euros, lui a appliqué le quantum des deux tiers afin de déterminer l’assiette du recours, a retenu un droit intégral à indemnisation de 50 000 euros au profit de la victime et a réparti le solde au marc l’euro entre les tiers payeurs. Il n’a pas imputé les reliquats de créance sur le DFP.

La MATMUT soutient que le droit à indemnisation est nul, car l’assiette du recours des tiers payeurs devrait s’exercer sur la somme de 33 333 euros, soit le montant de l’incidence professionnelle après application du ratio de responsabilité.

La société Gresham soutient que la somme de 50 000 euros doit venir en déduction de l’assiette calculée par le tribunal, si bien que la créance de la société Gresham serait, après répartition au marc l’euro, égale à

30 128,82 euros au titre de la perte de gains futurs outre 13 357,13 euros au titre du déficit fonctionnel permanent.

La pension d’invalidité s’impute d’abord sur les pertes de gains professionnels futurs et sur l’incidence professionnelle ; si la rente est supérieure aux pertes de gains professionnelles et à l’incidence professionnelle, elle peut alors s’imputer subsidiairement sur le déficit fonctionnel permanent.

Il s’agit d’éviter une double indemnisation à raison du caractère hybride de la pension d’invalidité, qui répare à la fois un préjudice patrimonial et extra patrimonial.

L’assiette du recours est constituée, pour chaque prestation, par l’indemnité à la charge du responsable au titre du poste de préjudice correspondant à cette prestation.

M. Y justifie qu’il percevait, avant l’accident, un salaire net de

1 806 euros.

Le montant de la perte de gains professionnels futurs au titre des arrérages échus du 8 septembre 2014 au 7 mars 2018, peut, sur cette base, ainsi que le soutient M. Y, être évalué à la somme de 75 852 euros. Le montant de la créance théorique avant imputation est égale aux 2/3, soit

51 901,33 euros.

Les arrérages à échoir, correspondant au montant des revenus théoriques capitalisés jusqu’à 62 ans, âge de la retraite, sur la base de l’euro de rente temporaire applicable, peuvent quant à eux être évalués à la somme de

123 877,16 euros. Le montant de la créance théorique avant imputation est donc de 82 584,77 euros.

Le montant total de la perte de créance théorique de M. Y avant imputation est donc de 133 152,77 euros.

Le montant des rentes d’invalidité versées au titre de ce poste, soit

144 569,13 euros pour la CPAM et 51 803,26 euros pour la société Gresham s’impute au marc l’euro soit, 73 % pour la CPAM et 27 % pour la société Gresham.

Doivent donc être imputés :

— pour la CPAM : 97 201,52 euros (133152,77 x 73/100)

— pour la société Gresham : 35 951,25 euros (133 152,77 x 27/100)

La PGPF est intégralement absorbée, et subsistent les créances imputables suivantes :

— CPAM : 47 367,61 euros (144 569,13 – 97 201,52)

— Gresham : 15.852,01 euros (51 803,26 – 35 951,25),

soit au total 63 219,62 euros.

- Incidence professionnelle

Dès lors que la reprise d’emploi n’était possible que pour des postes n’impliquant aucun effort et une station assise, M. Y, qui exerçait le même emploi depuis 14 ans, subit une dévalorisation qui peut également se traduire par un nouvel emploi aussi bien rémunéré mais de moindre intérêt, ainsi qu’un manque à gagner des droits à la retraite.

Il sollicite l’indemnisation d’une somme de 24 784,42 euros au titre de l’incidence professionnelle sur les droits à la retraite.

Le tribunal a retenu en première instance une somme 50 000 euros considérant qu’il s’agissait d’une offre de la MATMUT.

Il ressort des conclusions signifiées qu’il s’agissait en réalité de la base de calcul de l’offre avant application du ratio de responsabilité.

Il y a donc lieu de faire droit à hauteur de 33 333 euros, montant réellement offert, supérieur à la demande, et qui est approprié compte-tenu de l’âge de

M. Y au jour de la consolidation, de l’age théorique de son départ à la retraite et de sa perte de droits.

Les reliquats de créance s’imputent au marc l’euro sur cette somme soit :

—  24 333,09 euros pour la CPAM (33 333 x 73/100)

—  8 999,91 euros pour la créance Gresham (33 333 x 27/100)

L’incidence économique est intégralement absorbée et subsistent les créances suivantes :

— pour la CPAM : 23 034,52 euros (47 367,61 – 24 333,09)

— pour la Gresham : 6 852,10 euros (15 852,01 – 8 999, 91)

Le montant restant imputable est donc égal à la somme de 29 886,62 euros.

- Le déficit fonctionnel permanent

Sur la base du taux de 35 % et de l’âge de la victime à la date de la consolidation, le tribunal a retenu une somme de 75 950 euros et alloué une somme de 50 633,33 euros en réparation. Ce montant est approprié : il n’est pas utilement contesté par la MATMUT.

La décision doit néanmoins être infirmée sur le montant, car il convient d’imputer les reliquats de créance correspondants.

In fine, le montant de la créance de M. Y au titre du DFP est égale à la somme de 20 746,71 euros (50 633,33 – 29 886,62).

