Cour d'appel de Toulouse, 4eme chambre section 2, 18 juin 2021, n° 19/03409

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Chronologie de l’affaire

Commentaires3

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Sur la décision

Référence :
CA Toulouse, 4e ch. sect. 2, 18 juin 2021, n° 19/03409
Juridiction : Cour d'appel de Toulouse
Numéro(s) : 19/03409
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Toulouse, 1er juillet 2019, N° F17/00731
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

18/06/2021

ARRÊT N° 2021/464

N° RG 19/03409 – N° Portalis DBVI-V-B7D-NDIO

APB/VM

Décision déférée du 02 Juillet 2019 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TOULOUSE ( F 17/00731)

M N, juge départiteur

SAS AIRBUS DEFENCE

AND SPACE

C/

O X

INFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée le 18 juin 2021

à :

— Me LEPLAIDEUR

— Me L’HOTE

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

4e Chambre Section 2

***

ARRÊT DU DIX HUIT JUIN DEUX MILLE VINGT ET UN

***

APPELANTE

SAS AIRBUS DEFENCE AND SPACE

[…]

[…]

Représentée par Me O LEPLAIDEUR de la SELARL CAPSTAN SUD OUEST, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMÉ

Monsieur O X

[…]

[…]

Représenté par Me Véronique L’HOTE de la SCP CABINET SABATTE ET ASSOCIEES, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 06 Mai 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme, C. AF, présidente, Mme A. PIERRE-BLANCHARD, conseillère, chargées du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

C. AF, présidente

A. PIERRE-BLANCHARD, conseillère

F. CROISILLE-CABROL, conseillère

Greffière, lors des débats : A. AD

ARRET :

— CONTRADICTOIRE

— prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

— signé par C. AF, présidente, et par A. AD, greffière de chambre

EXPOSÉ DU LITIGE :

M. O X a été embauché à compter du 16 août 1999 par la société Spot image suivant contrat à durée indéterminée en qualité de chef du service juridique.

Selon convention de mutation du 16 mars 2015, il a été transféré vers la société Airbus Defence and Space à compter du 1er avril 2015, un nouveau contrat de travail étant formalisé à cette occasion.

Au dernier état de la relation contractuelle, M. X a occupé les fonctions de Head of legal CIS and Intelligence (chef du service juridique).

Suite à la plainte d’une salariée concernant ses conditions de travail, une enquête interne a été diligentée en décembre 2016 et un rapport réalisé le 22 janvier 2017.

M. X a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement par courrier du 11 janvier 2017.

Il a été licencié pour faute grave le 31 janvier 2017.

Par acte du 2 mai 2017, M. X a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse afin de voir juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse et vexatoire, et voir condamner la société Airbus Defence and Space au paiement de diverses sommes.

Après préalable infructueux de conciliation, le bureau de jugement s’est déclaré en partage de voix le 6 décembre 2018. L’affaire a été appelée à l’audience du 9 avril 2019.

Par jugement de départition du 2 juillet 2019, le conseil de prud’hommes de Toulouse a :

— jugé que le licenciement de M. X était dépourvu de cause réelle et sérieuse,

— condamné la SASU Airbus Defence and Space à payer à M. X les sommes suivantes :

* 50 868 € à titre d’indemnité de préavis,

* 110 661,43 € à titre d’indemnité de licenciement,

* 85 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 1 800 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— rejeté le surplus des demandes,

— ordonné à la SASU Airbus Defence and Space de rembourser au Pôle emploi les indemnités de chômage versées à M. X du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite d’un mois d’indemnités de chômage, et dit que la présente décision sera communiquée au Pôle emploi par les soins du greffe,

— rappelé que la présente décision bénéficie de l’exécution provisoire de droit en vertu de l’article R 1454-28 du code du travail et fixé la moyenne des 3 derniers mois de salaire à 8 478 €,

— condamné la SASU Airbus Defence and Space aux entiers dépens.

La SAS Airbus Defence and Space a relevé appel de ce jugement le 19 juillet 2019 dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas discutées.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 13 avril 2021, auxquelles il est expressément fait référence, la SAS Airbus Defence and Space demande à la cour de :

— réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions en ce qu’il a requalifié le licenciement pour faute grave de M. X en licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamné la Société Airbus Defence And Space aux indemnités subséquentes,

Statuant à nouveau,

— débouter M. X de l’ensemble de ses demandes,

— condamner M. X à payer à la société Airbus Defence And Space la somme de

4 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 21 avril 2021, auxquelles il est expressément fait référence, M. X demande à la cour de :

— confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse, et en ce qu’il a condamné la société Airbus Defence and Space à verser à M. X la somme 110 661,43 € au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement,

— le réformer pour le surplus et condamner la société employeur à verser à M. X:

* indemnité compensatrice de préavis : 71 857 € et 7185 € de congés payés y afférents,

* dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et vexatoire, 359 290 € ;

* dommages et intérêts au titre de la perte de chance de recevoir le produit de la vente des actions attribuées au titre du plan LTIP, 33 426,48€

* dommages et intérêts au titre de la perte de chance d’accéder au statut L3, 200000 €,

* les intérêts légaux sur les sommes auxquelles la cour aura condamné la société Airbus Defence and Space à compter du jour de sa requête, soit le 2 mai 2017, qui seront capitalisés par année entière,

— ajoutant au jugement, condamner la société Airbus Defence and Space à régler à M. X la somme de 5 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— débouter la société Airbus Defence and Space de l’intégralité de ses demandes,

— condamner la société Airbus Defence and Space aux entiers dépens.

