Cour d'appel de Versailles, 12ème chambre section 2, 10 septembre 2009, n° 07/03960

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 12e ch. sect. 2, 10 sept. 2009, n° 07/03960
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 07/03960
Décision précédente : Tribunal de commerce de Nanterre, 23 avril 2007, N° 2004F01521
Dispositif : Expertise

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

12e chambre section 2

XXX

D.C./P.G.

ARRET N° Code nac : 39C

contradictoire

DU 10 SEPTEMBRE 2009

R.G. N° 07/03960

AFFAIRE :

S.A.R.L. HEVA PRODUCTION

C/

Société TELEVISION FRANCAISE 1 'TF1", S.A.


Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 24 Avril 2007 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° chambre : 3

N° Section :

N° RG : 2004F01521

Expéditions exécutoires

Expéditions

délivrées le :

à :

SCP JUPIN & ALGRIN

SCP LISSARRAGUE DUPUIS BOCCON GIBOD

Me Claire RICARD

SCP BOITEAU PEDROLETTI

service des expertises (3)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE DIX SEPTEMBRE DEUX MILLE NEUF,

La cour d’appel de VERSAILLES, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

S.A.R.L. HEVA PRODUCTION Immatriculée au registre du commerce et des sociétés 353 627 037 RCS PARIS, ayant son siège 23, XXX, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

représentée par la SCP JUPIN & ALGRIN, avoués – N° du dossier 0023606

Rep/assistant : Me Philippe BIARD, avocat au barreau de PARIS (D.0043) et

Me J CASTELAIN, avocat au barreau de PARIS.

APPELANTE

****************

Société TELEVISION FRANCAISE 1 'TF1", S.A. Immatriculée au registre du commerce et des sociétés 326 300 159 RCS NANTERRE, ayant son siège XXX, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

ET APPELANTE INCIDEMMENT

SASU UNE MUSIQUE, exerçant sous le nom commercial 'TF1 MUSIQUE', S.A.S. Immatriculée au registre du commerce et des sociétés 348 001 082 RCS NANTERRE, ayant son siège 305 avenue Le Jour Se lève XXX, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

ET APPELANTE INCIDEMMENT

représentées par la SCP LISSARRAGUE DUPUIS BOCCON GIBOD, avoués – N° du dossier 0744157

Rep/assistant : Me Louis BOUSQUET, avocat au barreau de PARIS (B.0481).

Société GMT PRODUCTIONS, S.A.S. Immatriculée au registre du commerce et des sociétés 342 171 667 RCS NANTERRE, ayant son siège XXX, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

représentée par Me Claire RICARD, avoué – N° du dossier 270348

Rep/assistant : Me Dominique DE LEUSSE, avocat au barreau de PARIS (M.1588).

Madame H Y épouse X représentant légal de sa fille mineure Mademoiselle A X, prise en sa qualité de seule ayant droit de son père, Monsieur I X demeurant XXX

représentée par la SCP BOITEAU PEDROLETTI, avoués – N° du dossier 18140

Rep/assistant : Me Marie-Avril ROUX, avocat au barreau de PARIS (R.246).

INTIMES

****************

Composition de la cour :

L’affaire a été débattue à l’audience publique du 19 Mai 2009, Monsieur Denis COUPIN, conseiller, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Monsieur Albert MARON, Président,

Monsieur Denis COUPIN, conseiller, (rédacteur)

Madame Marion BRYLINSKI, conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Marie-Thérèse GENISSEL

FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES

Selon divers contrats conclus entre 1990 et 2000, monsieur I X a vendu la totalité de ses droits d’exploitation sur toutes les musiques de films qu’il avait composées à la société HEVA PRODUCTION qui a pour activité la production et l’édition musicale de ces 'uvres, dont il était, par ailleurs, associé.

La société HEVA PRODUCTION a régulièrement déclaré et déposé à la SACEM ces musiques.

Monsieur X est décédé en 2002 laissant pour unique héritière sa fille mineure A X.

Constatant que certains des épisodes de la série télévisée « F LESCAUT » utilisaient, selon elle, des éléments extraits des musiques de deux films : CRIMES JARDIN et AMOUR ET CHOCOLAT, la société HEVA PRODUCTION a assigné, le 17 avril 2003, devant le tribunal de commerce de Nanterre les sociétés TELEVISION FRANCAISE 1, aussi désignée TF 1, GMT PRODUCTIONS et UNE MUSIQUE en contrefaçon. Elle demandait que soit ordonnée la cessation de cette utilisation, de la diffusion télévisée et de la vente de ces musiques, que les trois sociétés assignées soient condamnées in solidum à lui reverser les droits perçus au titre des 'uvres contrefaites, ainsi qu’à lui payer une somme de 1.000.000 euros de dommages et intérêts, qu’elle a ultérieurement portée à 2.000.000 euros, et 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Se prévalant de cessions que monsieur X leur avait consenties en 1994, 1999 et 2000 des droits exclusifs sur les musiques destinées à illustrer les épisodes incriminés, les sociétés défenderesses ont appelé à la cause, le 19 mars 2004, mademoiselle A X pour obtenir sa garantie.

Cette dernière, représentée par sa mère madame H X, née Y, a opposé une irrecevabilité des demandes formées par la société HEVA PRODUCTION, a sollicité qu’il soit sursis à statuer en raison d’une action pénale, et a demandé subsidiairement la résolution de tous les contrats de cession de droits conclus entre son père et la société HEVA PRODUCTION.

Elle a discuté la réalité de la contrefaçon alléguée et a conclu au débouté des sociétés HEVA PRODUCTION, TF 1, GMT PRODUCTIONS et UNE MUSIQUE.

Par jugement du 24 avril 2007, le tribunal de commerce :

— a déclaré recevable la société HEVA PRODUCTION en ses demandes à l’encontre des sociétés TF 1, GMT PRODUCTIONS et UNE MUSIQUE,

— a débouté mademoiselle X de son exception de sursis à statuer,

— l’a déclarée irrecevable en ses demandes additionnelles ne se rattachant pas par un lien suffisant à l’action en contrefaçon, autres que celles relatives aux films incriminés,

— a déclaré prescrite l’action en nullité contre les trois contrats d’édition signés entre monsieur X et la société HEVA PRODUCTION,

— a, en revanche, prononcé leur résiliation à effet du 17 avril 2003 aux torts de HEVA PRODUCTION,

— a dit qu’il n’y avait pas eu contrefaçon des musiques de ces films,

— a, en conséquence, débouté la société HEVA PRODUCTION de toutes ses demandes,

— l’a condamnée au paiement d’indemnités pour frais irrépétibles à raison de 1.500 euros à chacune des sociétés TF 1, GMT PRODUCTIONS et UNE MUSIQUE et de 1.000 euros à mademoiselle X,

— l’a condamnée aux dépens.

