Cour d'appel de Toulouse, 13 mai 2013, n° 12/01831

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Toulouse, 13 mai 2013, n° 12/01831
Juridiction : Cour d'appel de Toulouse
Numéro(s) : 12/01831
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Toulouse, 5 mars 2012, N° 10/01625

Sur les parties

Texte intégral

.

13/05/2013

ARRÊT N°212

N° RG: 12/01831

XXX

Décision déférée du 06 Mars 2012 – Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE – 10/01625

Mme B

S A

AJ-AT AC épouse A

(Me DESSART)

C/

AD R

(SCP BOYER GORRIAS)

AM-AH H

(Me DE LAFORCADE)

OFFICE NATIONAL D’INDEMNISATION DES ACCIDENTS MEDICAUX ONIAM

(Me MALET)

MCDEF

(sans avocat constitué)

XXX

(sans avocat constitué)

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE-GARONNE

(Me THEVENOT)

CONFIRMATION

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

1re Chambre Section 1

***

ARRÊT DU TREIZE MAI DEUX MILLE TREIZE

***

APPELANTS

Monsieur S A

XXX

XXX

représenté par Me Emmanuelle DESSART avocat au barreau de TOULOUSE

assisté de la SCP DOUCHEZ LAYANI-AMAR avocats au barreau de TOULOUSE

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 31555-2012-011488 du 05/07/2012 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de TOULOUSE)

Madame AJ-AT AC épouse A

XXX

XXX

représentée par Me Emmanuelle DESSART avocat au barreau de TOULOUSE

assistée de la SCP DOUCHEZ LAYANI-AMAR avocats au barreau de TOULOUSE

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 31555-2012-011488 du 05/07/2012 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de TOULOUSE)

INTIMES

Monsieur AD R

XXX

XXX

XXX

représenté par la SCP BOYER & GORRIAS avocats au barreau de TOULOUSE

assisté de Me Hélène FABRE avocat au barreau de PARIS

Monsieur AM-AH H

clinique Saint AM du Languedoc 20 route de Revel

XXX

représenté par Me DE LAFORCADE avocat au barreau de TOULOUSE)

OFFICE NATIONAL D’INDEMNISATION DES ACCIDENTS MEDICAUX ONIAM

XXX

XXX

XXX

représenté par Me Elisabeth MALET avocat au barreau de TOULOUSE

assisté de Me Jane BIROT avocat au barreau de BAYONNE

MCDEF

XXX

XXX

sans avocat constitué

XXX

XXX

XXX

sans avocat constitué

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE-GARONNE

XXX

XXX

représentée par Me Olivier THEVENOT avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 18 Mars 2013, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant A. BEAUCLAIR, conseiller, chargés du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

A. MILHET, président

A. BEAUCLAIR, conseiller

P. CRABOL, conseiller

Greffier, lors des débats : J. BARBANCE-DURAND

ARRET :

— réputé contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

— signé par A. MILHET, président, et par J. BARBANCE-DURAND, greffier de chambre.

*******

EXPOSÉ DU LITIGE

Vu l’appel interjeté le 6 avril 2012 par les époux S L et AJ AK AC à l’encontre d’un jugement du Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE en date du 6 mars 2012.

Vu les conclusions des époux L AC en date du 4 juillet 2012.

Vu les conclusions du Docteur AD R en date du 20 septembre 2012.

Vu les conclusions du Docteur AH H en date du 30 août 2012.

Vu les conclusions de l’ONIAM en date du 29 août 2012.

Vu les conclusions de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de Haute Garonne en date du 5 septembre 2012.

Vu l’assignation de la MCDEF SECTION DE TOULOUSE en date du 12 juillet 2012 délivré au responsable du pôle.

Vu l’assignation de la XXX en date du 16 août 2012 délivrée à une personne se déclarant apte à recevoir l’acte.

Vu l’ordonnance de clôture du 19 février 2013 pour l’audience de plaidoiries fixée au 18 mars 2013.


Le 19 mars 2003, Monsieur L, présentant une volumineuse tumeur cancéreuse, a subi l’ablation du rein gauche, pratiquée par Docteur AD R, urologue, à la clinique du château. Cette intervention, choisie comme devant être réalisée sous c’lioscopie, a cependant nécessité en cours d’intervention, une lombotomie (incision de la région lombaire pour accéder au rein).

Les suites opératoires, d’abord normales, se sont, trois jours plus tard, compliquées par la survenance d’une fistule colique, justifiant la consultation des chirurgiens de la clinique, les docteurs E et N. Le 24 mars 2003, le Docteur U H, après avoir confirmé le diagnostic de fistule colique, a procédé à une intervention chirurgicale ayant pour but de suturer la plaie colique. Malgré cette intervention, la fistule récidive, le patient subissant des douleurs, et une aggravation progressive de son état général, engageant son pronostic vital.

Le 10 avril 2003, le Docteur E pratique une nouvelle intervention consistant en une colectomie de type Hartmann (intervention relativement lourde, souvent pratiquée en urgence, consistant en la section d’une partie du côlon, avec évacuation des selles dans une poche, par un anus artificiel, souvent provisoire, et drainage). L’état du patient se complique à nouveau d’une fistule de l’intestin grêle, apparue le 14 avril 2003, justifiant son transfert à l’hôpital Purpan, où il demeure pendant presque 3 mois, d’abord au service de réanimation, jusqu’au 5 mai 2003, puis en service de chirurgie jusqu’au 3 juillet 2003, date à laquelle il rentrera à domicile pour subir différents soins (amaigri de 20 kilos, porteur de multiples cicatrices suppurantes, de trois orifices de drainage, en plus de 1'anus artificiel, et donc porteur de quatre poches de dérivation externe).

Le 27 novembre 2003, le Docteur I pratique une intervention destinée à rétablir la continuité digestive, dont les suites ont été marquées par un syndrome septique assez important et mal expliqué, avec hospitalisation jusqu’au 10 décembre 2003. Il connaît à cet égard de nouvelles complications (infections urinaires, et fistule anatomique traitée à domicile, par un régime sans résidus et des soins locaux, appareillée par une poche, qui sera tarie un mois plus tard).