MOTIFS :

Sur le licenciement :

Il appartient à la société Airbus Defence and Space qui a procédé au licenciement pour faute grave de M. X de rapporter la preuve de la faute grave qu’elle a invoquée à l’encontre de son salarié, étant rappelé que la faute grave se définit comme un manquement ou un ensemble de manquements qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise ; la cour examinera les motifs du licenciement énoncés dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige.

La faute grave se définit comme un fait ou un ensemble de faits, personnellement imputables au salarié, constituant une violation d’une obligation contractuelle ou un manquement à la discipline de l’entreprise, d’une gravité telle qu’elle rend impossible son maintien dans l’entreprise.

Lorsque l’employeur retient la qualification de faute grave dans la lettre de licenciement, il lui incombe de rapporter la preuve matérielle des faits reprochés à son salarié.

Le contrôle de la matérialité des faits reprochés auquel le juge doit procéder implique une appréciation de leur imputabilité au salarié, de leur caractère objectivement fautif et sérieux justifiant la rupture du contrat de travail, ainsi que de leur gravité rendant impossible le maintien dans l’entreprise.

M. X a été licencié pour faute grave en raison du comportement adopté à l’égard de certaines salariées placées sous sa subordination, par courrier du 31 janvier 2017 motivé comme suit :

' Nous faisons suite à l’entretien préalable qui s’est tenu le 20 janvier 2017, au cours duquel nous vous avons exposé les motifs nous conduisant à envisager votre licenciement pour faute grave et avons entendu vos explications.

Vos explications ne nous ayant pas convaincus, nous nous voyons contraints de vous notifiez par la présente votre licenciement pour faute grave en raison des motifs suivants.

Vous avez été engagé le 16 août 1999. Vous occupez à ce jour le poste de Head of Legal CIS and Intelligence.

Or, à la suite d’une enquête du département Compliance et d’une mise en garde du médecin du travail, nous avons découvert au mois de décembre 2016 que vous faisiez preuve d’un comportement inacceptable à l’égard de plusieurs salariées de votre équipe.

Cette enquête a été lancée par le département Compliance suite à la plainte de I’une des salariées de votre équipe U Y, concernant ses conditions de travail. En effet, celle-ci a fait état de relations de travail dégradées depuis plusieurs mois ainsi que d’agressivité et de pressions constantes, de propos désobligeants et d’humiliations répétées de votre part ayant un impact sur sa santé physique et mentale.

Ces allégations ont été par la suite confirmées lors d’entretiens au mois de novembre avec Q D et S C, membres de l’équipe de U Y.

Les faits qui vous sont reprochés sont les suivants :

a) Absence de prise en compte de la surcharge de travail de U Y et de son équipe :

U Y a indiqué vous avoir alerté à plusieurs reprises sur la surcharge de travail qu’elle supportait, elle et son équipe, qu’elle estimait due à un manque de ressources, alors que l’activité était croissante et de plus en plus structurée, ainsi qu’à un mode de fonctionnement inadapté et un manque de clarté dans les rôles de chacun.

Malgré quelques actions de votre part, U Y considère qu’aucune solution n’a été réellement apportée à ses nombreuses alertes. Vous avez refusé à plusieurs reprises le dialogue ou critiqué ses méthodes de travail. Vous lui avez par exemple répondu lors d’un point formalisé en septembre 2015 où elle vous remontait

ses difficultés «je ne peux pas dire à W B que tu as échoué, que tu n 'es pas capable ».

b) Volonté de restreindre les fonctions de U Y :

Durant plusieurs mois, vous avez régulièrement privé U Y d’informations nécessaires à son activité et à celle de son équipe (information d’intérêt

général ou de stratégie, nouveaux projets importants à venir et impactant la charge de

travail de U Y ou de son équipe, retours du Comité Exécutif).

Vous avez « interdit '' à U Y de parler aux membres du Comité Exécutif alors que cela pouvait rentrer dans le cadre de ses attributions.

Il vous est reproché par ailleurs de discréditer l’autorité de U Y envers son équipe en rentrant systématiquement après son passage dans les bureaux des membres de son équipe pour savoir ce qui s’était dit et donner à votre tour des ordres.

Enfin, vous ne laissiez pas U Y prendre ses décisions, vous demandiez à ce que tout vous soit soumis alors qu’elle occupait un poste de directrice juridique à responsabilités.

c) Surveillance continuelle :

U Y s’est plainte également d’une surveillance régulière des discussions téléphoniques ou avec les membres de son équipe, d’ouvertures intempestives de son bureau sans raisons particulières, de contrôle permanent des heures d’arrivée et de départ des membres de l’équipe, de « chronométrage » systématique des « pauses café le matin ''.

D) Pressions constante sur U Y et son équipe :

Il vous est reproché par ailleurs de soumettre U Y à une pression continuelle notamment par des demandes faites dans des délais très courts et sans justification de leur caractère prioritaire, et parfois alors que U Y est en arrêt maladie ou absente pour graves difficultés personnelles.

