Cour d'appel de Versailles, 23 octobre 1997

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 23 oct. 1997
Juridiction : Cour d'appel de Versailles

Texte intégral

FAITS ET PROCEDURE :

La Société CAPREMIB, spécialisée dans la fabrication et la commercialisation

d’écrans absorbants anti-bruit à base de béton de bois, a, le 15 septembre 1995, conclu un contrat exclusif de distribution avec la Société AFITEX, elle-même spécialisée dans la commercialisation de produits dans les secteurs du bâtiment et des travaux publics.

Aux termes de ce contrat, elle a confié à la Société AFITEX la vente de ses écrans sur le territoire français métropolitain et dans les DOM-TOM pour une durée de trois années reconductible tacitement d’année en année.

En vertu de l’article V de ce contrat d’agent commercial, la Société AFITEX s’est engagée à 'susciter des commandes correspondant à un chiffre d’affaires annuel HT au moins de 15 millions de francs', bénéficiant en contrepartie d’une commission définie pour chaque affaire, avec un taux minimal de 2 % sur le prix de vente net des opérations conclues pendant la durée du contrat.

La Société CAPREMIB a, par lettre recommandée du 23 octobre 1997, notifié à la Société AFITEX la résiliation du contrat; cette résiliation a été confirmée le 25 novembre 1997, la Société CAPREMIB proposant cependant à son agent de poursuivre leurs relations hors contrat d’exclusivité.

C’est dans ces circonstances que la Société AFITEX a, par acte du 22 juin 1998, assigné la Société CAPREMIB en paiement d’un arriéré de commissions et d’indemnités pour rupture anticipée du contrat, sollicitant dans ses écritures ultérieures la désignation d’un expert en vue de parvenir à l’évaluation du montant des commissions lui restant dues et des diverses indemnités auxquelles elle estimait pouvoir prétendre.

Par jugement du 5 janvier 2000, le Tribunal de Commerce d’EVRY a :

— débouté la Société AFITEX de sa demande d’expertise;

— dit que la résiliation est conforme aux engagements des parties;

— condamné la Société CAPREMIB à payer à la Société AFITEX la somme de 255.679 F (38.978,01 €) au titre des arriérés de commissions;

— débouté la Société AFITEX de ses demandes de dommages-intérêts pour résiliation anticipée du contrat et préjudice commercial;

— condamné la Société CAPREMIB à payer à la Société AFITEX la somme de 516.620 F (78.758,21 €), à titre d’indemnité de clientèle;

— condamné la Société AFITEX à payer à la Société CAPREMIB la somme de 772.299 F (117.736,22 €), à titre de dommages-intérêts pour préjudice subi, et débouté la Société CAPREMIB du surplus de sa demande;

— ordonné la compensation des sommes susvisées;

— débouté les parties de leurs autres et plus amples demandes;

— condamné les Sociétés AFITEX et CAPREMIB aux dépens chacune pour moitié.

Saisie d’un recours formé à l’encontre de cette décision, la Cour d’Appel de PARIS, statuant par arrêt du 31 mai 2002, a confirmé le jugement déféré en ce qu’il a dit conforme aux engagements des parties la résiliation anticipée et immédiate du contrat du 15 septembre 1995, l’a réformé sur les conséquences pécuniaires, et a :

— condamné la Société CAPREMIB à payer à la Société AFITEX la somme de 830,85 € à titre d’arriéré de commissionnement;

— débouté la Société AFITEX de toutes ses autres demandes;

— condamné la Société AFITEX à payer à la Société CAPREMIB la somme de 106.000 € à titre de dommages-intérêts;

— ordonné la compensation entre ces condamnations réciproques;

— condamné la Société AFITEX à payer à la Société CAPREMIB la somme de 4.000 € sur le fondement de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile;

— condamné la Société AFITEX aux dépens de première instance et d’appel.

