Cour d'appel de Rouen, Chambre civile et commerciale, 16 novembre 2023, n° 21/03747

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Sur la décision

Référence :
CA Rouen, ch. civ. et com., 16 nov. 2023, n° 21/03747
Juridiction : Cour d'appel de Rouen
Numéro(s) : 21/03747
Importance : Inédit
Dispositif : Autre
Date de dernière mise à jour : 21 novembre 2023
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Texte intégral

N° RG 21/03747 – N° Portalis DBV2-V-B7F-I4NS

COUR D’APPEL DE ROUEN

CH. CIVILE ET COMMERCIALE

ARRET DU 16 NOVEMBRE 2023

DÉCISION DÉFÉRÉE :

19/00300

Tribunal de judiciaire de Dieppe du 26 juillet 2021

APPELANTE :

Madame [G] [U]

née le 29 Novembre 1977 à [Localité 4]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée et assistée par Me Corinne MORIVAL de la SCP MORIVAL AMISSE MABIRE, avocat au barreau de DIEPPE

INTIMEE :

Société VICTORY CATTLE LIMITED

[Adresse 5]

[Localité 2]

représentée par Me Marie TESSIER de la SCP BOBEE TESSIER, avocat au barreau de ROUEN, et assistée par Me Romain BLANCHARD, avocat au barreau d’ANGERS, plaidant

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 13 juin 2023 sans opposition des avocats devant Mme FOUCHER-GROS, présidente, rapporteur.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :

Mme FOUCHER-GROS, présidente

M. URBANO, conseiller

Mme MENARD-GOGIBU, conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme RIFFAULT, greffière

DEBATS :

A l’audience publique du 13 juin 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 26 octobre 2023 puis prorogée à ce jour.

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 16 novembre 2023, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

signé par Mme FOUCHER-GROS, présidente et par Mme RIFFAULT, greffière

*

* *

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

La société Victory Cattle Limited (VLC) est une société spécialisée dans l’achat, la vente, l’importation, l’exportation et la production de bovins de races écossaises : la Highland Cattle, la galloway et l’aberdeen-angus. Elle propose notamment aux éleveurs français des contrats de fourniture de bovins reproducteurs de race aberdeen-angus et de reprise de broutards de même race d’une durée de 7 ans reconductible.

Le 3 novembre 2014, Madame [U] a régularisé avec la Société Victory Cattle, un contrat de fournitures de bovins reproducteurs de race aberdeen-angus, et de reprise de broutards de race aberdeen-angus. Madame [U] a ainsi acquis 25 vaches pleines pour son exploitation moyennant la somme de 52 500 €, soit 2 100 € HT/vache pleine. Les parties ont prévu la livraison d’un taureau, à titre de prêt.

Alléguant de manquements du vendeur à son obligation de délivrance conforme, Mme [U] a saisi le juge des référés du tribunal judiciaire de Dieppe d’une mesure d’expertise. Il a été fait droit à sa demande par ordonnance du 26 juillet 2017. Mme [U] ayant vendu son troupeau après cette ordonnance, la mesure d’expertise a été déclarée sans objet.

Par acte du 12 décembre 2018, Mme [U] a fait assigner la société Victory Cattle Limited devant le tribunal judiciaire de Dieppe aux fins d’obtenir la résiliation judiciaire du contrat.

Par jugement du 26 juillet 2021, assorti de l’exécution provisoire le tribunal a :

— dit que la demande d’anéantissement du contrat en date du 3 novembre 2014 conclu entre Madame [G] [U] et la Société Victory Cattle Limited, ayant pour objet la fourniture de bovins reproducteurs et la reprise de broutards de race aberdeen angus, s’analyse comme une demande en résolution judiciaire ;

— constaté l’existence entre Madame [G] [U] et la Société Victory Cattle Limited d’un accord révocatoire tacite à effet du 24 décembre 2016, concernant le contrat en date du 3 novembre 2014 ;

— dit que la révocation du contrat en date du 3 novembre 2014 ne jouera que pour l’avenir.

— condamné la Société Victory Cattle Limited à payer la somme de 2100 euros à Madame [G] [U] au titre de ses manquements à son obligation de délivrance,

— condamné la Société Victory Cattle Limited à payer la somme de 4500 euros à Madame [G] [U] en restitution des frais de transport indûment mis à sa charge,

— constaté la caducité du prêt à usage concernant la mise à disposition gratuite par la Société Victory Cattle Limited d’un taureau au profit de Madame [G] [U] à compter de juin 2015 ;

— condamné Madame [G] [U] à restituer à ses frais le taureau mis à sa disposition par la Société Victory Cattle Limited,

— débouté Madame [G] [U] de ses autres demandes en paiement au titre de manquement de la Société Victory Cattle Limited à ses obligations contractuelles.

— débouté Madame [G] [U] de sa demande en indemnisation.

— dit n’y avoir lieu à condamnation en l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

— dit que les dépenses seront supportées par moitié par les parties.

Mme [U] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 27 septembre 2021.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 17 janvier 2023.

Par arrêt avant dire droit du 17 mai 2023, la cour a :

— renvoyé l’affaire à l’audience de plaidoiries du 13 juin 2023 à 9h30.

— invité pour cette date Mme [U] et la société VCL à présenter leurs observations sur le moyen suivant que la cour envisage de soulever d’office :

« l’acceptation sans réserve de la livraison et de nature à interdire à Mme [U] de se prévaloir des défauts de conformité qu’elle a pu constater dès la livraison où dans les semaines qui l’ont suivie. »

— Sursi à statuer sur les demandes et les dépens.

EXPOSE DES PRETENTIONS

Vu les conclusions du 11 janvier 2023 auxquelles il est renvoyé pour exposé des prétentions et moyens de Mme [U] qui demande à la cour de :

— déclarer Madame [G] [U] recevable et bien fondée en son appel.