Par exemple le 20 décembre 2015, U Y vous a informé de son absence en raison de l’état de santé très grave de son enfant. Or, vous lui avez envoyé une demande qui n’était pas urgente deux jours après. En mars 2015 également alors que U Y était en arrêt maladie pour une semaine, vous lui avez demandé de répondre à plusieurs questions juridiques et de participer à une conférence téléphonique.

e) Agressivité, brimades et dénigrements :

U Y se plaint également de brimades et d’actes de dénigrement de votre part ainsi que d’une agressivité récurrente.

A titre d’exemple, en juillet 2016 vous lui avez demandé d’effectuer une tâche normalement du ressort de votre assistante, ce qu’elle a refusé. Le lendemain vous avez eu les propos suivants envers elle : « j’ai regardé ta fiche RH, en effet tu n’es pas ma secrétaire, et puis tu avais raison à Barcelone on parle anglais. Affaire close, dans le futur, je te déconseille néanmoins de veiller à la façon dont tu t’adresses à moi. Je ne dirais pas que tu t’es foutu de ma gueule, mais je constate quelques écarts de conduite ces derniers temps. ''

A plusieurs reprises vous lui avez reproché un « comportement irrespectueux '' à votre égard sans explications complémentaires.

Vous avez régulièrement critiqué ses méthodes de travail par des propos désobligeants comme : « alors tu as servi à quelque chose ' '' alors que U Y vous faisait un retour sur une réunion, « bon ça ne veut rien dire, tu parles tout le temps '' alors qu’elle vous indiquait être intervenue de manière significative lors de cette même réunion, ou enfin « avec toi elle ne survivra pas un jour, toi qui ne sais pas écouter et qui ne supportes pas qu’on soit en désaccord avec toi '' lors d’une discussion à propos d’une candidate à un poste au sein de son équipe.

Votre comportement agressif est caractérisé par des réactions excessives et disproportionnées eu égard à la situation. U Y a indiqué par exemple qu’à l’occasion d’un désaccord avec vous sur une question juridique, vous avez commencé à vous « énerver '', « à devenir hostile et en colère » et crié « tais toi!!! '',

« de façon extrêmement agressive ''. Lors d’une discussion sur une tâche que U

Y estimait ne pas être de sa responsabilité vous êtes sorti de son bureau «avec violence '' en lui « arrachant les feuilles de la main ''.

F) Propos racistes et sexistes :

Enfin, vous avez prononcé de manière récurrente des propos sexistes ou racistes.

Vous avez accusé U Y lors de son entretien annuel d’être « une chef de meute, la chef de la mafia féminine ''.

Vous vous êtes régulièrement moqué de son accent « imitant l’accent portugais (« chi chi '') quand elle venait vous voir dans votre bureau pour vous exposer une problématique.

Vous avez également eu des propos racistes envers une des personnes de son équipe S C : « tu reviens à tes origines espagnoles, tu fais le ménage ' '' alors qu’elle déplaçait des dossiers d’une table de réunion.

Avant le départ en congé maternité en juillet 2014 de U Y, vous lui avez dit « tu crois que tu vas y arriver avec trois enfants ' C’est du boulot, tu sais ' »

Vous avez critiqué ouvertement une collègue en disant que 'depuis qu’elle avait un enfant elle avait énormément décroché pour s’occuper de son enfant et que pour cette raison elle ne serait jamais promue à des postes à responsabilité.

Enfin, lors d’une réunion en juin 2016 portant sur un recrutement de juriste à effectuer dans l’équipe de U Y vous avez tenu les propos suivants : 'il faut que ce soit un homme, nous ne sommes pas ici pour être un groupe de copines, on vient ici pour travailler', 'et puis les filles ça prend les vacance scolaires'.

L’ensemble de ces faits est absolument inacceptable au sein de l’entreprise.

Les conséquences de votre comportement sont graves. En effet, U Y s’est plainte d’une dégradation de son état de santé physique et mental en lien avec sa

situation de travail et caractérisée par une perte de poids, une fatigue chronique, des

troubles du sommeil alimentaires et musculaires, des crises d’angoisse, des maux de

ventre et des nausées.

U Y a également indiqué être suivie par une psychologue depuis plus de 6 mois et sa souffrance au travail est attestée par le médecin du travail, qui alerte également sur l’état de souffrance psychologique du reste de l’équipe.

Les explications que vous nous avez données lors de l’entretien préalable ne nous ont pas convaincus et, au regard de la gravité des faits reprochés, nous ne pouvons plus envisager la poursuite de nos relations contractuelles y compris durant la période limitée du préavis.

Par conséquence nous avons décidé de vous licencier pour faute grave.'.

M. X, qui conteste l’ensemble des faits reprochés, soulève en premier lieu la prescription des griefs visés dans la lettre de licenciement et en second lieu, la violation des droits de la défense.

Aux termes de l’article L 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales.

Par conséquent, dès que l’employeur a connaissance d’une faute commise par un salarié, il dispose d’un délai de deux mois pour le convoquer à un entretien préalable ou lui adresser un avertissement.

C’est le jour où l’employeur, ou le supérieur hiérarchique direct du salarié, a connaissance du fait fautif qui D le point de départ du délai de deux mois.

Cependant, c’est seulement le jour où l’employeur, ou le supérieur hiérarchique direct du salarié, a une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l’ampleur du fait fautif, qui D le point de départ du délai de deux mois. Ainsi, lorsqu’une enquête interne est diligentée, le délai de prescription commence à courir à la date de la clôture de l’enquête.