Sur pourvoi formé par la Société AFITEX, la Cour de Cassation, Chambre Commerciale, Economique et Financière, statuant par arrêt du 28 septembre 2004, a cassé et annulé, mais seulement en ce qu’il a rejeté les demandes 'd’indemnité de clientèle’ et de commissions au titre des marchés conclus pendant la durée du contrat d’agent commercial, l’arrêt rendu par la Cour d’Appel de PARIS, et remis la cause et les parties devant la Cour d’Appel de VERSAILLES.

Elle relève que, pour rejeter la demande 'd’indemnité de clientèle’ formée par la Société AFITEX, l’arrêt retient que le tribunal a jugé à bon droit que les manquements cumulés de la Société AFITEX à ses obligations ont revêtu une telle gravité que le mandant a résilié immédiatement le contrat d’agent sans commettre d’abus.

Elle énonce qu’en statuant ainsi, sans expliquer en quoi les manquements aux obligations contractuelles justifiant la rupture constituaient aussi une faute grave privative de l’indemnité de fin de contrat, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale.

Elle constate que, pour rejeter la demande de la Société AFITEX en paiement de commissions au titre des marchés conclus pendant la durée de son contrat d’agent commercial, l’arrêt retient que le droit à rémunération n’est acquis à la Société AFITEX qu’à la conclusion de l’affaire, c’est-à-dire à la signature de la commande des murs anti-bruit, même si cette signature a lieu après la fin de ses relations contractuelles avec son mandant, mais seulement dans la mesure où cette commande est le fruit des efforts de l’agent.

Elle expose qu’en statuant ainsi, alors que le contrat de distribution exclusif prévoyait une commission sur les opérations conclues pendant la durée du contrat à partir de la date de signature à l’exception des affaires dont la liste était annexée, d’où il résultait que l’agent avait droit à commission pour toutes les autres affaires, la cour d’appel a dénaturé les termes clairs et précis du contrat et a violé les dispositions de l’article 1134 du Code civil.

La Société CHAMPAGNE ARDENNES PREFABRICATION ET MATERIAUX POUR L’INDUSTRIE 'CAPREMIB’ a saisi la Cour de renvoi par déclaration en date du 28 décembre 2004.

En premier lieu en ce qui concerne la réclamation adverse ayant trait à l’indemnité de clientèle, elle fait valoir qu’en réalisant 20 % de l’objectif annuel la première année et 0 % la deuxième année, la Société AFITEX a gravement manqué à ses obligations contractuelles, dans des conditions caractérisant une faute grave privative de l’indemnité de clientèle.

Elle explique que la partie adverse a, en violation de l’article VI du contrat, négligé de remettre, de façon mensuelle la première année, puis trimestrielle la deuxième année, un rapport sur son activité qui aurait mis en exergue sa carence totale dans le démarchage et le suivi de la clientèle.

Elle reproche à la partie adverse d’avoir, en méconnaissance de l’article XIV du contrat, engagé un sous-agent, en l’occurrence la Société JEAN LEFEBVRE, sans le consentement préalable et par écrit du mandant.

Elle soutient que l’agent commercial a porté atteinte à la finalité du mandat d’intérêt commun liant les parties en se contentant de remettre aux prospects des offres de prix dépourvues d’effet, dès lors qu’elles n’étaient pas suivies de contacts avec ces clients potentiels.

Elle ajoute, à titre subsidiaire, que la Société AFITEX, qui n’a traité qu’une affaire en août 1996, et qui n’a suscité aucune commande au cours de la deuxième année, ne saurait prétendre à une indemnité de clientèle d’un montant égal au double de la seule commission à laquelle elle a pu prétendre.

En second lieu relativement à la demande de commissions, la Société CAPREMIB expose qu’il résulte de l’ensemble des clauses contractuelles, qui doivent s’interpréter les unes par rapport aux autres, que le droit à commission du mandataire était subordonné à l’intervention de l’agent qui doit susciter puis conclure des commandes.

