Cour d'appel de Toulouse, 4eme chambre section 1, 21 janvier 2022, n° 19/01623

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Toulouse, 4e ch. sect. 1, 21 janv. 2022, n° 19/01623
Juridiction : Cour d'appel de Toulouse
Numéro(s) : 19/01623
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Toulouse, 6 mars 2019, N° 17/01044
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

21/01/2022

ARRÊT N° 2022/37

N° RG 19/01623 – N° Portalis DBVI-V-B7D-M4UJ


SB/KS


Décision déférée du 07 Mars 2019 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TOULOUSE ( 17/01044)


P.MUNOZ

[…]

B Z


C/

Société AUSY


Grosse délivrée

le

à


REPUBLIQUE FRANCAISE


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 1

***

ARRÊT DU VINGT ET UN JANVIER DEUX MILLE VINGT DEUX

***

APPELANT

Monsieur B Z

[…]

[…]


Représenté par la SCP CABINET DENJEAN ET ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMÉE Société AUSY

[…]

[…]


Représentée par la SELEURL Société d’Exercice libéral d’Avocat ISNAH, avocat au barreau de PARIS et par la SELAS INTER-BARREAUX ALTIJ, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR


En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 10 Novembre 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant , S.BLUMÉ et N.BERGOUNIOU chargées du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :


S. BLUME, présidente


C. KHAZNADAR, conseillère


N. BERGOUNIOU, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

Greffier, lors des débats : C. DELVER

ARRET :


- CONTRADICTOIRE


- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties


- signé par S. BLUME, présidente, et par C. DELVER, greffière de chambre.

FAITS – PROCEDURE – PRETENTIONS DES PARTIES

Monsieur B Z a été embauché le 8 octobre 2013 par la société AUSY selon contrat de travail à durée indéterminée à temps plein dans la catégorie cadre en qualité de Technicien, 2ème échelon, coefficient 115, position 2.11 de la convention collective SYNTEC.


Dans le cadre de l’exécution de son contrat de travail, il a été affecté à diverses missions au sein

d’entreprises clientes.

la SA AUSY a notifié à Monsieur B Z trois avertissements les 4 juin 2014 ,

25 mars 2015 et 3 mars 2017.


En avril 2015, Monsieur B Z a été élu délégué du personnel.


En avril 2016, Monsieur B Z a sollicité une revalorisation de son salaire et de sa position hiérarchique.


Apres enquête du CHSCT, sa demande a été rejetée par la SA AUSY.


Plusieurs alertes pour danger grave et imminent ont été émises courant 2016 et 2017.
A l’issue d’une réunion des délégués du personnel du 18 janvier 2017, 1e Directeur des Operations, Monsieur X, a déposé une main courante à l’encontre de Monsieur B Z , lui reprochant des propos violents et à caractère sexuel.


Le 31 janvier 2017, la SA AUSY a convoqué Monsieur B Z à un entretien préalable fixé le 17 février 2017 en vue d’une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement.


Le 19 février 2017, Monsieur Y, membre du CHSCT, a formulé une alerte compte tenu de ses craintes quant aux répercussions de l’entretien préalable sur la santé mentale de Monsieur B Z.


Le 3 mars 2017, la SA AUSY a notifié à Monsieur B Z un avertissement.

Monsieur Z a saisi le conseil de prud’hommes le 30 juin 2017 afin que soit prononcée la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de la société AUSY, celle-ci produisant les effets d’un licenciement nul.


Par jugement en date du 7 mars 2019, le conseil de prud’hommes de TOULOUSE, section encadrement, a :


- jugé que la classification de Monsieur B Z est celle de cadre, technicien,

2ème échelon, position 2.1, coefficient 115 de la Convention Collective SYNTEC.


-jugé que la SA AUSY ne s’est rendue responsable d’aucun manquement grave empêchant la poursuite du contrat de travail.


- Qu’elle n’a pas manqué à son obligation de sécurité de résultat.


- Qu’elle n’a pratiqué aucune discrimination à l’encontre de Monsieur B Z en raison de son état de santé et de son appartenance syndicale.


- Qu’elle ne s’est jamais rendue responsable de harcèlement moral à l’encontre de Monsieur B Z.


- Que les avertissements adressés à Monsieur B Z sont parfaitement justifiés.


- jugé que les demandes de Monsieur B Z concernant la résiliation judiciaire de son contrat sont infondées.


-Débouté Monsieur B Z de l’ensemble de ses demandes.


-Débouté Monsieur B Z et de la SA AUSY de leur demande respective au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.


-Condamné Monsieur B Z aux entiers dépens.

***


Par déclaration du 5 avril 2019, Monsieur Z a interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié le 15 mars 2019.