Monsieur L a d’abord saisi la CRCI (commission régionale de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux) de la région Midi Pyrénées, laquelle a ordonné une première expertise, confiée au Docteur X, puis une seconde expertise, confie aux professeurs K et C. Il a refusé l’indemnisation proposée, au motif qu’elle ne prend pas en compte son préjudice professionnel.

Il a sollicité une expertise judiciaire, confiée au Professeur AM AN G, chirurgien vasculaire, lequel s’est adjoint pour sapiteur le professeur Philippe BALLANGER, chirurgien général urologue, dont le rapport a été déposé le 10 novembre 2009.

Les époux L AC ont saisi le Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE d’une demande aux fins de voir reconnaître la responsabilité des Docteurs N et R et de les voir condamner in solidum avec l’ONIAM si un aléa thérapeutique est retenu à les indemniser de leur préjudice.

Par jugement en date du 6 mars 2012, le Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE a :

— prononcé la mise hors de cause du Docteur AD R,

— débouté la CPAM de la Haute Garonne de ses demandes à l’encontre de l’ONIAM,

— débouté Madame AJ AK AC épouse L de ses demandes à l’encontre de L’ONIAM,

— jugé que le dommage subi par les demandeurs, est imputable à 40 % à l’accident médical, et à 60 % à la faute du Docteur U H,

— dit que les condamnations qui vont suivre tiennent compte de ce partage, et du débouté des demandes précédentes,

— condamné en conséquence l’ONIAM, à payer les sommes suivantes :

* 13.954,00 euros à Monsieur S L en réparation de la part imputable à l’accident médical, dans la survenance des dommages subis,

* 800,00 euros aux époux L AC, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné en conséquence le Docteur U H, à payer les sommes suivantes :

*20.931,00 euros à Monsieur S L en réparation de la part du dommage en lien avec sa faute,

* 2.000,00 euros à Monsieur S L en réparation du défaut d’information,

* 3.000,00 euros à Madame AJ-AT AC épouse L en réparation de son préjudice moral,

* 1.410,04 euros à Madame AJ-AT AC épouse L en réparation de ses frais de déplacement et de parking,

* 1.200,00 euros aux époux L AC sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

* 45.227,16 euros à la CPAM de la Haute Garonne en remboursement de ses débours au titre des dépenses de santé,

* 540,00 euros à la CPAM de la Haute Garonne sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile,

* 980,00 euros au titre de l’indemnité forfaitaire de frais de gestion prévue par l’article L 376-1 alinéa 9 du code de la sécurité sociale,

— débouté les parties du surplus de leurs demandes,

— partagé les dépens, en ce compris les frais de la procédure de référé et de l’expertise judiciaire, entre l’ONIAM et le Docteur U H, dans les proportions suivantes :

* 40 % à la charge de l’ONIAM

* 60 % à la charge du Docteur U H,

— ordonne l’exécution provisoire de la présente décision, à concurrence des 2/3 des condamnations prononcées.

Les époux L AC demandent à la cour de :

— dire que les docteurs R et H ont commis des fautes de nature à engager leur responsabilité,

— réformer en conséquence le jugement entrepris de ce chef,

— les condamner en conséquence in solidum à indemniser l’ensemble des préjudices de Monsieur et Madame L,

— dire que si un aléa thérapeutique est retenu, l’ONIAM sera condamné à indemniser l’ensemble des préjudices de Monsieur et Madame L, in solidum avec les Docteurs R et H,

— condamner en conséquence in solidum, le Docteur R, le Docteur H, l’ONIAM à indemniser Monsieur et Madame L de l’ensemble de leurs préjudices comme suit :

* Préjudices de Monsieur L :

— IPP 10% : 9.600,00 euros : confirmer le jugement entrepris sur ce point

— Préjudice esthétique 2/7 : 2.000,00 euros : confirmer le jugement sur ce point

— Préjudice d’agrément : 5.000,00 euros : réformer le jugement sur ce point

— ITT au titre de la perte de revenu : 107.020,00 euros : réformer le jugement sur ce point

— ITT Physiologique : 5.284,00 euros : réformer le jugement entrepris sur ce point

— Pretium doloris 5/7 : 15.000,00 euros : confirmer le jugement sur ce point

— Manquement au devoir d’information : 10.000,00 euros soit 5.000,00 euros à la charge du Docteur R et 5.000,00 euros à la charge du Docteur H : réformer en conséquence le jugement entrepris sur ce point

— Frais d’habillement : 2.100,00 euros : réformer le jugement entrepris sur ce point.

* Préjudices de Madame L :

— Préjudice moral : 20.000,00 euros : réformer le jugement entrepris sur ce point

— le préjudice d’accompagnement : 635,04 euros : réformer le jugement

— Préjudice économique : 2.350,08 euros : confirmer le jugement sur ce point

— Frais médicaux et pharmaceutiques : 400,00 euros : réformer le jugement

— les condamner également in solidum à payer à Monsieur et Madame L la somme de 5.000,00 euros sur le fondement de |'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens, en ceux compris les frais d’expertise, dont distraction au profit de Maître DESSART.

Les époux L AC font valoir que :

— l’expert X impute des fautes tant à l’encontre du Docteur H que du Docteur R tant dans la néphrectomie à concurrence de 20 % que dans le traitement de la fistule digestive par laparotomie 80 %,

— les experts K et C concluent à l’existence d’un aléa thérapeutique dans l’origine secondaire de la fistule du fait l’effraction musculaire lors de la néphrectomie, mais retiennent la responsabilité du Docteur H,

— la CRCI a retenu la responsabilité fautive du Docteur H et l’aléa thérapeutique pour le surplus des complications exonérant le Docteur R, mais a formulé une proposition d’indemnisation sous évaluée,

— le Docteur G dégage le Docteur R de toute responsabilité et retient la faute du Docteur H et l’aléa thérapeutique pour le surplus des complications,

— ils justifient du préjudice d’agrément dont ils demandent réparation et de ses pertes de revenus, ils soulignent que les Docteurs R et H ont manqué à leur devoir d’information préopératoire tant sur les interventions elles même, que sur les complications encourues,

— Madame L justifie d’un préjudice moral qui doit être réparé à concurrence du montant réclamé, elle justifie d’un préjudice d’accompagnement pour avoir exercé les fonctions d’une tierce personne trois heures par jour pendant six mois. Elle justifie enfin de son préjudice économique, des frais kilométriques et frais de parking lors de ses visites dans les différents établissements hospitaliers.

