Cour d'appel de Versailles, 25 novembre 2010, 09/06339

  • Responsabilité délictuelle ou quasidélictuelle·
  • Réparation·
  • Indemnité·
  • Pêcherie·
  • Port·
  • Gabon·
  • Sociétés·
  • Dévaluation·
  • Monnaie nationale·
  • Préjudice

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Dès lors que le juge étranger n’a pas prononcé une condamnation indemnitaire à la contre valeur de l’indemnité exprimée dans sa monnaie nationale, de sorte que la société demanderesse, en recevant le paiement dans la monnaie nationale, a été remplie de ses droits, celle-ci ne peut prétendre à percevoir une somme supérieure à celle fixée judiciairement sous couvert d’une modification du taux de change et d’un paiement réalisé par une société française dans sa propre monnaie

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 12e ch. sect. 1, 25 nov. 2010, n° 09/06339
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 09/06339
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal de commerce de Nanterre, 23 juin 2009, N° 2008F02149
Dispositif : other
Date de dernière mise à jour : 15 septembre 2022
Identifiant Légifrance : JURITEXT000023673875
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Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

DR

Code nac : 66C

12ème chambre section 1

ARRET No

CONTRADICTOIRE

DU 25 NOVEMBRE 2010

R.G. No 09/06339

AFFAIRE :

Société de droit gabonais PECHERIE DU PORT

C/

Société BUREAU VERITAS

Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 24 Juin 2009 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

No Chambre : 1

No Section :

No RG : 2008F02149

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

— SCP BOMMART MINAULT

— SCP JUPIN & ALGRIN

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE VINGT CINQ NOVEMBRE DEUX MILLE DIX,

La cour d’appel de VERSAILLES, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Société de droit gabonais PECHERIE DU PORT

ayant son siège 262 rue du Cointet

LIBREVILLE (GABON)

agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

concluant par la SCP BOMMART MINAULT – avoués No du dossier 00037345

plaidant par Me Jean Philippe LEBAIL (avocat au barreau de BORDEAUX)

APPELANT

****************

Société BUREAU VERITAS

ayant son siège 17 Place des Reflets – La Défense II

Immeuble CB 22

92400 COURBEVOIE

agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

concluant par la SCP JUPIN & ALGRIN – avoués No du dossier 0025729

plaidant par Me Pascal ITHURBIDE (avocat au barreau de PARIS)

INTIME

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 21 Octobre 2010 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Mme Dominique ROSENTHAL, Président et Madame Marie-Hélène POINSEAUX, conseiller, chargées du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Dominique ROSENTHAL, Président,

Mme Marie-Hélène POINSEAUX, Conseiller,

M. Claude TESTUT, Conseiller ,

Greffier, lors des débats : Monsieur Alexandre GAVACHE,

Vu l’appel interjeté le 23 juillet 2009, par la société Pêcherie du Port d’un jugement rendu le 24 juin 2009 par le tribunal de commerce de Nanterre qui :

* a dit la demande de la société Pêcherie du Port irrecevable sur le fondement de l’article 1371 du code civil,

* l’a déboutée de sa demande sur le fondement de l’article 1382 du code civil,

* a débouté la société Bureau Veritas de sa demande reconventionnelle,

* a condamné la société Pêcherie du Port à payer à la société Bureau Veritas la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens;

Vu les dernières écritures en date du 3 septembre 2010, par lesquelles la société Pêcherie du Port, poursuivant la réformation de la décision entreprise, demande à la cour de:

*condamner la société Bureau Veritas, sur le fondement de l’article 1382 du code civil, subsidiairement sur le fondement de l’article 1371 du même code, au paiement de la somme de 1.000.000 euros à titre de dommages et intérêts ,

* la condamner au versement de la somme de 20.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d’appel;

Vu les dernières écritures en date du 9 septembre 2010, aux termes desquelles la société Bureau Veritas prie la cour de:

* dire mal fondé l’appel interjeté par la société Pêcherie du Port , aucune faute, ni lien de causalité ne pouvant être retenus à sa charge,

* dire irrecevable et en tout cas, mal fondée la prétention émise à titre accessoire suivant les règles de l’enrichissement sans cause,

