Cour d'appel de Toulouse, 2e chambre, 5 décembre 2012, n° 2007/03553

  • Manquement aux obligations contractuelles·
  • Conseil en propriété industrielle·
  • Action en nullité du contrat·
  • Prescription quinquennale·
  • Obligation d'information·
  • Point de départ du délai·
  • Obligation de conseil·
  • Obligation de moyens·
  • Professionnel averti·
  • Vice du consentement

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Le conseil en propriété industrielle qui a été mandaté pour procéder au dépôt de brevets, de marques et de modèles, a engagé sa responsabilité. Bien que le conseil ait émis des commentaires et fait part de ses interrogations de manière précise et écrite en fournissant des éléments d’appréciation nécessaires, il devait mettre expressément en garde son client sur les chances particulièrement réduites de succès des dépôts de brevets au vu des rapports de recherche et des objections des examinateurs dans le cadre des procédures de dépôt. Par conséquent, en sa qualité de professionnel, il a manqué à son devoir de mise en garde vis-à-vis d’un inventeur non averti. Du fait de ce manquement, l’inventeur a perdu une chance de prendre la décision d’arrêter les procédures relatives aux brevets et par voie de conséquence aux marques et modèles.

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Sur la décision

Référence :
CA Toulouse, 2e ch., 5 déc. 2012, n° 07/03553
Juridiction : Cour d'appel de Toulouse
Numéro(s) : 2007/03553
Publication : PIBD 2013, 977, IIIB-937
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Castres, 24 mai 2007, N° 04/02247
Décision(s) liée(s) :
  • Tribunal de grande instance de Castres, 25 mai 2007, 2004/02247
  • (en réquisition)
Domaine propriété intellectuelle : BREVET
Référence INPI : B20120161
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Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL DE TOULOUSE ARRÊT DU CINQ DÉCEMBRE DEUX MILLE DOUZE

2e Chambre Section 1 N° RG: 07/03553

Décision déférée du 25 Mai 2007 – Tribunal de Grande Instance de CASTRES – 04/02247

APPELANT Monsieur Jean C représenté par la SCP CHATEAU Be rtrand, avocats au barreau de Toulouse assisté de Me J. P. DELSART, avocat au barreau de Lyon

INTIMÉ Monsieur Guy D, exerçant sous l’enseigne CABINET DELHAYE 81370 ST SULPICE représenté par la SCP BOYER & GORRIAS, avocats au barreau de Toulouse assisté de Me Christine C MARTY, avocat au barreau de Toulouse

COMPOSITION DE LA COUR En application des dispositions des articles 786 et 910 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 24 Octobre 2012, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant G. COUSTEAUX, président et P. DELMOTTE, conseiller, chargés du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : G. COUSTEAUX, président P. DELMOTTE, conseiller V. SALMERON, conseiller

Greffier, lors des débats : C. LERMIGNY

ARRÊT :

- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
- signé par G. COUSTEAUX, président, et par C. LERMIGNY, greffier de chambre.

FAITS et PROCÉDURE M. Guy D est inscrit sur la liste des personnes qualifiées en matière de propriété intellectuelle sous l’enseigne cabinet Delhaye à Saint Sulpice.

Dans le courant de l’année 1998 il a été contacté par M. Jean C (dans des conditions qui sont discutées entre parties notamment quant au rôle de M. F, tiers à l’instance) afin de procéder à des dépôts de marques, de modèles et de brevets.

Ses prestations ont fait l’objet de 122 factures pour un montant total de 218.430,56 euros sur lesquels M. Jean C a réglé la somme de 134.768,10 euros.

Par jugement du 25 Mai 2007 le tribunal de grande instance de Castres, a déclaré irrecevable l’exception d’incompétence, condamné M. Jean C à payer à M. Guy D la somme de 82.334,35 euros avec intérêts au taux légal à compter du 3 juin 2004 et la somme de 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, et l’a condamné aux dépens. La juridiction de première instance a ordonné l’exécution provisoire à hauteur des deux tiers de la condamnation au paiement de la somme principale et pour la totalité des autres dispositions.

Par déclaration du 5 juillet 2007 M. Jean C a relevé appel de cette décision.