Elle constate que la partie adverse a été intégralement réglée des commissions qui lui étaient dues dans le cadre du chantier de l’A 43 négocié avec le client BLANCO, seule affaire traitée conjointement par les deux parties dans le cadre du contrat de distribution conclu entre elles.

Elle considère qu’à l’exception de ce chantier, la Société AFITEX ne justifie pas que d’autres commandes résultant de son activité d’agent commercial auraient été conclues pendant la durée des relations contractuelles, ce qui ne lui ouvre droit à aucun rappel de commissions au titre d’affaires non personnellement conclues par lui.

Elle en déduit que, pour la même raison, l’agent commercial ne saurait prétendre à l’obtention de commissions sur des affaires conclues postérieurement à la résiliation du contrat, faute par lui d’établir qu’il serait personnellement intervenu dans la conclusion de ces affaires.

Par voie de conséquence, la Société CAPREMIB demande à la Cour d’infirmer le jugement déféré en ce qu’il a accordé une indemnité de clientèle et un arriéré de commissions en faveur de la Société AFITEX, de débouter cette dernière de ses réclamations, et de la condamner au paiement de la somme de 8.000 € au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La Société AFITEX sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu’il a condamné la Société CAPREMIB au paiement, à titre d’indemnité de clientèle, de la somme de 78.528,21 €, correspondant à deux années de commissions, sauf à y ajouter les intérêts de droit à compter du 22 juin 1998 jusqu’à parfait paiement, avec capitalisation des intérêts.

Elle explique qu’elle n’a commis aucune faute grave qui justifierait qu’elle soit privée du versement de l’indemnité de clientèle.

Elle constate qu’à aucun moment dans son courrier de résiliation, la partie adverse n’a invoqué une quelconque faute grave à l’égard de l’agent commercial, auquel elle proposait d’ailleurs de poursuivre les relations commerciales dans le cadre d’un contrat sans exclusivité.

Elle relève que, s’agissant du secteur du bâtiment et des travaux publics, dans lequel les marchés sont longs à se débloquer entre la date de la première proposition et celle de la conclusion du marché, les efforts commerciaux développés par elle n’ont pu produire immédiatement leurs effets.

Elle conteste le manquement qui lui est reproché, lié à l’absence de rapports d’activité, lequel n’est pas expressément visé dans la lettre de notification de la résiliation du contrat liant les parties.

Elle observe que la partie adverse, qui se réservait le chiffrage des offres et leur transmission au prospect dès que les coordonnées de celui-ci lui étaient connues, n’est pas fondée à lui imputer un défaut de diligences dans le suivi de la négociation avec la clientèle.

Elle soutient que, loin d’être un sous-agent qu’elle aurait irrégulièrement engagé, la Société JEAN LEFEBVRE était un des principaux acteurs dans le domaine des travaux publics, et à ce titre cliente de la Société CAPREMIB.

Elle s’estime bien fondée à solliciter la condamnation de cette dernière à lui verser, à titre d’indemnité de clientèle, l’équivalent de deux années de commissions, la réalité de son intervention étant démontrée par le chiffre d’affaires réalisé au cours de la période contractuelle sur le territoire qui lui avait été concédé à titre exclusif.

Elle rappelle qu’en application de l’article L 134-6 alinéa 2 du Code de commerce, elle a droit, compte tenu de l’exclusivité territoriale qui lui avait été concédée, à une commission, directe ou indirecte, sur toute opération conclue avec une personne appartenant à ce secteur géographique, alors même qu’elle n’aurait pas négocié l’affaire.

Elle en déduit que son droit au paiement de commissions lui est acquis pour l’ensemble des commandes souscrites par les entreprises sises dans le ressort du territoire contractuel pendant la période d’exécution du contrat.

