Cour d'appel de Toulouse, 5 décembre 2013, n° 12/00445

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Toulouse, 5 déc. 2013, n° 12/00445
Juridiction : Cour d'appel de Toulouse
Numéro(s) : 12/00445
Décision précédente : Conseil de prud'hommes d'Albi, 17 janvier 2012, N° 11/00021

Sur les parties

Texte intégral

05/12/2013

ARRÊT N°

N° RG : 12/00445- 12/00526

CK/CC

Décision déférée du 18 Janvier 2012 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’albi – 11/00021

XXX

AA I

C/

XXX

JONCTION

REFORMATION

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

4e Chambre Section 1 – Chambre sociale

***

ARRÊT DU CINQ DECEMBRE DEUX MILLE TREIZE

***

APPELANT(S)

Monsieur AA I

XXX

XXX

représenté par Me Jean-Louis JEUSSET, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIME(S)

XXX agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit Siège

XXX

XXX

représentée par Me Hervé FOURNIE, avocat au barreau d’ALBI

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 14 Novembre 2013, en audience publique, devant la Cour composée de:

F. GRUAS, président

C. KHAZNADAR, conseiller

N. BERGOUNIOU, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : H. ANDUZE-ACHER

ARRET :

— CONTRADICTOIRE

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile

— signé par F. GRUAS, président, et par H. ANDUZE-ACHER, greffier de chambre.

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur I a été embauché par la XXX suivant contrat de travail à durée indéterminée en qualité de barman du 21 septembre 2006 au 1er juillet 2007. Les relations de travail ont été interrompues, puis M. I a été à nouveau embauché par la XXX en qualité de barman à compter du 8 septembre 2007.

La rémunération mensuelle convenue est de 1654,51€ pour 39 heures hebdomadaires, outre la majoration prévue conventionnellement pour les heures effectuées de la 36e à la 39e heure, plus les avantages en nourriture.

M. I sera convoqué une première fois le 29 mai 2008 à un entretien préalable fixé au 6 juin 2008, puis une deuxième fois par lettre RAR du 2 juin 2008, reçue le 5 juin 2008, pour un entretien fixé au 10 juin 2010, assorti d’une mise à pied, puis fera l’objet d’un licenciement pour faute grave par lettre recommandée AR du 27 juin 2008.

Les griefs visent des manquements aux règles de discipline de base :

— des retards récurrents

XXX

— la consommation habituelle d’alcool sur le lieu de travail

— son comportement nonchalant

— le massage de dos par une cliente

— des décisions intempestives quant à la fermeture de l’établissement

— l’inscription d’un horaire de fin de service faux

Le 3 février 2011, monsieur I a saisi le conseil de prud’hommes d’ALBI en contestation du licenciement et en paiement d’heures supplémentaires, d’indemnisation de repos compensateurs non pris, d’indemnité au titre du travail dissimulé, notamment.

Par jugement du 18 janvier 2012, le conseil a :

— dit que les pièces extraites sans autorisation du compte FACEBOOK de monsieur I doivent être écartées des débats

— dit que le licenciement de monsieur I respose sur des motifs constitutifs de faute grave

— débouté monsieur I de l’ensemble de ses demandes

— dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile

— laissé les dépens à la charge du demandeur

Par message informatique adressé au greffe de la cour le 1er février 2012 puis par déclaration au greffe de la cour du 3 février 2012, monsieur I a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Par conclusions du 24 juillet 2013, reprises oralement lors de l’audience, monsieur I sollicite de la cour de :

— rejeter les extraits du compte FACEBOOK produites par la société O’SULLIVAN et confirmer sur ce point le jugement (pièces 1 et 2)

— rejeter les attestations établies par les employés de la société O’SULLIVAN (pièces 3,4, 5, 6)

— rejeter la pièce n°18 produite par la société O’SULLIVAN

— infirmer le jugement rendu en ce qu’il a débouté M. I de ses demandes

— constater que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse

— condamner la société O’SULLIVAN à payer

* 1804,31€ au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents

* 1 187,87€ au titre de rappel de salaire sur mise à pied, outre les congés payés afférents

* 15000€ au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

— constater qu’il a réalisé des heures supplémentaires qui n’ont pas été déclarées

— condamner la société O’SULLIVAN à payer :