Par arrêt du 14 janvier 2009, la cour d’appel a, avant-dire droit, désigné un expert avec mission de :

- examiner la facturation établie par M. Guy D,
- rechercher si les dépôts des demandes de brevets français et européens ont donné lieu à délivrance de brevets,
- dans le cas contraire, identifier les causes de cette non délivrance, rechercher en particulier si cet échec

est dû à un défaut de diligence administrative ou une absence de brevetabilité de l’invention,
- pour chaque demande de brevet, rechercher les diligences effectuées par M. Guy D notamment en ce qui concerne le traitement des observations et antériorités portées à la connaissance du déposant,
- donner son avis sur la facturation,
- présenter un projet d’apurement de compte entre les parties.

Le rapport d’expertise a été déposé le 27 janvier 2010.

Par arrêt du 18 janvier 2012, la cour d’appel a ordonné la réouverture des débats afin que les parties s’expliquent sur les compétences et qualifications professionnelles de M. Guy D, et particulièrement en matière de brevets d’invention et spécialement de brevets européens, tout en précisant que dans les conclusions par lesquelles elles se bornent à répondre à des questions posées par un arrêt avant dire droit, les parties ne sont pas tenues de reprendre les prétentions et moyens présentés ou invoqués dans leurs écritures antérieures, qui ne sont pas réputées avoir été abandonnées.

M. Jean C a déposé ses dernières écritures le 15 octobre 2012.

M. Guy D a déposé ses dernières écritures le 22 octobre 2012.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 23 octobre 2012.

MOYENS et PRÉTENTIONS des PARTIES

Dans ses dernières écritures, auxquelles il est expressément renvoyé pour l’énoncé du détail de l’argumentation, M. Jean C conclut à la confirmation partielle du jugement entrepris en ce qu’il a déclaré irrecevable la demande en paiement fondée sur la facture n°9877CO- 358 établie au nom de la société VIEW BASE et à son infirmation pour le surplus de la décision de première instance ainsi qu’à la condamnation de M. Guy D à lui payer la somme de 50.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

A titre principal, M. Jean C demande de :

- constater que son consentement a été vicié en raison de l’erreur sur la personne provoquée par la réticence dolosive de M. Guy D sur ses qualités, n’étant pas conseil en propriété intellectuelle,

— prononcer la nullité des contrats de mandat et d’entreprise les liant,

— ordonner la restitution des sommes versées à hauteur de 170.898,35 euros en exécution de ces contrats,

— ordonner la restitution des tableaux remis à M. Guy D ou la restitution en valeur de la somme de 17.912,76 euros,

— constater en tout état de cause que M. Guy D a commis de nombreux manquements dans l’exécution de sa mission engageant sa responsabilité délictuelle,

— condamner M. Guy D à verser à M. Jean C la somme de 170 898,35 euros en réparation de son préjudice,

— constater que la réticence dolosive de M. Guy D constitue une faute engageant sa responsabilité délictuelle,

— condamner M. Guy D à lui régler la somme de 30.000 euros en réparation de son préjudice.

A titre subsidiaire, M. Jean C demande de :

- constater que M. Guy D a manqué à son obligation contractuelle d’information, à son devoir de conseil, à ses obligations de diligence et de compétence,
- condamner M. Guy D à verser à M. Jean C la somme de 170.898,35 euros en réparation de son préjudice matériel,

— condamner M. Guy D à lui régler la somme de 30.000 euros en réparation de son préjudice moral.

A titre infiniment subsidiaire, M. Jean C demande de :

- juger que l’obligation de payer conjointe à M. Jean C et à M. F est divisible et non solidaire, les relations ayant existé relevant à la fois du contrat de mandat (représentation auprès des offices pour les dépôts des brevets, marques, dessins et modèles) et du contrat d’entreprise (apport d’une prestation intellectuelle sans représentation),

— constater que le montant dû par chacun des débiteurs de M. Guy D est de 108.059,86 euros,

— constater que M. Jean C a réglé 170.898,35 euros,

— ordonner à M. Guy D la restitution des sommes d’un montant de 98.454,24 euros, trop versées par M. Jean C,

— ordonner la restitution des tableaux remis à M. Guy D ou, au choix, le paiement de la somme complémentaire de 17.912,76 euros correspondant à leur valeur.