Elle demande à la Cour de condamner la Société CAPREMIB à lui payer, à titre d’arriéré de commissions, la somme de 36.118 € HT, sauf à parfaire, outre celle de 61.000 € HT, correspondant aux commissions échues dans les vingt mois ayant suivi la résiliation du contrat.

Subsidiairement, elle conclut à l’institution d’une mesure d’expertise, afin que soit déterminé le chiffre d’affaires réalisé sur le territoire contractuel, pendant la période d’exécution du contrat et l’année postérieure, ces éléments devant permettre de chiffrer les commissions qui lui sont dues.

Elle sollicite également la condamnation de la partie adverse, sous astreinte définitive de 500 € par jour de retard à l’issue d’un délai de quinze jours à compter du prononcé de l’arrêt à intervenir, à communiquer copie des marchés, factures, bons de commande émis sur le territoire contractuel, à savoir l’intégralité du territoire français, à partir du 1er septembre 1995 jusqu’au 25 novembre 1997, puis du 25 novembre 1997 au 25 novembre 1998, ainsi que l’ensemble des marchés conclus avec les donneurs d’ordre et maîtres de l’ouvrage sur le ressort du territoire français pendant ladite période.

Elle réclame en outre la somme de 4.000 € sur le fondement de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La procédure a été communiquée au Ministère Public le 26 septembre 2005.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 8 novembre 2005.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur la demande en paiement d’une indemnité de clientèle :

Considérant qu’en application des dispositions de l’article L 134-13 alinéa 1° du Code de commerce, l’agent commercial ne peut pas prétendre à l’indemnité de fin de contrat prévue à l’article L 134-12 si la cessation du contrat est provoquée par sa faute grave;

Considérant qu’il est constant que c’est au mandant de rapporter la preuve de la faute commise par l’agent commercial, et de nature à l’exonérer de son obligation de payer cette indemnité;

Considérant qu’il est admis que la faute grave est celle qui porte atteinte à la finalité commune du mandat d’intérêt commun et rend impossible le maintien du lien contractuel;

Or considérant qu’il doit être observé que, ni la lettre de résiliation notifiée par lettre recommandée du 23 octobre 1997, ni le courrier en date du 25 novembre 1997 réitérant cette résiliation à l’initiative de la Société CAPREMIB, n’invoquent un quelconque manquement spécifique de la Société AFITEX, susceptible d’être assimilé à une faute grave;

Considérant qu’au demeurant, dans son écrit en date du 23 octobre 1997, la Société CAPREMIB fait part de son souhait de ramener les relations commerciales entre les parties à des opérations 'd’opportunité’ (type A 43) devant leur permettre de : 'bénéficier ensemble de conditions exceptionnelles', tout en indiquant accepter de : 'développer avec son agent commercial le nouveau produit ATALU composé de béton de bois';

Considérant qu’aux termes de son second courrier adressé le mois suivant à la partie adverse, elle se contente d’indiquer que le marché des écrans anti-bruit 'nécessite des moyens technico-commerciaux spécifiques et motivés qu’AFITEX n’a pas développés', et que 'seul le chantier de l’A 43 aura été traité par AFITEX dans des conditions exceptionnelles utiles à nos deux sociétés', sans pour autant expliciter en quoi l’agent commercial aurait gravement failli à ses obligations contractuelles;

Considérant qu’à cet égard, si elle avait estimé que les manquements imputables à son mandataire étaient d’une gravité telle qu’ils faisaient obstacle à une poursuite ultérieure des relations commerciales avec ce dernier, elle ne lui aurait pas proposé de continuer leur collaboration, fût-ce en dehors de toute exclusivité, et elle ne lui aurait pas exprimé son souhait de le rencontrer au sujet des ATALU afin que soit mis en place 'un contrat spécifique à ce produit qui inclura des exclusivités réciproques’ (paragraphes 4 et 7 de la lettre adressée le 25 novembre 1997 à la Société AFITEX);