***
Aux termes de ses dernières conclusions communiquées par voie électronique

le 27 octobre 2021, Monsieur Z demande à la cour de déclarer l’appel recevable en la forme, d’infirmer le jugement déféré en ce qu’il l’a débouté de l’ensemble de ses demandes et, statuant à nouveau, de:


-Dire qu’il a été victime de discrimination fondée sur son état de santé et sur son appartenance syndicale ;


-Dire qu’il a été victime de harcèlement moral :


-Dire que la SA AUSY l’ a volontairement maintenu dans une classification inférieure aux fonctions réellement exercées et que sa classification est en réalité la position 2.3, coefficient 150 de la Convention Collective SYNTEC ;


-Annuler l’ensemble des avertissements dont celui du 13 mars 2017 ;


-Prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la SA AUSY pour discrimination et harcèlement moral, celle-ci produisant les effets d’un licenciement nul ;


-Condamner la SA AUSY à lui verser la somme de 30.000 € de dommages-intérêts pour licenciement illicite ;


-Condamner la SA AUSY à lui verser, avec intérêts de droit à compter du jour de la demande, la somme de 9.228,90 € au titre de l’indemnité de préavis outre celle de 922,89 € au titre de l’indemnité de congé payé ;


-Condamner la SA AUSY à lui payer, avec intérêts de droit à compter du jour de la demande, l’indemnité de licenciement à fixer au jour du prononcé de l’arrêt ;


-Condamner la SA AUSY à payer à Monsieur Z, avec intérêts de droit à compter du jour de la demande, la somme de 62.223,84 euros à titre de rappel de salaire sur la base du minimum conventionnel de la position 2.3, coefficient 150 depuis juillet 2014, outre celle de 6.222,38 € au titre des congés payés (sommes à parfaire au jour du prononcé) ;


-Condamner la SA AUSY à lui payer la somme de 20.000 € de dommages-intérêts en réparation de son entier préjudice tiré de la discrimination ;


-Condamner la SA AUSY à lui verser la somme de 15.000 € de dommages-intérêts en réparation du préjudice découlant du harcèlement

moral subi ;


-Condamner la SA AUSY à lui verser la somme de 10.000 € de dommages-intérêts en réparation du préjudice distinct tiré de la violation de l’obligation de sécurité ;


-Condamner la SA AUSY à lui verser la somme de 1.000 € de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral subi du fait des avertissements injustifiés ;


-Ordonner à la SA AUSY la remise des documents de fin de contrat conformes à la décision ;


-Condamner la SA AUSY à lui verser la somme de 4.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
-Condamner la SA AUSY aux entiers dépens ;

***


Aux termes de ses dernières conclusions communiquées par voie électronique

le 26 octobre 2021, la société AUSY demande à la cour de :


A titre principal,


-Confirmer le jugement déféré en ce qu’il a intégralement débouté Monsieur Z de ses demandes ;


-Débouter Monsieur Z de l’ensemble de ses demandes ;


A titre subsidiaire,


Si la cour devait prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail produisant les effets d’un licenciement nul, elle demande à la cour de:


-Ramener le quantum des demandes à de plus justes proportions


-Limiter le quantum sollicité au titre de l’indemnité forfaitaire pour violation du statut

protecteur à la somme de 16.269,12 euros.


-Constater que la demande d’indemnité de licenciement n’est pas chiffrée et en conséquence de ne pas y faire droit ;


-Réduire la demande de Monsieur Z au titre de son indemnité compensatrice de préavis à la somme de 6.972,45 euros ;


En tout état de cause


-Condamner Monsieur Z à la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;


-Condamner Monsieur Z aux dépens.


La clôture a été prononcée par ordonnance du 29 octobre 2021.


Il est fait renvoi aux écritures pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

1- sur la classification


La qualification professionnelle se détermine par référence au contrat de travail, à la convention collective applicable et aux fonctions réellement exercées.


Aux termes de son contrat de travail du 8 mars 2013 et de son avenant

du 9 septembre 2013 M. Z a été engagé en qualité de technicien 2ème échelon (+26 ans) et classé en position 2.11 coefficient 115 de la convention collective Syntec. Il revendique sa classification en position 2.3 coefficient 150 ainsi que le complément de salaire correspondant.


Il relève du statut de cadre ainsi que le mentionnent ses bulletins de salaire.


Aux termes de la convention collective Syntec , la position 2.11 coefficient 115 est attribuée aux 'Ingénieurs ou cadres [âgé de plus de 26 ans] ayant au moins deux ans de pratique de la profession, qualités intellectuelles et humaines leur permettant de se mettre rapidement au courant des travaux d’études. Coordonnent éventuellement les travaux de techniciens, agents de maîtrise, dessinateurs ou employés, travaillant aux mêmes tâches qu’eux dans les corps d’état étudiés par le bureau d’études »


La position revendiquée position 2.3 coefficient 150 de la classification ingénieurs et cadres est définie comme suit: 'Ingénieurs ou cadres ayant au moins six ans de pratique en cette qualité et étant en pleine possession de leur métier ; partant des directives données par leur supérieur, ils doivent avoir à prendre des initiatives et assumer des responsabilités pour diriger les employés, techniciens ou ingénieurs travaillant à la même tâche'.

M. Z soutient que ses missions effectuées de 2013 à 2015 n’étaient pas en adéquation avec sa classification ; qu’il a de fait exercé des fonctions de chef de projet pendant 7 mois jusqu’au 31 mars 2014. Il produit toutefois une fiche de suivi de mission qui ne comporte pas la référence à une mission de chef de projet mais celle

de ' responsable LU'(lower Unit) sur laquelle il ne fournit aucune explication. Par ailleurs le courriel du 11septembre 2013 auquel il renvoie ne comporte pas plus de référence à la fonction de team leader dont il se prévaut.