— débouter la société Victory Cattle de ses demandes fins et conclusions

— infirmer le jugement rendu en date du 26 juillet 2021 en ce qu’il a :

*constaté l’existence entre Madame [G] [U] et la Société Victory Cattle Limited d’un accord révocatoire tacite à effet du 24 décembre 2016, concernant le contrat en date du 3 novembre 2014 et dit que la révocation du contrat en date du 3 novembre 2014 ne jouera que pour l’avenir.

*débouté Madame [G] [U] de ses autres demandes en paiement au titre de manquement de la Société Victory Cattle Limited à ses obligations contractuelles.

*dit n’y avoir lieu à condamnation en l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et dit que les dépenses seront supportées par moitié par les parties.

Statuant à nouveau :

— prononcer la résiliation judiciaire du contrat du 3 novembre 2014 aux torts de la société Victory Cattle.

— condamner la Société Victory Cattle à indemniser Madame [U] de ses autres préjudices qu’il conviendra de fixer comme suit, dont à déduire la somme de 1 681,24€ correspondant au prix de vente :

*manque à gagner sur 2 veaux manquants : 2 000 €

*morts de 2 veaux « livrables » : 2 000€

*coûts d’entretien de 16 broutards restés à charge jusqu’à leur vente car non repris par Victory Cattle : 41 428 €

*frais d’autopsie : 150€ HT + TVA

*examen IBR du taureau traité : 122.95 €

*examens vétérinaires sur animaux de plus de 210 kg et de plus de 6 à 8 mois jusqu’à ce jour : 1 962.56 €

*cotisations GDMA 192.20 €

*cotisations ARICH : 865.24 €

*coût des frais bancaires exposés : 3 706 €

*coût des pénalités, majorations MSA : 228,60 €

*coût de la cage de pesage : 4 182 €

*frais d’assistance FNSEA et Chambre de l’Agriculture : 2 295,40 €

*procès-verbal de constat d’Huissier : 280,18 €

*préjudice moral, financier et économique subi par Madame [U] : 15 000 €

— condamner la Société Victory Cattle au règlement de la somme de 7 000€ au titre des frais irrépétibles de première instance ainsi qu’aux entiers dépens de cette procédure en ce compris les frais de constat d’huissier

— confirmer le jugement en ce qu’il a :

*condamné la Société Victory Cattle à indemniser Madame [U] à hauteur de 2 100€ au titre de l’animal manquant lors de la livraison, et de 4 500€ dont 3 500€ au titre des frais de transport indument mis à la charge de Madame [U].

*condamner la Société Victory Cattle au règlement de la somme de 5 000€ supplémentaire au titre des frais irrépétibles exposés devant la Cour d’Appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens d’Appel.

Vu les conclusions du 9 janvier 2023 auxquelles il est renvoyé pour exposé des prétentions et moyens de la société Victory Cattle Limited qui demande à la cour de :

A titre liminaire :

— prendre acte de l’intervention volontaire de la Société Victory Cattle Limited, Société enregistrée sous le numéro 470886, domiciliée [Adresse 6], Ireland, à la présente procédure ;

A titre principal :

— Confirmer la décision entreprise en ce qu’elle a :

*dit que la demande d’anéantissement du contrat en date du 3 novembre 2014 conclu entre Madame [G] [U] et la Société Victory Cattle Limited, ayant pour objet la fourniture de bovins reproducteurs et la reprise de broutards de race aberdeen angus, s’analyse comme une demande en résolution judiciaire ;

*constaté l’existence entre Madame [G] [U] et la Société Victory Cattle Limited d’un accord révocatoire tacite à effet du 24 décembre 2016 concernant le contrat en date du 3 novembre 2014 ;

*dit que la révocation du contrat en date du 3 novembre 2014 ne jouera que pour l’avenir ;

*constaté la caducité du prêt à usage concernant la mise à disposition gratuite par la Société Victory Cattle Limited d’un taureau au profit de Madame [G] [U] à compter de juin 2015 ;

*condamné Madame [G] [U] à restituer à ses frais le taureau mis à sa disposition par la Société Victory Cattle Limited, mais INFIRMER la décision sur les modalités de restitution du taureau ;

*débouté Madame [G] [U] de ses autres demandes en paiement au titre des manquements de la Société Victory Cattle Limited à ses obligations contractuelles ;

*débouté Madame [G] [U] de sa demande en indemnisation.

— Infirmé la décision entreprise en ce qu’elle a :

*condamné la Société Victory Cattle Limited à payer la somme de 2100 euros à Madame [G] [U] au titre de ses manquements à son obligation de délivrance,

*condamné la Société Victory Cattle Limited à payer la somme de 4500 euros à Madame [G] [U] en restitution des frais de transport indûment mis à sa charge,

*condamné Madame [G] [U] à restituer à ses frais le taureau mis à sa disposition par la Société Victory Cattle Limited, uniquement s’agissant des modalités de restitution du taureau ;

*dit n’y avoir lieu à condamnation en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Sur les comptes entre les parties :

— condamner Madame [U] à restituer en valeur le taureau objet du contrat de prêt à usage à hauteur de 3.500 € ;

En conséquence, et vu les sommes reconnues comme étant dues par Victory Cattle Limited :

— condamner Madame [U] à verser à Victory Cattle Limited la somme de 400 € ;

— condamner Madame [U] à verser à Victory Cattle Limited la somme de 10.000 € en application de l’article 700 ;

— condamner Madame [U] aux entiers dépens.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l’existence d’un accord de révocation :

Moyen des parties :

Madame [U] soutient qu’il n’y a jamais eu d’accord tacite et que même après la cessation de son activité, elle a demandé à la société Victory Cattle de reprendre ses animaux en exécution du contrat.

