Cour d'appel de Versailles, 3ème chambre, 30 juin 2011, n° 10/00359

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 3e ch., 30 juin 2011, n° 10/00359
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 10/00359
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Versailles, 4 novembre 2009, N° 07/10286
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 63A

3e chambre

ARRET N°

REPUTE CONTRADICTOIRE

DU 30 JUIN 2011

R.G. N° 10/00359

AFFAIRE :

A K Y

C/

D X

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 05 Novembre 2009 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES

N° chambre : 4

N° RG : 07/10286

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

SCP BOITEAU ET PEDROLETTI

SCP KEIME GUTTIN JARRY

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE TRENTE JUIN DEUX MILLE ONZE,

La cour d’appel de VERSAILLES, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur A K Y

né le XXX à XXX

de nationalité Française

Chez Monsieur et Madame Y

XXX

XXX

représenté par la SCP BOITEAU ET PEDROLETTI, avoués – N° du dossier 0019872

assisté de Me Simone VIGNALS-PENNACCHIONI, avocat au barreau de VERSAILLES

APPELANT

****************

1/ Monsieur D X

XXX

XXX

représenté par la SCP KEIME GUTTIN JARRY, avoués – N° du dossier 10000135

assisté de Me Isabelle GOESTER-PRUNIER, avocat au barreau des HAUTS-DE-SEINE substituant Me Jean Luc HIRSCH, avocat au barreau de PARIS

INTIME

2/ CAISSE RSI D’ILE DE FRANCE OUEST

XXX

XXX

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

INTIMEE DEFAILLANTE

XXX

****************

Composition de la cour :

L’affaire a été débattue à l’audience publique du 19 Mai 2011, Madame Christine SOUCIET, Conseiller, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame N-José VALANTIN, Président,

Madame Annick DE MARTEL, Conseiller,

Madame Christine SOUCIET, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Lise BESSON

FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES

Le 16 février 1995, une collision s’est produite entre la motocyclette pilotée par Monsieur A Y, alors mineur comme étant né le XXX, et un véhicule conduit par Mademoiselle F G.

Au cours de cet accident, Monsieur A Y a été blessé et a présenté, aux termes du certificat établi par le service des urgences de l’hôpital de Poissy :

'une contusion du membre inférieur avec hématome et érosion cutanée, une érosion de la face interne du genou gauche, un hématome de la face antéro-externe de la jambe droite'.

Le 18 février 1995, Monsieur A Y, en raison de l’intensification des douleurs du genou et de la face externe de la jambe droite, a fait appel à son médecin traitant qui l’a adressé au Docteur D X, chirurgien orthopédiste à la clinique de Marly le Roi qui a décelé une fracture du plateau tibial externe droit avec enfoncement séparation peu déplacée.

Le Docteur D X à la suite de nouvelles radiographies, d’une ponction du genou droit, a prescrit une immobilisation et pratiqué le 21 février 1995 une intervention consistant en un relèvement du plateau tibia externe.

Le 22 février 1995 en fin de journée, alerté d’un problème affectant le pied et les orteils de la jambe opérée, il a rendu visite à Monsieur A Y et devant une suspicion de syndrome des loges a prescrit une échographie et un électromyogramme en urgence, examens réalisés le 23 février 1995 confirmant ses soupçons.

Après avoir eu connaissance du résultat des examens, le jour même le Docteur D X a pratiqué une nouvelle intervention chirurgicale consistant en une aponévrotomie de la loge antérieure et de la loge externe de la jambe droite.

Le 18 avril 1995, Monsieur A Y a été de nouveau hospitalisé en raison d’une surinfection avec présence de pus au niveau de la cicatrice du col du péroné droit et le 19 avril il a été pratiqué une nouvelle intervention consistant en l’excision d’un abcès de la loge antéro-externe et en une résection suivie de pansements sous anesthésie générale pour excision des muscles nécrosés les 3, 5, 12 et 15 mai 1995.

