Cour d'appel de Toulouse, 4ème chambre section 3, 26 mars 2021, n° 19/04577

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Chronologie de l’affaire

Commentaires3

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rocheblave.com · 13 janvier 2024

Défenseur des employeurs contre leur faute inexcusable Maître Eric ROCHEBLAVE, Avocat Spécialiste en Droit du travail et Droit de la Sécurité Sociale, conseille et défend les employeurs contre leur faute inexcusable A lire : Accident du travail à Mayotte : la faute inexcusable n'était pas imputable à l'employeur mais à la salariée ! Nouveau succès judiciaire de Maître Eric ROCHEBLAVE, Avocat Spécialiste en Droit du travail et Droit de la Sécurité Sociale, à faire reconnaitre l'absence de faute inexcusable d'un employeur mais la faute inexcusable d'une salariée Devant le Tribunal …

 

Eric Rocheblave · LegaVox · 11 avril 2022

rocheblave.com · 5 septembre 2021

Faute inexcusable : employeurs, comment vous défendre ? Image par betexion - Pixabay Maître Eric ROCHEBLAVE conseille et défend les employeurs dont les salariés recherchent la reconnaissance de la faute inexcusable Contact La faute inexcusable n'est pas déduite du seul constat de l'existence d'un accident du travail. La charge de la preuve de la faute inexcusable incombe au salarié En ce sens : « La charge de la preuve de la faute inexcusable incombe au salarié qui l'invoque. » Cour d'appel d'Aix-en-Provence – Pôle 04 ch. 08 2 juillet 2021 / n° 20/12222 « Il incombe au salarié d'apporter …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Toulouse, 4e ch. sect. 3, 26 mars 2021, n° 19/04577
Juridiction : Cour d'appel de Toulouse
Numéro(s) : 19/04577
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Toulouse, 10 septembre 2019, N° 18/11054
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

26/03/2021

ARRÊT N°21/172

N° RG 19/04577 – N° Portalis DBVI-V-B7D-NIE7

CD / KB

Décision déférée du 11 Septembre 2019 – Tribunal de Grande Instance de Toulouse

(18/11054)

B C

D X

C/

Société RANDSTAD SERVICE AT

SAS CARO TP

CPAM DE LA HAUTE GARONNE

CONFIRMATION

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

4e chambre sociale – section 3

***

ARRÊT DU VINGT SIX MARS DEUX MILLE VINGT ET UN

***

APPELANT

Monsieur D X

[…]

[…]

représenté par Me Stella BISSEUIL, avocat au barreau de TOULOUSE

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 31555.2019.026177 du 18/11/2019 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de TOULOUSE)

INTIMÉES

Société RANDSTAD SERVICE AT

[…]

[…]

représentée par Me Michel BARTHET, avocat au barreau de TOULOUSE

SAS CARO TP

[…]

[…]

représentée par Me Anthony PEILLET, avocat au barreau de TOULOUSE

CPAM DE LA HAUTE GARONNE

[…]

[…]

représentée par Me Sophie VOINCHET, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l’article 945.1 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 04 Février 2021, en audience publique, devant Mme C. DECHAUX, conseillère faisant fonction de président, chargée d’instruire l’affaire, les parties ne s’y étant pas opposées. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

C. DECHAUX, conseillère faisant fonction de président

P. POIREL, conseiller

A. MAFFRE, conseiller

Greffier, lors des débats : N.DIABY

ARRET :

— CONTRADICTOIRE

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile

— signé par C. DECHAUX, conseillère faisant fonction de président, et par K. BELGACEM, greffier de chambre.

EXPOSÉ DU LITIGE

M. D X, employé depuis le […], en qualité d’ouvrier qualifié par l’entreprise de travail temporaire Randstad a été victime, alors qu’il était mis à disposition de la société Caro Tp, le 18 juillet 2013 d’un accident du travail, déclaré le 22 suivant par son employeur, en assortissant sa déclaration de réserves motivées, complétées dans une seconde transmission en date du 31 juillet 2013, consécutive à la réception par l’employeur d’un certificat médical de rechute au titre d’un précédent accident du travail du 31 juin 2011.