Le Docteur AD R demande à la cour de :

— confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

— par conséquent, dire mal fondés Monsieur et Madame L en leur appel,

— -dire que le Docteur R a respecté son obligation de moyen et son obligation d’information,

— dire que la complication survenue relève de l’aléa thérapeutique indemnisable au titre de la solidarité nationale,

— débouter Monsieur et Madame L de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

— débouter la CPAM de toutes ses demandes, fins et conclusions,

— condamner Monsieur et Madame L et la CPAM aux entiers dépens,

— condamner Monsieur et Madame L, et la CPAM, à payer au Docteur R une indemnité de 5.000,00 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

— dire que les dépens seront recouvrés directement par la SCP BOYER GORRIAS en application de l’article 699 du code de procédure civile.

Le Docteur AD R fait valoir que :

— la fistule survenue à la suite de la néphrectomie résulte d’un aléa thérapeutique, la seconde fistule résulte d’un accident médical fautif imputable au Docteur H, c’est donc à bon droit qu’il a été mis hors de cause conformément aux conclusions des experts K et C d’une part, et G et M d’autre part.

— le patient avait été prévenu des risques de conversion de la coeliochirurgie et des risques d’hémorragies et d’infections, il a été correctement informé et avait clairement accepté la technique chirurgicale par voie coelioscopique, ce qu’il a confirmé devant les experts.

Le Docteur U N demande à la cour de :

— déclarer son appel incident recevable et bien fondé,

— reformer le jugement en ce qu’il a retenu la responsabilité du Docteur H et l’a condamné à indemniser les époux L,

— à titre principal,

— dire que le Docteur H n’a commis aucune faute médicale, ni aucun manquement à son devoir d’information,

— en conséquence, débouter les époux L de leurs demandes à son encontre,

— à titre subsidiaire, ordonner une mesure de contre expertise qui serait confiée à un expert en chirurgie digestive,

— à titre infiniment subsidiaire, sur les demandes d’indemnisation, débouter la CPAM de la Haute Garonne de sa demande tendant à voir prendre en charge l’intégralité de sa créance,

— confirmer le jugement en ce qu’il a débouté Monsieur L des demandes formulées au titre des pertes de revenus, frais médicaux à charge, préjudices patrimoniaux permanents,

— réformer le jugement en ce qu’il a alloué à Monsieur L une indemnité au titre des frais divers et du préjudice d’agrément,

— en conséquence, le débouter de ces deux demandes,

— dire que le quantum des préjudices subis par Monsieur L ne saurait excéder les sommes suivantes :

* déficit fonctionnel temporaire : 4.840,00 euros.

* souffrances endurées : 12.500,00 euros.

* déficit fonctionnel permanent : 9.600,00 euros.

* préjudice esthétique : 2.000,00 euros

— dire qu’il n’y aurait lieu de laisser à la charge de Monsieur H qu’un pourcentage de ces sommes, pourcentage établi selon la formule (% de faute x % de perte de chance) dans la limite maximale des 80 % x 75 % = 60 % retenu par le Tribunal,

— débouter Madame L de ses demandes tendant à la prise en charge d’un préjudice moral et d’un préjudice d’accompagnement,

— débouter les consorts L de leur demande formulée au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— débouter la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de sa demande au titre de l’indemnité forfaitaire de gestion et de l’article 700 du code de procédure civile,

— laisser les dépens à la charge des consorts L.

Le Docteur U N fait valoir que :

— sa responsabilité ne peut être retenue : il n’a commis aucune faute en confiant Monsieur L au Docteur E. Aucune faute ne peut lui être reprochée liée à l’indication opératoire du 24 mars 2003 : les experts désignés n’ont aucune compétence en matière de chirurgie digestive, les spécialistes en cette matière écartant la responsabilité du Docteur H ; l’intervention du 24 mars 2003 était nécessaire, et la technique utilisée était la plus adaptée à la situation d’urgence et à la situation morphologique du patient, en l’absence de consensus explicite sur une technique chirurgicale précise devant une fistule colique, complication rare,

— l’urgence dispense de la nécessité d’un consentement chirurgical, il ne peut y avoir manquement au devoir d’information,

— sur l’indemnisation des préjudices, il ne peut être retenu pour la perte de chance un taux de 75 %, il convient de retenir l’existence d’un état antérieur de sorte que ne pourrait être retenu qu’un taux de 60 % à la charge du Docteur H,

— le préjudice économique invoqué ne peut être retenu au vu des éléments fournis par Monsieur L et les autres postes de préjudices doivent être modérés en tenant compte du taux de 60 % à la charge du Docteur H.

L’ONIAM demande à la cour de :

— à titre principal, réformer le jugement déféré en ce qu’il n’a pas fait droit à la demande de mise hors de cause de l’ONIAM :

— dire que les responsabilités des Docteurs R et H sont engagées en raison des fautes techniques réalisées lors des interventions des 19 mars et 24 mars 2003,

— En conséquence, dire que les conditions de l’article L. 1142-1 II du code de la santé publique, qui ouvrent droit à une indemnisation au titre de la solidarité nationale, ne sont pas remplies,

— en toute hypothèse, dire qu’en l’absence de faute les seuils de gravité pour une indemnisation au titre de la solidarité nationale n’auraient pas été atteints,

— débouter les Consorts L de leurs demandes à l’encontre de l’ONIAM,

— prononcer la mise hors de cause de l’ONIAM,

— à titre subsidiaire, confirmer le jugement en ce qu’il a débouté Madame L de ses demandes à l’encontre de l’ONIAM,

— réformer le jugement en ce que l’indemnisation des préjudices subis par Monsieur L a été mise à la charge de l’ONIAM à hauteur de 40 %,

— dire que la part d’indemnisation des préjudices subis par Monsieur L mis à la charge de l’ONIAM n’excédera pas 20 %,

— Confirmer le jugement en ce qu’il a débouté Monsieur L de ses demandes au titre de la perte de gains actuels et des dépenses de santé actuelles,

— réformer le jugement au titre des autres postes de préjudices :

* débouter Monsieur L de ses demandes au titre des frais divers et du préjudice d’agrément,

* fixer l’indemnisation mise à la charge de l’ONIAM au titre du DFT à une somme qui n’excédera pas 957,00 euros,

* fixer l’indemnisation mise à la charge de l’ONIAM au titre des souffrances endurées à une somme qui n’excédera pas 2.000,00 euros,

* fixer l’indemnisation mise à la charge de l’ONIAM au titre du DFF à une somme qui n’excédera pas 1.900,00 euros,

* fixer l’indemnisation mise à la charge de l’ONIAM au titre du préjudice esthétique à une somme qui n’excédera pas 400,00 euros,

— confirmer le jugement en ce qu’il a débouté la CPAM de ses demandes à l’encontre de l’ONIAM.