Le salarié expose également à l’appui de sa demande que les fonctions de support et celles de 'manufacturing engineering’ qu’il a exercées pendant 5 mois dans la société Airbus, de même que la fonction de concepteur étude expérimenté assurée d’octobre à décembre 2014 impliquaient le 'pilotage de compagnons’ pour la réalisation des installations, et la constitution d’une équipe de consultants sur un projet. Aucun des éléments qu’il produit ne permet cependant de déterminer, au-delà de son affirmation, la fonction et les responsabilité effectivement exercées dans le cadre de ces missions.


L’employeur objecte que le salarié a effectué des prestations d’exécution correspondant à son classement , qu’il a coordonné d’autres salariés dans ces missions mais n’a pas dirigé de projet.


Au vu des éléments produits, il n’est pas démontré que le salarié a assuré la direction de projets ni qu’il a, en sa qualité de technicien cadre, dirigé d’autres employés, techniciens ou ingénieurs salariés.


En considération des développements qui précèdent, les premiers juges seront approuvés en ce qu’ils ont rejeté la demande de reclassification formée par le salarié ainsi que sa demande en rappel de salarié afférente.

2-Sur la demande d’annulation d’avertissements


Par application de l’article L. 1333-1 du même code, il revient au juge en cas de litige, d’apprécier la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié étaient de nature à justifier une sanction. L’employeur fournit au juge les éléments retenus pour prendre la sanction. Le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

-sur l’avertissement du 4 juin 2014
Il est reproché au salarié diverses absences, notamment les 17 avril et 26 mai 2014 ainsi qu’une absence le 2 juin 2014 à une formation payée par l’employeur.


Dans le courrier de contestation adressé à l’employeur le 4 juillet 2014 le salarié ne remet pas en cause son absence en formation mais affirme avoir justifié les autres absences par des justificatifs médicaux tels que des certificats médicaux sans alléguer la remise de certificats d’arrêt de travail.


Il n’y a pas lieu à annulation de l’avertissement fondé sur des faits dont la réalité est établie.

-sur l’avertissement du 25 mars 2015


Il est fait grief au salarié d’avoir refusé le 13 mars 2015 d’accomplir une mission au sein de l’entreprise cliente Figeac Aero. Ce fait a été contesté dès le 13 avril 2015 par le salarié et aucun élément probant n’est fourni par l’employeur sur ce point. Cette sanction sera donc annulée.


-sur l’avertissement 3 mars 2017


Aux termes de cet avertissement, mentionné sous la date erronée

du 13 septembre 2018 dans le dispositif des conclusions de l’appelant, les faits reprochés au salarié tiennent à un comportement inadapté et irrespectueux de celui-ci à l’encontre de M. Bukaczewski, directeur des opérations et responsable de l’établissement de Toulouse, au cours d’une réunion des délégués du personnel

du 18 janvier 2017 . Il est ainsi reproché à M. Z d’avoir tenu les propos suivants contre ce directeur: ' je vais te montrer comment je vais t’agresser, je vais te violer sur le parking, tu vas voir ce que ça va te faire.' Ces faits ont donné lieu au dépôt d’une main courante par M. Bukaczewski le jour même. Le salarié conteste avoir tenu une telle attitude et verse aux débats un courrier du 23 mars 2017 émanant de 9 délégués du personnel présents lors de la réunion du 18 janvier 2017 , dans lequel ils ont indiqué au directeur général contester de façon unanime les propos et agissements rapportés dans la lettre d’avertissement.


En l’état des éléments contradictoires produits de part et d’autre, un doute existe sur la réalité des faits sanctionnés. Le doute devant profiter au salarié, cet avertissement sera annulé.


Le salarié ne produit aucun élément justifiant du préjudice subi du fait des deux avertissements insuffisamment justifiés. Sa demande en dommages et intérêts sera rejetée.

2-Sur la discrimination

M. Z soutient qu’il a été victime d’une discrimination syndicale tenant à sa qualité de délégué du personnel à compter d’avril 2015 et d’une discrimination fondée sur son état de son santé.


Selon l’article L. 1132-1 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable, 'aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire directe ou indirecte telle que définie à l’article 1 de la loi du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L 3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m’urs, de son orientation ou identité sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou en raison de son état de santé ou de son handicap. »'


Selon l’article L.2141-5 du code du travail, ''Il est interdit à l’employeur de prendre en considération l’appartenance à un syndicat ou l’exercice d’une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d’avancement, de rémunération et d’octroi d’avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail.'


Les règles de preuve en matière de discrimination sont fixées par l’article L. 1134-1 du code du travail, dans sa version issue de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008.


Le salarié présente des éléments de fait qui laissent supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte ; au vu de ces éléments, il appartient à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.


Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.


En l’espèce, M. Z indique avoir subi une discrimination à partir de sa désignation

en avril 2015 en qualité de délégué du personnel.