La société Victory Cattle répond que :

*il ressort de la fin de toutes relations entre les parties depuis le 31 décembre 2015 que les parties se sont tacitement accordées pour la révocation du contrat ;

*l’accord de Mme [U] pour sortir du lien contractuel ne fait aucun doute dès lors qu’elle a demandé la résolution judiciaire du contrat ; elle a confirmé cet accord dans ses conclusions de première instance en écrivant : « la convention doit prendre fin depuis l’inexécution de ses obligations par la société Victory Cattle Limited ».

Réponse de la cour :

Il résulte des dispositions de l’article 1134 du code civile dans sa version antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016 que les conventions légalement formées ne peuvent être révoquées que du consentement mutuel des parties.

Aux termes de l’article 1184 du même code dans sa version antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016 : « La condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l’une des deux parties ne satisfera point à son engagement.

Dans ce cas, le contrat n’est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l’engagement n’a point été exécuté, a le choix ou de forcer l’autre à l’exécution de la convention lorsqu’elle est possible, ou d’en demander la résolution avec dommages et intérêts.

La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances. »

Il ressort des projets de protocole d’accord produits aux débats par Mme [U] et de ses lettres avec avis de réception adressées à son cocontractant, qu’au cours de l’année 2016, les parties ont recherché un accord mettant fin à leur contrat. Aucun des protocoles proposé par l’une ou l’autre des parties n’a donné satisfaction à l’autre.

Le 24 décembre 2016, Mme [U] a adressé à la société Victory Cattle LDT une nouvelle lettre de mise en demeure commençant par « ('.) je regrette profondément les propos tenus par M. [X] [O] dans le pli d’accompagnement en date du 9.11.2016 ; ce dernier indiquant que vous souhaitez « en finir au plus vite compte tenu de l’état d’esprit de Mme [U] »' Cela, alors que nos précédents échanges ('..) s’envisageaient dans une optique amiable et cordiale visant à la conciliation de nos intérêts » et se terminant par « Face à cela, dans l’objectif de trouver un accord amiable satisfaisant pour les deux, je réitère ma proposition de protocole initiale ('.) je souhaite obtenir une réponse dans un délai d’un mois à compter de la réception des présentes.

Le présent courrier vaut mise en demeure.

Le cas échéant, passé ce délai, je me verrais dans l’obligation de procéder à l’envoi d’une lettre au procureur de la République ('.) Bien entendu, nous engagerons concomitamment une action devant une juridiction civile française visant à la rupture du lien contractuel nous unissant et l’obtention d’une indemnisation de mon préjudice (…) »

Il ne ressort pas de cette lettre qui annonce une action judiciaire aux fins de résolutions avec indemnisation une volonté non équivoque de révoquer le contrat par consentement mutuel.

Le 10 janvier 2017, la société Victory Cattle LTD a fait parvenir à Mme [U], un nouveau projet de protocole de rupture du contrat.

Par lettre avec avis de réception distribuée le 23 janvier 2017, Mme [U] a refusé ce projet et demandé la rédaction d’un protocole rédigé en commun. Cette lettre rappelle qu’à défaut, elle engagera une action en justice.

Par acte du 14 avril 2017, Mme [U] a fait assigner la société Victory Cattle Limited devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Dieppe aux fins d’obtenir le paiement de :

— la somme provisionnelle de 25 000 € en exécution de ses obligations contractuelles ;

— la somme de 10 000 € à valoir sur l’indemnisation de son préjudice ;

— qu’il soit ordonné à la société Victory Cattle LTD de venir prendre livraison des veaux ayant atteint l’âge minimum de 6 à 8 mois et d’un poids minimum de 210 Kgs, et ce sous astreinte.

Par cette assignation, Mme [U] a entendu forcer la société Victory Cattle LTD à l’exécution de la convention. A la demande de la société Victory Cattle, le juge des référés a ordonné une expertise aux fins de permettre à la juridiction du fond de statuer sur les inexécutions alléguées. Le 2 juillet 2018, la société Victory Cattle LTD a demandé au juge en charge du contrôle des expertises de lui restituer la consignation versée. Elle a exposé qu’elle se désistait de sa demande d’expertise dès lors que Mme [U] avait fait état de la vente à des tiers, de son troupeau. Il a été fait droit à sa demande par ordonnance du 2 juillet 2018.

Par lettre adressée le 28 mai 2018 par son conseil au président du tribunal de grande instance, Mme [U] s’est opposée à cette demande faisant valoir que l’expertise restait nécessaire bien que Mme [U] ait vendu son cheptel à un tiers en raison de la persistance de la société Victory Cattle à ne pas respecter son obligation d’achat.

Le 12 décembre 2018, Mme [U] a fait assigner la société Victory Cattle devant le juge du fond aux fins de voir prononcer la résiliation judiciaire du contrat aux torts de son co-contractant et obtenir la réparation de son préjudice.

Il ressort de cette chronologie qu’à défaut de pouvoir forcer la société Victory Cattle à l’exécution du contrat, Mme [U] en a demandé la résiliation en justice. Il n’en ressort aucunement qu’elle a consenti ne serait ce que tacitement, à la révocation de celui-ci.

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a constaté l’existence entre Madame [G] [U] et la Société Victory Cattle Limited d’un accord révocatoire tacite à effet du 24 décembre 2016, concernant le contrat en date du 3 novembre 2014, et dit que la révocation du contrat en date du 3 novembre 2014 ne jouera que pour l’avenir.

La disposition du jugement qui dit que la demande de Mme [U] s’analyse en une demande de résolution judiciaire ne faisant l’objet d’aucune demande d’infirmation, la décision entreprise sera confirmée sur ce point.