* 10452,60€ au titre d’indemnité pour travail dissimulé

* 13011,07€ à titre de rappel d’heures supplémentaires, outre les congés payés afférents

* 2799,94€ à titre d’indemnité pour non-respect du droit à repos compensateur

A titre subsidiaire :

— ordonner une mesure d’instruction permettant de chiffrer précisément le nombre d’heures supplémentaires réalisées par monsieur I

— si la cour estimait qu’il n’y a pas lieu à indemnité pour travail dissimulé, monsieur I serait néanmoins bien fondé à solliciter la somme de 569,96€ au titre de l’indemnité de licenciement, ainsi que 57€ de congés payés afférents

En tout état de cause :

— condamner l’employeur à payer la somme de 2000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile

A l’appui de ses prétentions, monsieur I fait valoir que certaines pièces doivent être écartées soit parce qu’il s’agit d’éléments de la vie privée du salarié, d’attestations de salariés toujours sous la subordination de l’employeur sur lesquels il a été fait pression et d’un courrier confidentiel entre avocats.

Monsieur I expose que les difficultés sont nées à la suite de son refus de déférer à la demande de l’employeur d’établir un faux témoignage auprès de la police concernant un incident survenu dans l’établissement le 28 avril 2008.

Une procédure pénale pour travail dissimulé à l’encontre de l’employeur a été établie, laquelle met en évidence l’existence d’un grand nombre d’heures dissimulées réalisées par monsieur I.

Monsieur I conteste l’ensemble des griefs mentionnés dans la lettre de licenciement. Seul le contexte relatif au refus d’établir un faux témoignage explique la décision de l’employeur de procéder au licenciement.

Le salarié estime qu’il établit par le décompte produit, les attestations et l’enquête pénale, l’existence des heures supplémentaires non réglées, outre les repos compensateurs non pris.

Par conclusions du 23 septembre 2013, reprises oralement lors de l’audience, la société O’SULLIVAN sollicite la confirmation du jugement sur le licenciement et de :

— dire que les pièces 1 et 2 (FACEBOOK) sont recevables, de même que les attestations des employés de l’entreprise et le courrier entre avocats

— le condamner à payer 2000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile

La société O’SULLIVAN précise que la procédure pénale engagée du chef de travail dissimulé s’est terminée par une relaxe en raison de la nullité de la citation, de sorte ces éléments sont sans rapport avec le procès prud’hommal et irrecevables devant la cour.

Les pièces FACEBOOK sont parfaitement recevables comme moyen de preuve et, ce d’autant que la majorité des photos ont été prises sur le lieu de travail pendant les heures de travail.

Les attestations des employés sont parfaitement recevables.

Les griefs reprochés sont parfaitement établis par les pièces produites et constituent la faute grave.

Le salarié est défaillant dans son obligation à étayer la demande d’heures supplémentaires.

SUR CE :

Sur la jonction de procédures :

L’appel de monsieur AC I a été enregistré sous deux numéros distincts. Dans l’intérêt d’une bonne administration de la Justice, la jonction sera prononcée.

Sur la recevabilité des pièces produites :

Le respect de la vie privée est un droit fondamental protégé par l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme, par l’article 9 du code civil et par l’article L1121-1 du code du travail.

Il ne peut être apporté que des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché.

En l’espèce, l’employeur, XXX, produit des copies d’écran tirées du site personnel du salarié, monsieur AC I, sur le réseau social « facebook » sur internet, sans l’autorisation de celui-ci.

Il n’est pas allégué que ces documents proviendraient de pages internet dont l’accès a été limité par l’intéressé à un cercle restreint, par ailleurs, il n’est pas soutenu non plus que ces pièces auraient été obtenues frauduleusement par l’employeur.

Il résulte de l’examen des pièces produites par l’employeur n° 1 et 2 (et non 2 et 3 comme mentionné par erreur dans les écritures du salarié) mais également la pièce n°19, en ce qu’elle comporte la page d’accueil « facebook » de monsieur I, que, manifestement, une grande partie des photographies de monsieur I publiées sur ses pages personnelles ont été prises sur le lieu et pendant les heures de travail.

Les pièces diffusées publiquement sur internet par monsieur I ne relèvent plus de la protection de sa vie privée et ont en outre un lien direct avec son activité professionnelle.

Leur production dans la présente instance ne porte pas atteinte au droit au respect de la vie privée de monsieur I.