Il expose à cette fin:


- qu’il a été maintenu longuement en situation d’inter contrat à compter de sa désignation, qu’ainsi sur l’année 2015 il n’a été affecté sur des missions que pendant 3 mois, pour des périodes n’excédant pas une semaine ; que les missions proposées sur cette période étaient sans lien avec son champ de compétence ou très éloignées géographiquement pour l’empêcher d’exercer son mandat de délégué du personnel ; que l’employeur fait état d’un taux d’intercontrat de 20% au cours des 12 derniers mois qui précèdent, ce dont il se déduit que 80% des salariés étaient envoyés en mission. Il fait valoir qu’il n’est justifié d’aucune plainte de clients susceptible de justifier son absence d’affectation pour des motifs tenant à son comportement.


- que de juin à novembre 2016 il a été abandonné en situation d’intercontrat alors que de nombreux salariés ont été embauchés pour une mission chez Zodiac sur laquelle il s’était pourtant positionné en août. Il produit à cet égard une liste établie par ses soins mentionnant le nom de 19 consultants employés par Ausy et envoyés en mission chez Zodiac . Il soutient qu’il a été écarté de cette mission chez Zodiac en raison de son engagement syndical. Au soutien de cette affirmation il verse à la procédure un document intitulé 'compte rendu de l’entretien du bilan annuel 2016 de B Z'. Il s’agit d’un résumé d’entretien d’évaluation du 27 septembre 2016 établi par M.huyghues-Beaufond délégué du personnel, à l’attention de l’inspecteur du travail, relatant que lors de la présentation du dossier de compétence de M. Z à Zodiac M. Chauvet, manager, a annoncé que M. Z était délégué du personnel CGT et que de ce fait le client n’était pas intéressé en raison d’éventuelles absences en lien avec son mandat.


L’appelant produit également un compte rendu d’entretien d’évaluation

du 27 septembre 2016. Ce document, qui n’est signé ni du salarié ni du supérieur hiérarchique, comporte diverses annotations critiques portées par M. Z, pour certaines manuscrites. Ces appréciations du salarié relèvent de son appréciation subjective et ne sont pas corroborées par des éléments extérieurs probants.
- qu’il n’a reçu aucune mission en 2017.


- qu’il a constaté en juillet 2018 une modification à son insu de son dossier de compétence, soit un retrait d’une mission de contrôle effectuée en 2016 pour une équipe en Inde, expérience recherchée par une entreprise cliente pour un poste de contrôleur en octobre 2017. Il produit sur ce point un courrier adressé à la CNIL

le12 juillet 2018 .


- que le management décousu – établissement de pas moins de 9 fiches de mission successives pour la mission 'Task Force’ chez Airbus entre novembre 2015 et avril 2916 pour corriger des erreurs ou oublis (lieu de prestation, date de début, date de fin, descriptif de mission)- a entraîné des allers et venues entre son lieu de prestation et l’agence d’Ausy, ce qui a motivé une déclaration de danger grave et imminent au mois de mai 2016 .Il produit à l’appui de ce reproche 9 fiches de mission (pièce 103) afférentes à plusieurs missions, rectifiées pour l’une sur la durée du travail (horaire hebdomadaire de 36,5 porté à 38,5 ) pour les autres sur la durée des missions.


- qu’il était le seul salarié à qui il était demandé de justifier de la réalisation de ses heures supplémentaires hebdomadaires alors que son ordre de mission mentionnait sa durée du travail de 38h.Les messages électroniques échangés courant février 2016 entre le salarié et le manager attestent des demandes de justificatifs adressées au salarié sur son temps de travail.


- qu’il a subi une mise à l’écart d’une formation en programmation informatique qu’il avait sollicitée en vue d’une reconversion, mais a en revanche été positionné de façon inadaptée sur une formation destinée aux développeurs et informaticiens confirmés ; qu’il n’a été associé que tardivement à la formation en injection plastique (soit 2 jours avant la date de formation alors que les 11 autres consultants étaient informés par courriel depuis 7 jours) ainsi qu’à la formation JAVA , formation de 12 jours à laquelle il avait candidaté en mars 2018 et à laquelle il a été associé au 3ème jour de formation débutée le 17 juin 2019.


- qu’il a subi une discrimination salariale en ce qu’il a perçu un salaire inférieur

d’au moins 400 euros à la rémunération perçue par les autres consultants sur les mêmes missions. Il expose que sur 157 salariés classés en position 2.1 ,il

perçoit la rémunération la plus basse à Toulouse en dépit de son ancienneté et de ses 12 années d’expérience ; que 30 salariés positionnés sur des classifications inférieures perçoivent un salaire minimum supérieur au sien. Il expose que l’écart de salaire avec le salaire le plus bas de sa catégorie s’établit à 2 083 euros (30 251 euros

contre 28 168 euros). Il se prévaut de la situation de M. Sudre, qui comme lui, classé en position 2.1 coefficient 115 catégorie cadre et disposant d’une ancienneté comparable et d’une formation identique, exerçant des fonctions similaires tout en ayant des compétences et responsabilités moindres, percevait en janvier 2014

un salaire annuel de 33 000 euros. Il précise qu’il percevait après 5 ans de

présence 28 586,66 euros en 2014 .