— condamner les consorts L aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP MALET.

L’ONIAM fait valoir que :

— les Docteurs R et H ont tous deux commis des fautes, qui excluent une indemnisation au titre de la solidarité nationale : la technique opératoire du Docteur R était inadéquate, et l’intervention chirurgicale réalisée le 24 mars 2003 par le Docteur H était inadéquate et engage sa responsabilité,

— le référentiel qu’il applique dans l’intérêt général permet une harmonisation des indemnisations, il ne peut être tenu de rembourser la créance de la CPAM, et ne peut être condamné in solidum avec les praticiens poursuivis,

— s’il est retenu que Monsieur L a été victime d’un accident médical fautif et d’un accident médical non fautif, la part d’indemnisation mise à la charge de l’ONIAM ne saurait excéder 20 % du dommage au regard de la faute du Docteur H ayant entraîné une perte de chance d’éviter les complications,

— la solidarité nationale ne supporte que les préjudices subis par le patient, la demande en dommages-intérêts de Madame L doit être écartée, et la demande de Monsieur L doit être appréciée et modérée au vu des justificatifs produits.

La Caisse Primaire d’Assurance Maladie de la Haute Garonne demande à la cour de :

— déclarer l’appel incident de la CPAM de la Haute Garonne recevable et bien fondé,

— réformer partiellement le jugement dont appel, ce faisant :

— à titre principal dire que la responsabilité fautive des Docteurs SOULIÉ et D est engagée à l’égard de M. L,

— dire que la totalité des prestations prises en charge par la CAISSE doit leur être imputée,

— fixer ainsi qu’il appartiendra en droit commun, la réparation du préjudice subi par Monsieur L,

— constater qu’à la date du 5 avril 2011, la créance définitive de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de la Haute Garonne au titre des prestations servies à Monsieur L ressort à la somme de 75.378,60 euros,

— en conséquence condamner in solidum Monsieur AD R et Monsieur AH H à payer à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de la Haute Garonne la somme de 75.378,60 euros au titre de sa créance de Dépenses de Santé Actuelles,

— les condamner in solidum à payer à la CPAM de la Haute Garonne l’indemnité forfaitaire pour frais de gestion qu’elle est en droit de recouvrer et dont le montant, en application des dispositions des alinéas 9 et 10 de l’article L376-1 du Code de la Sécurité Sociale, est égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu dans les limites d’un montant maximum de 997,00 euros et d’un montant minimum de 99,00 euros,

— Subsidiairement et dans l’hypothèse où seule la responsabilité du Docteur H serait engagée, dire que la totalité des prestations prises en charge par la CAISSE doivent lui être imputées,

— en conséquence condamner Monsieur AH H à payer à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de la Haute Garonne la somme de 75.378,60 euros au titre de sa créance de Dépenses de Santé Actuelles,

— le condamner à payer à la CPAM de la Haute Garonne l’indemnité forfaitaire pour frais de gestion qu’elle est en droit de recouvrer et dont le montant, en application des dispositions des alinéas 9 et 10 de l’article L376-1 du Code de la Sécurité Sociale, est égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu dans les limites d’un montant maximum de 997,00 euros et d’un montant minimum de 99,00 euros,

— en tout état de cause, condamner tout succombant à payer à la CPAM de la Haute Garonne la somme de 540,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en première instance et 800,00 euros sur le même fondement en cause d’appel,

— condamner tout succombant aux entiers dépens de première instance et d’appel.

La Caisse Primaire d’Assurance Maladie de la Haute Garonne fait valoir que :

— la responsabilité des Docteurs SOULIÉ et D est engagée à l’égard de Monsieur L et ils doivent être condamnés in solidum à réparer l’intégralité du préjudice consécutif aux graves complications subies parle patient à la suite des diverses interventions chirurgicales de ces praticiens,

— En toute hypothèse même si seule la responsabilité du Docteur H devait être retenue, la totalité des prestations prises en charge par la caisse doit lui être imputée, s’agissant d’une part des frais de l’hospitalisation rendue nécessaire par l’infection postérieure et consécutive à son intervention (du 14/04 au 12/12/2003) et d’autre part des IJ relatives à l’arrêt de travail survenu du 25/11 au 07/12/2003, également très postérieure et consécutive à celle-ci,

— le recours de la caisse sur le fondement de l’article L 376-1 du code de la sécurité sociale s’exerce poste par poste et son assiette est donc constituée pour chaque prestation par l’indemnité à la charge du responsable au titre du poste de préjudice correspondant à cette prestation, et la créance de la caisse est justifiée à concurrence de la somme de 75.378,60 euros,

— la caisse peut prétendre à l’indemnité forfaitaire prévue aux alinéas 9 et 10 de l’article L.376-1 du Code de la Sécurité Sociale, outre une somme distincte au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

XXX et la XXX n’ont pas constitué avocat.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Bien que régulièrement assignées à personnes aptes à recevoir l’acte XXX et la XXX n’ont pas constitué avocat, il convient de statuer par arrêt réputé contradictoire conformément au dispositions de l’article 474 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Aux termes de l’article L1111-2 du code de la santé publique, Toute personne a le droit d’être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu’ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. Lorsque, postérieurement à l’exécution des investigations, traitements ou actions de prévention, des risques nouveaux sont identifiés, la personne concernée doit en être informée, sauf en cas d’impossibilité de la retrouver.

Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l’urgence ou l’impossibilité d’informer peuvent l’en dispenser.

Cette information est délivrée au cours d’un entretien individuel.