Par ordonnance de référé, le Docteur M-N O a été désigné en qualité d’expert.

Le Docteur M-N O a diligenté sa mission et a déposé un rapport le 5 septembre 1995 dont les conclusions sont les suivantes :

— ITT du 16 février au 13 mars 1995

du 18 avril au 31 mai 1995

— ITP à 50 % du 14 mars au 17 avril 1995

du 1er juin au 5 septembre 1995

— consolidation le 5 septembre 1995

— IPP 18 %

— quantum doloris IMPORTANT

— préjudice esthétique MOYEN

— l’avenir est à réserver en raison de la possibilité de réintervention pour transplantation musculaire

— sur le plan scolaire, A a repris ses cours mais il aura des difficultés au moment des épreuves physiques du baccalauréat

— Il nous est dit que A aurait eu l’intention de faire une carrière militaire, ce qui est impensable dans l’état actuel du membre inférieur droit.

Le recours en indemnisation diligenté par Monsieur A Y à l’encontre de Mademoiselle F G et de son assureur au regard des dispositions de la loi du 5 juillet 1985 a abouti à un débouté suivant arrêt de la Cour d’Appel en date du 28 novembre 2003.

Monsieur A Y a alors fait assigner le CENTRE MEDICO CHIRURGICAL DE L’EUROPE, venant aux droits de la CLINIQUE DE MARLY LE ROI, devant le juge des référés qui, par ordonnance du 10 janvier 2006, a désigné le Docteur Z en qualité d’expert.

Le Docteur Z a diligenté sa mission et a déposé son rapport le 29 juin 2006 dont les conclusions sont les suivantes :

'Le Docteur X a eu une attitude fautive conduisant à une perte de chance en n’opérant pas en urgence M. Y A le 22 février 1995 à 20 heures.

En dehors de l’incapacité temporaire partielle au taux de 50 % du 1er juin au 5 septembre 1995, il est impossible de déterminer la part qui revient au retard de traitement dans les différents postes de préjudice'.

Par exploit du 27 avril 2009, Monsieur A Y a fait donner assignation au Docteur D X devant le Tribunal de Grande Instance de Versailles et aux termes de ses dernière écritures, afin :

— à titre principal,

— qu’il soit déclaré responsable, au regard des dispositions des articles L 1142-1 du code de la santé publique et de l’article 1147 du code civil, du préjudice causé par sa faute professionnelle ayant consisté à diagnostiquer avec retard le syndrome des loges dont il était atteint dés son admission à la CLINIQUE DE MARLY LE ROI et à différer le geste chirurgical d’aponévrotomie au 23 février 1995 au matin,

— que son préjudice, sur la base du rapport du Docteur Z, soit fixé de la façon suivante :

* préjudice patrimonial temporaire 10.000,00 euros

* déficit fonctionnel temporaire 5.000,00 euros

* frais divers 5.000,00 euros

* préjudice scolaire 5.000,00 euros

* souffrances endurées 10.000,00 euros

* préjudice esthétique temporaire 5.000,00 euros

* préjudice esthétique permanent 5.000,00 euros

* déficit fonctionnel permanent 18 % 27.000,00 euros

* préjudice d’agrément 15.000,00 euros

* préjudice d’établissement 10.000,00 euros

— à titre subsidiaire,

— que le Docteur D X soit condamné à lui verser la somme de 97.000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi et la perte de chance, sous réserve d’aggravation, celle de 8.032,84 euros en remboursement des frais déboursés et non remboursés, à prendre en charge tout manque à gagner et frais occasionnés en cas d’aggravation, les échéances non couvertes par les assurances en cas d’incident du fait de l’accident et des complications médicales, à lui régler la somme de 3.000 euros en sus des dépens.

Il a demandé de lui donner acte de son absence d’opposition à la désignation d’un nouvel expert aux fins d’établir une contre-expertise et de déterminer les préjudices par lui subis et ce, aux frais avancés du Docteur D X.