En l’espèce, il résulte des pièces produites que Mme Y a été entendue pour la première fois sur les difficultés rencontrées avec son supérieur hiérarchique M. X lors d’un entretien du 24 octobre 2016 avec Mme Z, Senior HRBP en charge des ressources humaines de l’entité Airbus DS Geo ; Mme Z atteste en avoir alors informé son manager le 28 octobre 2016 et explique dans son attestation la chronologie des différents entretiens ayant eu lieu au sein de la direction, avec en particulier un premier entretien le 28 novembre 2016 entre Mme Z, le directeur de la société Airbus DS Geo et M. X.

Le service Ethics & Compliance du groupe Airbus a été saisi le 29 novembre 2016 et a procédé à une enquête interne entre le 8 décembre 2016 et le 9 janvier 2017, date à laquelle M. A, chargé de l’enquête interne, a transmis ses premières conclusions oralement au dirigeant M. B.

Préalablement à cette enquête, Mesdames C et D, salariées du service juridique sous la subordination hiérarchique de M. X, ont été entendues respectivement les 15 et 21 novembre 2016, puis dans le cadre de l’enquête les 16 décembre 2016 et 5 janvier 2017.

Ainsi, la cour considère que l’employeur a eu pleine et entière connaissance des faits reprochés à M. X courant décembre 2016 comme le reconnaît l’employeur dans la lettre de licenciement, et au plus tard le 9 janvier 2017, date des conclusions orales du rapport d’enquête.

La procédure de licenciement a été engagée le 11 janvier 2017, date à laquelle les faits n’étaient donc pas prescrits ; il importe peu que les conclusions écrites du rapport d’enquête aient été déposées le 22 janvier 2017 soit postérieurement à l’engagement de la procédure de licenciement mais antérieurement au prononcé de celui-ci, dans la mesure où les éléments contenus dans ce rapport d’enquête étaient en possession de l’employeur dès l’engagement de la procédure et ont été exposés au salarié lors de l’entretien préalable afin que celui-ci s’en explique.

Par ailleurs, M. X a été entendu à plusieurs reprises sur les faits reprochés : tout d’abord le 28 novembre 2016 par la responsable des ressources humaines et le directeur d’Airbus DS Geo sur les faits dénoncés par Mme Y, puis le 13 décembre 2016 par M. A du service Ethics & Compliance dans le cadre de l’enquête interne, puis le 20 janvier 2017 au cours de l’entretien préalable durant lequel ont été évoqués les résultats de l’enquête interne.

M. X a d’ailleurs adressé à M. A un mail le 13 décembre 2016 par lequel il le remerciait de leur entrevue lui ayant 'donné l’occasion d’expliquer la situation'.

Ainsi, le grief tiré de la violation des droits de la défense ne saurait être retenu à l’encontre de la procédure disciplinaire menée par l’employeur.

M. X critique par ailleurs le caractère probant du rapport d’enquête interne au motif que celui-ci aurait dû être établi par le service de la Compliance et non par le service des ressources humaines, et qu’il aurait dû être signé de l’expert conformité et du directeur du bureau d’analyse de la conformité. Pour autant, il ne fonde pas en droit cette critique et ne fournit nullement à la cour les éléments permettant de considérer qu’il existerait une quelconque irrégularité ne permettant pas de prendre en considération le rapport d’enquête litigieux.

En outre, la société Airbus Defence and Space justifie du fait que M. A, chargé de mener l’enquête, appartenait bien au service Ethics & Compliance d’Airbus Group depuis le 1er août 2016.

M. X ajoute encore que l’enquête a été diligentée par M. A alors que celui-ci ne parle que très peu le français ; toutefois il est constant que la langue de travail dans l’entreprise était l’anglais, M. X s’exprimant dans cette langue notamment à l’égard de M. A dans le mail précité du 13 décembre 2016 ; que les auditions des différentes salariées, ainsi que les conclusions du rapport d’enquête ont fait l’objet d’une traduction. La circonstance selon laquelle l’une des salariées (Mme C) maîtriserait mal anglais selon M. X est inopérante dans la mesure où celui-ci admet que M. A s’est fait assister d’une collègue des ressources humaines pour traduire lors de l’audition de Mme C.

Il est d’ailleurs produit l’attestation de Mme Z, du service RH, relatant la teneur de l’entretien entre cette salariée et M. A, au cours duquel elle a pris des notes.

Enfin, M. X déplore le fait que l’enquête interne n’ait porté que sur les allégations formulées par trois salariés de l’équipe se trouvant sous sa subordination hiérarchique alors que le département juridique à la direction duquel se trouvait le salarié comportait 22 personnes.

Néanmoins, l’examen de l’organigramme produit aux débats par l’employeur en pièce n°9 bis permet de constater que M. X, basé à Toulouse, dirigeait le service LTC regroupant les services juridiques suivants :

—  Security solutions avec un salarié en Arabie Saoudite, et un salarié en Allemagne,

—  LTCG Intelligence Geo, basé à Toulouse, avec un chef de service Mme Y U, et 5 collaboratrices : Mmes D, C et E (juristes en CDI), Mme F (juriste intérimaire) et Mme G (assistante),

—  LTCI Intelligence IS avec un chef de service en Allemagne, 3 salariés en Allemagne et 2 salariés à Elancourt,

- LTCS Secure Satcom, avec un chef de service basé en Angleterre, trois salariés à Elancourt, 3 salariés en Angleterre, et 2 salariés en Allemagne.