Aux termes de l’article L1142-1 du code de la santé publique, issu de la loi du 4 mars 2002 donc applicable à l’espèce, I. – Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d’un défaut d’un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu’en cas de faute.

Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d’infections nosocomiales, sauf s’ils rapportent la preuve d’une cause étrangère.

II. – Lorsque la responsabilité d’un professionnel, d’un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d’un producteur de produits n’est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu’ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu’ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l’évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d’incapacité permanente ou de la durée de l’incapacité temporaire de travail.

Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d’incapacité permanente supérieur à un pourcentage d’un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret.

Aux termes de l’article D 1142-1 du code de la santé publique dans sa version applicable à l’espèce, le pourcentage mentionné au dernier alinéa de l’article L. 1142-1 est fixé à 24 %.

Un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale présente également le caractère de gravité mentionné à l’article L. 1142-1 lorsque la durée de l’incapacité temporaire de travail résultant de l’accident médical, de l’affection iatrogène ou de l’infection nosocomiale est au moins égale à six mois consécutifs ou à six mois non consécutifs sur une période de douze mois.

A titre exceptionnel, le caractère de gravité peut être reconnu :

1° Lorsque la victime est déclarée définitivement inapte à exercer l’activité professionnelle qu’elle exerçait avant la survenue de l’accident médical, de l’affection iatrogène ou de l’infection nosocomiale ;

2° Ou lorsque l’accident médical, l’affection iatrogène ou l’infection nosocomiale occasionne des troubles particulièrement graves, y compris d’ordre économique, dans ses conditions d’existence.

1- Sur la responsabilité du Docteur R

— sur l’obligation d’information du patient

Aucun écrit n’a été établi entre les parties matérialisant l’exécution de l’obligation d’information pesant sur le praticien. Cependant il ressort du premier rapport d’expertise que le Docteur R a prévenu le patient des risques de conversion de la coelioscopie ainsi que des risques d’hémorragies et d’infection. Lors de la deuxième expertise, le conseil d’une partie a relevé que Monsieur L avait reconnu avoir reçu une information devant le premier expert. Les experts judiciaires ont pour leur part relevé que si l’information préopératoire n’avait pas porté particulièrement sur la complication rencontrée par le patient, ce dernier leur a indiqué qu’il avait été informé par le Docteur R de cette possible complication exceptionnelle et des avantages de la laparoscopie, en termes de durée d’hospitalisation et de moindres souffrances postopératoires, et qu’il avait accepté cette voie d’abord.

Il apparaît donc que l’information du patient requise par les textes a été délivrée par le praticien et que le patient a donné un consentement éclairé au choix de la technique opératoire pratiquée, en connaissance de cause de sa possible conversion. Il ne peut être reproché au praticien de ne pas avoir insisté sur la possibilité d’une complication exceptionnelle (0,2 à 0,4 %) alors que l’information qu’il doit délivrer est limitée aux risques fréquents ou graves normalement prévisibles.

Aucun manquement à son devoir d’information, ne peut être reproché au Docteur R.

— sur l’acte chirurgical

La néphrectomie élargie pratiquée, portant ablation du rein et de la glande surrénale avec excision du facia peri rénal, était strictement conforme aux données de la médecine. Il n’y a donc aucune faute dans l’indication opératoire proposée par le Docteur R

Sur la technique retenue par le praticien, l’expert X conclut que le Docteur R a commis une erreur en choisissant de procéder par coelioscopie technique ayant dû être convertie en lombotomie. Ce recours serait à l’origine de la plaie colique initiale, nécrose secondaire de la paroi colique, due à la dévascularisation pariétale favorisée par les longues manipulations et les électrocoagulations de la coeliochirurgie.

Les experts K et C excluent l’hypothèse d’une nécrose colique par électrocoagulation dès lors qu’à l’occasion de la ré intervention, il a été constaté que la plaie avait des parois propres et sèches. Ils estiment que le Docteur R a agi conformément aux données acquises de la science, la survenue d’une fistule colique suite à son intervention relève euros l’aléa thérapeutique.

Les experts judiciaires G et Z ont relevé que le Docteur R a effectué les diligences nécessaires à l’établissement du diagnostic préopératoire et au choix de la thérapie, lesquels ont été conformes aux données de la science, la complication survenue, fistule colique, doit être considérée comme un aléa thérapeutique. Ils n’ont pas tranché entre les deux thèses avancées par les experts précédents mais ont retenu que quelle que soit la cause réelle, il s’agit d’un accident médical non fautif en rapport avec un aléa thérapeutique favorisé en outre par les conditions anatomiques dues aux difficultés de dissection.

Le premier juge a justement relevé que le Docteur X n’a pas caractérisé la faute reprochée au Docteur R autrement que par les effets de la mode coeliochirurgicale en vertu de laquelle le praticien a voulu réaliser l’intervention par voie endoscopique en dépit de l’obésité du patient, pratique qui aurait dû être exclue en raison de l’obésité de Monsieur L.

Les experts judiciaires ont rappelé que la néphrectomie élargie pouvait être réalisée selon deux modalités, à ciel ouvert ou par laparoscopie depuis 1991 ; ont rappelé que la technique choisie, laparoscopie, présentait des avantages (diminution de la durée du séjour hospitalier, douleurs opératoires, et reprise précoce de l’activité) ; ont retenu que le Docteur R en raison de sa formation et de son expérience avait proposé d’abord la voie laparoscopique et raison des avantages de celle ci ; ont constaté que son choix était conforté par le rapport de la haute autorité de santé du mois d’avril 2007 cité dans le rapport ; ont validé ce choix après analyse exhaustive de la littérature de ladite autorité de santé confirmant les avantages de cette technique à égalité de risque global de complications et de taux de survie ou de récidive locale des deux techniques.

Les experts ont en outre argumenté sur l’adaptation de la technique retenue à l’état d’obésité du patient, et à la taille volumineuse de la tumeur rénale, la laparoscopie étant recommandée pour des sujets présentant un IMC supérieur à 28, celui de Monsieur L étant de 35.

Il n’y a donc aucune faute du praticien dans le choix de la technique opératoire retenue.