La société Gresham est subrogée à l’encontre de la Matmut à hauteur de la quote-part de responsabilité de l’assuré de cette dernière, soit 2/3, et sur l’intégralité des sommes versées au titre des postes concernés, soit

51 803,26 euros.

Sa créance est donc limitée à la somme 34 535,50 euros.

Le principe et le montant des condamnations prononcées par le tribunal au titre des postes ci-dessus n’appellent aucune critique :

— déficit fonctionnel temporaire total : 2 256 euros pour 94 jours à 100 % , sur une base de 24 euros par jour, sans réduction pour partage de responsabilité compte-tenu de la proposition formulée par la MATMUT,

— déficit fonctionnel temporaire partiel : 14 372 euros pour 79 jours à 75 % et 1490 jours à 50 %,

— souffrances endurées évalues à 6/7 : 30 000 euros,

— préjudice d’agrément : 5 000 euros au titre de l’impossibilité de pratiquer régulièrement la motocyclette et le jardinage, ainsi que le ski occasionnellement,

— préjudice esthétique permanent évalué à 3/7 : 4 000 euros.

Récapitulatif en faveur de M. Y :

' Dépenses de santé actuelles restées à charge : 34 724,74 euros.

' Frais divers temporaires : 6 546,40 euros.

' Tierce personne temporaire : 14 596,04 euros.

' Perte de gains professionnels actuelle : 2 030 euros.

' Dépenses de santé futures : 11 792,30 euros.

' Tierce personne permanente : 27 502,58 euros.

' Perte de gains professionnels future : néant

' Incidence professionnelle : néant

' Déficit fonctionnel permanent : 20 746,71 euros

' Déficit fonctionnel temporaire partiel : 14 372 euros.

' Déficit fonctionnel temporaire total : 2 256 euros

' Souffrances endurées : 30 000 euros.

' Préjudice d’agrément : 5 000 euros.

' Préjudice esthétique permanent : 4 000 euros.

Total : 173 566,77 euros.

Déduction de la provision pour un total de 45 500 euros :

Total net : 128 566,77 euros.

Créance subrogatoire de la société Gresham :

' Au titre de la perte de gains professionnels actuelle : 24 967,14 euros.

' Au titre de la perte de gains professionnels future, incidence professionnelle et DFP : 34 535,50 euros.

= Total : 59 502,65 euros.

Il n’y a pas lieu de fixer l’assiette du recours subrogatoire de la CPAM à défaut de demande en ce sens. Le présent arrêt lui est cependant opposable.

- Sur les demandes accessoires

Les dispositions du jugement de première instance relatives aux frais irrépétibles et dépens n’appellent pas de critique et il n’y a pas lieu de les infirmer.

La MATMUT, qui a interjeté appel pour contester la plupart des postes de préjudice,

succombe à cet égard et sera tenue aux dépens d’appel, outre une somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles à l’égard de M. Y.

L’équité commande de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Le bénéfice de distraction est accordé aux parties qui en ont fait la demande et qui peuvent y prétendre.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire mis à disposition au greffe et en dernier ressort,

Infirme la décision déférée, sauf en ce que le tribunal a :

— condamné la MATMUT à payer à la société Gresham et à M. A Y la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— déclaré le jugement commun à la CPAM de Haute-Saône et opposable à la société Gresham ;

— fait masse des dépens et condamné la société MATMUT à en supporter les 2/3, le 1/3 restant devant être supporté par M. Y ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Condamne la Samcv MATMUT Assurances à payer à M. A Y en réparation de son préjudice corporel la somme de 128 566,77 euros, déduction faite de la provision de 45 500 euros, somme se décomposant comme suit ;

' Dépenses de santé actuelles restées à charge : 34 724,74 euros.

' Frais divers temporaires : 6 546,40 euros.

' Tierce personne temporaire : 14 596,04 euros.

' Perte de gains professionnels actuelle : 2 030 euros.

' Dépenses de santé futures : 11 792,30 euros.

' Tierce personne permanente : 27 502,58 euros.

' Perte de gains professionnels future : néant

' Incidence professionnelle : néant

' Déficit fonctionnel permanent : 20 746,71 euros

' Déficit fonctionnel temporaire partiel : 14 372 euros.

' Déficit fonctionnel temporaire total : 2 256 euros

' Souffrances endurées : 30 000 euros.

' Préjudice d’agrément : 5 000 euros.

' Préjudice esthétique permanent : 4 000 euros.

Condamne la Samcv MATMUT Assurances à payer à la Sa Gresham la somme de 59 502,65 euros ;

Condamne la Samcv MATMUT Assurances à payer à M. Y une somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel ;

Rappelle que le présent arrêt est opposable à la CPAM du Jura ;

Rejette le surplus des demandes ;

Condamne la Samcv MATMUT Assurances aux dépens d’appel ;

Accorde le bénéfice de distraction aux avocats qui en ont fait la demande et peuvent y prétendre.

Le greffier, La présidente de chambre,

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Cour d'appel de Rouen, 1ère ch. civile, 19 mai 2021, n° 18/03856