La société HEVA PRODUCTION a interjeté appel à l’encontre de toutes les parties.

Par conclusions signifiées le 15 janvier 2009, elle soutient sa parfaite recevabilité à agir en expliquant que l’apport fait à la SACEM de ses droits de représentation et de reproduction ne la prive pas de la faculté d’agir pour en demander la protection.

Elle ajoute qu’en tout état de cause, l’apport à la SACEM ne la rendrait irrecevable que pour les droits d’exécution publique ou de reproduction mécanique, circonstances dont ne relèvent pas les exploitations contrefaisantes.

Approuvant les motifs des premiers juges, elle tient pour irrecevable la demande reconventionnelle additionnelle de mademoiselle X en résolution ou résiliation de la totalité des contrats de cession signés entre monsieur X et la société HEVA PRODUCTION dès lors que tous les films visés, à l’exception des litigieux, ne sont pas concernés par les actes de contrefaçon.

Elle discute l’affirmation d’une absence de cause des contrats en relevant que mademoiselle X tente, pour des raisons liées à la prescription, de dissimuler en demande de résiliation une action en nullité des contrats.

Elle expose qu’elle est titulaire des droits exclusifs d’exploitation des musiques des trois films « Ambassade en folie », « Crimes et jardins » et « Amours et chocolat » selon les contrats des 06 décembre 1990, 04 mars 1991 et 03 mars 1993.

Se prévalant d’un rapport d’expertise amiable établi par monsieur Z, elle fait valoir que les sociétés TF 1, GMT PRODUCTIONS et UNE MUSIQUE ont repris des éléments de ces musiques à l’identique avec la même orchestration en les extrayant de la même bande sonore, dans les téléfilms qui ont été diffusés, commercialisés en vidéogrammes et cédés à des chaînes étrangères.

Elle en déduit que ces sociétés ont violé, en toute connaissance de cause et de manière répétée, les droits d’exploitation qu’elle détient sur ces 'uvres, protégés au titre des droits d’auteur.

Elle critique le jugement et, notamment, en ce qu’il a retenu que ces oeuvres ne seraient pas originales. Elle soutient que la seule circonstance qu’elles seraient des musiques d’ambiance ne la prive pas de la protection des dispositions du code de la propriété intellectuelle. Elle relève que les sociétés TF 1, GMT PRODUCTIONS et UNE MUSIQUE ne lui opposent aucune antériorité qui leur permettrait de discuter l’originalité des créations.

Elle demande, en conséquence, à la cour, d’infirmer le jugement du chef de la contrefaçon, de condamner solidairement les sociétés TF 1, GMT PRODUCTIONS et UNE MUSIQUE à cesser toute utilisation, reproduction, représentation et exploitation des oeuvres en cause sans son autorisation sous astreinte de 100.000 euros par infraction, à retirer de la vente toutes vidéocassettes ou DVD ou autres supports reproduisant les musiques.

Elle s’oppose à la demande de mademoiselle X en résiliation des contrats de cession qu’elle a signés avec monsieur X en expliquant qu’elle a rempli l’ensemble de ses obligations contractuelles et qu’elle a assuré l’exploitation des droits, dans le contexte de ces 'uvres et selon les usages de la profession, qui demeure une obligation de moyens.

Elle conclut sur ce point à l’infirmation du jugement qui a prononcé la résiliation des trois contrats à effet du 17 avril 2003, date de l’assignation.

Elle demande à la cour de déclarer nuls les contrats de cession conclus entre monsieur X et les sociétés TF 1, GMT PRODUCTIONS et UNE MUSIQUE portant sur les musiques des trois films « Ambassade en folie », « Crimes et jardins » et « Amours et chocolat » en fraude de ses droits et de prononcer l’annulation des dépôts à la SACEM auxquels les sociétés UNE MUSIQUE et GMT PRODUCTIONS ont procédés.

Elle soutient que son préjudice est constitué de la perte des redevances perçues par les sociétés UNE MUSIQUE et GMT PRODUCTIONS qui devront les lui reverser, dont elle demande la confiscation en sollicitant, à titre provisionnel, 70.000 euros.

Elle y ajoute le gain manqué, selon son tarif catalogue, au titre du droit de synchronisation des musiques et qui correspond à la re-facturation du coût des enregistrements qu’elle a fait réaliser.

Elle chiffre ainsi à 2.610.000 euros les sommes qu’elle aurait dû percevoir au titre du droit d’utilisation des musiques contrefaisantes et en réclame l’indemnisation aux sociétés TF 1, GMT PRODUCTIONS et UNE MUSIQUE.

Elle demande que soient ordonnées, d’une part, la publication de l’arrêt à intervenir dans trois journaux ou revues de son choix et, d’autre part, la remise par les sociétés TF 1, GMT PRODUCTIONS et UNE MUSIQUE de l’intégralité des épisodes « F LESCAUT » mentionnant monsieur X en qualité de compositeur et, enfin, la réouverture des débats sur l’évaluation du préjudice résultant des éventuels actes de contrefaçon pouvant être établis à la suite de cette remise.

A titre subsidiaire, elle demande la désignation d’un expert pour procéder à un examen comparatif des oeuvres afin que soient confirmées de manière contradictoire, les conclusions de monsieur Z et pour recenser les épisodes de la série qui ont été diffusés.

Elle réclame enfin la condamnation des sociétés TF 1, GMT PRODUCTIONS et UNE MUSIQUE à lui payer 35.885,62 euros TTC sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Les sociétés TF 1 et UNE MUSIQUE répondent ensemble en dénonçant la légèreté dont fait preuve la société HEVA PRODUCTION dans la conduite de la procédure comme la confusion qu’elle tente de semer et demandent que soient écartées des débats les pièces de la société HEVA PRODUCTION numérotées 16, 17, 18, 40, 48bis, 49bis et 61, communiquées le 20 mars 2009.

Elles tiennent pour irrecevables les demandes de la société HEVA PRODUCTION en expliquant que celle-ci, en sa qualité d’adhérente, a cédé à la SACEM les droits d’autorisation et d’interdiction de l’exécution, de la représentation publique et de la reproduction mécanique des 'uvres.

Elles en déduisent que la société HEVA PRODUCTION est dépourvue de qualité à agir à leur encontre.

Elles ajoutent que les demandes de la société HEVA PRODUCTION sont irrecevables en raison de la résiliation des contrats que celle-ci avait conclus avec monsieur X, résiliation que poursuit mademoiselle X selon des demandes auxquelles elles s’associent et auxquelles les premiers juges ont fait droit.

Au fond, dénonçant le caractère imprécis des griefs formulés à leur encontre, elles soutiennent l’absence de toute contrefaçon en soulignant que la société HEVA PRODUCTION n’apporte pas la preuve de l’originalité des compositions musicales dont elle se prévaut ni celle de l’identité des 'uvres qualifiées de contrefaisantes avec celles prétendument contrefaites.