Les experts ont mis en évidence que les complications coliques survenues après l’intervention sont connues mais exceptionnelles (0,2 à 0,4 % exclusivement à gauche). Aucun argument formel ne permet de trancher entre les deux hypothèses d’apparition de la complication, lésion colique par électrocoagulation avec nécrose secondaire d’une part ou plaie incomplète de la paroi colique lors de l’intervention avec apparition d’une fistule colique lors de la reprise du transit d’autre part. Quelle que soit la cause réelle de la complication, il s’agit d’un accident médical non fautif en rapport avec un aléa thérapeutique consistant en la survenance d’un risque accidentel inhérent à l’acte médical et qui ne pouvait être maîtrisé.

C’est donc à bon droit que le premier juge n’a retenu aucune responsabilité du Docteur R et l’a mis hors de cause.

2- Sur la responsabilité du Docteur H

— Sur l’obligation d’information du patient

La question n’a pas été débattue devant les différents experts commis. Cependant les experts ont relevé qu’aucune indication ne prescrivait une intervention en urgence ou semi-urgence au regard de signes objectifs de gravité de l’état du patient.

Le Docteur H ne justifie ni n’allègue qu’il aurait donné une quelconque information au patient, le manquement à l’obligation d’information du patient est établi.

— Sur l’acte chirurgical

Seule est en litige l’intervention chirurgicale du 24 mars 2003 pratiquée par le Docteur H, il n’est établi aucun manquement du Docteur E dans son intervention du 10 avril 2003, et les parties suivant les experts, ne contestent pas que les complications intervenues postérieurement relèvent de l’aléa thérapeutique.

Il ressort des expertises les éléments suivants :

— le Docteur X retient que le Docteur H a commis une erreur en choisissant de pratiquer l’intervention chirurgicale du 24 mars 2003 au lieu de simples pansements quotidiens, cette intervention ayant considérablement aggravé la complication initiale.

— les Docteurs BLOCK et C relèvent que la décision de suturer la fistule était licite, en l’absence de consensus explicite sur la technique chirurgicale précise devant une fistule, mais a été mise en place sans recours à la seule réelle mesure de sauvegarde et de protection qu’est la réalisation d’un anus artificiel, meilleure garantie de la fermeture d’une fistule.

— les Docteurs G et M estiment qu’il n’y avait le 24 mars 2003 aucune indication à une cure chirurgicale en urgence en l’absence de signes objectifs de gravité ; que le Docteur H se devait de mettre en place une sonde gastrique, de laisser le patient à jeun, avec réhydratation, de poursuivre l’antibiothérapie adaptée en fonction du résultat de l’antibiogramme sur les germes retrouvés sur le liquide de drainage et de surveiller cliniquement et biologiquement le patient. L’intervention en semi-urgence du Docteur H a fait perdre à Monsieur L la possibilité d’une fermeture sous traitement médical de cette fistule, il s’agit d’un défaut de prise en charge immédiate. On ne peut cependant assurer que cette prise en charge médicale aurait conduit certainement à la fermeture de la fistule. Il s’agit d’une perte de chance qui, compte tenu des données cliniques et des conséquences opératoires lors de l’intervention du 24 mars 2003 peut être chiffrée à 75 %. C’est à dire que cette fistule colique avait 75 % de chances de se fermer sous traitement médical sans autre complication. Les experts estiment que la prise en charge chirurgicale après la décision contestable d’intervenir peut se justifier au regard de la morphologie du patient.

Les experts ont répondu aux observations du Docteur Q. Les avis des Docteur J et O en date des 30 et 24 juillet 2012 n’ont donc pas été soumis aux experts judiciaires, et ne mentionnent pas les documents médicaux du cas L qui leur ont été soumis. Il n’est pas justifié d’une compétence particulière du Docteur J et celles du Docteur O ne sont pas de nature à remettre en cause celles des experts judiciaires pour connaître du présent litige. Il n’y a donc pas lieu d’ordonner une quatrième expertise.

Il apparaît que c’est à bon droit que le premier juge a adopté les conclusions détaillées et circonstanciées des experts judiciaires et retenu que le Docteur H en choisissant de procéder à une intervention chirurgicale le 24 mars 2003 en l’absence d’indication d’une cure chirurgicale en urgence, a commis une faute, à l’origine d’une perte de chance de 75 %, d’éviter les complications qui sont survenues postérieurement. La responsabilité du Docteur H est engagée, il doit donc réparation des conséquences dommageables de cette faute.

3- Sur les demandes à l’encontre de l’ONIAM

Il a été jugé ci dessus que la néphrectomie pratiquée le 19 mars 2003 par le Docteur R est à l’origine d’un dommage du patient en dehors de toute faute du praticien. Il s’agit donc d’un accident médical de nature à offrir droit à la réparation des préjudices du patient au titre de la solidarité nationale, réparation assurée par l’ONIAM si les conditions de son intervention sont réunies, ainsi que l’a justement fait valoir le premier juge :

— Les expertises ont mis en valeur que les conséquences subies par le patient suite aux interventions litigieuses ont été anormales au regard de son état de santé comme de l’évolution prévisible de celui ci.

— la période d’incapacité de travail temporaire a été fixée par les experts du 18 mars 2003 au 15 janvier 2004 ou au 3 mars 2004 soit sur une période de 10 ou 12 mois qui excède les 6 mois consécutifs requis par le texte.

— sur le taux d’incapacité, l’expertise judiciaire distingue sur la période de douze mois, une incapacité temporaire totale du 18 mars 2003 au 10 juillet 2003 puis du 23 novembre 2003 au 26 janvier 2004 et une incapacité temporaire partielle de 50 % du 10 juillet 2003 au 26 novembre 2003 puis du 26 janvier au 3 mars 2004.

— en dehors de toute complication, l’intervention initiale aurait justifié une incapacité temporaire totale de 45 jours à 2 mois selon les expertises.

C’est à bon droit que le premier juge n’a pas scindé la période d’incapacité temporaire et ne l’a pas imputée d’une part à l’intervention chirurgicale du 19 mars 2003 puis pour une autre part à celle réalisée le 24 mars 2003, la fistule colique étant apparue à l’occasion de la première intervention et que même en l’absence de faute du second praticien, la probabilité que la complication apparaisse demeure à concurrence de 25 %. La période de déficit fonctionnel temporaire supérieure ou égale à 50 % doit être considérée comme un tout.