Considérant que, dès lors, il apparaît que la proposition, clairement exprimée dans ces deux courriers successifs, de prolonger sous une forme différente le partenariat entre les parties est incompatible avec l’allégation de prétendues fautes graves commises par l’agent commercial et de nature à le priver du bénéfice de l’indemnité de fin de contrat;

Considérant qu’à titre surabondant, s’il est acquis aux débats que la Société AFITEX est loin d’avoir atteint, au cours des deux années d’exécution du contrat, le chiffre d’affaires qui lui avait été assigné, – ce qui a justifié le prononcé de la résiliation à ses torts exclusifs -, il ne peut toutefois être sérieusement reproché à l’agent commercial une absence totale de démarchage, laquelle est contredite par les documents communiqués dans le cadre de la présente instance;

Considérant que, si l’article VI du contrat liant les parties faisait obligation à l’agent commercial d’adresser régulièrement à son mandant des rapports écrits sur son activité, force est cependant de constater qu’à aucun moment, tant au cours de l’exécution qu’à l’époque de la résiliation du contrat, un tel grief n’a été émis à l’encontre de la Société AFITEX, laquelle, pour sa part, affirme qu’elle transmettait habituellement à la Société CAPREMIB les informations relatives aux prospects s’étant déclarés intéressés par les produits de cette dernière;

Considérant que, de même, la publication dans une revue spécialisée du BTP ('Le Moniteur'), quelques mois après la rupture, d’un article destiné à faire la promotion des produits fabriqués et commercialisés par la Société CAPREMIB, n’apparaît pas constitutive d’une infraction à l’article VII du contrat, lequel fait obligation à l’agent commercial de soumettre au mandant tout élément de promotion de vente et de publicité relatif aux produits 'dans la mesure où il l’estimera nécessaire';

Considérant qu’en effet, la Société AFITEX explique, sans être sérieusement contredite sur ce point, que les informations données par elle au journaliste de cette revue avaient été communiquées à ce dernier durant la période d’exécution du contrat;

Considérant que la Société AFITEX ne peut non plus se voir reprocher de n’avoir pas procédé à la désignation d’un responsable produit chargé d’assurer, conformément à l’article VIII du contrat, la liaison technico-commerciale entre le mandant et l’agent, alors même qu’il résulte des écritures échangées entre les parties que deux personnes ont été successivement désignées par elle en tant qu’interlocuteurs de la Société CAPREMIB;

Considérant que, par ailleurs, s’il est établi que la Société JEAN LEFEBVRE a adressé à la Société AFITEX une facture d’un montant HT de 15.000 F (2.286,74 €) à titre de rémunération de son 'assistance commerciale', il ne s’infère pas clairement des documents produits aux débats que cette société serait intervenue sur le marché de l’autoroute A 43 en qualité de sous-agent;

Considérant qu’en toute hypothèse, la Société CAPREMIB n’avait auparavant jamais exprimé une quelconque doléance quant à la participation de cette entreprise tierce à la mise en oeuvre d’un marché apparemment conclu à la satisfaction des deux parties;

Considérant qu’au regard de ce qui précède, c’est à bon droit que, tout en relevant que la résiliation anticipée du contrat, intervenue conformément aux engagements souscrits par les parties, ne revêt aucun caractère abusif, les premiers juges ont énoncé que la Société AFITEX est en droit de prétendre au bénéfice d’une indemnité de fin de contrat, dite 'indemnité de clientèle';

Considérant qu’aux termes de l’article L 134-12 du Code de commerce, 'en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l’agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi';

Considérant qu’en l’occurrence, dans l’appréciation du montant de l’indemnité devant être attribuée à la Société AFITEX, il doit être tenu compte de la faible durée des relations contractuelles, à peine supérieure à deux années, ainsi que du nombre modeste de commandes générées par les diligences de l’agent commercial en cours d’exécution du contrat;