Sur la résiliation du contrat :

Moyens des parties :

Madame [U] soutient que :

*la société VLC a manqué à son obligation de délivrance. Par observations du 6 juin 2023 elle a fait valoir que :

*le troupeau ne présentait pas, lors de sa livraison, de défaut apparent, si ce n’est le nombre d’animaux livrés ne correspondant pas au contrat, ce qu’à rapidement reconnu le vendeur.

*la publicité présentée par la société Victory Cattle informe les futurs acheteurs que les bovins proviennent d’Ecosse pour être livrés à la ferme des vendeurs à [Localité 7] afin d’y subir des tests sanitaires. Aucun élément ne démontre que Mme [U] savait le 11 décembre à 5 heures du matin que les animaux arrivaient directement d’Ecosse. En outre, la société Victory Cattle avait l’obligation de remettre des animaux indemnes d’IBR et de paratuberculoses, de leucoses, de brucelloses et de tuberculoses. Le contrat ne prévoit pas de remise de documents pour certifier de la bonne santé des bêtes. Le cheptel semblant en bonne santé, aucune réserve ne s’imposait. Le résultat IBR positif a été suivi d’un second contrôle qui s’est avéré négatif, raison pour laquelle Mme [U] n’a pas estimé devoir émettre des réserves. En outre, elle ignorait que son troupeau avait voyagé avec d’autres animaux.

*de la même façon, le vendeur s’était engagé à vendre des animaux « avec pedigree » mais pas à remettre les certificats de pedigree lors de la livraison. Le troupeau semblait correspondre à la race vendue de sorte qu’aucune réserve ne s’imposait.

*la société VLC a manqué à son obligation de rachat. La société Victory Cattle Limited n’a repris que six veaux mâles alors qu’un plus grand nombre remplissait au 9 décembre 2015 les conditions de rachat.

La société Victorys Cattle Limited répond qu’elle n’a manqué à aucune de ses obligations contractuelles. Par observations du 9 juin 2023, elle expose que :

*c’est en contradiction avec ses prétentions initiales que Mme [U] soutient désormais qu’aucune remise de document n’était contractuellement prévue entre les parties. Faute d’avoir soulevé ce point au moment de la livraison, Mme [U] ne peut se prévaloir d’un manquement à l’obligation de délivrance ;

*à aucun moment, il n’a été indiqué à Mme [U] que le trajet des animaux passerait par la ferme normande de Victory Cattle avant qu’ils lui soient livrés ; en tout état de cause, Mme [U] aurait dû émettre des réserves en voyant arriver le troupeau chez elle, s’il lui avait été indiqué qu’il serait livré à la ferme de la société Victorys Cattle ;

*Mme [U] a fait subir des tests sur les animaux dès le lendemain de la livraison, elle ne peut donc prétendre qu’elle ne pouvait émettre de réserves lors de la livraison.

Sur la reprise des animaux sevrés, elle soutient que :

*compte tenu du poids insuffisant de l’ensemble des veaux, elle n’a repris que les 6 broutards qui avaient atteint le poids convenu en décembre 2015 ; afin de ne pas prendre le risque de saillies pendant le transport, il avait été convenu que les cinq femelles également bonnes pour la reprise seraient enlevées au mois de janvier 2016. En décembre 2015, la Société a envoyé à Madame [U] le chèque correspondant au règlement de cette reprise et lui a demandé de transmettre la facture afférente à la vente de ces veaux afin de pouvoir clôturer son bilan au 31 décembre 2015. Cette facture n’ayant jamais été envoyée, il s’en est suivi une dégradation puis une rupture de leurs relations contractuelles, justifiant le fait que la Société VCL n’ait pas repris les autres veaux au début de l’année 2016.

Réponse de la cour :

Il ressort du contrat du 3 novembre 2014, conclu pour une durée de 7 ans, que Mme [U] s’est engagée, entre autres dispositions, a :

— acheter à la société Victory Cattle LTD un minimum de 25 femelles pleines de race Aberdeen Angus au tarif de 2 100 € HT par femelle, prix départ (transport non inclus).

— vendre la totalité des animaux au sevrage (mâles et femelles) issus de reproducteurs de race Aberdeen Angus à la société Victory Cattle LTD .

— utiliser sur ses femelles Aberdeen Angus, un taureau de race Aberdeen Angus fourni par la société Victory Cattle LTD ou de la semence fournie par la société Victory Cattle LTD.

— faire pratiquer un contrôle IBR, BVD sur tous les veaux et un contrôle néosporose sur les veaux femelles et fournir la copie des résultats à la société Victory Cattle LTD avant l’enlèvement des animaux. Les contrôles des animaux devront impérativement être négatifs.

— transmettre à la société Victory Cattle LTD une copie des résultats des prophylaxies annuelles du troupeau et faire pratiquer, au minimum, un test par an sur la Paratuberculose sur un échantillonage du troupeau au moins égal à 20 % des bovins.

— respecter le cahier des charges alimentaires.

— fournir à la société Victory Catlle LTD des veaux mâles et femelles d’un poids vif minimum de 210kgs à 8 mois.

— fournir une copie de l’attestation sanitaire à la déclaration de naissance des veaux.

La société Victory Catlle LTD s’est engagée, entre autres dispositions a :

— fournir des reproducteurs mâles et femelles de race Aberdeen Angus, avec pedigré, indemnes d’IBR, de BVD et de Paratuberculose, de Leucose, de Brucellose et de Tuberculose.

— reprendre la totalité des animaux sevrés âgés de 6 à 8 mois, de race Aberdeen Angus, nés chez Mme [U] et issus des reproducteurs de cette race avec pédigrée, au prix minimum de 1 000 € HT par animal, le prix étant payé à l’enlèvement.

— reprendre toutes les vaches de réforme au prix moyen du cours Limousin-Charolais ;

— effectuer une visite technique par an ;

— fournir tous les documents techniques relatifs à la race afin de travailler à l’amélioration des résultats.