Il ajoute que la rémunération annuelle brute moyenne des cadres toulousains sur la position 2.11 est de 35 050,50 euros , soit un écart de 8 463,84 euros , qu’il perçoit donc le salaire le plus bas de sa classification. De plus, contrairement aux autres salariés, il n’a pas bénéficié d’augmentation pendant 8 ans de présence au sein de l’entreprise.
-que son manager lors des entretiens annuels n’a émis aucune appréciation objective et positive sur ses compétences et a orienté exclusivement le bilan sur son état de santé, au mépris des recommandations de la CNIL du 11 mai 2011 et de

l’article L1222-2 du code du travail disposant que les informations demandées ne peuvent avoir comme finalité que d’évaluer ses aptitudes professionnelles, sans lien avec la vie privée du salarié. Il verse aux débat un compte rendu d’entretien d’évaluation annuelle du 18 octobre 2014 dans lequel il est relevé beaucoup de retard dans l’envoi des justificatifs d’absence.

***


L’ensemble des éléments ainsi fournis par le salarié laisse supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte au sens de l’article L1134-1 du code du travail et il incombe à l’employeur de démontrer que les agissements et décisions dont se prévaut le salarié sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

***


L’employeur objecte :


- que les périodes d’intercontrat sont inhérentes à l’activité des sociétés SSII, que M. Z a été affecté sur 4 missions après son élection en qualité de délégué du personnel en 2015: du 7 mai au 31 mai 2015, du 10 août au 23 août 2015;

du 24 novembre 2015 au 5 avril 2016. Il mentionne également diverses missions proposées au salarié en 2018 et 2019 chez Latesys, CatiaV5, projet Prayon au sein d’Ausy missions du 28 février 2020 au 30 juin 2020).


La société expose qu’elle rencontre des difficultés à repositionner les salariés du pôle MECA à Toulouse en raison du faible nombre de missions sur ce domaine,

35 consultants MECA ayant été en inter-contrat depuis janvier 2017, de sorte que la situation de M. Z est loin d’être isolée et ne procède pas d’une discrimination syndicale ; qu’en outre certains clients ont exprimé leur insatisfaction à l’égard du comportement de M. Z.


- que le salarié critique l’évaluation faite de son travail dès l’année 2014 , moins d’un mois après son recrutement avant même son mandat syndical , ce qui ne peut relever d’une discrimination syndicale ; que de plus, contrairement aux allégations du salarié, le compte rendu d’évaluation de 2014 ne fait pas état d’arrêts maladie mais d’absence de justification de ses absences, ce qui est sans rapport avec l’état de santé du salarié. Quant au compte rendu d’évaluation de septembre 2015, il évoque un manque d’assiduité du salarié qui a conduit à une fin anticipée de sa mission chez un client (projet MLGB), fait qui est également sans relation établie avec l’état de santé.


- que le salarié a bénéficié de 6 formations , dont 2 en 2015 après son élection en qualité de délégué du personnel ; que le souhait du salarié exprimé lors des entretiens d’évaluation de 2019 et 2020 d’évoluer sur un poste de développeur informatique a été pris en compte, le salarié ayant bénéficié d’une formation JAVA de 12 jours

en juillet 2019 et d’une formation diplômante d’un an sur l’année 2021-2022, ce qui atteste d’un traitement non discriminatoire à l’égard du salarié.

***


La cour relève au vu de l’ensemble des développements qui précèdent, que les explications et éléments fournis par l’employeur permettent de considérer que la discrimination à raison de l’état de santé n’est pas objectivée par l’évaluation établie par le manager du salarié.


En revanche , alors que le salarié a travaillé de façon quasi continue au cours de l’année 2014, la période d’intercontrat au cours de laquelle le salarié ne s’est vu confié aucune mission s’est révélée anormalement longue à compter de son élection en qualité de délégué du personnel en avril 2015. Ainsi sur une période de deux ans suivant son élection , le salarié n’a travaillé en mission que pendant 5 mois .Si l’employeur excipe des difficultés rencontrées pour affecter des missions à l’ensemble des salariés du pôle MECA en raison d’une activité réduite dans le secteur calcul-conception et design, les données chiffrées qu’il fournit sur le nombre de salariés en intercontrat sont contradictoires. Ainsi ses conclusions en appel mentionnent 35 consultants Meca en intercontrat alors que M. Chauvert , manager du Pôle Meca, faisait état lors de son audition par le CHSCT de 17 intercontrats seulement sur un effectif de 84 consultants, sans autre indication sur la durée des périodes sans mission.


Le maintien anormalement prolongé du salarié en intercontrat relève donc d’un traitement spécifique que les éléments produits par l’employeur ne permettent pas de justifier sur une telle durée. Non seulement il nuit à l’employabilité du salarié et freine

son évolution salariale, mais encore il entraine une nécessaire mise à l’écart des missions et gêne l’exercice de son mandat par l’isolement des autres salariés qu’il représente.


De surcroît M. Z justifie percevoir un salaire inférieur au salaire mensuel

moyen tel qu’il ressort du bilan social de la société Ausy établi en 2020 qui mentionne pour les cadres consultants de Toulouse un salaire mensuel brut moyen en 2018

de 3 150 euros , en 2019 de 3 209 euros, en 2020 de 3 199 euros, alors que le salaire mensuel de base de M. Z en 2018 s’élevait à 2 358 euros. Il ajoute que sur 157 salariés placés comme lui dans la catégorie 2.1 coefficient 115 de la convention collective, il perçoit le salaire le plus bas. Il argue également d’une différence de traitement avec M. Sudre qui disposait d’un classement identique, à un âge similaire (né en 1977) et une ancienneté comparable comme ayant été engagé comme lui en octobre 2013 ; M. Z percevant en 2017 un salaire de 2 358,65 euros inférieur à celui que percevait M. Sudre en septembre 2013 de 2 541,67 euros.