En conséquence, les pièces n°1, 2 et 19 (en ce qu’elle concerne la page d’accueil du site) produites par l’employeur seront donc déclarées recevables, le jugement sera infirmé de ce chef.

S’agissant des attestations émanant d’autres salariés de la XXX, il y a lieu de retenir que monsieur I a été mis en situation de pouvoir répondre et contester le cas échéant les éléments contenus dans ces pièces. Ainsi, le fait que ces attestations ne rappelent pas, en préalable, le lien de subordination, alors que le corps de l’attestation précise qu’ils sont salariés de l’employeur, n’est pas suffisant pour justifier leur rejet.

Les pièces n°3, 4, 5 et 6 seront donc déclarées recevables.

La XXX produit en outre un courrier échangé entre les avocats des parties lors de la première instance.

Si les courriers entre avocats sont par nature confidentiels en application de l’article 3.1 du règlement intérieur national de la profession d’avocat, certains courriers entre avocat échappent à la règle de la confidentialité dès qu’ils portent la mention « lettre officielle » et équivalent à un acte de procédure ou ne font référence à aucun écrit, propos ou éléments antérieurs confidentiels.

En l’espèce la pièce n°19 de l’employeur (et non 18 comme mentionné par erreur par le salarié) est constituée pour partie par une lettre entre avocats portant la mention expresse « urgent et officiel » indiquant l’envoi d’une nouvelle pièce extraite de la page de présentation de monsieur I du site « facebook » et portant réponse aux moyens du salarié, ultérieurement repris dans les conclusions.

Cette lettre entre avocats n’a pas de caractère de confidentialité et sera déclarée recevable.

Sur la contestation du licenciement pour faute grave :

Tout licenciement doit être fondé sur une cause à la fois réelle et sérieuse.

La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et qui justifie son départ immédiat.

La charge de la preuve de la faute grave incombe à l’employeur.

La lettre de licenciement fixe les limites du litige.

En l’espèce, la lettre de licenciement en date du 27 juin 2008 est ainsi motivée :

«Je fais suite à notre entretien du 10 courant auquel vous vous êtes présenté, assisté par un conseiller du salarié extérieur comme vous en aviez la possibilité.

Je vous ai exposé les raisons pour lesquelles j’ai été contraint de vous convoquer car j’envisageais le licenciement.

Je vous rappelle que vous avez été embauché le 8 septembre 2007, selon contrat à durée indéterminée écrit en qualité de barman.

Peu de temps après votre embauchage et, ensuite, au cours des semaines suivantes, des difficultés n’ont cessé d’émailler l’exécution de votre contrat de travail.

Je vous ai fait part à plusieurs reprises, en tenant de vous faire comprendre que vous étiez un cas isolé au sein de l’établissement et qu’il convenait que vous cessiez d’arriver régulièrement en retard, de prendre des pauses cigarettes de manière intempestive et de consommer de l’alcool sur votre lieu de travail.

Mes dernières observations relatives à de tels faits vous ont été faites début mai.

Or, malgré celles-ci vous vous êtes, de nouveau, laissé aller – volontairement- à la commission de multiples faits successifs, que je considère comme fautifs, durant les mois d’avril, mai et début juin.

Je vous rappelle ces faits, ceux-là même que je vous ai indiqués lors de notre entretien préalable sus-visé :

Le samedi 24 mai dernier vous avez pris votre service avec 20 minutes de retard.

Le pire est que, une nouvelle fois, vous n’avez donné aucune excuse et avez pris votre poste de manière nonchalante.

Je vous rappelle que le jour était mal choisi car jour d 'affluence du fait de l’évènement (finale de la coupe d’Europe de rugby), ce qui d’ailleurs avait justifié que, la veille, je vous ai demandé d’arriver au contraire en avance, l’horaire effectué en sus devant bien sûr être rémunéré.

Ce retard fait suite aux nombreux autres dont je vous ai déjà fait part verbalement, retards au sujet desquels je dispose de témoignages.

Pendant les horaires de travail vous prenez intempestivement la liberté de vous absenter pour fumer, et ce sans demander la permission à quiconque : là réside en effet le problème.

Je vous rappelle à cet égard que vous êtes barman et que, à l’évidence, de telles interruptions de travail nuisent à la fois au service rendu à la clientèle et à vos collègues de travail qui en ont assez d’effectuer le travail à votre place.