* débouter la société Pêcherie du Port de toutes ses demandes et confirmer, en tant que de besoin, le jugement en ce qu’il lui a alloué une indemnité de 3.000 euros pour frais irrépétibles engagés devant le tribunal,

* y ajoutant, condamner la société Pêcherie du Port au paiement de la somme de 25.000 euros pour procédure abusive et d’une indemnité de 20.000 euros en cause d’appel au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens de première instance et d’appel;

SUR CE, LA COUR,

Considérant que, pour un exposé complet des faits et de la procédure, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties; qu’il convient de rappeler que :

* en 1990, la société Pêcherie du Port, de droit gabonais, a confié le chalutier Patricia-Thierry à la société Semts, chantier naval gabonais, pour des travaux de réparations,

* le navire ayant connu de multiples avaries, dans le cadre d’une expertise judiciaire, est intervenu le 16 mai 1991, un procès-verbal de conciliation entre la société Pêcherie du Port , la société Semts et son assureur Uap Gabon,

* par ordonnance de référé du 12 juillet 1991, la société Semts et la société Uap Gabon ont été condamnées à verser à la société Pêcherie du Port une provision de 30.000.000 francs CFA à valoir sur l’indemnisation de son préjudice, une expertise étant ordonnée afin d’évaluer ledit préjudice,

* de nouveaux désordres ayant affecté le chalutier, par deux arrêts en date des 11 mai et 16 juin 1992, la cour d’appel de Libreville a commis un expert afin de déterminer les responsabilités encourues,

* par arrêt du 6 septembre 1993, statuant sur appel d’une ordonnance de référé du 29 octobre 1992, la cour d’appel de Libreville a condamné solidairement la société Semts, l’Uap Gabon et la société Bureau Veritas à verser à la société Pêcherie du Port à titre de provision la somme de 120.000.000 francs CFA à valoir sur son préjudice définitif,

* ayant saisi le juge du fond, par jugement du 18 juin 1997, le tribunal de première instance de Libreville a déclaré la société Semts responsable des préjudices et l’a condamnée solidairement avec son assureur Uap Gabon au paiement de la somme de 2.038.791.820 francs CFA, mettant hors de cause la société Bureau Veritas,

* sur l’appel interjeté de cette décision, la cour d’appel de Libreville, dans un arrêt du 27 octobre 1999, a réformé le jugement et a déclaré conjointement la société Semts et la société Bureau Veritas responsables des avaries dans les proportions respectives de 90 et 10%, a dit que le préjudice total de la société Pêcherie du Port est de 143.921.082 francs CFA, avec intérêts de droit à dater du 18 juin 1997, a constaté que cette société a déjà perçu de l’Uap Gabon une indemnisation à concurrence de 150.000.000 francs CFA, a condamné la société Pêcherie du Port à restituer à cette dernière le trop-perçu relatif à sa quote-part, soit 75.000.000 francs CFA,

* le 9 janvier 2002, la Cour de cassation gabonaise a cassé l’arrêt sur certains moyens de procédure, renvoyé la cause devant la même cour d’appel autrement composée,

* par arrêt du 25 février 2004, la cour de renvoi a mis hors de cause la société Bureau Veritas Sa, dit que les sociétés Semts, Uap Gabon et Bureau Veritas Gabon sont responsables du préjudice subi par la société Pêcherie du Port concernant le chalutier, que le préjudice total est de 240.000.000 francs avec intérêts de droit à compter du 18 juin 1997, jugé que la société Semts est responsable à hauteur de 65%, le Bureau Veritas Gabon responsable à hauteur de 30% en raison de sa responsabilité délictuelle pour ne pas avoir surveillé les travaux, la société Uap Gabon responsable à hauteur de 5% en sa qualité de mandant de Bureau Veritas Gabon,

* saisie d’un pourvoi, la Cour de cassation gabonaise, siégeant toutes chambres réunies, par arrêt du 21 juillet 2005, a liquidé le préjudice de la société Pêcherie du Port à la somme de 350.037.234 francs CFA, après déduction des deux provisions allouées de 30.000.000 francs CFA et 120.000.000 francs CFA, réglées par l’Uap Gabon, devenue Axa Gabon, dans la limite de son plafond de garantie, a condamné in solidum la société Bureau Veritas et la société Semts au paiement de la somme de 200.037.234 francs CFA outre intérêts au taux légal à compter du 18 juin 1997,