Elles considèrent que les éléments de l’expertise non-contradictoire, produits aux débats par la société HEVA PRODUCTION, sont insuffisamment probants pour caractériser la contrefaçon alléguée.

Elles demandent à la cour de rejeter la demande de la société HEVA PRODUCTION d’expertise judiciaire qui ne vise qu’à suppléer la carence de celle-ci dans l’administration de la preuve.

A titre subsidiaire, elles soutiennent n’avoir commis aucune faute en expliquant qu’elles avaient commandé à l’auteur lui-même la composition d’une musique originale et qu’elles ont acquis des droits sans avoir à se méfier d’une contrefaçon des thèmes musicaux alors qu’elles n’avaient pas connaissance des droits antérieurement cédés, ne pouvant soupçonner un quelconque plagiat.

Encore plus subsidiairement, elles discutent la réalité et le quantum du préjudice allégué par la société HEVA PRODUCTION en soulignant le caractère limité de l’utilisation et la modicité des sommes perçues de la SACEM par les sociétés GMT PRODUCTIONS et UNE MUSIQUE à l’occasion de l’exploitation des téléfilms incriminés.

Elles discutent point par point les arguments de la société HEVA PRODUCTION qui réclament, selon elles, l’indemnisation du même préjudice au travers de ses différentes demandes indemnitaires.

Elles demandent que, si une condamnation devait être prononcée à leur encontre, mademoiselle X les en garantisse dès lors que c’est l’attitude de monsieur X qui les aurait empêchées de jouir paisiblement des droits qu’il leur avait cédés.

Elles réclament la condamnation de la société HEVA PRODUCTION à leur payer à chacune 10.000 euros, TVA en sus, au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La société GMT PRODUCTIONS fait valoir que la société HEVA PRODUCTION est irrecevable à agir en contrefaçon sur le fondement de la reproduction des musiques incriminées puisqu’elle a fait apport de ses droits à la SACEM.

Elle relève que la société HEVA PRODUCTION a cédé les droits de reproduction aux producteurs des trois films et en infère que celle-ci ne peut se prétendre titulaire de l’intégralité des droits dont elle se prévaut.

Elle s’associe aux conclusions de mademoiselle X quant aux manquements de la société HEVA PRODUCTION à ses obligations dans l’exécution des contrats d’édition conclu par monsieur X et la société HEVA PRODUCTION.

Elle approuve la demande de résolution de ces contrats pour défaut d’exploitation et affirme que les manquements de la société HEVA PRODUCTION justifient la résiliation des contrats à effet rétroactif du 05 juillet 1999.

Elle en déduit que la société HEVA PRODUCTION n’était plus titulaire des droits à la date à laquelle auraient été commis les prétendus actes de contrefaçon et que celle-ci doit ainsi être déclarée irrecevable.

Subsidiairement, elle soutient que les compositions prétendument contrefaites sont des musiques d’ambiance dénuées de toute originalité et, de ce fait, exclues de la protection accorde aux 'uvres de l’esprit par le code de la propriété intellectuelle.

Elle ajoute que les musiques prétendument contrefaisantes présentent un caractère éminemment accessoire au sein de la série télévisée « F LESCAUT ». Elle souligne que les musiques sonorisent les épisodes que par fractions de quelques secondes ou dizaines de secondes.

Elle rappelle que, afin d’être autorisée à exploiter les musiques, elle a contracté avec l’auteur qui lui a donné toutes garanties. Elle expose qu’il lui était impossible de connaître les films dans lesquels les compositions de monsieur X avaient été insérées. Elle explique les similitudes dénoncées par des réminiscences résultant d’une source d’inspiration commune en expliquant qu’elles ne portent que sur un nombre limité de notes éparses.

Elle en déduit que toute contrefaçon doit être écartée.

Elle dénonce l’imprécision des griefs articulés par la société HEVA PRODUCTION dont les écritures ne permettent pas, selon elle, de caractériser les reproductions alléguées. Elle relève que la société HEVA PRODUCTION cite 22 épisodes « F LESCAUT » et trois films sans préciser lesquels sont reproduits, dans quel épisode et à quel moment.

A titre subsidiaire, elle discute l’évaluation du préjudice ainsi que les mesures réparatrices sollicitées en réfutant point par point les demandes dont elle dénonce l’énormité des montants et l’absence de fondement.

Elle s’oppose à la demande d’expertise qui ne vise, selon elle, qu’à pallier tardivement la carence dans l’administration de la preuve.

Elle demande, très subsidiairement, la garantie de mademoiselle X en considération des contrats signés par le père de celle-ci.

Elle réclame enfin à la société HEVA PRODUCTION 30.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Mademoiselle A X, mineure, représentée par sa mère madame H X, s’associe aux arguments de la société GMT PRODUCTIONS pour soutenir que la société HEVA PRODUCTION est irrecevable en raison de son défaut de qualité à agir dès lors qu’elle a cédé à la SACEM ses droits patrimoniaux d’autoriser l’exécution ou la représentation des 'uvres litigieuses.

Elle discute la réalité de la contrefaçon alléguée en expliquant que monsieur X ne s’est pas contrefait lui-même, en composant des oeuvres secondes présentant des ressemblances avec d’autres de ses compositions antérieures, dans un genre identique de la musique d’ambiance destinée à des fins identiques en suivant un cahier des charges.

Elle qualifie de contestables les rapports de l’expert amiable Z sur laquelle se fonde la société HEVA PRODUCTION et qui, selon elle, n’apporte pas la démonstration de la réalité de la contrefaçon.

Elle tient pour exorbitant le montant des dommages et intérêts réclamés par la société HEVA PRODUCTION alors qu’ils sont, selon elle, juridiquement infondés. Elle conteste notamment à cet égard l’existence d’un prétendu droit de synchronisation.

Elle demande, reconventionnellement, la résolution de la totalité des contrats d’édition passés entre monsieur X et la société HEVA PRODUCTION en soutenant que sa demande est recevable au regard des dispositions de l’article 70 du code de procédure civile et du principe de l’indivisibilité contractuelle.

Elle explique que le manquement de l’éditeur à ses obligations a engendré une perte de confiance de l’auteur qui doit pouvoir se libérer de la relation contractuelle et dénonce les manquements de la société HEVA PRODUCTION à son devoir de loyauté et à son obligation d’exécuter le contrat de bonne foi ainsi que l’absence d’exploitation permanente et suivie conforme aux usages de la profession. Elle constate l’absence de reddition de comptes par l’éditeur ainsi que le défaut de paiement de l’auteur.

Elle affirme que la résolution ou la résiliation des contrats devront nécessairement avoir un effet rétroactif à compter de leur conclusion ou, à tout le moins, à compter du 05 juillet 1999 date d’une cession de créance contestable.