Dans le même ordre d’idées, vous avez pris régulièrement l’habitude de consommer de l’alcool (bière) pendant le service.

Lors de vos nombreuses pauses, ci-dessus rappelées, je vous ai en effet maintes fois trouvé, une bière en main.

Je vous rappelle que j’ai toujours accepté et accepte volontiers que le personnel, en fin de service, consomme une bière ou une boisson de son choix; il a toujours été hors de question en revanche – ce qui tombe sous le coup du bon sens- que le personnel consomme et accepte que des clients offre des consommations.

L’image de marque et le sérieux de l’établissement se trouvent être considérablement altérés par de tels comportements.

De nombreux clients se sont plaints de votre nonchalance.

A l’inverse vous vous croyez parfois autorisé à avoir un comportement quelque peu 'familier’ avec certains clients ou plus exactement certaines clientes :

Lorsque je suis arrivé au Pub, un jour en fin de semaine, vers 21 heures (semaine du 12 au 17 mai dernier) je vous ai trouvé confortablement installé sur un meuble de l’établissement en train de vous faire masser le dos par une cliente…

Pour seule explication vous m’avez indiqué, sur l’instant, que je n’aurais pas dû voir cela.

Le jour de notre entretien, le 10 juin dernier, vous avez changé de version, pour considérer que ce type d’attitude faisait partie de 'l’ambiance générale'.

Or, vous savez fort bien que je n’ai jamais toléré celà, pas plus en ce qui vous concerne qu’en ce qui concerne l’ensemble du personnel : il est en effet inadmissible de se laisser aller ainsi, ce qui peut incommoder une partie de notre clientèle.

Je vous rappelle de plus que, pendant ce temps, le service n’est pas effectué ou est effectué par vos collègues qui doivent pallier vos carences et vous suppléer.

Le florilège de vos frasques ne s’arrête pas là : s’ajoute en effet, en plus de vos négligences dans le service, vos décisions intenpestives quant à la fermeture de l’établissement :

C’est ainsi que, le dimanche 25 mai dernier, des clients se sont présentés à 23h30 et ne sont pas rentrés car tous les tabourets étaient déjà rangés sur les tables et l’établissement paraissait donc fermé.

J’ai appris ce nouvel incident qui vous est imputable le lendemain, lundi 26 mai, constatant de plus que, sur votre feuille de présence, vous avez eu l’audace d’inscrire 2 heures du matin comme horaire de fin de service.

Cet horaire de travail, faux, vous a néanmoins été rémunéré.

Lors de l’entretien préalable vous avez indiqué avoir fermé à 1 heure.

Je vous rappelle que le Pub est ouvert, tous les jours, jusqu’à 1h55 heures.

Vous ne m’avez donné aucune explication sérieuse et crédible, lors de notre entretien sus-visé:

Vous vous êtes en effet contenté d’indiquer que vous vous étiez toujours donné 'au maximum', que je vous 'harcelais', que ma 'présence plombait l’ambiance’ et très contradictoirement, que je n’étais pas assez 'présent’ et que je laissait 'tout filer'.

Je vous ai apporté les éléments, en réponse ces arguties :

Si je vous 'harcelais', je pense que la liberté outrancière dont avez fait preuve, en vous comportant comme je vous l’ai indiqué précédemment, n’aurait pas été telle que celle que vous avez manifestée.

Pour l’ensemble de ces faits détaillés, qui constituent autant de manquements contractuels à l’exécution sérieuse de votre contrat de travail et aux règles de discipline de base, je vous notifié par la présente la rupture du votre contrat de travail, pour faute grave.

En effet, la gravité et la répétition des multiples faits fautifs évoqués me conduisent à retenir cette qualification.»

S’agissant des certaines attestations produites par l’employeur, il y a lieu de retenir que :

— Monsieur M n’était pas présent à la période à laquelle Monsieur I était salarié,

— Madame S se contredit par des attestations contraires,

— Madame U et Monsieur G ne donnent aucune indication sur les faits reprochés à Monsieur I,

— Monsieur T relate des faits qui soit, se sont déroulés hors du lieu et du temps de travail, soit ne concernent pas l’un des griefs contenu dans la lettre de licenciement,

— Monsieur Z, Monsieur A et Monsieur R n’ont pas accompagné leur témoignage d’une pièce d’identité, de sorte que ces témoignages sont totalement invérifiables sur leurs auteurs,

Ainsi, ces attestations ne permettent pas de démontrer l’un des griefs contenus dans la lettre de licenciement.