Bien que le salarié justifie d’une différence de rémunération par ces éléments de comparaison concernant des salariés placés dans une situation identique, la société Ausy n’établit pas par la production d’éléments objectifs que cette différence de traitement est justifiée par des éléments étrangers à toute discrimination.


Sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres doléances du salarié, la différence de traitement dont le salarié a ainsi fait l’objet est la conséquence d’une discrimination syndicale.


Le jugement entrepris qui a écarté l’existence de cette discrimination sera donc infirmé.


Il sera alloué au salarié la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la discrimination dont il a été victime.

Sur le harcèlement moral


Aux termes de l’article L 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
L’article L 1154-1, issu de la loi du 8 août 2016, prévoit qu’en cas de litige, le salarié concerné doit présenter des éléments de fait qui laissent supposer l’existence d’un harcèlement et il incombe alors à l’employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

M. Z soutient avoir été victime d’agissements répétés de harcèlement moral et excipe de propos dénigrants tenus à son égard par sa hiérarchie, d’accusations fallacieuses sur la qualité de son travail et son manque de motivation, des exigences excessives, des sanctions disciplinaires infondées, des dysfonctionnements managériaux à répétition, tous agissements visant à le pousser à quitter l’entreprise. Monsieur Z fait état d’un management par le stress et la terreur, d’une surcharge de travail, d’ordres contraires et d’une rigueur excessive de sa hiérarchie. Il se prévaut

également du non-respect de sa vie privée, de la méconnaissance par l’employeur des dispositions conventionnelles encadrant les ordres de mission, de l’obligation qui lui a été faite de façon illégale de poser 5 semaines consécutives de congés en 2018, de sanctions disciplinaires abusives.


Il ajoute que les agissements de son employeur ont altéré son état de santé et sont à l’origine de plusieurs arrêts maladie en lien avec un état dépressif induit par la dégradation de ses conditions de travail .


Il fait enfin état d’une absence de traitement par l’employeur des nombreuses déclarations de danger grave et imminent le concernant depuis 2015.


Au soutien de sa demande il produit les éléments suivants:


- un courrier adressé par l’inspecteur du travail au directeur de la société Ausy

le 12 janvier 2015.


Ce courrier d’ordre général porte sur les modalités de décompte des heures de travail des salariés et la mise en place d’un CHSCT dans l’établissement de Toulouse. Il ne comporte aucun élément factuel en lien avec la situation de M. Z et ne peut être pris en compte.


- une lettre de mission fixant son démarrage au 11 août 2014. Cette fiche a été validée par le salarié qui l’a signée , le fait que le salarié ait enchainé sur cette nouvelle mission après une précédente qui prenait fin le 8 août 2014 n’induit pas un dysfonctionnement particulier dans l’organisation du travail du salarié susceptible de caractériser un fait de harcèlement.


- des courriels échangés par M. Z et son manager en octobre et novembre 2014 sur des difficultés informatiques rencontrée lors du démarrage d’une mission.


- un courriel adressé par M. Z à son manager le 10 août 2015 déplorant l’absence d’information des salariés de l’entreprise sur son retour prévu à l’agence le 29 juillet 2015, courrier auquel le manager a répondu dès son retour de congés le 31 août 2015 ainsi qu’il résulte de la production du salarié. Au vu de cette circonstance , cette transmission ne saurait caractériser un agissement de harcèlement.


- 8 courriels adressés au salarié sur sa messagerie professionnelle et non sur sa messagerie personnelle alors que le salarié affirme qu’il était d’usage de s’adresser à lui sur sa messagerie personnelle lorsqu’il n’était pas dans l’entreprise.


- un courrier du directeur des affaires sociales du 15 avril 2015 et un compte rendu de réunion de la CGT suite à une manifestation du 16 avril 2015. Ces éléments, à portée générale, visent à rétablir le dialogue entre la direction de l’entreprise et le syndicat CGT dans un contexte emprunt de tensions après une manifestation dans l’entreprise. Ce document fait état d’un engagement de l’employeur à ne plus prendre 'de mesure disciplinaire à l’encontre de M. Z’ ainsi qu’ 'envers un syndiqué CGT sans discussion au préalable entre le direction et le syndicat CGT Ausy'. Un tel document relate des négociations entre une direction et un syndicat visant à 'temporiser’ le pouvoir disciplinaire de l’employeur, sans relation de fait précis susceptible de caractériser un agissement de harcèlement moral contre le salarié.


- des courriels échangés entre le salarié et des services de la société Ausy courant janvier 2016, en lien avec une absence de transmission d’information ayant retardé l’entrée du salarié sur le site de l’entreprise sur laquelle il était missionné.