Considérant que, dès lors, en fonction des circonstances de l’espèce, il y a lieu de fixer ce montant à l’équivalent de la moitié de la commission perçue par la Société AFITEX au titre de la première année contractuelle, soit 19.689,55 €, arrondi à la somme de 20.000 €;

Considérant que, par voie de conséquence, il convient, en infirmant sur le quantum le jugement déféré, de condamner la Société CAPREMIB au paiement de ladite somme de 20.000 €, et de débouter la Société AFITEX du surplus de sa réclamation principale;

Considérant qu’en raison du très long délai qui s’est écoulé depuis l’introduction de la présente procédure, la condamnation susvisée doit être majorée, à titre de dommages-intérêts complémentaires, des intérêts au taux légal à compter du 22 juin 1998, date de l’assignation introductive d’instance;

Considérant qu’il y a en outre d’ordonner la capitalisation des intérêts, par application de l’article 1154 du Code civil, à compter de la demande formée pour la première fois par conclusions du 24 mai 2005.

Sur la demande en paiement des commissions :

Considérant qu’en application de l’article L 134-6 alinéa 2 du Code de commerce, lorsque l’agent commercial est chargé d’un secteur géographique, il a droit à une commission, dite indirecte, pour toute opération conclue avec une personne appartenant à ce secteur ou à ce groupe, alors même qu’il n’aurait pas négocié l’affaire;

Considérant qu’en l’occurrence, aux termes de l’article XI du contrat d’agence commerciale, les parties sont convenues que : 'l’agent bénéficiera d’une commission sur les opérations conclues pendant la durée du contrat à partir de la date de signature, à l’exception des affaires dans la liste ci-jointe en annexe';

Considérant qu’il résulte de cette stipulation que la Société AFITEX peut prétendre à une commission sur toutes les commandes passées sur le territoire français au cours de la période d’exécution du contrat, autres que celles se rapportant à des affaires figurant à l’annexe susvisée;

Considérant que la Société CAPREMIB, se prévalant des articles XI dernier alinéa et X du contrat, fait valoir que le droit à commission ne serait ouvert à la Société AFITEX que dans la mesure où la commande est le fruit des efforts de cette dernière;

Mais considérant que, d’une part, l’article XI paragraphe 5, suivant lequel :

'toutes les dépenses supportées par l’agent dans l’exécution de ce contrat sont considérées comme couvertes par la commission prévue par cet article', signifie uniquement que l’agent

commercial ne peut solliciter le remboursement des frais exposés à l’occasion d’affaires négociées par lui, sans pour autant subordonner son droit à commission aux seules commandes dans lesquelles il est intervenu;

Considérant que, d’autre part, il ne peut se déduire de l’article X, prévoyant que : 'si le client s’avère défaillant, l’agent ne bénéficiera d’aucune commission sur l’affaire concernée', que le mandataire ne peut prétendre à un commissionnement que sur les seules affaires menées à bien par lui;

Considérant qu’au surplus, aucun amalgame ne peut être effectué entre le droit à commission dont les modalités sont édictées par l’article XI susvisé de ce contrat, et les objectifs contractuels assignés à l’agent commercial en vertu de l’article V de ce contrat;

Considérant qu’il s’ensuit que le droit de la Société AFITEX au paiement des commissions lui est acquis pour l’ensemble des opérations conclues dans le ressort du territoire contractuel pendant la période d’exécution du contrat, à l’exception de celles afférentes à des affaires visées en annexe;

Considérant que le jugement déféré doit donc être confirmé en ce qu’il a reconnu le droit à commissions de l’agent commercial, et condamné la Société CAPREMIB au versement d’un arriéré de commissions;

Considérant que, toutefois, dans la mesure où n’est pas produit aux débats l’ensemble des documents commerciaux et comptables permettant à la Cour de déterminer le montant des commissions auxquelles peut prétendre la Société AFITEX à partir des commandes menées à bonne fin en cours d’exécution du contrat, une expertise judiciaire doit être ordonnée, aux frais avancés de cette dernière, mission étant également confiée à l’expert de fournir tous éléments permettant d’évaluer, conformément aux dispositions de l’article L 134-7 du Code de commerce, le montant des commissions dues au titre des affaires conclues, durant l’année postérieure à la résiliation du contrat, consécutivement à l’intervention de l’agent commercial;

Considérant qu’il sera statué sur les demandes accessoires respectivement présentées par chacune des parties, après réouverture des débats postérieurement au dépôt du rapport d’expertise.