Sur l’obligation de délivrance conforme :

La délivrance conforme suppose que la chose livrée soit identique à celle convenue en nature, quantité et qualité, en l’espèce, les bovins vendus devaient être munis d’un pédigré et indemnes des maladies énoncées au contrat.

Il résulte des dispositions des articles 1604 et 1610 du code civil que la réception sans réserve de la chose livrée couvre les défauts de conformité apparent. Il appartenait à Mme [U] de relever dès la réception de la chose livrée, les défauts de conformité.

En premier lieu, il ne ressort pas du contrat que la société Victory Cattle se soit engagée sur une qualité de vélage ou de lait. Les arguments publicitaires diffusés sur le site de la société Victory Cattle, qui en termes généraux vantent les qualités de la race pour sa facilité de vélage, poids à la naissance et qualité laitière ne sont pas de nature à engager le vendeur au regard d’une obligation de délivrance. Il en résulte que les développements de Mme [U] sur les quatre veaux mort-nés, et l’insuffisance de lait pour nourrir un veau sont inopérants.

En deuxième lieu, Mme [U] a été livrée le 11 décembre 2014 à 5 heures du matin. Il est constant entre les parties qu’au lieu des 25 femelles pleines qu’elle aurait dû livrer, la société Victory Cattle LTD a livré à Mme [U] 23 vaches dont 21 étaient pleines et 2 étaient suitées. Madame [U] était en mesure lors de la prise de possession du troupeau de procéder au comptage et d’effectuer immédiatement toutes réserves auprès de son vendeur. Dans un courriel du 9 mai 2015, soit plus de trois mois après la livraison, Mme [U] fait état de réclamations téléphoniques. Mais nonobstant ces réclamations, dont on ne connaît la date et qui ne constituent pas une réserve, ce n’est que le 26 avril 2016 qu’elle a dénoncé le manquement par lettre recommandée. Il en résulte au regard de la demande en résiliation du contrat que le défaut apparent à été couvert par l’acceptation sans réserve de la livraison.

En troisième lieu, aux termes du contrat, la société Victory Cattle s’est engagée à livrer des animaux reproducteurs « mâles et femelles de race Aberdeen Angus, avec pédigrée ». La facture proforma du 3 novembre 2014 mentionne 25 femelles Aberdeen Angus pleines avec pédigré. Dans un courriel du 15 mai 2015, la société Victory Cattle Limited a écrit à Mme [U] que « suite à notre conversation téléphonique d’hier » elle lui envoyait par courrier la copie des pédigrés des femelles.

Mme [U] verse aux débats un modèle de pédigré dont il ressort que cette pièce d’identification de l’animal comprend son ascendance paternelle et maternelle, outre son nom et son numéro d’enregistrement. La pièce est intitulée « certificate of pedigree ». Il en ressort que ce document est celui qui permet à l’acquéreur de l’animal d’en vérifier la qualité génétique et son appartenance à la race Aberdeen Angus.

Les documents d’identification des animaux qui ont été fournis à Mme [U] ne comprennent pas cette ascendance et ne sont pas des pédigrés. La société Victory Cattle LTD reconnaît qu’elle a conservé ces documents le temps du contrat, et fait

valoir qu’elle gère le suivi génétique du troupeau sous contrat, qu’elle prend en charge l’intégralité des frais d’inscription au Herd Book.

La société Victory Cattle Limited n’a délivré à Mme [U] ni original ni copie des pédigrés, de sorte que l’acheteuse n’a pu contrôler l’ascendance génétique des bêtes qui lui ont été livrées. Contrairement à ce que soutient Mme [U] dans ses observations du 6 juin 2023, la remise des pédigrés était un élément substantiel du contrat. Il résulte du caractère incomplet des documents qui lui ont été remis, que l’absence de pédigré lors de la livraison était un défaut apparent. Même si Mme [U] créait avec ce troupeau sa première exploitation d’élevage, elle pouvait en sa qualité d’agricultrice déceler dès la délivrance que les documents certifiant l’ascendance génétique des animaux ne lui étaient pas délivrés. Nonobstant cette non-conformité apparente, elle ne justifie d’aucune réserve à ce sujet lors de la réception, outre la conversation téléphonique du 14 mai 2015, ce n’est qu’à compter de sa lettre recommandée du 23 septembre 2016 qu’elle évoque ce point, de sorte que l’absence de réserve fait obstacle à ce que Mme [U] se prévale sur ce point d’un manquement à l’obligation de délivrance.

En quatrième lieu, la société Victory Cattle Limited s’est engagée à fournir des animaux indemnes d’IBR, de BVD et de Paratuberculose, de Leucose, de Brucellose et de Tuberculose. Les animaux ont été livrés le 11 décembre 2014 chez Mme [U]. Le certificat du 10 décembre 2014 qui lui a alors été remis mentionne que le test tuberculinique a été effectué entre le 18 et le 21 novembre 2014 .

Mme [U] a accepté la livraison, faisant effectuer elle-même des prélèvements sanguins le 12 décembre 2014. Le rapport d’analyse du 23 décembre 2014 du laboratoire agro vétérinaire départemental a révélé que deux individus étaient positifs à la paratuberculose. Mme [U] a reçu, dès la fin du mois de décembre 2014, une lettre des services de contrôle sanitaire lui indiquant « sauf erreur de notre part, vous avez introduit dans votre élevage des animaux (') qui ne proviennent pas d’un cheptel qualifié au regard de l’IBR » et l’enjoignant d’effectuer un deuxième contrôle IBR en sérologie avec un écart minimum de 15 jours entre les deux contrôles Un nouveau test réalisé six mois plus tard a révélé un résultat négatif.