La caisse a refusé le 26 août 2013 de prendre en charge la rechute déclarée le 18 juillet 2013.

Le 31 octobre 2013, la caisse primaire d’assurance maladie a écrit à la société Randstad procéder au classement du dossier relatif à l’accident du 18 juillet 2013, faute de certificat médical initial.

La caisse primaire d’assurance maladie de la Haute-Garonne a ensuite refusé le 8 juin 2015 de prendre en charge au titre de la législation professionnelle l’accident du 18 juillet 2013, pour lequel un duplicata de certificat médical initial en date du 18 juillet 2013 lui avait été transmis.

Sur contestation de cette décision par M. X et après expertise, la caisse primaire d’assurance maladie de la Haute-Garonne a reconnu le 8 octobre 2015 le caractère professionnel de l’accident du 18 juillet 2013, le médecin expert ayant considéré que les lésions mentionnées sur le certificat médical initial du 18 juillet 2013 étaient imputables à cet accident.

La caisse a déclaré M. X consolidé à la date du 30 octobre 2015 sans retenir de séquelles indemnisables.

Après échec de la procédure de conciliation, M. X a saisi le 25 juillet 2016 le tribunal des affaires de sécurité sociale aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur dans son accident du travail.

Par jugement en date du 11 septembre 2019, le tribunal de grande instance de Toulouse, pôle social, a:

* déclaré le recours de M. X recevable mais mal fondé,

* débouté M. X de l’ensemble de ses demandes,

* dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

* condamné M. X aux dépens.

M. X a interjeté régulièrement appel dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas discutées.

Par conclusions n°2 remises par voie électronique le 13 janvier 2021, reprises et modifiées oralement à l’audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé plus ample de ses moyens et arguments, M. X sollicite la réformation du jugement entrepris et demande à la cour de:

* dire que la société Randstad a commis une faute inexcusable à l’origine de son accident du travail en ne lui faisant pas faire de visite de reprise alors qu’il avait été en arrêt de travail pendant deux ans et de l’avoir fait travailler à nouveau sur le même poste et subsidiairement que la faute inexcusable est imputable aux sociétés Randstad et Caro Tp, cette dernière n’ayant pas vérifié auprès de la première que le salarié mis à sa disposition, qui avait été arrêté pendant deux ans, avait bien fait l’objet d’une visite médicale de reprise,

* ordonner une expertise médicale pour évaluer ses postes de préjudices,

* dire que la caisse primaire d’assurance maladie devra l’avance de l’indemnisation des préjudices à caractère personnel tels qu’ils résulteront de l’expertise et statuer ce que de droit sur l’action récursoire de la caisse primaire d’assurance maladie à l’égard de la société Randstad,

* condamner l’employeur au paiement de la somme de 6 500 euros du code de procédure civile,

* condamner les parties succombantes aux dépens.

Par conclusions visées au greffe le 7 décembre 2020, reprises oralement à l’audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé plus ample de ses moyens et arguments,

la société Randstad sollicite la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions.

A titre subsidiaire, elle demande à la cour de:

* infirmer le jugement entrepris

* ordonner une expertise médicale motif pris que le caractère professionnel de la lésion du 18 juillet 2013 n’est pas démontré et qu’il existe une difficulté d’ordre médical en présence de deux avis contradictoires.

A titre infiniment subsidiaire, dans l’hypothèse de la reconnaissance d’une faute inexcusable et sur l’appel en garantie de l’entreprise utilisatrice, elle demande à la cour de:

* dire qu’elle n’a commis aucune faute dans la survenance de l’accident de M. X motif pris qu’elle a respecté les obligations qui lui incombaient,

* dire que la faute inexcusable relève de la seule responsabilité de l’entreprise utilisatrice la société Caro Tp, substituée dans la direction des salariés en application de l’article L.452-1 du code de la sécurité sociale,

* condamner, en application des articles L.452-1 et L.412-6 du code de la sécurité sociale, la société Caro Tp à la garantir de toutes les nouvelles condamnations qui seraient prononcées au titre de l’éventuelle faute inexcusable (majoration de rente et préjudices extra patrimoniaux) tant en principal qu’en intérêts et frais.