PAR CES MOTIFS,

Statuant en audience publique, par arrêt contradictoire, en dernier ressort, et sur renvoi après cassation partielle de la décision de la Cour d’Appel de PARIS en date du 31 mai 2002 par arrêt prononcé le 28 septembre 2004 par la Cour de Cassation,

CONFIRME le jugement du Tribunal de Commerce d’EVRY en ce qu’il a reconnu le droit de la Société AFITEX au paiement d’une indemnité de clientèle et d’un arriéré de commissions;

L’INFIRME sur le montant des condamnations prononcées à ces deux derniers titres, et statuant à nouveau :

CONDAMNE la Société CAPREMIB à payer à la Société AFITEX, à titre d’indemnité de clientèle, la somme de 20.000 €, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 22 juin 1998;

ORDONNE la capitalisation des intérêts, par application de l’article 1154 du Code civil, par année entière à compter du 24 mai 2005;

Avant dire droit sur la détermination du montant de l’arriéré de commissions restant dû à la Société AFITEX, ORDONNE une mesure d’expertise;

DESIGNE Monsieur X Y Z, XXX, avec pour mission de :

— se faire communiquer l’ensemble des marchés conclus entre la Société CAPREMIB et les divers donneurs d’ordre et maître de l’ouvrage, sur l’ensemble du territoire français, au cours de la période d’exécution du contrat d’agence commerciale, soit à compter du 15 septembre 1995 jusqu’au 23 octobre 1997, ainsi que durant l’année postérieure à la résiliation du contrat, soit du 24 octobre 1997 au 23 octobre 1998;

— se faire communiquer également l’ensemble des documents commerciaux et comptables permettant de déterminer le droit à commissions de la Société AFITEX pendant les périodes susvisées;

— sur la base de ces documents, fournir à la Cour tous éléments la mettant en mesure de fixer le montant des commissions dues à la Société AFITEX sur l’ensemble des opérations conclues pendant la période d’exécution du contrat d’agence commerciale (exception faite des affaires visées dans la liste annexée au contrat);

— sur la base de ces documents, fournir également à la Cour tous éléments lui permettant de fixer le montant des commissions dues à la Société AFITEX au titre des opérations conclues durant l’année ayant suivi la résiliation du contrat d’agence commerciale, et générées par l’activité exercée par l’agent commercial en cours d’exécution du contrat;

— faire le compte entre les parties;

FIXE à 5.000 € la provision, à valoir sur le montant des honoraires dûs à l’expert, que la Société AFITEX sera tenue de consigner au Greffe de la Cour d’Appel de VERSAILLES, au plus tard avant le 30 avril 2006;

DIT qu’à défaut de consignation dans le délai imparti, la mesure d’expertise sera caduque, sauf prorogation du délai ou relevé de forclusion conformément aux dispositions de l’article 271 du nouveau Code de procédure civile;

DIT que l’expert judiciaire devra déposer rapport de ses opérations dans un délai de quatre mois à compter de l’avis du versement de la consignation;

DIT qu’en cas d’empêchement de l’expert, il sera procédé à son remplacement sur simple requête;

DESIGNE le Conseiller de la mise en état pour suivre les opérations d’expertise;

DIT qu’il sera statué sur les demandes accessoires des parties, après réouverture des débats postérieurement au dépôt du rapport d’expertise;

RESERVE les dépens.

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