Elle réclame la condamnation de la société HEVA PRODUCTION à lui payer 50.000 euros de dommages et intérêts sur le manque à gagner résultant du défaut d’exploitation.

Relativement à la demande de garantie articulée à son encontre, elle admet que l’auteur doit garantie à son éditeur une jouissance paisible des droits cédés mais fait valoir que les sociétés TF 1, GMT PRODUCTIONS et UNE MUSIQUE ont poursuivi la diffusion des musiques litigieuses postérieurement à l’assignation, qu’elle n’avait pas de maîtrise sur cette exploitation et qu’elle a été appelée tardivement.

Elle demande en conséquence à la cour de contenir sa garantie dans des limites qu’elle définira.

Elle réclame la condamnation de la société HEVA PRODUCTION à lui payer 50.000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive et 30.979,40 euros HT, soit 36.994,25 euros TTC au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La société HEVA PRODUCTION a signifié des conclusions récapitulatives le 23 avril 2009 en communiquant trois pièces complémentaires.

La procédure a été clôturée par une ordonnance du conseiller de la mise en état du 30 avril 2009.

Les sociétés GMT PRODUCTIONS, d’une part, TF 1 et UNE MUSIQUE d’autre part, par des conclusions respectivement signifiées les 05 et 19 mai 2009, ont souligné le caractère tardif des conclusions signifiées et des pièces communiquées par la société HEVA PRODUCTION et ont demandé qu’elles soient écartées des débats.

Après en avoir délibéré, la cour, lors de son audience du 19 mai 2009 a écarté des débats la dernière production de conclusions et pièces de la société HEVA PRODUCTION du 23 avril 2009, ainsi qu’en fait foi l’extrait de plumitif du 19 mai 2009.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande des sociétés TF 1 et UNE MUSIQUE d’écarter des débats les pièces de la société HEVA PRODUCTION numérotées 16, 17, 18, 40, 48bis, 49bis et 61, communiquées le 20 mars 2009

Considérant que la société HEVA PRODUCTION a communiqué, le 20 mars 2009, une nouvelle fois les 89 pièces venant au soutien de ses conclusions en faisant valoir la nécessité de rectifier une erreur de numérotation dans les bordereaux précédents ;

Considérant que les sociétés TF 1 et UNE MUSIQUE soutiennent qu’en réalité des pièces nouvelles ont été ainsi communiquées ; qu’elle font grief à la société HEVA PRODUCTION d’avoir voulu semer la confusion dans l’esprit de ses contradicteurs afin de compliquer l’exercice des droits de la défense ; qu’elles demandent que sept de ces pièces soient écartées ;

Considérant qu’il convient de relever qu’elles n’appuient cette demande sur aucun texte ;

Considérant qu’une partie est recevable, jusqu’au prononcé de l’ordonnance de clôture et sauf tardiveté ou abus manifestes, à communiquer les pièces qu’elle entend verser aux débats à l’appui de ses prétentions ;

Considérant, en l’espèce, que la seule circonstance que la société HEVA PRODUCTION a profité d’une renumérotation de ses 89 pièces antérieurement produites pour en verser sept nouvelles ne saurait justifier qu’elles soient écartées dès lors que cet ajout est intervenu le 20 mars 2009 et que l’ordonnance de clôture a été prononcée le 30 avril ;

Considérant que les sociétés TF 1 et UNE MUSIQUE, qui n’ont pas introduit d’incident devant le conseiller de la mise en état, ont disposé ainsi de tout le temps nécessaire pour examiner les pièces litigieuses et en tirer toutes les conséquences ;

Que la demande de voir écarter les pièces numérotées 16, 17, 18, 40, 48bis, 49bis et 61, communiquées le 20 mars 2009, sera en conséquence rejetée ;

Sur la recevabilité de la société HEVA PRODUCTION au regard de l’apport de ses droits à la SACEM

Considérant que les sociétés TF 1, UNE MUSIQUE, GMT PRODUCTIONS et mademoiselle X font valoir que la société HEVA PRODUCTION est irrecevable en son action car elle n’a plus qualité à se prévaloir des droits de reproduction et de représentation publique des oeuvres de monsieur X dès lors qu’elle a adhéré à la SACEM et y a déposé les 'uvres ;

Considérant qu’à l’appui de cette fin de non-recevoir, les intimées se prévalent des dispositions des statuts de la SACEM et, notamment, des articles 4 et 17 ;

Considérant que l’article 2 de ces statuts stipule que « Du fait même de leur adhésion aux présents statuts, les membres de la société lui apportent, à titre exclusif et pour tous pays, le droit d’autoriser ou d’interdire la reproduction mécanique de leurs 'uvres' » ;

Mais considérant que ce même article 2 ajoute, en son alinéa 4 que : « Les titulaires du droit d’édition sur des 'uvres dramatico-musicales conservent le droit d’autoriser ou d’interdire la reproduction desdites 'uvres, en entier ou en larges extraits, dans les films de télévision » ;

Considérant ainsi qu’en déposant à la SACEM les musiques des trois films « Ambassade en folie », « Crimes et jardins » et « Amours et chocolat », la société HEVA PRODUCTION, éditeur et titulaire des droits d’exploitation des musiques de ces films, ne s’est aucunement trouvée privée du droit d’agir en contrefaçon des musiques qui auraient été reproduites ou copiées dans certains des épisodes du feuilleton télévisé « F LESCAUT » ;

Qu’il suit de là que les sociétés TF 1, UNE MUSIQUE, GMT PRODUCTIONS et mademoiselle X doivent être déboutées de leur fin de non-recevoir ;

Sur la recevabilité de la société HEVA PRODUCTION en raison de la résiliation des contrats conclus avec monsieur X

Considérant que la recevabilité d’une demande judiciaire s’apprécie en considération des droits existants au jour de l’acte introductif d’instance ;

Considérant que la société HEVA PRODUCTION a engagé son action en contrefaçon en se prévalant des droits d’édition et de reproduction qu’elle avait acquis de l’auteur, I X, selon divers contrats ;

Considérant que mademoiselle X a contesté devant les premiers juges et discute devant la cour la validité de ces contrats en demandant qu’en soit prononcée la résolution judiciaire rétroactive et, en tout état de cause, la résiliation judiciaire ;

Considérant que cette demande reconventionnelle, quelle qu’en soit l’issue, ne remet pas en cause l’existence des droits dont la société HEVA PRODUCTION pouvait se prévaloir, au jour où elle a délivré son acte d’assignation, sur l’exploitation des musiques litigieuses ;

Qu’il s’ensuit que ne peut pas prospérer la fin de non-recevoir soulevée par les sociétés TF 1, UNE MUSIQUE et GMT PRODUCTIONS tirée de la prétendue absence de droits de la société HEVA PRODUCTION d’agir en raison des demandes de résolution judiciaire et subsidiairement de résiliation judiciaire des contrats conclus avec monsieur X ;