Il en résulte que si l’on retient une période d’incapacité temporaire de 45 jours pour une intervention sans complication, Monsieur L a subi du fait de l’accident médical du 19 mars 2003 un déficit fonctionnel temporaire supérieur ou égal à 50 % sur 10 mois consécutifs.

Les conditions d’intervention de l’ONIAM sont donc remplies et l’ONIAM doit donc réparation des conséquences de l’accident médical.

4- sur la contribution de chacun des débiteurs de l’obligation de réparer le dommage

Le Docteur H d’une part et l’ONIAM d’autre part doivent répondre des conséquences dommageables pour le premier de sa faute, pour le second de l’accident médical sans faute. Il convient de déterminer la part du dommage imputable à l’accident médical et celle imputable à la faute du Docteur H.

Au vu des éléments médicaux et des expertises, le premier juge a justement écarté tout état antérieur du patient, et considéré que l’imputabilité du dommage se répartit comme suit :

—  20 % à la première intervention réalisée le 19 mars 2003 par le Docteur R, le dommage résultant de l’accident médical.

—  80 % à la seconde intervention pratiquée le 24 mars 2003 par le Docteur H dont la faute a contribué à concurrence de 75 % à la réalisation du dommage.

Il s’en déduit que l’ONIAM doit réparation du dommage pour tout ce qui est imputable à l’aléa thérapeutique à concurrence de 20 % du chef de la première intervention et à concurrence de 25 % de 80 % soit 20 % du chef de la seconde intervention, soit au total 40 %.

Le Docteur H doit donc réparation du dommage pour le surplus soit 60 %, ce qui correspond bien à 75 % des 80 % du dommage total.

Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

5- Sur l’indemnisation des préjudices

— Préjudices de Monsieur L

Le premier juge a justement retenu qu’il convenait de se fonder sur l’expertise judiciaire la plus détaillée et circonstanciée dont il convient de retenir :

— date de consolidation : 3 mars 2004

— déficit fonctionnel temporaire total : du 18 mars 2003 au 10 juillet 2003, et du 26 novembre 2003 au 26 janvier 2004.

— déficit fonctionnel temporaire personnel partiel (50 %) : du 10 juillet 2003 au 26 novembre 2003, et du 26 janvier au 3 mars 2004.

— déficit fonctionnel permanent : 10 % résultant de l’éventration et de la gêne psychologique quelle détermine. Il n’y a pas d’état antérieur concernant ce déficit.

— il n’y a pas de nécessité d’une tierce personne.

— souffrances endurées (physiques, psychiques ou morales) : 5/7.

— préjudice esthétique : 2,5 /7.

— préjudice d’agrément : pas de préjudice d’agrément spécifique

— incidence professionnelle : les séquelles ne contre-indiquent pas la reprise de l’activité antérieure, de conseil en ingénierie, Après son reclassement volontaire comme artisan plombier, Monsieur L accuse une gêne au port de charges lourdes, en rapport avec l’éventration, justifiant une partie de l’IPP.

Au vu de ces éléments, l’indemnisation sera fixée ainsi qu’il suit.

1- préjudices patrimoniaux

* dépenses de santé actuelles

Pas plus devant la cour que devant le Tribunal, Monsieur L ne justifie qu’il a supporté le coût de quatre ceintures abdominales.

Le montant de la créance définitive de la CPAM de Haute Garonne est de 75.378,60 euros. Le Docteur H doit supporter la charge de 60 % de cette somme soit 45.227,16 euros.

Le recours subrogatoire de la CPAM régi par l’article L 376-1 du code de la sécurité sociale ne lui est ouvert qu’à l’encontre des auteurs de l’accident ou de l’auteur responsable auquel le dommage est imputable. L’ONIAM intervient au titre de la solidarité nationale, il n’est pas assimilable à un auteur responsable auquel le dommage serait imputable, aucune condamnation ne sera prononcée contre lui au bénéfice de la CPAM.

* perte de gains professionnels actuels et préjudice professionnel

Il s’agit d’indemniser la victime de la perte de ses rémunérations pendant la durée d’inactivité pour la perte des gains professionnels et des pertes de revenus après consolidation pour le préjudice professionnel qui sont en l’espèce regroupés sous le même chef, Monsieur L réclamant la réparation de ses pertes de rémunération sur la période courant de son hospitalisation à 2006, sans distinguer la période antérieure à sa consolidation du 3 mars 2004 et la période postérieure à ladite consolidation qui est communément indemnisée au titre du préjudice patrimonial permanent.

Devant le premier juge, il chiffrait cette perte à une somme comprise entre 115.722,00 euros et 145.722,00 euros. Devant la cour, il réclame les sommes de :

— pour 2003 : 9.520,00 euros

— pour 2004 : 40.500,00 euros

— pour 2005 : 48.000,00 euros et

— pour 2006 : 9.000,00 euros.

À l’appui de sa demande il produit :

— un contrat d’assistance conclu entre MAP SYSTEM et F la société qu’il a créée en octobre 2003, daté du 1er octobre 2003 prévoyant une rémunération à concurrence de 8 jours à 375,00 euros pour la prise de connaissance du concept et 20 jours à 750,00 euros pour l’assistance. Sous le n° 5 du bordereau de communication est indiqué un contrat du 14 février 2003 qui n’est pas produit.

— une attestation de MAP SYSTEM en date du 18 août 2005 indiquant que les contrats conclu avec Monsieur L ont été réalisés partiellement en raison de son état de santé et que d’autres contrats ne lui ont pas été confiés.

— une attestation de MAP SYSTEM en date du 29 décembre 2005 qui relève que des discussions avec Monsieur L ont conduit en 2003 à une évaluation d’un volume d’affaire de sous traitance à concurrence de 55.000,00 euros pour 2003 et 70 à 80.000,00 euros HT pour 2004.

— une seconde attestation de MAP SYSTEM datée du même jour aux termes de laquelle Monsieur L avait présenté des évaluations de chiffre d’affaires de 60.000,00 euros pour une année et 100.000,00 euros pour la seconde et que ces évaluations étaient raisonnables et réalistes.