Monsieur I ne conteste pas la fermeture de l’établissement au public le 25 mai 2008 à un horaire fortement anticipé, l’horaire normal de fermeture étant 1h55 du matin. Ces faits sont d’ailleurs reconnus lors de l’entretien préalable tel que cela résulte du compte rendu qui a été établi par le conseiller du salarié.

L’employeur conforte la preuve de ce grief par la production de l’attestation de Monsieur V W, client de l’établissement, de laquelle il résulte qu’un soir de printemps 2008, Monsieur AA I a fermé le pub aux alentours de 22h45 alors que le témoin se présentait pour prendre une consommation.

Cependant, la fermeture de l’établissement au public ne marque pas la fin du travail. L’employeur ne produit aucun justificatif permettant d’établir que Monsieur I aurait quitté le travail avant 2 heures du matin à la date du 25 mai 2008, horaire mentionné par le salarié comme étant la fin du service.

Pour sa part, Monsieur I n’établit pas que l’employeur lui aurait donné des directives de procéder à la fermeture au public de l’établissement de façon anticipée.

Le grief est donc partiellement établi.

Monsieur I ne conteste pas s’être fait masser le dos par une cliente au sein de l’établissement, pendant les horaires de travail, en mai 2008.

Il ne peut être sérieusement soutenu que ce fait constitue un élément normal de l’ambiance de l’établissement.

Ce comportement qui peut être qualifié de familier avec cette cliente apparaît significatif du comportement fréquemment adopté par Monsieur I sur le lieu de travail tel que cela résulte des copies extraites du site facebook faisant apparaître celui-ci au sein de l’établissement O’SULLIVAN, en présence de clients, prenant des attitudes contraires aux règles de base de l’accueil du public, notamment concernant la tenue correcte du personnel.

Ce grief est donc établi.

S’agissant du grief relatif à la consommation habituelle d’alcool sur le lieu et pendant le temps de travail, l’employeur produit les justificatifs suivants:

— Monsieur X atteste qu’il a été mal reçu, avec ses amis, par Monsieur I, avant de quitter l’établissement Monsieur X et ses amis lui ont dit d’arrêter l’alcool

— Madame F atteste qu’elle a commencé à travailler au pub O’SULLIVAN en mai 2008, celle-ci indique qu’il y avait beaucoup de pauses alcoolisées… tout le monde (personnel) prenait beaucoup de temps à déguster des bières.

— les photos extraites du site facebook de Monsieur I

Les attestations de Monsieur X et de Madame F sont extrêmement imprécises et ne permettent ni de démontrer, ni d’imputer le grief à Monsieur I.

De même, les photographies extraites du site facebook ne mettent pas en évidence la consommation d’alcool de Monsieur I sur le lieu et au temps du travail et le caractère habituel de ce comportement.

Le grief n’est pas établi.

S’agissant des griefs relatifs aux retards et aux pauses cigarettes sans autorisation aucun justificatif n’est produit par l’employeur étant rappelé que Monsieur I a contesté, lors de l’entretien préalable, le retard reproché précisément le 24 mai 2008, ainsi que de s’être absenté intempestivement et sans autorisation pour des pauses cigarettes.

Concernant le comportement nonchalant, l’appréciation en est totalement subjective et ne peut constituer en lui même un quelconque grief susceptible de justifier le licenciement.

Enfin, le reproche de l’aggressivité de Monsieur I à l’égard de clients, au demeurant totalement contraire au reproche de nonchalance, n’est pas mentionné dans la lettre de licenciement, de sorte qu’il n’y a pas lieu à examen de ce chef.

Ainsi, seuls les griefs de comportement familier avec les clients et de fermeture intempestive de l’établissement au public le 25 mai 2008 sont établis par l’employeur.

Monsieur I, pour sa part, produit les attestations de :

— Monsieur E, Madame C, Monsieur H, Madame J, Monsieur O salariés de la XXX, mettant en évidence son professionnalisme, son investissement dans le travail et son bon relationnel avec l’équipe et les clients

— Madame Y, Monsieur L, Monsieur P, Madame D, Madame B, Monsieur N, Madame K clients de l’établissement mettant en évidence son professionnalisme et son sens du service.