Madame [U] produit aux débats une attestation du 6 décembre 2016, du docteur vétérinaire [B] qui explique que :

« -Lors de suivi longitudinal initialement positif en sérologie paratuberculose, il peut s’avérer que les tests sérologiques ultérieurs rendent un résultat négatif. Cela ne peut en aucune façon être interprété comme une absence d’infection par la paratuberculose.

— il est, à ce jour, quasiment impossible de déterminer à coup sûr si un bovin est porteur ou non du bacille de la paratuberculose. Il ne peut donc exister de qualification indemne de paratuberculose. Seules existent des garanties de cheptel pour qualifier un risque faible de paratuberculose et délivrées par les GDS (goupements de défense sanitaire) sous réserve de critères bien spécifiques et suivant un cahier des charges précis. »

Le certificat qui a été remis à Mme [U] est un certificat intercommunautaire, antérieur de deux semaines à la livraison, effectué en Ecosse avant le transport des animaux. Madame [U] se prévaut des informations délivrées sur le site publicitaire du vendeur qui promeut la vente d’animaux arrivant sur le site normand de la société Victory Cattle où sont effectués les tests sanitaires obligatoires. Mais au moment de la livraison, l’antériorité importante du test britannique et l’absence de test lors de l’arrivée en France étaient apparentes . Mme [U] a néanmoins accepté cette livraison sans faire de réserve à cet égard. Alors qu’elle savait, pour les avoir fait effectuer dès le lendemain, que des tests en France étaient nécessaires, elle n’a pas exigé la reprise immédiate du cheptel mais les a fait spontanément réaliser, confirmant ainsi son acceptation. Ainsi, même si dans son attestation, le Dr [B] estime qu’un « résultat non négatif doit toujours profiter à l’acheteur » . Cette acceptation a couvert le défaut de conformité, de sorte que Mme [U] ne peut plus s’en prévaloir utilement.

Sur l’obligation de rachat des animaux :

Il résulte des dispositions de l’article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016 que les conventions légalement formées doivent être exécutées de bonne foi par les parties.

Il ressort de la chronologie des faits que :

Au mois de décembre 2015, la société VCL a repris six broutards à Mme [U]. Le 16 janvier 2016, la société VCL a réclamé à Mme [U] la facture de ces six veaux, afin de faire sa déclaration de TVA. Cette facture a été à nouveau réclamée, par la société VCL par courriels des 28 janvier, 13 février, 4 mars, 10 mars, 15 avril 2016 . Le 3 mai 2016, la société VCL a envoyé un courriel ainsi rédigé « avez-vous reçu notre dernier mail ' »

La société Victory Cattle Limited reconnaît qu’outre les six veaux qu’elle a repris, cinq femelles remplissaient les conditions pour être reprises. Il ressort des différents courriels produits aux débats que les parties correspondaient par téléphone au sujet des autres veaux à reprendre, mais que leurs relations ont été interrompues dans l’attente par la société VCL de la première facture de reprise. Ainsi, à la demande de VCL, Mme [U] lui a communiqué la liste individualisée des poids des veaux à reprendre. Le 10 mars 2016, la société VCL a écrit à Mme [U] « Merci pour la liste de poids. Avez-vous reçu notre de dernier email car nous sommes toujours dans l’attente de la facture pour les 6 broutards repris en Décembre 2015 (notre comptable vient Mardi prochain pour notre bilan) ' » et le 15 avril 2016, la société VCL a écrit : « Suite à nos derniers échanges téléphoniques, pourriez-vous, SVP nous dire si vous avez pris une décision quant au décompte de la somme restant due (femelle non livrée et taureau mis à disposition) ainsi que nous tenir au courant pour les broutards qui restent à prendre '

Nous sommes toujours dans l’attente pour notre comptabilité de la facture pour les 6 broutards ('), merci de faire le nécessaire dans les meilleurs délais (…) »

Mme [U] produit aux débats la facture de reprise des six veaux pour la somme de 6 600 € TTC . Elle ne justifie ni de l’avoir envoyée à la société VCL, ni de problèmes informatiques qui l’auraient empêchée de recevoir les courriels de relance. S’il est constant que la société VCL n’a pas repris la totalité des produits issues des vaches qu’elle avait livrées, elle ne pouvait s’exposer au risque de ne pouvoir justifier en comptabilité ses dépenses. En s’abstenant avec persistance d’envoyer la facture demandée, Madame [U] a placé son co-contractant hors de possibilité de remplir son obligation, ce qui constitue une exécution de mauvaise foi. Madame [U] ne peut dès lors se prévaloir d’une faute de la société Victory Cattle de nature à lui imputer la responsabilité de la résiliation du contrat.

Il résulte de ce qui précède que Mme [U] sera déboutée de sa demande de résiliation du contrat du 3 novembre 2014 aux torts de la société Victory Cattle Limited.

Le contrat est devenu caduc à compter du mois d’août 2017, date à laquelle Mme [U] a commencé de céder ses bêtes à des tiers.

Sur les demandes indemnitaires présentées par Mme [U] :

Sur l’indemnisation d’une génisse manquante :

Outre sa demande de résiliation du contrat aux torts de son co contractant, Mme [U] demande l’indemnisation de la génisse qui ne lui a pas été livrée (2 100 €).

La société Victory Cattle Limited conteste avoir commis une faute à l’origine du défaut de livraison.

La société Victory Cattle Limited demande dans le dispositif de ses conclusions l’infirmation du jugement en ce qu’il l’a condamnée à payer la somme de 2100 euros à Madame [G] [U] au titre de ses manquements à son obligation de délivrance. Appliquant la règle de la compensation, entre les créances réciproques, elle demande que Mme [U] soit condamnée à lui verser la somme de 400 €. Dans le corps de ses conclusions, la société VCL écrit « Il sera par contre donné acte à la société Victory Cattle Limited qu’elle ne pose pas de difficulté particulière à procéder au remboursement de l’animal qui n’a, en définitive, pas pu être livré, ce que la société Victory Cattle Limited avait déjà proposé en première instance, soit à hauteur de 2 100€, la première génisse non livrée ayant déjà été remboursée à Madame [U] ».