— deux relevés de compte de la caisse d’épargne au nom de l’EURL SIREDIS mentionnant le paiement d’une facture MAP en date du 23 mars 2004 pour un montant de 8.970,00 euros et d’une facture MAP en date du 11 juin 2004 pour un montant de 6.279,00 euros.

— une attestation de MAP SYSTEM en date du 29 mars 2012 aux termes de laquelle n’ont pu être confiés à Monsieur L les affaires suivantes :

— contrat HISPANO SUIZA : pour 2004 : 24.750,00 euros HT et pour 2005 : 15.000,00 euros HT.

— contrat DGA : pour 2004 : 15.750,00 euros HT ; pour 2005 : 33.000,00 euros HT et pour 2006 : 9.000,00 euros HT.

Il convient de relever que Monsieur L avait déclaré devant le premier expert, le Docteur X qu’il était au chômage avant l’intervention. Aucune pièce n’est produite de nature à établir le montant de ses ressources antérieurement à l’intervention chirurgicale. Le contrat de février 2003 n’est pas produit, les attestations ne font mention que de chiffres d’affaires, et non de résultats ; des incohérences apparaissent entre les dates invoquées dans les courriers de MAP pour justifier le retard dans les prestations fournies par cette entreprise et que cette dernière impute à la maladie de Monsieur L. L’intervention sans complications impliquait 45 jours d’arrêt soit jusqu’au mois de mai 2003 et l’entreprise MAP impute son retard d’avril aux complications de l’intervention subie par Monsieur L.

Il résulte de ces éléments que les pièces produites devant la cour ne sont pas plus probantes que celles produites devant le premier juge pour établir les pertes de revenus de Monsieur L, tant au titre de la perte de gains professionnels que du préjudice professionnel après consolidation.

* frais divers

Pas plus devant la cour que devant le premier juge Monsieur L ne justifie des frais engagés pour renouveler sa garde robe. Cependant il n’est pas contesté qu’il a subi une perte de poids de 20 kg qui a rendu cette dépense nécessaire, le jugement sera confirmé en ce qu’il a alloué un somme de 1.500,00 euros de ce chef.

2- préjudices extra patrimoniaux

a) préjudices extra patrimoniaux temporaires

* déficit fonctionnel temporaire

Le premier juge a justement apprécié le préjudice résultant de la gène dans les actes de la vie courante pendant la maladie traumatique sur la base d’un demi SMIC soit 660,00 euros par mois et 4 mois et 9 jours d’incapacité temporaire totale et 5 mois et 27 jours d’incapacité temporaire partielle à 50 % soit la somme de 4.785,00 euros.

* souffrances endurées

Elles ont été évaluées par l’expert à 5/7 ; le jugement sera confirmé en ce qu’il a alloué la somme de 15.000,00 euros de ce chef.

b) préjudices extra patrimoniaux permanents

* déficit fonctionnel permanent

Monsieur L avant 53 ans au jour de la consolidation, l’expert retient un taux de 10 %. Le jugement sera confirmé en ce qu’il a alloué la somme de 9.600,00 euros de ce chef.

* préjudice d’agrément : aucune pièce n’est produite de nature à établir le préjudice lié à l’impossibilité pour le patient de pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisir. Le jugement sera confirmé en ce qu’il a limité la demande de ce chef à la somme de 2.000,00 euros eu raison de la nécessité d’une nouvelle intervention pour résoudre l’éventration.

* préjudice esthétique

Il a été évalué par l’expert à 2/7 en raison des cicatrices détaillées au rapport. Le jugement sera confirmé en ce qu’il a alloué une somme de 2.000,00 euros de ce chef.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a alloué à Monsieur L la somme de 34.885,00 euros en réparation de son préjudice à la charge du Docteur H à concurrence de la somme de 20.931,00 euros et de l’ONIAM à concurrence de la somme de 13.954,00 euros, d’une part et en ce qu’il a accordé d’autre part à la CPAM de la Haute Garonne la somme de 45.227,16 euros à la charge du Docteur H.

— Préjudices de Madame L

C’est à bon droit que le premier juge a rejeté les demandes de Madame L à l’encontre de l’ONIAM qui n’est tenu en vertu de l’article L 1142-1 du code de la santé publique d’indemniser les ayants droit de la victime qu’en cas de décès de cette dernière.

Madame L produit une copie de la première page de son livret de famille, elle est mariée depuis le 29 juin 1973. Elle produit en outre une attestation de Madame P sa voisine qui déclare qu’elle se rendait tous les jours au chevet de son mari au cours de son hospitalisation dans les différents établissements où il a été soigné.

* le préjudice moral d’affection et d’accompagnement de l’épouse du patient qui a visité son mari tous les jours de son hospitalisation a été justement évalué par le premier juge à la somme de 5.000,00 euros.

* Madame L déclare qu’elle a consacré trois heures par jour pendant six mois pour aider son mari à se laver, s’habiller, faire les courses, nettoyer les plaies et changer les poches de drainage, actes qui consistent en l’assistance d’une tierce personne avant consolidation.

Aucun des experts n’a retenu la nécessité de l’intervention d’une tierce personne avant consolidation, les expertises n’ont pas mis en évidence que Monsieur L était dans l’incapacité d’accomplir seul les actes essentiels de la vie courante. C’est donc à bon droit que le premier juge a rejeté la demande de ce chef.

* les frais de déplacement

Le premier juge a estimé que les calculs de Madame L de ses frais de trajet et de parking pour rendre visite à son époux Y étaient vraisemblables et non contestés malgré le caractère lacunaire des justificatifs produits. Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

6- Sur les demandes accessoires

Le jugement est confirmé en toutes ses dispositions, chacune des parties supportera donc la charge des dépens par elle exposés devant la cour, à l’exception des dépens du Docteur R qui seront supportés par les époux L et la CPAM.

L’équité commande qu’il ne soit pas fait application de l’article 700 du code de procédure civile devant la cour.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Et y ajoutant,

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile devant la cour,

Dit que chacune des parties supportera la charge des dépens par elle avancés, à l’exception de ceux du Docteur R qui seront supportés par les époux L et la CPAM de la Haute Garonne, avec distraction au profit de la SCP BOYER GORRIAS.

Le greffier Le président

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Cour d'appel de Toulouse, 13 mai 2013, n° 12/01831