En tout état de cause, elle demande à la cour de:

* débouter les autres parties de leurs demandes de condamnation formulée à son encontre, et subsidiairement de condamner la société Caro Tp à la garantir des sommes qu’elle serait éventuellement condamnée à payer ainsi que sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens,

* déclarer l’arrêt commun à la caisse primaire d’assurance maladie.

Par conclusions remises par voie électronique le 12 janvier 2021, reprises oralement à l’audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé plus ample de ses moyens et arguments, la société Caro Tp sollicite la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions.

A titre subsidiaire, elle demande à la cour de:

* débouter M. X de ses demandes après avoir constaté qu’il les fonde sur un prétendu

manquement de la société Randstad,

* débouter M. X et société Randstad de toute action en responsabilité récursoire sur le fondement des articles L.241-5-1 et L.412-6 du code de la sécurité sociale.

En toute hypothèse, elle demande à la cour de:

* rejeter toute action en responsabilité et toute action récursoire à son égard, motif pris que la prise en charge de l’accident au titre de la législation professionnelle après recours de l’assuré lui est inopposable en raison du refus initial de prise en charge par la caisse pour des raisons de fond,

* dire qu’elle ne peut être tenue des conséquences d’une éventuelle faute inexcusable,

* rejeter toute action en responsabilité et toute action récursoire à son égard,

* débouter M. X de sa demande en reconnaissance d’une faute inexcusable, motif pris que le caractère professionnel de l’accident n’est pas établi,

* débouter M. X et la société Randstad de toute action en responsabilité et de toute action récursoire,

* débouter M. X et société Randstad de toute action en responsabilité récursoire sur le fondement des articles L.241-5-1 et L.412-6 du code de la sécurité sociale,

* débouter la société Randstad de son action récursoire ou de sa demande de garantie formulée à titre subsidiaire à son encontre,

* condamner M. X au paiement de la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions réceptionnées par le greffe le 14 janvier 2021, reprises oralement à l’audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé plus ample de ses moyens et arguments, la caisse primaire d’assurance maladie de la Haute-Garonne demande à la cour dans l’hypothèse où la preuve d’un accident du travail à la date du 18/07/2013 ne serait pas retenue de débouter M. X de ses demandes.

Dans l’hypothèse où la preuve de l’existence d’un accident du travail serait retenue, de lui donner acte qu’elle s’en remet en ce qui concerne l’appréciation de la faute inexcusable.

Dans l’hypothèse où la faute inexcusable serait retenue, elle demande à la cour de:

* limiter la mesure d’expertise aux seuls postes de préjudices suivants: les préjudices limitativement listés par l’article L.452-3 du code de la sécurité sociale, l’assistance tierce personne avant consolidation, les frais divers, le préjudice sexuel, le déficit fonctionnel temporaire,

* dire qu’elle fera l’avance des frais d’expertise et en récupérera le montant auprès de l’employeur, la société Randstad,

* dire que l’arrêt à intervenir lui sera déclaré commun et qu’elle sera chargée de procéder auprès de la victime au versement des préjudices extra patrimoniaux, et en récupérera directement et immédiatement le montant auprès de la société Randstad,

* débouter la société Randstad de toute demande visant à faire échec à son action récursoire,

* rejeter toute demande visant à la voir condamner au paiement d’une indemnité sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS

* sur l’accident du travail:

Il résulte de l’article L. 411-1 du code du travail, qu’est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d’entreprise.

Ainsi, l’accident du travail se définit comme un événement soudain, survenu au temps et au lieu de travail, ou à l’occasion de celui-ci, ce qui s’entend par un événement ou une série d’événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l’occasion du travail, dont il est résulté une lésion corporelle, quelle que soit la date d’apparition de celle-ci.

Ces trois conditions doivent être cumulativement remplies pour qu’il y ait accident du travail.

Il incombe au salarié d’établir les circonstances exactes de l’accident ainsi que son caractère professionnel et toute lésion survenue soudainement, au temps et au lieu du travail est présumée résulter d’un accident du travail sauf s’il est rapporté la preuve qu’elle a une origine totalement étrangère au travail, ou que le salarié s’est soustrait à l’autorité du chef d’entreprise.