Ces attestations ne sont pas incompatibles avec la réalité des griefs retenus.

Monsieur I produit également le compte rendu de l’entretien préalable du 10 juin 2008 faisant état des propos de l’employeur indiquant que le travail de barman est très bien fait et que c’est l’environnement du rôle de barman qui pose difficulté : la communication, (…) l’animation, les pauses constantes, la nonchalance. Cependant, ce compte rendu fait également état des griefs mentionnés dans la lettre de licenciement.

Le contexte évoqué par le salarié selon lequel l’ambiance d’un débit de boisson de type 'pub’ est nécessairement plus décontractée qu’un autre activité commerciale et la perte minime de clientèle lors de la fermeture anticipée de l’établissement ne permet pas de justifier ces faits.

Toutefois, il n’est justifié d’aucune observation ou mise en garde adressée préalablement par l’employeur à Monsieur I sur son comportement à l’égard des clients et sur le respect strict des horaires de fermeture de l’établissement.

En conséquence, les griefs établis par l’employeur ne justifient pas la qualification de faute grave mais celle de faute constituant une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Monsieur I est donc fondé à obtenir paiement du rappel de salaire pendant la mise à pied à hauteur de 1187,87€, outre les congés payés afférents et l’indemnité de préavis à hauteur de la somme de 1804,31€, outre les congés payés afférents.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a débouté Monsieur I de sa demande en dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et réformé pour le surplus.

Sur la demande au titre des heures supplémentaires :

S’il résulte de l’article L 3171-4 du code du travail que la preuve des heures supplémentaires effectuées n’incombe spécialement à aucune des parties et que l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande en paiement d’heures supplémentaires.

L’absence de réclamation écrite auprès de l’employeur par Monsieur I de paiement des heures supplémentaires pendant l’exécution du contrat ne fait pas obstacle par principe à sa demande.

Monsieur I produit un relevé journalier détaillé des heures effectivement réalisées depuis le 21 septembre 2006 jusqu’au 30 juin 2007 (pièce 15), il résulte de ce document des heures supplémentaires non réglées.

Monsieur I produit en outre :

— un exemple d’emploi du temps mensuel sur lequel des annotations ont été portées.

— des plannings de quelques semaines de 2008 dont les mentions ne permettent pas de déduire le temps effectivement travaillé.

— une note explicative sur les temps travaillés au titre de la décoration, de l’animation et de la communication ainsi que des heures de travail supplémentaires sur le lieu de travail. Cette note ne détaille pas les horaires mais considère que sur les deux contrats de travail 400 heures de travail n’ont pas été rémunérées

— copie de son audition par la police dans le cadre de la procédure pénale de travail dissimulé dans laquelle il évalue forfaitement son préjudice à 500 heures impayées sur les 18 mois de travail effectués

— l’attestation de Monsieur Q de laquelle il résulte que Monsieur I effectuait de nombreuses heures supplémentaires

Il résulte de ces éléments que Monsieur I étaye suffisamment sa demande au titre des heures supplémentaires.

Le relevé détaillé porte systématiquement comme heure de fin de poste 3 heures ou 3 heures 30 du matin ce qui est fermement contesté par l’employeur.

Toutefois, l’employeur ne produit aucun relevé de contrôle des horaires effectivement réalisés par Monsieur I.

Or, l’heure de fermeture de l’établissement au public à 1h 55 du matin ne marque pas la fin du travail du salarié, la fermeture au public étant suivie du rangement et du nettoyage de l’établissement.

Aucune des attestations produites par l’employeur ne permet d’établir précisément l’heure de fin de service de Monsieur I.

Seule l’attestation de Madame F, embauchée en mai 2008, indique que 'l’ancienne équipe ne faisait pas le ménage après la fermeture (seuls les tabourets étaient montés) prétextant qu’ils terminaient suffisamment tard parce que trop de travail.'.

Cette seule attestation, concernant une période limitée (début mai 2008 au 4 juin 2008, date de la mise à pied) et ne précisant pas l’heure de fin du travail, ne permet pas de contredire utilement le décompte détaillé établi par Monsieur I.

Monsieur I n’explique pas le calcul de la somme réclamée au titre des heures supplémentaires à hauteur de la somme de 13011,07€.