- un relevé téléphonique révélant un appel de l’employeur le 24 juin 2014 alors que le salarié était en arrêt maladie, un message téléphonique adressé au salarié

en mai 2015 vers 19h alors qu’il finissait sa journée à 18h, des messages envoyés sur sa messagerie personnelle pendant ses congés courant 2016 , dont les copies illisibles ne permettent pas de connaître l’heure et le contenu. L’envoi de messages au cours d’une période congé du salarié et d’un arrêt maladie dont se prévaut le salarié est resté très ponctuel et ne s’inscrit pas dans une pratique habituelle de l’employeur de nature à caractériser une atteinte à la vie privée du salarié.


- les pages 9 et 10 d’un document que le salarié présente comme un extrait d’un accord collectif. Cet extrait de document non daté et sans aucune référence ne peut être pris en compte.


- quatre ordres de mission entre septembre 2013 et novembre 2015 mentionnant au titre du contenu de la mission concernée l’indication SFX A350 ou support FAL A320 neo FTI. La dénomination par sigles du contenu de ces missions, si concise soit-elle, est propre au secteur d’activité dans lequel évolue le salarié et n’a pas compromis l’accomplissement du travail sollicité. Les ordres de missions confiés à d’autres salariés relèvent de la même présentation formelle, ce qui ne saurait présumer une situation de harcèlement à l’égard de M. Z.


- un courriel de l’employeur du 21 juin 2018 lui imposant de prendre 4 semaines de congés du 20 août au 14 septembre 2018


- une enquête du CHSCT de mars 2019 relative à l’exercice des mandats de délégués du personnel.


- les avertissements des 4 juin 2014, 25 mars 2015 et 3 mars 2017. Il est fait référence sur ce point aux développements qui précèdent relatifs à l’annulation des avertissements des 25 mars 2015 et 3 Mars 2017


- des alertes pour danger grave et imminent effectuées par des délégués du personnel au CHSCT les 5 avril 2016 , 9 mai 2016 , 30 septembre 2016 et 9 février 2017 auxquels il n’a été donné suite par l’employeur.


- une visite médicale auprès du médecin du travail le 8 avril 2015 ainsi que le courrier d’un psychologue de juin 2014 , le dossier médical de la médecine du travail, des certificats médicaux des 2 avril 2015, 1er février 2016 et 25 février 2017.


A l’exception des éléments expressément écartés pour les motifs précédemment énoncés, les faits présentés par le salarié, pris dans leur ensemble, laissent présumer l’existence d’un harcèlement moral.


L’employeur dénie tout fait de harcèlement et fait valoir:


- que le salarié a déploré l’envoi de messages sur son adresse électronique personnelle en juillet 2016 au motif que depuis un an il recevait ses messages sur sa messagerie professionnelle , de sorte que le reproche qu’il fait à l’employeur de lui avoir envoyé des messages sur son adresse professionnelle et non pas sur sa messagerie personnelle est peu sérieux. Les contradictions du salarié sur ce point sont exclusifs de tout fait de harcèlement tenant aux modalités de communication avec l’employeur


- que les difficultés informatiques auxquelles le salarié s’est heurté tenaient à l’incompatibilité de licences entre la société Ausy et la société cliente Sogerma ; qu’il y a été remédié lorsqu’elles ont été signalées ainsi qu’il ressort des courriels produits sur cette période. Au vu de cette explication , ce fait ne peut caractériser un harcèlement.


- qu’il a remédié au dysfonctionnement ponctuel lié aux conditions d’entrée de M. Z sur le site d’Airbus dans les deux jours de la demande de sorte que le salarié a pu assurer la mission qui lui était confiée. Ce fait , étranger à la volonté de l’employeur et auquel il a apporté une réponse adaptée est exclusif de tout harcèlement.


- que les déclarations de danger grave et imminent ont donné lieu à l’ouverture d’enquêtes CHSCT , bien que ne répondant pas aux critères du danger grave et imminent et sont toujours en cours.


- que la demande de prise de congés portait sur 4 semaines dans la période estivale après consultation du comité d’entreprise et pour les nécessités du service conformément à l’article 26 de la convention collective, le salarié ayant été informé par mails des 21 et 25 juin 2019 de la possibilité de demander le changement des dates de congés.


- que le salarié souffrait d’une dépression diagnostiquée le 2 avril 2015 sans lien avec le travail puisqu’il n’était pas en intercontrat et n’était pas élu délégué du personnel.

***


De l’ensemble des développements qui précèdent il ressort que l’employeur n’a pas donné de suite aux déclarations de danger grave et imminent successivement effectuées le 9 mai 2016 par un délégué du personnel secrétaire du CHSCT et

le 9 février 2017 par six membres du CHSCT, toutes motivées par les craintes émises sur l’état de santé mentale de M. Z, en raison des tensions subies au travail, en particulier depuis une situation de mise à l’écart induite par un maintien durable et anormal en intercontrat et en raison de graves difficultés de communication avec son manager. Cette situation, dans un contexte de fortes tensions entre la direction de l’entreprise et les élus des instances représentatives a accentué la dépression diagnostiquée chez le salarié depuis 2015 , relevée par le médecin du travail lors de plusieurs visites ( 6 avril 2015, 12 octobre 2016 , 9 novembre 2016 ) , qui a donné lieu à un suivi psychiatrique du salarié . Les pièces médicales produites relèvent font état chez le salarié de troubles de l’humeur et troubles du sommeil.