Il ressort de ces écritures que la société Victory Cattle Limited a pris en compte sa dette de 2 100 € dans son calcul de compensation. Ainsi, elle convient qu’elle doit ce paiement nonobstant sa demande d’infirmation.

En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a condamné la société Victory Cattle au paiement d’une somme de 2 100 €.

Sur le manque à gagner sur deux veaux manquant :

Madame [U] soutient que n’ayant pas été livrée de deux génisses pleines, elle subit un manque à gagner dès lors que les deux veaux manquants ne seront pas rachetés.

La société Victory Cattle répond que la valeur des deux veaux est comprise dans le prix de vente des génisses pleines et que l’indemnisation des deux veaux manquants en plus du remboursement des génisses constituaient un enrichissement sans cause.

Réponse de la cour :

Dès lors que Mme [U] est remboursée du prix des deux génisses non livrées, elle ne les a pas acquises. Dès lors, elle n’a jamais acquis de droit sur les veaux qui auraient pu naître de ces femelles. Par voie de conséquence, l’absence de leur reprise ne lui cause aucun préjudice.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a débouté Mme [U] de ce chef de demande.

Sur le préjudice résultant de la mort de deux veaux « livrables » :

Madame [U] soutient qu’un veau né en 2016 et mort le 19 novembre 2016 et un second veau mort le 17 novembre 2017 n’ont pu être repris par la société Victory Cattle Limited, ce défaut de reprise lui causant un préjudice.

Ainsi qu’il a été exposé plus haut, ce n’est qu’en raison de la mauvaise foi de Mme [U] que les veaux ont cessé d’être repris. Par voie de conséquence le jugement entrepris sera confirmée en ce qu’il l’a déboutée de ce chef de préjudice.

Sur le coût d’entretien de 16 broutards restés à charges jusqu’à leur vente :

Madame [U] soutient qu’à la date de sa cessation d’activité, restaient encore à sa charge 16 broutards, dont 3 nés en 2015 et 13 en 2016.

La société Victory Cattle Limited soutient qu’elle a fait des propositions de rachat auxquelles Mme [U] n’a jamais donné suite. Elle justifie de l’envoi d’un projet de protocole d’accord du 6 janvier 2017, transmis à Mme [U] par l’intermédiaire de sa compagnie d’assurance, dans lequel elle propose de racheter tous les animaux après accord restant à définir sur le prix. Le 1er décembre 2017, le conseil de Mme [U] a écrit à celui de la société VCL « Comme je vous l’ai indiqué, je vous confirme officiellement que Mme [U] a trouvé acquéreur pour ces animaux pour lesquels l’offre de Victory n’est manifestement pas suffisante. » .

Ainsi qu’il a été expliqué plus haut, en s’abstenant de fournir à son acquéreur la facture qui rapporte la preuve comptable de son achat, Mme [U] a mis la société Victory Catttle hors de possibilité d’exécuter son obligation d’achat. Il en résulte que Mme [U] a conservé des animaux qui lui appartenaient jusqu’à ce qu’elle les cède à un tiers. Aucune faute de la société Victory Cattle Limited n’étant à l’origine du coût d’entretien de ces bêtes, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a débouté Mme [U] de sa demande indemnitaire.

Sur les frais d’autopsie et d’examens du troupeau :

Madame [U] demande l’indemnisation des frais qu’elle a exposés au titre de l’autopsie des veaux qui selon elle auraient dû être repris et les frais vétérinaires qu’elle a exposés entre la livraison des bêtes et l’année 2019.

Ainsi qu’il a été précédemment exposé, l’absence de reprise des veaux par la société VCL n’est pas fautive. Pour le surplus des frais vétérinaires, ils ne sont dus qu’à la poursuite par Mme [U] de son exploitation, sans que cette poursuite soit générée par une faute de la société Victory Cattle Limited. Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il l’a déboutée de ce chef de préjudice.

Sur les frais vétérinaires exposés pour le taureau :

Madame [U] demande à être indemnisée du coût des examens IBR.

La société Victory Cattle Limited répond que les frais vétérinaires exposés par Mme [U] pour l’usage de la chose prêtée ne peuvent être répétés.

Réponse de la cour :

Aux termes de l’article 1886 du code civil : « Si, pour user de la chose, l’emprunteur a fait quelque dépense, il ne peut pas la répéter. »

Il ressort des courriels des 31 novembre 2014 et 15 mai 2015 de la société Victory Cattle qu’elle a prêté gracieusement à Mme [U] un taureau reproducteur de 3 500 € HT afin de lui permettre de produire des veaux. Il est constant que le contrat qui unit les parties pour le prêt du taureau est un prêt à usage. Par voie de conséquence, le coût des frais vétérinaires nécessaires à l’usage de la bête incombent à Mme [U]. Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il l’a déboutée de ce chef de demande.

Sur le préjudice « moral financier et économique » :

Madame [U] présente cette demande en réparation des conséquences de l’échec de son projet professionnel.

Il résulte de ce qui a été exposé plus haut que l’échec du projet d’exploitation de Mme [U] ne trouve pas son origine dans une faute de la société Victory Cattle Limited. Par voie de conséquence, le jugement entrepris ne pourra qu’être confirmé en ce qu’il l’a déboutée de sa demande indemnitaire de 15 000 €

Sur le surplus des demandes indemnitaires :

En l’absence de faute de la société Victory Cattle Limited, le jugement entrepris sera confirmé aussi en ce qu’il a débouté Mme [U] de ses demandes indemnitaires présentées au titre des cotisations GDMA et ARICH, des frais bancaires, des pénalités, majoration MSA, coût de la cage de pesage, frais d’assistance FNSEA et Chambre de l’Agriculture, procès verbal de constat d’huissier.