Dans ses dernières écritures, auxquelles il est expressément renvoyé pour l’énoncé du détail de l’argumentation, M. Guy D sollicite la confirmation du jugement entrepris ainsi que la condamnation de M. Jean C à lui payer la somme de 25.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

M. Guy D demande de :

- juger que la demande en restitution de tableaux ou en paiement de la somme de 17.912,76 euros est irrecevable comme étant nouvelle et n’ayant aucun lien avec le litige,

— juger que l’action en nullité est prescrite,

— juger que M. Jean C n’apporte pas la preuve que son consentement a été vicié pour cause d’erreur ou de dol,

— constater que M. Jean C n’apporte pas la preuve qui lui incombe de l’existence d’une intention frauduleuse de sa part,

— constater qu’il est tenu à une obligation de moyens concernant son obligation de conseil et de renseignement,

— constater qu’il a été mandaté et que les relations contractuelles s’analysent comme un mandat,

— constater qu’il a procédé aux dépôts de dossiers, de brevets, marques, modèles et dessins conformément aux pouvoirs qui lui ont été donnés par MM. C et F avec diligence,

— constater qu’aucune erreur n’a été commise concernant l’ensemble des dépôts effectués,

— constater qu’il a parfaitement respecté ses obligations,

— juger qu’il n’a pas engagé sa responsabilité tant délictuelle que contractuelle dans le cadre des mandats qui lui ont été donnés,

— constater que M. Jean C n’apporte pas la preuve qui lui incombe de l’existence d’un dommage, d’une faute et d’un lien de causalité,

— constater que l’obligation de payer de M. Jean C est solidaire, ayant signé avec M. F tous les pouvoirs permettant de procéder aux différentes prestations sollicitées,

— fixer le montant du solde des honoraires dus après apurement des comptes établi par l’expert à la somme de 81.968,47 euros,

— condamner M. Jean C au paiement de cette somme ainsi que de la somme de 127.887,50 euros en dommages et intérêts pour préjudice financier, celle de 5.000 euros en dommages et intérêts pour

préjudice moral,

— constater que M. Jean C a réglé entre les mains de l’huissier de justice la somme de 36.130,25 euros.

MOTIFS de la DÉCISION

Sur la demande relative à la restitution de tableaux ou de leur valeur,

Selon l’article 564 du code de procédure civile, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.

M. Jean C demande à la cour d’appel d’ordonner la restitution des tableaux remis à M. Guy D ou la restitution en valeur de la somme de 17.912,76 euros alors que cette prétention n’avait pas été formulée devant la juridiction de première instance comme le fait observer M. Guy D. S’agissant d’une prétention nouvelle au sens de l’article 564 du code de procédure civile, il convient de déclarer irrecevable la demande de M. Jean C.

Sur le dol et l’erreur

Selon l’article 1304 du code civil, dans tous les cas où l’action en nullité ou en rescision d’une convention n’est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure cinq ans. Ce temps ne court dans le cas de violence que du jour où elle a cessé ; dans le cas d’erreur ou de dol, du jour où ils ont été découverts.

Dans ses dernières écritures, M. Jean C indique, en page 43, qu’il a découvert le dol et l’erreur le 13 mars 2009 à l’INPI de Marseille et, en page 93, que l’erreur ne lui a été révélée qu’au cours de la procédure d’appel et précisément à compter de son changement de conseil soit en janvier 2011. M. Guy D n’apporte aucun élément venant contredire la date la plus ancienne. Il convient dès lors de constater que l’action en nullité n’est pas prescrite, le délai de 5 ans n’étant pas écoulé.

Par arrêt du 18 janvier 2012, la cour d’appel a rouvert les débats afin que les parties s’expliquent sur les compétences et qualifications professionnelles de M. Guy D, et particulièrement en matière de brevets d’invention et spécialement de brevets européens.

Les explications fournies et surtout les pièces communiquées par M. Guy D conduisent à rejeter le moyen tiré des vices de consentement allégués par M. Jean C.