* par ordonnance du 5 mai 2006, le président du tribunal de grande instance de Nanterre, statuant en la forme des référés, a déclaré exécutoire en France l’arrêt rendu par la Cour de cassation de la république gabonaise en date du 21 juillet 2005, qui a notamment condamné la société Bureau Veritas à payer à la société Pêcherie du Port, in solidum avec les sociétés de droit gabonais Semts et Axa Gabon, la somme de 350.037.234 francs CFA, sous déduction de la somme de 150.000.000 francs CFA, soit le reliquat de 200.037.234 francs CFA avec intérêts au taux légal à compter du 18 juin 1997,

* cette même ordonnance a dit que les sommes dues seront converties en euro selon la parité fixe du franc CFA avec le franc française et le taux de conversion irrévocable applicable entre l’euro et le franc français, soit 1 euro = 655,957 francs CFA, a dit que les intérêts légaux seront calculés à compter de la décision sur la base de l’intérêts au taux légal ayant cours sur le territoire français, a ordonné la capitalisation des intérêts à compter du 7 mars 2006, a rejeté le surplus des demandes en retenant que le juge de l’exequatur ne saurait prendre en compte la dévaluation monétaire survenue en 1994 pour modifier et remettre en cause la condamnation indemnitaire prononcée en 2005 par la cour suprême en fonction des données monétaires en cours dans la république gabonaise, alors que la société Pêcherie du Port n’avait pas élevé contradictoirement à l’époque, cette prétention devant la cour, de sorte que cette demande additionnelle relevant de la compétence exclusive de la juridiction consulaire, est rejetée,

* la société Bureau Veritas a exécuté l’ordonnance d’exequatur le 18 mai 2006,

* par arrêt du 19 septembre 2007, la Cour de cassation française a rejeté le pourvoi formé par la société Pêcherie du Port à l’encontre de l’ordonnance rendue le 5 mai 2006, retenant notamment qu’il n’appartient pas au juge français de modifier les termes d’une condamnation à somme fixe, prononcée par un juge étranger dans sa monnaie nationale et que c’est à bon droit, que le juge de l’exequatur, constatant que la société Pêcherie du Port n’avait pas élevé contradictoirement cette prétention devant la Cour de cassation gabonaise, a jugé qu’il ne pouvait prendre en compte la dévaluation intervenue en 1994 sans remettre en cause la condamnation pécuniaire prononcée en 2005 par cette juridiction en fonction des données monétaires nationales alors en cours,

* c’est dans ces conditions que la société Pêcherie du Port a saisi le tribunal de commerce de Nanterre d’une demande d’indemnisation de son préjudice découlant, selon elle, des circonstances dans lesquelles elle a été indemnisée, postérieurement à l’ordonnance du 5 mai 2006, par le paiement d’une somme en euros, d’un préjudice subi en 1992, exprimé en francs CFA lequel a connu au mois de janvier 1994 une dévaluation monétaire de 50% par rapport au franc français et par conséquent à l’euro;

Sur la demande de la société Pêcherie du Port :

Considérant que la société Pêcherie du Port admet qu’il n’appartient pas au juge français de modifier les termes d’une condamnation à somme fixe prononcée par un juge étranger dans sa monnaie nationale, mais fait valoir que si la contre valeur en euros d’une dette stipulée en monnaie étrangère doit être fixée au jour du paiement, le créancier ne doit pas subir le « risque de changes » résultant du retard que le débiteur met à s’acquitter de son obligation;

qu’elle soutient que la société Bureau Veritas ayant été condamnée par la juridiction gabonaise sur le fondement de l’article 1382 du code civil, identique en droit français et gabonais, le principe de la réparation intégrale du préjudice impose de condamner sur ce même fondement juridique, le Bureau Veritas à l’indemniser du préjudice subi par les conséquences de la dévaluation de 50% du franc CFA survenue le 10 janvier 1994, par rapport au franc français et donc à l’euro;