La société Randstad soutient que le caractère professionnel de la lésion constatée n’est pas établi, soulignant que la caisse a considéré dans un premier temps qu’il n’y a pas de relation de cause à effet entre les faits invoqués et les lésions médicalement constatées par certificat médical. Elle en déduit qu’il existe un différent médical, la caisse ayant ensuite reconnu le carcatère professionnel de cet accident.

Elle souligne que le certificat médical initial est un certificat rectificatif établi en réalité plus d’un an et demi après l’accident allégué et que la décision de prise en charge de cet accident ne lui est pas opposable, le refus initial étant définitif à son égard.

La société Caro Tp reprend les mêmes moyens et arguments et ajoute que l’engorgement des centres de santé au travail est à l’origine de la date retenue pour la visite du médecin du travail.

M. X soutient quant à lui que seule la faute inexcusable peut être discutée, le jugement entrepris ayant reconnu la matérialité de l’accident.

La caisse primaire d’assurance maladie indique s’en remettre sur la reconnaissance du caractère professionnel du sinistre.

Le présent litige portant sur la reconnaissance de la faute inexcusable de la société Randstad et de la société Caro Tp dans l’accident du travail du 18 juillet 2013, dont M. X a été victime, l’entreprise de travail temporaire, comme l’entreprise utilisatrice, sont recevables à contester le caractère professionnel de l’accident pris en charge, étant observé qu’il est exact que dans les rapports employeur (société Randstad/ caisse primaire d’assurance maladie de la Haute-Garonne) le caractère professionnel de cet accident n’est pas reconnu, la caisse ayant considéré pour motif médical qu’il 'n’y a pas de relation de cause à effet entre les faits invoqués et les lésions médicalement constatées par le certificat médical'.

La déclaration d’accident du travail en date du 22 juillet 2013 mentionne que l’accident a eu lieu le 18 juillet 2013, sur le chantier de la société Caro à Toulouse, que M. X 'déclare qu’il ramassait un morceau de croûte d’enrobé quand il aurait ressenti une douleur dans le dos' et qu’il a été transporté à l’hôpital Purpan.

Le certificat médical initial daté du 18 juillet 2013 comporte la mention 'duplicata’ est établi par un médecin du service des urgences de l’Hôpital Rangueil à Toulouse et mentionne que les lésions sont constituées par des 'lombalgies gauches'.

Les réserves de l’employeur dans sa lettre du 22 juillet 2013 portent exclusivement sur le lien entre les lésions et le mouvement fait par le salarié lors du ressenti d’une douleur et évoquent la possibilité d’un état pathologique antérieur. Dans sa lettre de réserves complémentaires du 31 juillet 2013, l’employeur invoque le certificat médical de rechute comportant la même date que celle de l’accident du travail allégué.

Par conséquent, la contestation du caractère professionnel de l’accident du 18 juillet 2013 porte exclusivement sur le lien entre les lésions médicalement constatées et le travail, et il est exact que le certificat médical de rechute, daté du 18 juillet 2013, qui mentionne des 'lombalgies gauches’ a été établi par un médecin du service des urgences de l’hôpital Rangueil.

L’expertise du Dr Y, consécutive au refus de prise en charge de l’accident du 18 juillet 2013 et à la contestation de cette décision par M. X, mentionne que ce salarié 'présente bien un état lombaire fragile, responsable de décompensations récurrentes au grès des sollicitations professionnelles ou personnelles', que la 'longueur de prise en charge de la pathologie: la première lombalgie, accident du travail du 21/06/2011, dont les bilans radio-cliniques orientent plus vers un syndrome articulaire postérieur (…) a demandé 16 mois de repos professionnel en accident du travail suivi de 9 mois d’incapacité en maladie' et la 'reprise du travail le 12 juillet 2013 est suivie par une nouvelle lombalgie avec sciatique cette fois-ci le 18 juillet 2013 alors qu’il soulève un morceau de béton d’une quinzaine de kilos. Les constatations radio-cliniques sont maintenant différentes et plaident en faveur d’un processus discal (…) Ce qui peut valider un nouvel accident du travail'.