Que la société HEVA PRODUCTION sera déclarée recevable en son action en contrefaçon de ses droits ;

Sur la recevabilité de la demande reconventionnelle additionnelle de mademoiselle X en résolution ou résiliation de la totalité des contrats de cession

Considérant que la société HEVA PRODUCTION a engagé, devant le tribunal de commerce de Nanterre, une action à l’encontre des sociétés TF 1, UNE MUSIQUE et GMT PRODUCTIONS en contrefaçon des musiques originales des films « Ambassade en folie », « Crimes et jardins » et « Amours et chocolat » dont elle avait acquis les droits d’exploitation et d’édition ;

Considérant que les sociétés UNE MUSIQUE et GMT PRODUCTIONS ont appelé à la cause madame H X, représentant sa fille mineure A, venue aux droits de son père, pour demander sa garantie ;

Considérant qu’à titre reconventionnel, madame X et sa fille demandent que soit prononcée la résolution judiciaire avec effet rétroactif et, en tout état de cause, la résiliation judiciaire, non seulement de deux des trois films incriminés par la société HEVA PRODUCTION à savoir « Crimes et jardins » et « Amours et chocolat », mais aussi des films : «Amour de banquier» («The maid»); «Ancient wichtcraft» ; «Around the rink» ; «Au pays des merveilles» ; «Atlantide»; «Awakening forest» ; «Back home»; «Back together again»; «Being stalked» ; «Bird’s chase» ; «Le baby bop» ; «Blues piano» ; «Un prêt pour un rendu» («Business affair») ; «Candelaro story» ; «Cantara» ; «Carefree walk» ; «Champs clos» («In immuger vein of chast») ; «Colour Blind» ; «Contre allée»; «Cool walk»; «Couples» ; «Crimes et jardins» ; «Délicate breeze» ; «Dernier round» ; «Drôle de méli-mélo» («Take tale») («Kiss Tell») ; «Les époux ripoux» ; «Espagne» ; «Evasion» ; «Fantasy variations» ; «Le faucon noir» ; «Fausse note pour un mariage» («Face the music») ; «Femme parfaite» («Sweet revenge») ; «Le flic»; «Le fou» ; «Le gang des tractions» ; «Générique début Business» ; «Générique fin Business» ; «Gripped by fear» ; «Handy man» ; «L’homme aux chiens» ; «Le phoenix» ; «l’m the one» ; «Impulse of love» ; «Italien 1» ; «Italien 2» ; «La java»; «La java bleue a capella» ; «La java accordéon» ; «La java bleue» ; «Jazz médium lent» ; «Jazz médium» ; «Jazz rapid mi» ; «Jazz 3» ; «Jazz 6 Gardon» ; «Jazz bleu» ; «Jazz man» ; «]azz 7» ; «Je l’oublierai pas» ; «]immy Jazz» ; «Kate» ; «Kate nostalgie» ; «L’ambassade en folie» («Near Mrs») («Last tangle») ; «L’amour coté en bourse» («Road to ruin»); «L’arbre de la discorde»; «Leisurely walk»; «Like it was» ; «Loisirs» ; «Love Kate Vani» ; «Ma môme d’amour» ; «Main thème suite 1+2» ; «Main thème 3 business» ; «Making of» ; «Making rainbows»; «Marché noir» ; «Mellowing» ; «Nightcap» ; «On tip toes» ; «Open ticket»; «Passo doble» ; «Pastoral cheer», «Passeport pour la ruine» ; «Passing time» ; «Piano solo 2» ; «Piano jazz» ; «Playful relaxation» ; «RSVP» ; «Rabbit and dog chase»; « Regards to Broadway » ; «Rock’n Soul» ; «La Rolls et le taxi» ; «Room at the top» ; «Romantic birds» ; «Romantic rendez-vous»; «Rumble doll»; « Sadness»; «Saint-Germain»; « Saying a prayer» ; « Sentimental promenade»; «Séparation»; «Slow I lent»; «Slow jazz lentissimo» ; «Softly» ; «Softly with passion» ; «Solitude»; «Soulier Magique» («If the shoes fits») («Magic Woman») ; «Square dancer» ; «Station liberté» ; «Sweet passion» ; «Sweet sorrow» ; «B» ; «Tango dance» ; «Thème de C» ; «Trumpet solo» ; «Un week-end en Bourgogne» ; «Under deep cover» ; «Vieux grognon» ; «Walking alone» ; «Wandering» ;

Considérant qu’il convient de relever que mademoiselle X articule cette demande en se référant à la liste des films annexée à la cession de créance du 05 juillet 1999 ; qu’elle ne demande pas la résolution ou la résiliation du film « Ambassade en folie » qui n’y figure pas ;

Considérant qu’aux termes de l’article 70 du code de procédure civile les demandes reconventionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant ;

Considérant que, relativement aux demandes de résolution ou de résiliation des cessions de droits, tel est manifestement le cas pour les deux films « Crimes et jardins » et « Amours et chocolat » dont les musiques constituent l’objet même de l’action originaire en contrefaçon, mademoiselle X étant fondée à invoquer la perte par la société HEVA PRODUCTION des droits qu’elle revendique sur ces musiques pour faire obstacle à l’action en contrefaçon et, par voie de conséquence, échapper à la demande de garantie articulée contre elle par les sociétés TF 1, UNE MUSIQUE, GMT PRODUCTIONS mises en cause ;

Considérant, en revanche, que la demande de résolution ou de résiliation des cessions de droits intervenues entre monsieur X et la société HEVA PRODUCTION sur les autres films est dépourvue de lien suffisant avec celle originaire en contrefaçon d''uvres musicales ;

Considérant que, contrairement à ce que soutient mademoiselle X, au regard de l’action en contrefaçon des musiques, les différentes cessions conclues entre monsieur X et la société HEVA PRODUCTION ne constituent pas un ensemble unique et indivisible, dès lors que la contrefaçon repose nécessairement sur le caractère original de chaque musique créée par le compositeur ; que, de surcroît, les cessions de droits se sont échelonnées sur une durée de dix ans, de 1990 à 2000 et qu’il n’est pas établi que l’édition et l’exploitation d’une des musiques des films du catalogue seraient liées aux autres;

Considérant, en réalité, que mademoiselle X, par sa demande reconventionnelle, vise à ouvrir un autre débat portant sur les relations contractuelles et personnelles établies entre monsieur X et la société HEVA PRODUCTION dont il était actionnaire fondateur, au regard notamment de l’insuffisance de diffusion des films inscrits au catalogue de la société HEVA PRODUCTION dont monsieur X avait cédé les droits relatifs à ses musiques ;