Ainsi, l’enquête a porté sur les faits dénoncés par Mme Y comme s’étant produits à Toulouse, lieu d’affectation principale de M. X, de sorte que l’absence d’audition des salariés des services autres que le service LTCG Intelligence Geo est sans incidence sur le litige.

En revanche, il est effectivement regrettable comme le retenait le juge départiteur que l’audition de Mme E, ayant eu lieu le 6 janvier 2017 selon Mme Z, n’ai pas été reprise dans le rapport d’enquête ni produite aux débats sous la forme d’un compte-rendu.

La cour estime que cet élément n’est toutefois pas de nature à rendre le rapport d’enquête inopposable à M. X ; les éléments contenus dans celui-ci font partie des éléments probants que l’employeur doit soumettre à l’examen de la cour au regard de la charge probatoire lui incombant.

Sur le fond, M. X conteste les faits suivants qui lui sont reprochés :

— absence de prise en compte de la surcharge de travail de Mme Y et de son équipe,

— volonté de restreindre les fonctions de Mme Y,

— surveillance continuelle de Mme Y et des membres de son équipe,

— pression constante sur U Y et son équipe,

— agressivité, brimades et dénigrement,

— propos racistes et sexistes à l’égard de plusieurs salariées.

La lettre de licenciement fait état des conséquences de ce comportement à l’égard de Mme Y, dont l’état physique et mental s’est dégradé, et de l’alerte du médecin du travail adressée à l’employeur sur l’état de souffrance psychologique de cette salariée et du reste de l’équipe.

La cour observe que, contrairement aux allégations du salarié, le licenciement ne repose pas uniquement sur des faits dénoncés par Mme Y et dont elle aurait été l’exclusive victime, mais également sur les faits commis à l’égard de l’équipe de celle-ci.

S’il est exact que l’enquête interne a été déclenchée à la suite de l’alerte lancée par cette salariée, il n’en demeure pas moins que c’est le comportement adopté par M. X à l’égard de 4 des 5 salariées placées sous sa subordination hiérarchique qui se trouve sanctionné par le licenciement.

Pour justifier des griefs, la société Airbus Defence and Space verse aux débats en premier lieu un document établi par Mme Y sur 24 pages dactylographiées, reprenant chronologiquement les faits depuis son arrivée dans le service supervisé par M. X en janvier 2015 jusqu’à son départ le 28 octobre 2016.

Cette salarié décrit de manière circonstanciée la surcharge de travail, la façon dont M. X a isolé l’équipe en la privant de tout type d’informations d’intérêt général ou stratégiques, l’obligation pour Mme Y, chef de service, de passer systématiquement par M. X pour toute question à traiter ou échanger avec d’autres services.

Elle fait état d’une surveillance systématique des discussions avec les membres de l’équipe, et du comportement de M. X consistant à passer dans les bureaux après elle pour connaître l’objet de la discussion et donner à son tour des ordres afin de discréditer son autorité sur des points minimes ou des dossiers mineurs, et lors du recrutement d’un juriste junior pour l’équipe dirigée par Mme Y, en se présentant comme le manager au cours du processus de recrutement.

Mme Y indique également que M. X alimentait en interne et en externe l’ambiguïté sur son poste et son positionnement.

Elle évoque au moyen d’exemples concrets le comportement agressif de M. X au cours de certaines discussions, des accusations portées sur elle lors de son entretien annuel du 18 mars 2016 (d’être une 'chef de meute, la chef de la mafia féminine'), ses pleurs et crises d’angoisse générés par ce comportement.

Cette salariée décrit également l’impossibilité pour M. X de supporter tout avis contraire quel que soit le sujet, sa manière de mépriser les alertes sur la charge de travail et de discréditer le travail accompli par certaines, notamment celui de Mme AA G, assitante, lorsqu’elle a reçu une augmentation salariale ('ça va non ' Pour ce que tu fais tu es bien payée').

Elle relate aussi les moqueries de M. X sur son accent espagnol en imitant l’accent portugais quand elle venait le voir pour parler des dossiers, et les réflexions adressées à Mme S C lorsqu’elle déplaçait des dossiers ('tu reviens à tes origines espagnoles, tu fais le ménage'').

Mme Y évoque également le dénigrement opéré par M. X à l’égard de Mme C, lui disant qu’elle était lente, qu’elle se noyait dans un verre d’eau, qu’elle ne savait pas gérer les priorités et que son travail pouvait être fait par des stagiaires, le dénigrement à l’égard de Mme D, décrite par M. X comme 'quelqu’un de foncièrement méchant, la typique personne qu’on a dans une équipe qui pourrit tout, qui est capable de tout détruire avec sa méchanceté', et le dénigrement à l’égard de Mme F, intérimaire, M. X la faisant douter de ses qualités de juriste, de son futur professionnel, et se moquant de son niveau d’anglais sans le vérifier.

Par ailleurs, Mme Y évoque le comportement méprisant de M. X à l’égard des femmes, critiquées lorsqu’elles prenaient les congés scolaires, s’absentaient pour congé maternité ou congé enfant malade, et des critiques de M. X à l’égard de Mme H qui aurait 'décroché pour s’occuper de son enfant et que pour cette raison elle ne serait jamais nommée à des postes à responsbilités', alors que lui-même n’avait pas d’enfant.