En effet, d’une part, M. Guy D, qui n’a jamais utilisé le titre de conseil en propriété intellectuelle ou de conseil en brevet d’invention et en dépôt de marques et modèles, est mentionné sur la liste des personnes qualifiées en propriété industrielle avec la mention 'marques, dessins et modèles’ publiée dans le bulletin officiel de la propriété industrielle produit par l’INPI ; d’autre part, pour les brevets d’invention, il est mentionné sur la liste spéciale, publiée dans ce même bulletin, sous le numéro 422-5/PP.115, comme indiqué sur les pouvoirs signés par M. Jean C, fournis à l’INPI. Il justifie également être inscrit sur les deux listes depuis 1993. Concernant le dépôt du brevet européen, il a délégué le seul acte de dépôt à M. R avec lequel, au demeurant, il travaille depuis 20 ans, afin d’assurer le passage en Europe du brevet international (PCT), alors même que les pouvoirs signés par M. Jean C précisaient qu’il donnait tous pouvoirs à M. Guy D pour effectuer les démarches nécessaires à la délivrance des brevets et en conséquence, l’autorisait à substituer au besoin pour tout ou partie du présent mandat. De la même façon, M. Guy D a délégué d’autres opérations à des confrères, ce qui apparaît sur des factures adressées à M. Jean C, comme celle du 17 mai 2001 mentionnant 'frais et honoraires et ceux de nos correspondants locaux…'

De la sorte, M. Jean C ne rapporte la preuve ni d’une erreur au sens de l’article 1110 du code civil, ni d’une réticence dolosive.

Sur le devoir de conseil et de mise en garde de M. Guy D

Le litige entre les parties porte principalement sur le dépôt de brevets confiés à M. Guy D et leur

poursuite. Le sort du dépôt des marques et modèles est bien évidemment étroitement lié à celui des brevets, le défaut de délivrance des brevets rendant sans intérêt les marques et modèles déposés.

Selon l’article 246 du code de procédure civile, le juge n’est pas lié par les constatations ou les conclusions du technicien.

Il n’est pas reproché à M. Guy D un manquement à une obligation de résultat dans son activité de représentation auprès des offices pour le dépôt des brevets, marques dessins et modèles, mais un manquement à une obligation de moyens dans le cadre du contrat d’entreprise ayant lié les parties.

A la suite d’un entretien portant sur une demande de brevet en France pour disque-carte de visite entre M. Jean C et M. Guy D dans les bureaux de ce dernier le 27 juillet 1998, M. Guy D a écrit, le lendemain, à M. Jean C que le disque-carte imaginé entraîne des indices favorables à l’existence d’activité inventive et parmi ceux -ci sont cités, une ignorance prolongée de la solution malgré l’existence d’un besoin, un résultat inattendu et nettement amélioré, une fabrication avantageuse, un progrès technique et commercial incontestable.

Les termes de cette correspondance sont généraux, pouvant être utilisés en réponse à toute demande de dépôt de brevet, ce qui explique la rapidité de sa rédaction, le lendemain de l’entretien.

M. Guy D a procédé à un dépôt de demande de brevet français pour un disque carte de visite, enregistrée le 5 août 1998 et à un dépôt de demande de brevet international PCT enregistrée le 3 septembre 1998.

Le brevet comprenait 10 revendications qui, au sens de l’article L612-6 du code de la propriété intellectuelle, définissent l’objet de la protection demandée.

Le 18 mai 1999, M. Guy D a transmis à M. Jean C le rapport de recherche établi dans le cadre de la demande de brevet PCT. Dans la lettre d’accompagnement, M. Guy D indique que l’examinateur a cité trois documents dont les deux premiers affectés du code 'Y’ dans la colonne 'catégorie', affectant l’activité inventive de la revendication 1 et non des 9 autres.

L’affectation de la catégorie Y, comme X, impose une obligation de réponse et le défaut de réponse entraîne le rejet de la demande.

Or, il apparaît à la lecture des 10 revendications que deux seulement sur neuf ne se réfèrent pas à la première. Dès lors, l’appréciation portée par M. Guy D sur l’impact de l’avis de l’examinateur était optimiste.

En mars 2000, une réunion a été organisée entre M. Jean C assisté d’un avocat et M. Guy D qui en a rédigé un compte rendu. Dans son rapport, en page 46, l’expert judiciaire écrit que lors de cette réunion, M. Guy D a fait part de ses interrogations de manière précise et écrite en fournissant des éléments d’appréciation nécessaires et en mettant en garde les déposants. Le constat d’interrogations et de la fourniture d’éléments d’appréciation relève de la mission confiée au technicien commis, en revanche l’avis sur la mise en garde délivrée constitue une appréciation juridique excédant sa mission. Il appartient à la cour seule de dire si M. Guy D a manqué à son devoir de mise en garde à partir des éléments recueillis par l’expert et communiqués par les parties.