Considérant qu’une action en résolution ou résiliation de contrats d’édition pour manquement de l’éditeur à un devoir de loyauté et à son obligation d’exécuter de bonne foi le contrat comme et pour absence d’exploitation permanente est sans rapport avec une contrefaçon imputée à un tiers ;

Considérant que le lien existant entre les sociétés TF 1 et UNE MUSIQUE, d’une part, et monsieur X, d’autre part, résultant des contrats d’acquisition de droits sur des musiques originales destinées à certains épisodes de la série « F LESCAUT », ne concernent aucunement les autres musiques de films ;

Qu’en conséquence, mademoiselle X doit être déclarée irrecevable en sa demande reconventionnelle en résolution ou en résiliation des contrats d’édition hormis ceux des films « Crimes et jardins » et « Amours et chocolat »;

Sur la nullité des contrats

Considérant que la société HEVA PRODUCTION demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a déclaré prescrite la demande de mademoiselle X de nullité des trois contrats de cession et d’éditions des 06 décembre 1990, 04 mars 1991 et 03 mars 1993 ;

Mais considérant que mademoiselle X, qui n’a pas critiqué la décision de ce chef, ne sollicite plus en cause d’appel la nullité desdits contrats ;

Qu’en conséquence, la demande de la société HEVA PRODUCTION sera rejetée ;

Sur la demande de mademoiselle X en résolution ou résiliation des contrats de cession

Considérant que, selon deux contrats rédigés en des termes identiques, monsieur X a cédé à la société HEVA PRODUCTION ses droits d’exploitation de toutes les musiques originales des films « CRIME ET JARDIN » (acte du 04 mars 1991) et « AMOUR ET CHOCOLAT » (acte du 03 mars 1993) ;

Considérant que mademoiselle X en poursuit la résolution ou la résiliation en invoquant un manquement de la société HEVA PRODUCTION à son devoir de loyauté et à son obligation d’exécuter le contrat de bonne foi ainsi que l’absence d’exploitation permanente et suivie et le défaut de reddition de comptes ;

Considérant que le premier grief repose, pour l’essentiel, sur un acte, intervenu le 05 juillet 1999, de cession par monsieur X à la société HEVA PRODUCTION des redevances SACEM susceptibles de provenir des droits de reproductions mécaniques des musiques qu’il avait composées pour des films dont la liste était annexée, à concurrence d’un montant total de 2.000.000 francs (304.898,03 euros) ;

Considérant que cette cession de créance a été signifiée à la SACEM par un acte extrajudiciaire du 24 août 1999 ;

Considérant que mademoiselle X expose que la contrepartie de la signature des contrats d’édition était le paiement du travail de l’auteur compositeur par l’éditeur, pendant toute la durée du contrat, sans pouvoir s’en dispenser en se faisant financer d’une quelconque manière par l’auteur ; qu’elle affirme qu’une violation de cette obligation fondamentale s’apparente à une disparition de la cause du contrat ; qu’elle ajoute l’impératif d’une exécution de bonne foi des contrats ;

Considérant qu’elle affirme que monsieur X a financé son éditeur à la suite d’une tromperie de ce dernier en obtenant une cession des droits SACEM ;

Considérant cependant que, dans cette critique, mademoiselle X commet une confusion entre deux qualités qu’avait monsieur X à l’égard de la société HEVA PRODUCTION ; qu’il était, en effet, cocontractant des contrats d’édition pour tous les films dont il avait composé les musiques, mais était aussi associé fondateur de la société HEVA PRODUCTION dont il détenait, à l’origine, un tiers du capital social ;

Considérant que madame X, pour le compte de sa fille, a déposé le 1er décembre 2006 une plainte pénale pour cette cession de créance qu’elle qualifiait d’escroquerie ; qu’il ressort des procès-verbaux d’audition établis lors de l’instruction que, pour réaliser la production des « bandes son » destinées aux films, la société HEVA PRODUCTION a été conduite à engager des frais très importants qui ont été principalement financés par des avances en compte-courant consenties par l’un des associés, monsieur D, qui s’est aussi trouvé contraint de payer, en qualité de caution, le remboursement d’un emprunt bancaire souscrit par la société HEVA PRODUCTION ;

Considérant que le montant cumulé de ces avances consenties par monsieur D s’est élevé à plus de 10.500.000 francs (1.600.714,68 euros) ainsi que monsieur E, gérant de la société HEVA PRODUCTION, l’a expliqué au cours de son audition ;

Considérant qu’il résulte des procès-verbaux que messieurs D et E ont expliqué que, devant l’ampleur des pertes et des avances consenties, monsieur X a proposé d’y participer financièrement et que, ne disposant pas de liquidités, il a accepté que la SACEM reverse à la société HEVA PRODUCTION plutôt qu’à lui-même les droits susceptibles de provenir de la reproduction mécanique de ses 'uvres ;

Considérant ainsi que cette participation financière librement acceptée résultait de ses relations d’associés avec monsieur D qui avait largement aidé au financement de la société ; que, de surcroît, ainsi que le précise l’acte, elle correspondait à une participation aux coûts des productions des musiques, lesquelles ne constituaient pas une obligation explicite des contrats d’édition ;

Considérant que l’instruction de la plainte a aussi révélé que le montant des sommes que la SACEM a versées à la société HEVA PRODUCTION, en exécution de la cession de créance litigieuse, n’a représenté qu’une somme totale de 5.149,33 euros alors que, dans le même temps, les ayants droits de monsieur X ont perçu 1.244.270,27 euros de royalties sur l’exploitation des films ;

Considérant, de surcroît, qu’aucun des éléments produits aux débats ne permet de déterminer si la somme de 5.149,33 euros versée par la SACEM inclut des droits de reproduction mécanique des deux films incriminés « Crimes et jardins » et « Amours et chocolat » ;

Considérant ainsi que n’est pas démontrée l’affirmation de mademoiselle X selon laquelle la société HEVA PRODUCTION aurait fait financer par l’auteur les frais d’édition relatifs à l’exécution des deux contrats discutés et aurait agi de mauvaise foi à l’égard de monsieur X qui était son auteur mais aussi son associé ;

Considérant à cet égard que les développements de mademoiselle X sur le défaut de diligence de la société HEVA PRODUCTION à prendre en considération le décès de son associé pour mettre en 'uvre la procédure de transfert de la propriété des parts sociales à son héritière sont dénuées de toute portée sur la bonne exécution des contrats d’édition ;

Considérant que la demande de résolution judiciaire des deux contrats d’édition des films « Crimes et jardins » et « Amours et chocolat » doit, en conséquence être rejetée ;

Considérant que, les dispositions des articles L.132-12 et L.132-13 du code de la propriété intellectuelle mettent à la charge de l’éditeur les obligations d’assurer à l''uvre, conformément aux usages de la profession, une exploitation permanente et suivie ainsi que de rendre à l’auteur des comptes de l’exploitation ;