Il se déduit de ces constatations que la salarié a subi une situation de harcèlement moral justifiant réparation de son préjudice à hauteur de 7 000 euros.

Sur le manquement à l’obligation de sécurité


En vertu des articles L.4131-2 et L4132-2 du code du travail, le représentant du personnel au comité social et économique qui constate qu’il existe une cause de danger grave et imminent, notamment par l 'intermédiaire d’un travailleur, en alerte immédiatement l’employeur ; celui-ci doit procéder immédiatement à une enquête avec ce représentant et prendre les dispositions nécessaires pour y remédier.


En cas de divergence sur la réalité du danger ou la façon de le faire cesser, le comité social et économique est réuni d’urgence, dans un délai n’excédant pas vingt-quatre heures. L’employeur informe immédiatement l’agent de contrôle de l’inspection du travail et l’agent du service de prévention de la caisse régionale d’assurance maladie qui peuvent assister à la réunion du comité social et économique.


Au cas d’espèce plusieurs déclarations de danger grave et imminent ont été

effectuées , les 5 avril 2016, 9 mai 2016 et 10 octobre 2016 par le secrétaire du CHSCT ainsi quele 9 février 2017 par plusieurs membres du CHSCT afin d’alerter l’employeur sur la situation de M. Z et la dégradation de son état de santé en lien avec une situation d’isolement en inter contrat à domicile, sur des tensions sur le lieu de travail et le sentiment de dévalorisation du salarié , sans que les enquêtes sollicitées aient été ouvertes rapidement ou menées à leur terme et sans que des solutions sérieuses aient été proposées pour remédier aux dangers exposés. L’inspecteur du travail relève dans un courrier adressé à l’employeur le 1er mars 2017 que l’enquête

ouverte en mai 2016 a été interrompue unilatéralement par l’employeur

le 10 octobre 2016 puis rouverte le 24 janvier 2017 , ce qui atteste d’un traitement des déclarations de danger imminent peu conforme aux exigences procédurales applicables en la matière , ci-dessus rappelées .


La demande faite au salarié de consulter le médecin du travail, à laquelle il a donné suite en dépit de réserves initialement exprimées , est une réponse insuffisante pour satisfaire à l’obligation de sécurité, tout comme la mise en place d’une permanence téléphonique destinée aux salariés qui ne saurait caractériser une action de prévention suffisante pour prévenir et remédier aux situation de harcèlement.


Il sera alloué au salarié en réparation du préjudice résultant de ce manquement la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts.

Sur la demande de résiliation du contrat de travail


Le maintien du salarié en situation d’intercontrat sur l’essentiel de la période

d’avril 2015 à avril 2017, soit pendant 43 mois sur 48, procède d’une exécution déloyale du contrat de travail par l’employeur.


De plus la discrimination syndicale dont a fait l’objet le salarié ainsi que la situation de harcèlement subie par le salarié caractérisent des manquements graves de l’employeur justifiant le prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de travail du salarié aux torts de l’employeur.


La résiliation prononcée pour ces manquements produit les effets d’un licenciement nul en application de l’article L. 1235-3-1 du code du travail, le salarié peut prétendre à une

indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des 6 derniers mois.

M. Z , âgé de 41 ans , bénéficie d’une ancienneté de 8 ans dans l’entreprise. Il est justifié de lui allouer la somme de 28 000 euros à titre de dommages et intérêts représentant l’équivalent de douze mois de salaire brut.

Sur les demandes annexes


Il sera ordonné la remise par la SAS Ausy au salarié des documents de fin de contrat conformes au présent arrêt.
La société Ausy partie principalement perdante supportera les entiers dépens de première instance et d’appel.

M. Z est en droit de réclamer l’indemnisation des frais non compris dans les

dépens qu’il a dû exposer à l’occasion de cette procédure. La société Ausy sera donc tenue de lui payer la somme de 3 500 euros en application des dispositions de l’article 700 al.1er 1° du code de procédure civile.


Le jugement déféré est infirmé en ses dispositions concernant les frais et dépens de première instance.


La société Ausy, qui succombe dans ses demandes , sera déboutée de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS


La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort


Ordonne l’annulation des avertissement des 27 mars 2015 et 3 mars 2017


Ordonne la résiliation du contrat de travail de M. Z aux torts de la SAS Ausy


Dit que la résiliation judiciaire du contrat de travail produit les effets d’un licenciement nul,


Condamne la SAS Ausy à payer à M. B Z:


- 28 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul


- 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale


- 7000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral


-1 500 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement de la SAS Ausy à l’obligation de sécurité


- 3 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile


Ordonne la remise par la SAS Ausy à M. B Z des documents de fin de contrat conformes au présent arrêt


Rejette toutes demandes plus amples ou contraires des parties


Condamne la SAS Ausy aux entiers dépens de première instance et d’appel


Déboute la SAS Ausy de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile .


Le présent arrêt a été signé par S.BLUMÉ, présidente et par C.DELVER, greffière.


LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

[…]

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Cour d'appel de Toulouse, 4eme chambre section 1, 21 janvier 2022, n° 19/01623