Alors qu’il n’est pas contesté que M. X a ressenti le 18 juillet 2013 une douleur lombaire, sur son lieu du travail après avoir soulevé un objet dont le poids n’était pas particulièrement élevé, mais qui a justifié sa prise en charge immédiate en milieu hospitalier, les critères légaux de l’accident du travail sont réunis.

L’expertise Y qui s’appuie notamment sur le scanner lombaire du 11 juillet 2011, l’IRM du rachis lombaire du 18 juin 2013 et les comptes rendus de consultations spécialiste (Du Dr Remy, rhumatologie en date du 5 décembre 2011, du Dr Z, chirurgien orthopédique rachidien du 30 septembre 2013) est claire et argumentée, sans être contredite médicalement par l’entreprise de travail temporaire comme par l’entreprise utilisatrice.

La circonstance que des avis médicaux différents ont été émis ne suffit pas à caractériser l’existence d’un différend médical portant sur l’imputabilité des lésions médicalement constatées (que ce soit sur le certificat qualifié de rechute ou sur celui qualifié d’initial au titre d’un accident du travail du 18 juillet 2013), ces lésions étant identiques et l’expertise met en évidence que les lombalgies sont accompagnées de sciatique, laquelle n’avait pas été antérieurement médicalement constatée.

De plus:

* dans son expertise médicale du 6 novembre 2013, le Dr A mentionne que la 'pathologie décrite sur le certificat de rechute du 18 juillet 2013 est un fait nouveau compte tenu des doléances de l’examen clinique. Il existe un état antérieur dégénératif arthrosique qui évoluera pour son propre compte dans le temps',

* l’avis du médecin conseil dans le rapport d’évaluation du taux d’incapacité est concordant avec celui de l’expert Y puisqu’il écrit en conclusions: 'résumé des séquelles: traumatisme du rachis lombaire avec radiculalgie initiale évoluant pour son propre compte, sans séquelle indemnisable, avec syndrome rachidien par état antérieur évoluant pour son propre compte',

* l’expertise du Dr Y ne permet pas de considérer que le travail n’a joué aucun rôle dans l’apparition des lésions constatées le 18 juilet 2013.

Il n’existe donc pas de différend médical susceptible de justifier une expertise sur le lien entre les lésions et l’accident du 18 juillet 2013.

Le jugement entrepris doit donc être confirmé sur la reconnaissance d’un accident du travail survenu le 18 juillet 2013 à M. X.

* sur la faute inexcusable:

Dans le cadre de l’obligation de sécurité pesant sur l’employeur destinée, notamment, à prévenir les risques pour la santé et la sécurité des salariés, les dispositions des articles L.4121-1 et suivants du code du travail lui font obligation de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

L’employeur a, en particulier, l’obligation d’éviter les risques et d’évaluer ceux qui ne peuvent pas l’être, de planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions du travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants.

En matière d’accident du travail imputable à la faute inexcusable de l’employeur, il résulte de l’article L.412-6 du code de la sécurité sociale que l’entreprise utilisatrice est regardée comme substituée dans la direction, au sens de l’article L.452-1, à l’entreprise de travail temporaire et l’article L.1251-21 du code du travail dispose que pendant la durée de la mission, l’entreprise utilisatrice est responsable des conditions d’exécution du travail, et notamment de ce qui a trait à la santé et à la sécurité au travail.

Le manquement à l’obligation de sécurité a le caractère d’une faute inexcusable au sens de l’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.

Il suffit que la faute inexcusable de l’employeur soit une cause nécessaire de l’accident du travail pour engager sa responsabilité.

C’est au salarié qu’incombe la charge de la preuve de la faute inexcusable, et par voie de conséquence d’établir que son accident présente un lien avec une faute commise par son employeur, dans le cadre de son obligation de sécurité.

M. X expose que le 18 juillet 2013, alors qu’il soulevait un morceau de béton d’une quinzaine de kilos sur le chantier sur lequel il avait été affecté, il s’est blessé au dos.