Dans le compte rendu adressé le 29 mars 2000 à M. Jean C, il est fait état de l’élément constitué par l’action qualifiée de pré-contentieuse entreprise par la société américaine ADIVAN et sont envisagées plusieurs possibilités pour 'éviter l’écueil’ constitué par le brevet dont bénéficie cette société. Il est également fait état de l’existence d’un brevet suisse et/ou allemand découvert grâce aux recherches de M. Jean C et à différents contacts. En conclusion, M. Guy D évoque la réception attendue de l’opinion écrite de l’examinateur dans le cadre de l’examen préliminaire international de la demande internationale de brevet.

Le 26 juin 2000, M. Guy D communique à M. Jean C l’opinion écrite émise le 29 mai 2000 dans ce cadre, en relevant que l’examinateur conteste la nouveauté des revendications 1,2 et 6. Dans cette transmission, s’il émet des commentaires, M. Guy D ne met nullement en garde M. Jean C sur l’échec prévisible du dépôt, lui demandant seulement ses instructions sur la suite à donner à l’opinion écrite, alors

même que selon ses propres écritures, en page 41, il avait connaissance du rapport de recherches internationales du 18 mai 1999 et de quatre brevets entre le 13 mars 2000 et le 4 mai 2000.

Le 13 juin 2001, lors de la transmission du rapport de recherche préliminaire sur le demande de brevet en France, M. Guy D indiquait à M. Jean C que plusieurs documents ont été affectés des codes d’antériorité non seulement Y(particulièrement pertinent en combinaison avec un autre document de la même catégorie) mais aussi X (particulièrement pertinent à lui seul), tout en précisant, comme dans la correspondance du 18 mai 1999 que l’examinateur ne semblait pas remettre en cause la nouveauté des revendications 2-10. M. Guy D note au bas de la première page de son courrier que les trois documents cités en premier l’avaient été dans le cadre de la procédure PCT le tout premier ayant été précédemment affecté du code Y et non X.

Ce deuxième avis, quasi-semblable au premier émis en mai 1999, démontre que lors de la réception annoncée de l’opinion écrite en juin 2000, M. Guy D devait mettre expressément en garde M. Jean C sur les chances particulièrement réduites de succès des dépôts de brevet en raison de ce premier avis, de l’intervention de la société AVIDAN auprès de la société de pressage et des autres brevets connus (S OLAF, OTTERSTEIN et CUBA/RHODE). Contrairement à l’avis de l’expert qui, en page 47 de son rapport, a estimé qu’en juin 2001 la délivrance du brevet était aléatoire, la cour juge que cet aléa existait courant juin 2000. Il importe peu que M. Jean C ait par exemple demandé de faire le maximum pour conserver la priorité d’août 1998 dans une télécopie du 23 décembre 1999 pour exonérer M. Guy D, en sa qualité de professionnel dans le dépôt des brevets, de son devoir de mise en garde vis-à-vis d’un inventeur non averti.

D’ailleurs, le 8 février 2002, M. Guy D écrit à M. Jean C pour lui faire savoir que sur la demande de brevet européen, l’examinateur émet des objections visant à réfuter l’ensemble des revendications 1 à 10 arguant des mêmes commentaires que ceux développés dans le cadre de la demande PCT, soit celle ayant fait l’objet d’un rapport en 1999, ce qui renforce la nécessité de la mise en garde en juin 2000.

La question du lancement différé des recherches après un dépôt quasi-simultané des demandes de brevet est sans intérêt à la solution du litige, alors même que la décision de différer l’établissement du rapport dans le cadre de la demande de brevet en France a été prise par M. Jean C, selon les termes de la lettre adressée par M. Guy D le 11 août 1998 qui précisait la possibilité sur simple requête de la déclencher avant l’expiration du délai de 18 mois.

M. Guy D n’avait pas à proposer à M. Jean C une recherche d’antériorité alors que le dépôt devait être réalisé en urgence compte tenu du risque d’un autre dépôt, qui est d’ailleurs intervenu, le brevet Benedetti ayant été déposé 7 jours avant.