Il y a lieu de retenir qu’il résulte des bulletins de paie que Monsieur I était payé à hauteur de 39 heures hebdomadaires.

Les bulletins de paie d’octobre 2006 à janvier 2007 inclus font apparaître qu’il n’a pas été réglé de la majoration de 10% due au titre de la 36e heure à la 39e heure. L’employeur reste donc devoir au titre de la majoration de 10% la somme de 57,32€.

Le taux de majoration des heures supplémentaires à compter de la 40e heure relèvent, pour la période antérieure à avril 2007, de l’accord du 13 juillet 2004 et, pour la période à compter d’avril 2007, de l’accord du 5 février 2007, textes attachés à la convention collective nationale des hôtels cafés restaurants du 30 avril 1997.

Le décompte détaillé du salarié fait ressortir, après vérification, pour la période de septembre 2006 à mars 2007 : 66,5 heures majorées à 25% et 137 heures majorées à 50% et pour la période à compter d’avril 2007 : 28,5 heures majorées à 20% et 28 heures majorées à 50%.

Compte tenu des heures hebdomadaires à compter de la 40e heure mentionnées sur le relevé détaillé, de la majoration applicable et du taux de base horaire pour la période considérée, l’employeur doit à ce titre la somme de 3021,09€.

L’employeur reste donc devoir à Monsieur I au titre des heures supplémentaires la somme de 3078,41€, outre 307,84€ au titre des congés payés afférents.

Le jugement sera réformé sur ce point.

Sur la demande au titre du non-respect du droit à repos compensateur :

Le relevé détaillé des horaires effectués produit par Monsieur I met en évidence l’existence de 20 jours de repos compensateur non pris au titre du repos hebdomadaire. Ce relevé fait en outre apparaître à 23 reprises des repos journaliers inférieurs à 11 heures consécutives.

L’employeur ne produit aucun élément permettant de contester utilement ce relevé.

Toutefois, Monsieur I n’explique pas le calcul permettant de justifier sa demande de ce chef à hauteur de la somme de 2799,94€.

Compte tenu des éléments relevés, Monsieur I est fondé à obtenir une indemnité au titre des repos compensateur non pris, laquelle sera fixée à la somme de 2000€.

Le jugement sera réformé sur ce point.

Sur la demande formée au titre du travail dissimulé :

L’importance du nombre d’heures concernées implique l’intention de dissimuler les heures supplémentaires par l’employeur.

Monsieur I est donc fondé à obtenir l’indemnité prévue par l’article 8223-1 du code du travail, il sera donc fait droit à sa demande sur ce point et le jugement réformé de ce chef.

Sur les autres demandes :

L’employeur succombe à l’instance et doit en conséquence supporter les dépens et indemniser Monsieur I de ses frais non compris dans les dépens lesquels seront fixés à la somme de 2000€.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Prononce la jonction des procédures suivies sous les n° 12/00445 et n° 12/00526 et dit qu’il sera statué par un même arrêt,

Réforme le jugement du conseil de prud’hommes d’ALBI du 18 janvier 2012, sauf en ce qu’il a débouté Monsieur I de sa demande en dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Déclare recevables en la forme les pièces produites par la XXX n° 1, 2, 3, 4, 5, 6 et 19,

Dit que le licenciement de Monsieur AA I n’est pas justifié par une faute grave,

Dit que le licenciement de Monsieur AA I a une cause réelle et sérieuse,

Condamne la XXX à payer à Monsieur AA I :

—  1804,31€ au titre de l’indemnité de préavis, outre 180,43€ au titre des congés payés afférents

—  1187,87€ au titre du rappel de salaire sur la mise à pied, outre 118, 79€ au titre des congés payés afférents,

—  3078,41€ au titre des heures supplémentaires, outre 307,84€ au titre des congés payés afférents

—  2000€ au titre d’indemnité pour non-respect du droit à repos compensateur

—  10452,60€ au titre de l’indemnité pour travail dissimulé,

—  2000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la XXX aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Le présent arrêt a été signé par F.GRUAS, Président et H.ANDUZE-ACHER, Greffier.

Le Greffier, Le Président,

H.ANDUZE-ACHER F.GRUAS

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Cour d'appel de Toulouse, 5 décembre 2013, n° 12/00445