Elle explique le refus de M. X de recruter Mme F, déjà en intérim sur le poste de juriste, M. X lui expliquant 'il nous faut un mec', et ajoutant lors du processus de recrutement 'il faut que ce soit un homme, nous ne sommes pas ici pour être un groupe de copines, on vient ici pour travailler (…) Et puis les filles ça prend les vacances scolaires'.

Mme Y fait état de la surveillance constante de M. X, du 'chronométrage’ de la pause café du matin, du contrôle des heures d’arrivée et de départ des salariées de l’équipe, de la pression sur l’assistante de l’équipe pour traiter en priorité ses notes de frais ( 'ce que je te demande est toujours prioritaire, le reste passe après'), et de son insistance pour obtenir de Mme Y des réponses et prestations de travail lorsqu’elle était arrêtée pour cause de grippe ou lors d’un événement tragique au cours duquel elle avait failli perdre sa fille âgée de 14 mois.

De plus, elle relate la façon dont M. X opérait pour diviser les services et isoler l’équipe, en 'diabolisant’ les RH, en disant à son équipe de 'laminer’ ou 'démolir’ le service C&C (Commercial & Contracts) en provoquant des réunions sous forme de 'conseil de guerre’ et en traitant les salariées de 'traîtres’ lorsqu’elles buvaient le café avec certains membre de l’équipe C&C.

Mme Y décrit enfin la dégradation de son état de santé : perte de poids, troubles du sommeil, alimentaires, musculaires, crises d’angoisses, maux de ventre et migraines, ainsi que le suivi psychologique rendu nécessaire durant un an.

L’arrêt de travail de Mme Y, du 28 octobre 2016 au 16 décembre 2016 est produit aux débats.

La société Airbus Defence and Space produit en deuxième lieu le témoignage écrit de Mme Q D, juriste membre de l’équipe supervisée par M. X, relatant sur 14 pages son vécu au sein de cette équipe.

Au moyen de multiples exemples circonstanciés et datés, elle décrit de manière similaire à Mme Y le comportement de M. X : absence de prise en considération de la charge de travail, surveillance constante, pression injustifiée sur les prises de congés, réflexions et mimiques de M. X lorsque des obligations familiales étaient évoquées, interdiction de prendre contact directement avec le comité exécutif (Exco), dénigrement des RH, isolement de l’équipe qui se trouvait coupée de toutes informations y compris stratégiques de l’entité.

Mme D décrit la qualité du travail effectué par Mme Y 'en sous main’ pour M. X, et les obstacles mis par ce dernier au rôle de chef de service de Mme Y, l’empêchant d’assister aux réunions importantes.

Mme D confirme que M. X singeait l’accent de Mme Y en prenant un accent portugais pour lui dire ' tu travailles ou tu fais le ménache ''.

Elle évoque le traitement de faveur dont bénéficiait leur collègue Mme E, laquelle en était gênée, et du mépris manifesté par M. X à l’égard de Mme C, notamment de 'remarques insidieuses et souvent en rapport avec ses origines espagnoles'.

Elle relate le refus de M. X de garder dans l’équipe Mme F, intérimaire, malgré ses compétences, car elles s’entendaient 'toutes trop bien', prétextant son mauvais niveau d’anglais alors qu’elle a été recrutée dans un service travaillant uniquement en anglais, et elle confirme la tenue de propos misogynes par celui-ci auprès de l’équipe de recrutement.

Mme D évoque également les critiques acerbes à l’égard de Mme G lorsqu’elle se déplaçait pour ses fonctions dans la société, ou prenait des congés, ou se trouvait en arrêt maladie.

Elle fait encore état de la surcharge de travail liée à l’augmentation du chiffre d’affaires tandis que l’équipe se réduisait, de la rivalité entretenue par M. X avec le service C&C.

Mme D conclut son témoignage sur le fait qu’elle a demandé sa mobilité en raison des agissements de M. X, alors qu’elle adorait son poste de juriste et que cette mobilité l’obligeait à redevenir 'junior’ après avoir occupé un poste en tant qu’ 'expert'.

Les agissements décrits par Mme D dans son témoignage sont conformes à ses déclarations détaillées du 18 novembre 2016 lors de l’entretien de 3h sur sa demande de mobilité avec Mme I (resonsable RH pour le périmètre juridique), dont les notes ont été retranscrites et produites aux débats. Lors de cet entretien Mme D a confirmé avoir vu Mme Y sortir en pleurs de son entretien annuel d’évaluation de 2016 avec M. X. Ces propos ont été maintenus dans le cadre de l’enquête interne lors de son audition du 5 janvier 2017.

En troisième lieu, Mme F, juriste en intérim durant 12 mois dans l’équipe supervisée par M. X, témoigne également dans un document de 10 pages des agissements subis par elle et ses collègues en raison du comportement de M. X.

Elle décrit elle aussi l’ambiguité entretenue au sujet du positionnement de Mme Y, Mme F ayant ignoré pendant plusieurs semaines qu’elle était sa supérieure hiérarchique directe, les exigences de M. X quant au recrutement d’un nouveau juriste qui devait être masculin, les tensions entretenues avec l’équipe C&C, l’absence de reconnaissance du travail accompli par l’équipe et le dénigrement du traval de Mmes C et D, la différence de traitement instaurée avec le favoristisme affiché pour Mme E, le dénigrement de son niveau d’anglais qu’il ignorait pourtant, l’attitude de M. X consistant à lui vanter les mérites des candidats sur le poste pour lequel il n’entendait pas la retenir.