Sur la charge du coût du transport :

Moyens des parties :

Madame [U] soutient que :

*le contrat ne prévoit aucune disposition sur le coût du transport depuis la Grande Bretagne jusqu’à la France ;

*le prix d’achat du troupeau était de 52 500 €, elle a versé 57 000 €, dont 4 500 € ont été imputés à des frais de transport qu’elle ne doit pas.

La société Victory Cattle Limited soutient que :

*le contrat prévoit que le prix d’achat est de 52 500 € HT hors prix de transport. Elle a facturé en sus le prix de transport à hauteur de 3 500 €. Le trop versé n’est que de 1 000€ qu’elle accepte de restituer.

Réponse de la cour :

Aux termes de l’article 1604 du code civil : « La délivrance est le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l’acheteur »

Aux termes de l’article 1608 du même code : « Les frais de la délivrance sont à la charge du vendeur, et ceux de l’enlèvement à la charge de l’acheteur, s’il n’y a eu stipulation contraire. »

Par ailleurs, celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû doit le restituer à celui de qui il l’a indûment reçu.

Le contrat prévoit que le prix de vente est de « 2 100 € HT par femelle, prix départ (transport non inclus) »

Il n’est ni justifié ni même allégué par la société Victory Cattle Limited, qui a délivré le produit au domicile de Mme [U], que celui-ci aurait dû faire l’objet d’un enlèvement par la cliente. La formule « transport non inclus » qui reste équivoque sur la charge financière de ce transport, n’est pas suffisante à justifier d’une stipulation

contraire aux dispositions de l’article 1608 précité. Il en résulte que les frais de transport sont à la charge de la société Victory Cattle Limited, et que le trop versé par Mme [U] est de 4 500 €. Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a condamné la société Victory Cattle Limited au paiement de cette somme.

Sur la restitution du taureau :

Le premier juge a condamné Madame [G] [U] à restituer à ses frais le taureau mis à sa disposition par la Société Victory Cattle Limited.

La société Victory Cattle Limited demande en lieu et place de cette restitution le paiement du prix de 3 500 €. Elle soutient que Mme [U] n’a pas procédé à cette restitution qui lui était demandée depuis l’année 2018 et que désormais, la valeur reproductrice de l’animal est nulle.

Madame [U] soutient qu’elle n’a pas manqué à son obligation de restitution et qu’elle a mis en demeure la société Victory Cattle Limited de venir le reprendre mais que celle-ci ne s’est pas exécutée ; que ne pouvant garder le bovin, elle l’a vendu pour un prix net de 1 681,24 €.

Réponse de la cour :

Aux termes de l’article 1875 du code civil : « Le prêt à usage est un contrat par lequel l’une des parties livre une chose à l’autre pour s’en servir, à la charge par le preneur de la rendre après s’en être servi. »

Il résulte de ces dispositions que l’obligation de restitution pèse sur le preneur.

Aux termes de l’article 1883 du même code : « Si la chose a été estimée en la prêtant, la perte qui arrive, même par cas fortuit, est pour l’emprunteur, s’il n’y a eu convention contraire. »

Au moment du prêt, le taureau a été estimé à la somme de 3 500 €. La lettre du 19 mars 2018 du conseil de Mme [U] à celui de la société VCL dans laquel il est indiqué « Je laisse le soin à votre cliente de prendre directement l’attache de Mme [U] pour récupérer cet animal » n’est pas de nature à délivrer Mme [U] de son obligation .

Le taureau n’étant plus en possession de Mme [U], le jugement entrepris ne peut qu’être infirmé en ce qu’il l’a condamnée à une restitution en nature. Par voie de conséquence, Mme [U] sera condamnée à payer la société VCL la somme de 3 500€.

Les créances de Mme [U] étant supérieures à celle de la société VCL, celle-ci sera déboutée de sa demande tendant à la condamnation de Mme [U] après compensation des créances réciproques.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire ;

Reçoit l’intervention volontaire de la société Victory Cattle Limited enregistré sous le n°470886 domicilié [Adresse 6], Ireland ;

Infirme le jugement entrepris en ce qu’il a :

— constaté l’existence entre Madame [G] [U] et la Société Victory Cattle Limited d’un accord révocatoire tacite à effet du 24 décembre 2016, concernant le contrat en date du 3 novembre 2014 ;

— dit que la révocation du contrat en date du 3 novembre 2014 ne jouera que pour l’avenir ;

— condamné Madame [G] [U] à restituer à ses frais le taureau mis à sa disposition par la Société Victory Cattle Limited,

Statuant à nouveau ;

Déboute la société Victory Cattle Limited de sa demande tendant à voir constater l’existence d’un accord révocatoire ;

Déboute Mme [U] de sa demande de résiliation judiciaire du contrat du 3 novembre 2014 aux torts de la société Victory Cattle ;

Dit que le contrat est devenu caduc à compter du mois d’août 2017 ;

Condamne Mme [U] à payer à la société Victory Cattle Limited la somme de 3 500 € ;

Confirme le jugement entrepris pour le surplus de ses dispositions ;

Y ajoutant ;

Déboute la société Victory Cattle Limited de sa demande tendant à la condamnation de Mme [U] à la lui payer la somme de 400 € après compensation des créances réciproques ;

Condamne la société Victory Cattle Limited aux dépens en cause d’appel ;

Condamne la société Victory Cattle à payer à Mme [U] la somme de 2 000 € au titre de ses frais irrépétibles en cause d’appel.

La greffière, La présidente,

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
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Cour d'appel de Rouen, Chambre civile et commerciale, 16 novembre 2023, n° 21/03747