Il soutient que son employeur et l’entreprise utilisatrice sont conjointement responsables de son accident du travail, l’agence intérimaire étant responsable de l’aptitude médicale de son salarié, que la société Randstad et/ou la société Caro avai(en)t l’obligation de lui faire passer une visite médicale en vue de la reprise du travail, qu’il incombait à la société Randstad d’organiser une visite devant le médecin du travail en application de l’article R.4624-31 du code du travail, ayant été victime le 21 juin 2011d’un accident du travail ayant entraîné un arrêt de travail jusqu’au 23 juin 2013. Il relève avoir repris le travail le 13 juillet 2013 et que le rendez-vous pris avec la médecine du travail par la société Randstad ne l’a pas été dans le délai de huit jours prescrit par l’article R.4624-31 du code du

travail, ce manquement étant constitutif de la faute inexcusable.

Il soutient en outre que son employeur avait conscience du risque auquel il était exposé en raison de son précédent accident du travail sur le même poste, l’origine de l’accident étant, dans les deux cas, un effort au niveau du dos causé par la nature du travail, raison pour laquelle il avait fait état dans un premier temps d’une rechute. En ne vérifiant pas dans le cadre d’une visite de reprise si son poste de travail est compatible avec son état de santé, la société Randstad n’a pas pris les mesures nécessaires pour assurer sa sécurité.

La société Randstad réplique d’une part que l’entreprise utilisatrice est substituée dans la direction à l’employeur et responsable des conditions d’exécution du travail, et soutient d’autre part que les circonstances de l’accident du travail du 21 juin 2011 sont différentes de celles de l’accident du 18 juillet 2013.

Elle conteste avoir eu conscience d’un risque, soulignant que le médecin traitant du salarié a établi un certificat le déclarant apte à la reprise du travail, qu’elle a respecté ses obligations en sollicitant dès le 15 juillet 2013 une visite médicale de reprise et que le retard dans l’organisation de celle-ci est imputable à un motif indépendant de sa volonté, lié à l’encombrement de la médecine du travail.

Elle soutient en outre que la faute reprochée à l’employeur doit être à l’origine de l’accident du travail et allègue que les circonstances de l’accident sont indéterminées et ne résultent que des seules déclarations du salarié.

La société Caro Tp rappelle que les obligations relatives à la médecine du travail sont à la charge de l’entreprise de travail temporaire et non de l’entreprise utilisatrice, et qu’aucune faute ne peut lui être reprochée dans la survenance de l’accident.

En cause d’appel, M. X ne se place pas sur le terrain de la présomption de faute inexcusable de l’article L.4154-3 du code du travail.

La différence d’analyse du médecin conseil de la caisse et de l’expert Y est sans incidence sur les circonstances de l’accident du travail qui ne sont nullement indéterminées, puisqu’il est reconnu que la douleur au dos a été consécutive au mouvement effectué par le salarié dans le cadre de son travail, et il est établi que le salarié a présenté des lésions médicalement constatées le jour même de son accident par un service hospitalier urgentiste.

S’il est exact que la relation des circonstances de l’accident du travail ne résulte que des déclarations du salarié, pour autant elle n’a jamais été contestée par l’employeur.

La cour rappelle que les dispositions applicables en matière de visite de reprise sont celles qui étaient en vigueur à la date à laquelle M. X a repris le travail soit au 13 juillet 2013.

Par applications combinées des articles R.4624-22 3° et R.4624-23 dernier alinéa dans leurs rédactions issues du décret n°2012-135 du 30 janvier 2012, le salarié doit bénéficier d’un examen de reprise par le médecin du travail après une absence d’au moins trente jours pour cause d’accident du travail, de maladie ou d’accident non professionnel et l’employeur doit, dès qu’il a connaissance de la date de la fin de l’arrêt de travail, saisir le service de santé au travail qui organise l’examen de reprise dans un délai de huit jours à compter de la date de la reprise du travail par le salarié.

Il s’ensuit que la seule obligation pesant sur l’employeur est celle de solliciter dès sa connaissance de la date de la reprise l’organisation par le service de médecine du travail auquel il est rattaché d’une visite dite de reprise.