Elle rapporte également les nombreuses réflexions misogynes de M. X au moyen d’exemples concrets, atteste de la violence verbale de M. X AB à Mme Y 'tais toi', et confirme l’existence d’une surveillance constante de M. X qui passait dans les bureaux en début et fin d’après-midi pour demander qui était où, alors que ses collègues étaient en réunion, la surveillance des pauses café et de l’utilisation du chauffage.

Mme F rapporte avoir connu, en raison de ces agissements, des troubles du sommeil, des crises d’angoisse, elle parle de 'boule au ventre’ pour venir travailler, et évoque une infection aggravée par son état d’épuisement, en précisant avoir constaté des symptômes similaires chez ses collègues Mmes Y, D, et C.

En quatrième lieu, Mme C a été entendue dans le cadre d’un entretien de 2h par Mme I (service RH) le 21 novembre 2016 sur son souhait de mobilité ; les notes retranscrites lors de cet entretien sont produites aux débats et font état des pleurs de Mme C dénonçant les mêmes agissements que ses collègues de la part de M. X : manque de reconnaissance, pression trop forte, comportement très dur et méprisant avec l’équipe et très courtois à l’extérieur, critiques déstabilisantes, surveillance des temps de pause, réflexions du type 'ça y est elle est encore enceinte’ ou 'vous pouvez encore travailler davantage’ lorsque l’équipe se plaint de la surcharge de travail, dénigrement de l’assistante Mme G 'elle n’en fout pas une, elle n’est jamais là', réflexions au sujet de Mme F : 'je ne veux plus de femme dans ce service ! Elle a un niveau d’anglais trop mauvais’ ; attitude belliqueuse à l’égard du service C&C : 'on va les massacrer, c’est la guerre'.

Les propos de Mme C ont été confirmés par elle lors de son entretien le 16 décembre 2016 avec M. A menant l’enquête interne ; celle-ci a également confirmé la dégradation de l’état de santé physique et moral de sa N+1 Mme Y, les pleurs réguliers des salariées de l’équipe exceptée Mme E qui bénéficiait d’un traitement de faveur de la part de M. X. Mme C a elle aussi confirmé durant l’enquête interne les propos de M. X à l’égard de Mme Y faisant 'implicitement référence à ses origines espagnoles en lui demandant de faire le ménage dans ses dossiers en usant du stéréotype de la femme de ménage espagnole'.

Il est établi que les 4 salariées dont les propos ont été recueillis avant et pendant l’enquête ont toutes demandé une mobilité vers un autre service en raison des agissements subis, et l’ont obtenue.

Il est également établi que, le 16 décembre 2016, le médecin du travail a adressé au service RH (Mme I) un courrier d’alerte sur la 'situation de souffrance au travail ressentie par plusieurs salariées du service juridique', demandant à l’employeur d’organiser rapidement une enquête pour identifier la problématique et y apporter des solutions. Le médecin du travail indiquait avoir orienté les salariées concernées vers un spécialiste au regard du retentissement psychologique et physique qu’il avait constaté.

Le rapport d’enquête interne établi par le service Ethics&Compliance confirme que les allégations de harcèlement moral des salariées entendues sont fondées, qu’il n’existait aucune raison de douter de leur crédibilité, que la description des faits et incidents était généralement cohérente et conforme aux situations observées.

De nombreux exemples cités dans les témoignages sont repris et analysés dans ce rapport, lequel mentionne également que les allégations de discrimination à l’égard des femmes étaient fondées, et que M. X avait, 'en qualité de cadre, agi de façon inappropriée vis-à-vis des plaignantes et a ainsi créé un environnement de travail hostile'.

La société Airbus Defence and Space produit enfin l’attestation de Mme J de K, recruteuse au sein d’Airbus, témoignant d’une réunion du 14 juin 2016 au cours de laquelle elle avait été choquée des propos tenus et du ton employé par M. X au sujet d’un recrutement, ne souhaitant pas recruter de femmes au motif qu’elles 'prennent les congés scolaires et arrivent en retard’ et 'comme elles s’occupent de leurs enfants elles sont souvent absentes'.

Ce témoignage ainsi que les constatations du médecin du travail excluent la thèse de la concertation entre les salariées du service que soutient M. X en défense.

M. X critique les témoignages recueillis au motif qu’ils présenteraient beaucoup de similitudes dans les faits rapportés, ce qui démontrerait une concertation, alors qu’il s’agit d’événements relatés de la même manière comme étant vécus par les membres d’une même équipe de travail.

Il pointe quelques incohérences d’horaires ou de dates minimes, ayant fait l’objet d’un examen lors de l’enquête interne afin de vérifier la crédibilité des propos, laquelle n’a pas été remise en cause, étant

précisé qu’il s’agissait parfois d’événements antérieurs de plusieurs mois à leur dénonciation ce qui pouvait rendre possible quelques erreurs de date au regard de la multilicicté des faits.

M. X produit aux débats les mails de soutien de collègues ne travaillant pas sous ses ordres directs, reçus lors de l’annonce de son départ, ainsi que les attestations d’anciens supérieurs hiérarchiques le décrivant comme un bon professionnel et un 'manager exigeant vis-à-vis de son équipe comme avec lui-même'. Toutefois il ne produit aucun témoignage de personnes ayant travaillé sous sa subordination.