Considérant que la société HEVA PRODUCTION n’apporte pas la preuve qu’elle a respecté ces obligations ;

Considérant que les particularités qu’elle invoque sur la commercialisation des musiques de films, autres que celles de grande renommée, ne la dispensait pas de déployer des efforts pour favoriser la diffusion des musiques composées par monsieur X ; qu’à cet égard, elle n’en allègue aucun ;

Considérant qu’elle ne justifie pas davantage avoir procédé, à aucun moment, à une reddition des comptes de l’auteur en ses livres permettant à ce dernier de contrôler ses droits à redevances ; qu’elle n’y a procédé que le 06 février 2008 en faisant état d’une absence de toutes royalties pour les années 2002 à 2007 mais sans fournir de données relatives aux années antérieures ;

Considérant enfin que la société HEVA PRODUCTION n’a pas procédé à l’édition d’une reproduction graphique des musiques à un minimum de cent exemplaires ainsi qu’elle s’y était contractuellement engagée ;

Considérant, en revanche, que le grief de mademoiselle X tenant à une absence de paiement d’une somme fixe, en plus des rémunérations proportionnelles, n’est pas fondé dès lors que les contrats litigieux ne comportent aucune stipulation en ce sens ;

Considérant que monsieur X n’a jamais, de son vivant, formulé le moindre reproche à la société HEVA PRODUCTION sur les conditions dans lesquelles cette dernière exécutait les contrats d’édition de ses musiques ; qu’il n’est ni allégué ni démontré qu’il aurait, en ce sens, adressé une demande quelconque et, notamment, sollicité, en application de l’article L.132-13 du code de la propriété intellectuelle qui lui en réserve le droit, la production d’un état annuel des comptes ;

Considérant qu’en sa qualité d’associé, monsieur X a participé aux assemblées générales et a approuvé les comptes annuels comme l’opération d’augmentation-réduction de capital, opérée en juin 1998 pour résorber les pertes comptables et convertir en parts sociales le compte-courant de monsieur D ;

Considérant que la résolution ou la résiliation des contrats a seulement été invoquée par madame X pour le compte de sa fille, par une demande reconventionnelle après l’appel en garantie articulé contre les ayants droits de l’auteur ;

Considérant qu’un contrat d’édition est une convention à exécution successive nonobstant la circonstance que l’auteur s’acquitte de ses propres obligations par la remise, en une fois, de son oeuvre à l’éditeur ;

Considérant qu’une résolution du contrat aboutirait à l’anéantir, de manière rétroactive et à annuler des opérations qui ont été exécutées entre les parties et avec des tiers et dont l’exacte détermination et le complet impact financier ne peuvent être déterminés avec précision ;

Considérant, de surcroît, que les obligations mises à la charge de la société HEVA PRODUCTION n’étaient que de moyens ; que les griefs d’inexécution des contrats, au regard des circonstances particulières dans lesquelles monsieur X avait contracté avec une société dont il était associé, ne revêtent pas une gravité particulière ; que dans l’hypothèse inverse monsieur X n’aurait pas manqué de réagir ; qu’à cet égard c’est sans apporter le moindre élément probant que mademoiselle X invoque une perte de confiance de monsieur X à l’égard de la société HEVA PRODUCTION et de ses associés au nombre desquels compte monsieur D qui, par les apports financiers très importants consentis à la société, a permis à l’auteur de réaliser les « bandes son » des films dans des conditions exceptionnelles de qualité, en ayant recours à des orchestres de renommée internationale tel que le philharmonique de Londres ;

Qu’il suit de là que la demande de mademoiselle X de donner à la résiliation des contrats un effet rétroactif doit être écartée ;

Que la résiliation des deux contrats d’édition des musiques des films « Crimes et jardins » et « Amours et chocolat », doit être prononcée pour manquement de la société HEVA PRODUCTION au respect de ses obligations contractuelles à la date du 24 avril 2007 à laquelle les premiers juges ont statué ;

Sur les effets de la résiliation à l’égard des droits de la société HEVA PRODUCTION

Considérant que la résiliation des contrats d’édition des deux films « Crimes et jardins » et « Amours et chocolat », étant prononcée à effet du 24 avril 2007, les sociétés TF 1, UNE MUSIQUE, GMT PRODUCTIONS ne peuvent opposer à la société HEVA PRODUCTION un défaut de droit à agir sur le fondement de la contrefaçon des 'uvres musicales dont celle-ci a été légitimement détentrice depuis la date de signature de ces deux contrats jusqu’à leur résiliation ;

Que la fin de non-recevoir tirée de l’absence de droit à agir doit en conséquence être rejetée ;

Sur la contrefaçon

Considérant que la société HEVA PRODUCTION soutient que les sociétés TF 1, UNE MUSIQUE et GMT PRODUCTIONS ont repris à l’identique avec la même orchestration, puisqu’il s’agit selon elle de la même bande sonore, certaines des musiques composées pour les trois films « Ambassade en folie » « Crimes et jardins » et « Amours et chocolat » dont elle est titulaire des droits d’édition, pour les intégrer, par morceaux, à la bande son de vingt-deux épisodes de la série télévisée « F LESCAUT » aussi diffusée en DVD ;

Considérant qu’à l’appui de cette affirmation, elle produit aux débats une expertise amiable et non-contradictoire établie à sa demande par monsieur Z ;

Considérant que l’avis unilatérale d’un expert amiable, aussi compétent soit-il, ne peut suffire à démonter la contrefaçon alléguée qui repose sur une prétendue identité des musiques illustrant les oeuvres ;

Considérant, de surcroît, que l’appréciation de l’ampleur de l’éventuelle contrefaçon dénoncée nécessite que soit exactement et contradictoirement mesurée les modalités en fréquence et durée de l’utilisation des musiques prétendument contrefaisantes ;

Considérant que la cour ne dispose pas des compétences musicales et des moyens techniques nécessaires pour procéder à ces comparaisons et mesures ; qu’une expertise doit en conséquence être ordonnée et confiée à monsieur J-K L, avec pour objet la mission définie au dispositif du présent arrêt ;

Sur les autres demandes

Considérant qu’en raison de la mesure d’expertise ordonnée en en l’attente du rapport de l’expert, il convient de surseoir à statuer sur toutes les autres demandes articulées par les parties ;

Que les dépens seront réservés ;

PAR CES MOTIFS

Statuant contradictoirement et en dernier ressort,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions,

Et statuant à nouveau,

Rejette demande des sociétés TF 1 et UNE MUSIQUE de voir écarter les pièces numérotées 16, 17, 18, 40, 48bis, 49bis et 61, communiquées par la société HEVA PRODUCTION le 20 mars 2009,

Rejette les fins de non-recevoir opposées à la société HEVA PRODUCTION et tirées de ses apports à la SACEM, comme de la résolution alléguée des contrats,