Le manquement ainsi caractérisé au devoir de mise en garde incombant à M. Guy D conduit à juger que M. Jean C a perdu une chance de prendre la décision d’arrêter les procédures relatives aux brevets et par voie de conséquence aux marques et modèles courant juin 2000.

Or, selon la ventilation des facturations par périodes, en page 34 du rapport d’expertise, pour un montant total de 218 610 euros, 99 470 euros correspondent à la période antérieure au 15 juin 2000 et 119 140 euros pour la période postérieure.

Dès lors, l’indemnisation de la perte de chance subie par M. Jean C sera évaluée à la somme de 100 000 euros, somme que M. Guy D sera condamné à lui payer.

Dans ses écritures, M. Guy D indique que le montant total de la facturation émise par M. Guy D s’élève à 218 430,56 auquel un avoir de 365,88 euros doit être déduit, soit 218 064,68 euros.

Mais, M. Jean C établit que la somme totale qui aurait dû être facturée s’élève à 216.119,73 euros après déduction du montant d’une facture établie au nom de la société View Base d’un montant de 1.115,85 euros, prise en compte par les premiers juges, d’une double facturation d’un montant de 827,28 euros et d’une facturation inutile pour un dépôt en Malaisie d’un montant de 367,68 euros TTC.

M. Jean C sera en conséquence condamné à payer à M. Guy D le solde de la facturation soit 80.773,51 euros TTC, en deniers ou quittances, compte tenu des versements effectués entre les mains d’un huissier

de justice, cette somme portant intérêt au taux légal à compter de la sommation de payer du 3 juin 2004.

M. Jean C bénéficiant seul de la condamnation de M. Guy D au titre de la perte de chance et ayant été le seul à régler les factures émises par M. Guy D, n’ayant pas de plus appelé en cause M. F avec lequel il a signé plusieurs des pouvoirs donnés à M. Guy D, il sera condamné seul au paiement de l’intégralité du solde des factures émises par M. Guy D. Ces factures correspondent à des prestations réalisées, nullement surévaluées de façon anormale comme le soutient l’appelant, l’expert judiciaire en page 31 et 32 de son rapport estimant que les ratios calculés par l’appelant ne permettent pas de tirer de conclusions fiable, ne s’agissant pas d’une revente en l’état mais d’une prestation effectuée par une société étrangère pour le compte de M. Guy D et incorporée dans ses frais et son prix de revient, tout en ajoutant que la TVA doit s’appliquer sur la totalité des dépenses facturées.

Le jugement sera en conséquence infirmé.

Sur les autres demandes

M. Jean C sollicite la condamnation de M. Guy D à lui régler la somme de 30.000 euros en réparation de son préjudice moral.

La perte de chance reconnue justifie l’allocation à M. Jean C d’une indemnisation du préjudice moral subi résultant de la perte de confiance envers M. Guy D à hauteur de 15.000 euros.

M. Guy D sollicite la condamnation de M. Jean C au paiement de la somme de 127.887,50 euros en dommages et intérêts pour préjudice financier, celle de 5.000 euros en dommages et intérêts pour préjudice moral. Mais, la double condamnation prononcée à son encontre conduit à le débouter de ses demandes qu’il s’agisse du préjudice financier ou du préjudice moral allégué.

Enfin, aucune partie n’obtenant entièrement satisfaction, il sera fait masse des dépens tant de première instance que d’appel, en ce compris les frais de l’expertise judiciaire, qui seront partagés par moitié entre les parties.

PAR CES MOTIFS

Déclare irrecevable la demande relative à la restitution de tableaux ou de leur valeur,

Infirme le jugement du tribunal de grande instance,

Et statuant à nouveau,

Condamne M. Jean C à payer à M. Guy D la somme de 80.773,51 euros, en deniers ou quittances, qui portera intérêt au taux légal à compter du 3 juin 2004,

Condamne M. Guy D à payer à M. Jean C la somme de 100.000 euros au titre de la perte de chance,

Y ajoutant,

Condamne M. Guy D à payer à M. Jean C la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

Déboute M. Guy D de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice financier,

Déboute M. Guy D de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral,

Vu l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute M. Jean C et M. Guy D de leurs demandes de ce chef,

Fait masse des dépens de première instance et d’appel, en ce compris les frais d’expertise, qui seront réglés par moitié par chaque partie et dont distraction par application de l’article 699 du code de

procédure civile,

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