mais considérant que la société Pêcherie du Port méconnaît les termes de la condamnation prononcée par la Cour de cassation gabonaise le 21 juillet 2005, qui n’a nullement prononcé une condamnation indemnitaire à la contre valeur de l’indemnité exprimée en francs CFA;

que contrairement à ce que soutient la société Pêcherie du Port, la cour suprême gabonaise, qui a liquidé son préjudice à la somme de 350.037.234 francs CFA, n’a pas retenu, au moment où elle a statué une évaluation valeur 1992, mais a fixé la condamnation indemnitaire en fonction des données monétaires en cours au Gabon;

que cette condamnation, s’agissant d’un dommage qui s’est produit au Gabon et dont l’indemnisation résulte de décisions gabonaises a été fixée dans la seule monnaie nationale en francs CFA;

que la société Pêcherie du Port reconnaît d’ailleurs que le juge gabonais ne pouvait statuer en d’autre monnaie que celle nationale et qu’il n’y avait aucun intérêt à débattre dans cette instance gabonaise du cours du franc CFA par rapport à la monnaie française, alors que le préjudice à réparer était exclusivement local et évalué en francs CFA;

considérant que le litige résulte de l’insolvabilité de la société gabonaise Semts et du plafond de garantie de sa compagnie d’assurances Uap Gabon, laquelle n’a réglé, dans cette limite, que la somme provisionnelle de 150.000.000 francs CFA, de sorte que la Pêcherie du Port a dû faire exécuter en France la décision de la Cour de cassation gabonaise à l’encontre de la société Bureau Veritas;

qu’il est acquis aux débats que l’arrêt rendu par la cour suprême gabonaise a été déclaré exécutoire en France le 5 mai 2006 et que la société Bureau Veritas a réglé les causes de la condamnation le 18 mai 2006, pour un montant converti en euros, correspondant au décompte présenté par la société Pêcherie du Port;

qu’il n’est pas contesté que le paiement par la société Bureau Veritas de la somme de 304.954,81 euros représente la contre valeur de la somme allouée par la Cour de cassation gabonaise de 350.037.234 francs CFA, en ce compris les intérêts et les dépens;

qu’en recevant cette somme, la société Pêcherie du Port a été remplie de ses droits et ne peut prétendre à percevoir une somme supérieure à celle fixée judiciairement sous couvert d’une modification du taux de change et d’un paiement réalisé par une société française dans sa propre monnaie;

considérant qu’en invoquant une perte d’indemnisation liée à l’effet mécanique de la conversion du franc CFA en euro et à la dévaluation, la société Pêcherie du Port modifie l’objet de la créance dont elle est titulaire dès lors que cette créance n’a pas été exprimée en contre valeur mais en francs CFA;

considérant que si la dévaluation du franc CFA représente un gain pour la société Bureau Veritas, elle ne constitue pas une perte pour la société Pêcherie du Port qui a bien perçu l’indemnité telle que fixée par les juridictions gabonaises en francs CFA;

considérant qu’il s’ensuit que le principe de la réparation intégrale du préjudice n’a pas été méconnu, de sorte que la demande formée par la société Pêcherie du Port, tant au visa de l’article 1382 du code civil que de l’article 1371 du même code , n’est pas fondée;

Sur les autres demandes:

Considérant que la société Bureau Veritas ne caractérise pas, à la charge de la société Pêcherie du Port , la mauvaise foi, l’intention de nuire ou la légèreté blâmable susceptible d’ouvrir droit à l’allocation de dommages et intérêts pour procédure abusive;

Considérant qu’il résulte du sens de l’arrêt que la société Pêcherie du Port ne saurait bénéficier des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile; qu’en revanche, l’équité commande de la condamner, sur ce même fondement, à verser à la société Bureau Veritas une indemnité complémentaire de 10.000 euros;

PAR CES MOTIFS

Statuant par décision contradictoire,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré,

Y ajoutant,

Condamne la société Pêcherie du Port à payer à la société Bureau Veritas la somme complémentaire de 10.000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel,

Rejette toutes autres demandes contraires à la motivation,

Condamne la société Pêcherie du Port aux dépens et dit que ceux-ci pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

signé par Mme Dominique ROSENTHAL, Président et par Monsieur GAVACHE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

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