Par ailleurs, il est constant que M. X a bénéficé de bonnes évaluations professionnelles durant sa carrière, y compris sur son management, pour autant ces évaluations ne peuvent exclure l’existence à compter de 2015 d’un mode de management déviant et inapproprié à l’égard des 4 salariées précitées, étant rappelé que l’un des témoignages fait précisément état d’un déclage entre l’attitude adoptée par M. X vis-à-vis de son équipe et son comportement vis-à-vis des autres interlocuteurs et collègues.

M. X produit quelques extraits de conversations par mails tenues avec les membres de son équipe, susceptibles de démontrer qu’une bonne ambiance de travail régnait, néanmoins ces mails concernent essentiellement le premier semestre 2016, c’est-à-dire avant la dégradation encore plus importante des relations de travail que les plaignantes fixent à septembre ou octobre 2016, et celles-ci témoignent du fait qu’elles tentaient de maintenir le dialogue avec M. X, jaugeaient son humeur le matin pour éviter les incidents en essayant de détendre la situation lorsqu’elles constataient qu’il avait le visage fermé, par exemple lors d’un déplacement à Barcelone.

Il se défend d’avoir restreint le périmètre d’action de Mme Y en citant quelques exemples concrets, illustrés par des mails, de tâches accomplies par elle en autonomie, or, M. L, ayant succédé à M. X sur le poste de Head of Legal CIS, atteste que la sous-direction LTC est actuellement dirigée de manière autonome par Mme Y, chargée de la gestion des dossiers, le management de l’équipe et les relations avec le management de l’activité à laquelle le service est rattaché, mais qu’à son arrivée il avait constaté que celle-ci ne pouvait assumer pleinement ce poste car une partie substantielle était réalisée directement par son prédécesseur. M. L atteste également du fait qu’à son arrivée Mme Y revenait de congé maladie 'dans un état de traumatisme et de fragilité'.

Ainsi, après examen de l’ensemble des éléments produits par les parties, la cour estime, contrairement au juge départiteur, que l’employeur établit à l’encontre de M. X l’existence d’un comportement fautif et totalement inapproprié à l’égard de quatre salariées placées sous sa responsabilité en tant que N+1 (Mme Y) et N+2 (Mmes D, F, C et G).

Ce comportement ayant consisté à négliger la charge de travail croissante de ses collaboratrices malgré leurs alertes, à restreindre les fonctions de Mme Y pourtant chef de service, à procéder à la surveillance continuelle de ces salariées en maintenant une pression constante, à dénigrer le travail accompli et les qualités professionnelles de celles-ci, et à tenir à leur égard des propos racistes et sexistes, a créé des conditions de travail dégradées et de nature à porter atteinte à leur état de santé.

Il s’agit d’une faute grave justifiant le licenciement intervenu.

Le jugement déféré sera donc infirmé en ce qu’il a considéré le licenciement sans cause réelle et sérieuse, et alloué à M. X des dommages-intérêts et indemnités de rupture, et l’intimé sera débouté de l’ensemble de ses demandes afférentes au licenciement.

Sur la demande indemnitaire pour perte de chance de recevoir le produit de la vente des actions attribuées au titre du plan LTPI :

M. X indique qu’il a été privé de la possibilité de percevoir le produit de la vente des actions qui lui étaient attribuées soient 246 actions, lesquelles ont été supprimées après le licenciement.

Dans la mesure où d’une part, il est constant entre les parties que le règlement intérieur précise qu’en cas de licenciement les droits du salarié sont annulés, et où, d’autre part, la cour a jugé ce licenciement fondé, cette demande sera rejetée par confirmation du jugement entrepris.

Sur la demande indemnitaire pour perte de chance d’accéder au statut L3 executive :

M. X explique que cette promotion avait été proposée pour lui par la directrice des ressources humaines dans un mail du 11 mai 2016 ; que sa promotion au niveau L3 avait été refusée mais que M. B lui avait écrit le 13 juillet 2016 : « tu es un bon manager et on va réessayer », et qu’il a donc perdu la chance d’être promu au niveau L3 en raison du licenciement injustifié.

Or, la perte de chance n’est pas établie dans la mesure où ce licenciement a été jugé fondé.

La demande sera donc rejetée par confirmation du jugement entrepris.

Sur le surplus des demandes :

M. X, échouant en son procès, sera condamné aux dépens de première sintance par infirmation du jugement entrepris ainsi qu’aux dépens d’appel.

Il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ; le jugement sera infirmé en ce qu’il a alloué à M. X la somme de 1800 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

Infirme le jugement entrepris, excepté en ce qu’il a débouté M. X de ses demandes indemnitaires pour perte de chance de recevoir le produit de la vente des actions attribuées au titre du plan LTIP et pour perte de chance d’accéder au statut L3,

Le confirme sur ces points,

Statuant à nouveau des chefs infirmés, et y ajoutant,

Dit et juge que le licenciement de M. O X repose sur une faute grave,

Déboute M. O X de ses demandes de dommages-intérêts et d’indemnités de rupture,

Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. O X aux entiers dépens.

Le présent arrêt a été signé par AE AF, présidente, et par AC AD, greffière.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

AC AD AE AF

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code du travail
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Cour d'appel de Toulouse, 4eme chambre section 2, 18 juin 2021, n° 19/03409