Il est établi que M. X a été placé en arrêt de travail du 21 juin 2011 au 30 septembre 2012 au titre

de l’accident du travail du 21 juin 2011, puis en arrêt maladie du 1er octobre 2012 au 23 juin 2013, et que par jugement en date du 17 juin 2015, le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Haute-Garonne a déclaré les arrêts et soins à compter du 1er mars 2012 inopposables à la société Randstad pour ne pas être directement et uniquement imputables à l’accident du travail dont M. X a été victime le 21 juin 2011.

La longueur de cet arrêt de travail rend effectivement obligatoire l’avis du médecin du travail pour sa reprise.

M. X ne justifie pas de la date à laquelle il a informé son employeur vouloir reprendre le travail, mais il est reconnu qu’il l’a effectivement repris le 13 juillet 2013.

La société Randstad justifie par la copie écran (pièce 6) que M. X a été convoqué le 15 juillet 2013 pour un examen avec le médecin du travail fixé au 23 juillet 2013 et qu’ainsi l’accident du travail du 18 juillet 2013 est survenu alors que le médecin du travail ne s’était pas prononcé sur son aptitude à la reprise au poste, faute d’avoir procédé à l’examen médical de reprise.

Il ne peut donc être reproché à la société Randstad un manquement à son obligation, le service de médecine du travail ayant été sollicité dès la reprise du travail, et la tardiveté de la date de la visite fixée ne lui est pas imputable.

Il ne peut davantage être considéré que la société Randstad aurait dû avoir conscience d’une incompatibilité de l’état de santé de M. X avec le type de poste occupé avant son arrêt de travail alors même que le médecin traitant du salarié a au contraire attesté le 25 juin 2013 que l’état de santé de son patient lui permettait de reprendre le travail.

S’il est établi que M. X a été victime le 21 juin 2011 d’un accident du travail dont les circonstances décrites sur la déclaration d’accident du travail sont les suivantes: 'à force de tirer le rateau, M. X aurait ressenti une douleur au dos en fin de journée', pour autant les circonstances de cet accident du travail diffèrent de celles du 18 juillet 2013, en ce qu’elles ne sont pas imputables à un mouvement en lien avec le port de poids, même si la localisation des lésions est également au niveau lombaire.

L’absence de similitude des circonstances des deux accidents ne peut caractériser la conscience par l’employeur d’exposer son salarié à un risque pour sa santé, et il est exact que la survenance d’un accident du travail n’implique par pour autant qu’il est dû à une faute commise par l’employeur caractérisée par un manquement à son obligation de sécurité.

Ainsi, l’absence d’avis du médecin du travail sur l’aptitude à la reprise de poste, ne peut suffire à caractériser un manquement de la société Randstad à son obligation de sécurité constitutif d’une faute inexcusable à l’origine de l’accident du travail de M. X et elle n’induit pas davantage la conscience de son employeur de l’exposer à un risque pour sa santé.

M. X ne précise pas quelle serait la faute commise par l’entreprise utilisatrice, qui aux termes de l’article L.251-21 du code du travail est effectivement responsable des conditions d’exécution du travail. Si elle est substituée dans la direction de l’employeur, il n’en demeure pas moins que le salarié qui recherche sa faute inexcusable doit au moins préciser en quoi elle a été défaillante dans l’organisation du travail et l’a exposé à un risque dont elle avait connaissance ou qu’elle ne pouvait ignorer.

Le jugement entrepris qui a débouté M. X de ses demandes doit en conséquence être confirmé.

Compte tenu de la disparité de situations, l’équité ne commande pas qu’il soit fait application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la société Caro Tp.

Succombant en ses prétentions, M. X ne peut utilement solliciter l’application à son bénéfice des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et doit être condamné aux dépens.

PAR CES MOTIFS,

— Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, et y ajoutant,

— Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la société Caro Tp,

— Condamne M. D X aux dépens, lesquels seront recouvrés conformément à la réglementation en vigueur en matière d’aide juridictionnelle.

Le présent arrêt a été signé par C. DECHAUX, conseillère faisant fonction de président et K. BELGACEM, greffier.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

K. BELGACEM C. DECHAUX

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Cour d'appel de Toulouse, 4ème chambre section 3, 26 mars 2021, n° 19/04577