Déclare la société HEVA PRODUCTION recevable,

Déclare mademoiselle X irrecevable en sa demande reconventionnelle en résolution ou résiliation des contrats d’édition des films : «Amour de banquier» («The maid») ; «Ancient wichtcraft» ; «Around the rink» ; «Au pays des merveilles» ; «Atlantide» ; «Awakening forest» ; «Back home»; «Back together again»; «Being stalked» ; «Bird’s chase» ; «Le baby bop» ; «Blues piano» ; «Un prêt pour un rendu» («Business affair») ; «Candelaro story» ; «Cantara» ; «Carefree walk» ; «Champs clos» («In immuger vein of chast») ; «Colour Blind» ; «Contre allée»; «Cool walk» ; «Couples» ; «Crimes et jardins» ; «Délicate breeze» ; «Dernier round» ; «Drôle de méli-mélo» («Take tale») («Kiss Tell») ; «Les époux ripoux» ; «Espagne» ; «Evasion» ; «Fantasy variations» ; «Le faucon noir» ; «Fausse note pour un mariage» («Face the music») ; «Femme parfaite» («Sweet revenge») ; «Le flic» ; «Le fou» ; «Le gang des tractions» ; «Générique début Business» ; «Générique fin Business» ; «Gripped by fear» ; «Handy man» ; «L’homme aux chiens» ; «Le phoenix» ; «l’m the one» ; «Impulse of love» ; «Italien 1» ; «Italien 2» ; «La java» ; «La java bleue a capella» ; «La java accordéon» ; «La java bleue» ; «Jazz médium lent» ; «Jazz médium» ; «Jazz rapid mi» ; «Jazz 3» ; «Jazz 6 Gardon» ; «Jazz bleu» ; «Jazz man» ; «]azz 7» ; «Je l’oublierai pas» ; «]immy Jazz» ; «Kate» ; «Kate nostalgie» ; «L’ambassade en folie» («Near Mrs») («Last tangle») ; «L’amour coté en bourse» («Road to ruin»); «L’arbre de la discorde»; «Leisurely walk»; «Like it was» ; «Loisirs» ; «Love Kate Vani» ; «Ma môme d’amour» ; «Main thème suite 1+2» ; «Main thème 3 business»; «Making of» ; «Making rainbows» ; «Marché noir» ; «Mellowing» ; «Nightcap» ; «On tip toes» ; «Open ticket»; «Passo doble» ; «Pastoral cheer», «Passeport pour la ruine» ; «Passing time» ; «Piano solo 2» ; «Piano jazz» ; «Playful relaxation» ; «RSVP» ; «Rabbit and dog chase» ; « Regards to Broadway » ; «Rock’n Soul» ; «La Rolls et le taxi» ; «Room at the top» ; «Romantic birds»; «Romantic rendez-vous»; «Rumble doll»; « Sadness» ; «Saint-Germain»; « Saying a prayer» ; « Sentimental promenade»; «Séparation»; «Slow I lent»; «Slow jazz lentissimo» ; «Softly» ; «Softly with passion» ; «Solitude» ; «Soulier Magique» («If the shoes fits») («Magic Woman») ; «Square dancer» ; «Station liberté» ; «Sweet passion» ; «Sweet sorrow» ; «B» ; «Tango dance» ; «Thème de C» ; «Trumpet solo» ; «Un week-end en Bourgogne» ; «Under deep cover» ; «Vieux grognon» ; «Walking alone» ; «Wandering»,

Rejette la demande de la société HEVA PRODUCTION relative à la prescription d’une nullité des contrats d’édition qui n’est plus invoquée en cause d’appel,

Rejette la demande de mademoiselle A X en résolution judiciaire des contrats d’édition des musiques des films « Crimes et jardins » et « Amours et chocolat »,

Prononce la résiliation judiciaire, à effet du 24 avril 2007, des contrats d’édition des musiques des films « Crimes et jardins » et « Amours et chocolat », respectivement signés les 04 mars 1991 et 03 mars 1993 entre monsieur I X et la société HEVA PRODUCTION,

Avant dire droit sur les autres demandes,

Ordonne une expertise et désigne pour y procéder monsieur J-K L demeurant XXX : 01.46.83.14.40), avec mission :

— de se faire communiquer tous documents utiles et d’entendre tous sachants,

— de donner un avis sur le caractère d’originalité des 'uvres musicales composées par monsieur I X et incorporées aux films « Ambassade en folie », « Crimes et jardins » et « Amours et chocolat »,

— de comparer ces musiques ou leurs extraits avec celles ayant été utilisées pour l’illustration sonores des vingt-deux épisodes de la série F LESCAUT incriminés à savoir : « Une jeune fille en danger » – « L’ex de F » – « Les surdoués » – « La mort de G » – « Question de confiance » – « Week-end » – « Propagande noire » – « Tableau noir » – « La nuit la plus longue » – « Beauté fatale » – « Récidive » – « Soupçons d’euthanasie » – « Jamais deux sans trois » – « Amour blessé » – « L’inconnue de la nationale » – « Crédit revolver » – « Ruptures » – « L’enfant témoin » – « Charité bien ordonnée » – « Rumeurs » – « Rapt » – « La mort en rose »,

— d’émettre un avis sur l’identité éventuelle de ces musiques ou extraits de musiques,

— de relever la durée de chacune des phases musicales incriminées présentant, selon son avis, des identités ou le caractère de copies serviles des musiques des trois films « Ambassade en folie », « Crimes et jardins » et « Amours et chocolat »,

Fixe à la somme de 6.000 euros la provision à valoir sur les honoraires et frais de l’expert que la société HEVA PRODUCTION devra consigner au greffe de la Cour (service des expertises) dans les deux mois du présent arrêt,

Dit qu’à défaut de consignation dans le délai, la désignation de l’expert sera caduque sauf prorogation du délai ou relevé de forclusion conformément aux dispositions de l’article 271 du code de procédure civile,

Dit que l’expert commis, saisi par le greffe après réception de l’avis de consignation, déposera son rapport dans le délai de six mois, sauf prorogation accordée, sur demande motivée, par le magistrat chargé du contrôle,

Dit qu’en cas d’empêchement de l’expert, il sera remplacé sur simple requête,

Désigne le président de chambre et, à son défaut, le conseiller de la mise en état pour suivre les opérations d’expertise,

Sursoit à statuer sur toutes les autres demandes jusqu’au dépôt du rapport d’expertise à intervenir,

Dit que l’affaire sera rappelée après expertise à la conférence de mise en état du 23 septembre 2010,

Réserve les dépens.

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Monsieur Albert MARON, Président et par Madame GENISSEL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER, Le PRESIDENT,

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Cour d'appel de Versailles, 12ème chambre section 2, 10 septembre 2009, n° 07/03960