Le Docteur D X, aux termes de ses dernières écritures, a fait valoir notamment :

— que le syndrome des loges n’était pas constitué lors de l’admission de Monsieur A Y à la CLINIQUE DE MARLY LE ROI,

— qu’il n’avait été avisé que le 22 février 1995 vers 19 h30 des signes d’un syndrome ischémique,

— que l’expert judiciaire lui reproche seulement de ne pas avoir réalisé le geste d’aponévrotomie dés le 22 février au soir,

— que la perte de chance réparable est définie par la Cour de Cassation comme 'la disparition actuelle et certaine d’une éventualité favorable’ et qu’elle ne peut donner lieu à réparation qu’à la condition qu’elle ait un caractère réel et que soit démontré un lien de causalité nécessaire entre le manquement relevé et la chance perdue et ne saurait être destinée à permettre de suppléer un lien de causalité hypothétique entre une faute et un dommage,

— qu’aux dires mêmes de l’expert judiciaire, il est impossible d’affirmer que le dommage ne se serait pas produit de la même manière si l’opération avait été réalisée dés le 22 février 1995 au soir,

— que si le tribunal devait retenir le principe d’une perte de chance, il conviendrait de l’évaluer selon un pourcentage n’excédant pas 20 %,

— que les réclamations formulées au titre des frais médicaux et divers, d’un préjudice scolaire, universitaire ou de formation et d’un préjudice d’établissement ne sont pas justifiée,

— que les autres postes, pour le calcul du pourcentage de 20 % à retenir, doivent être évalués ainsi :

* déficit fonctionnel temporaire 2.000,00 euros

* souffrances endurées 4/7 7.000,00 euros

* préjudice esthétique définitif 3/7 4.500,00 euros

* déficit fonctionnel permanent 18 % 25.000,00 euros

* préjudice d’agrément 6.000,00 euros

Par jugement du 5 novembre 2009, le Tribunal de Grande Instance de Versailles a considéré :

— qu’eu égard à la date de l’accident, soit le 16 février 1995, la loi du 4 mars 2002 n’était pas applicable et que la responsabilité du Docteur D X ne pouvait être recherchée que sur le fondement de l’article 1147 du code civil,

— que le syndrome des loges ne préexistait pas à l’intervention chirurgicale du 21 février 1995 mais n’était survenu que postérieurement,

— que le Docteur D X n’avait été prévenu des symptômes présentés par Monsieur A Y que le 22 février 1995 vers 22 heures et que c’est après examen de ce dernier qu’il avait noté l’existence d’une suspicion de syndrome des loges et prescrit en urgence une échographie et un électromyogramme,

— qu’il pouvait être reproché au Docteur D X un manquement à son obligation contractuelle de donner à son patient des soins attentifs, consciencieux et conformes aux données acquises de la science consistant à ne pas avoir réalisé en urgence dès le 22 février 1995 au soir, et ce, sans attendre les résultats de l’échographie et de l’électromyogramme prescrits, une aponévrotomie même si elle pouvait lui apparaître déjà trop tardive,

— que la faute du médecin n’était pas la cause des blessures initiales de l’accident de la circulation du 16 février 1995 et du syndrome des loges,

— que la perte de chance ne pouvait donner lieu à indemnisation que si elle était suffisamment certaine et qu’en l’espèce les éléments relevés par l’expert judiciaire et non contredits par les pièces produites par la victime, ne permettaient pas de retenir que la faute commise par le Docteur D X était à l’origine d’une perte de chance certaine de ne pas avoir ou d’avoir de moindre séquelles du syndrome des loges,

— qu’une nouvelle expertise médicale ne s’avérait pas utile.

En conséquence, le tribunal en son jugement entrepris a :

— dit qu’en différant l’intervention d’aponévrotomie au 23 février 1995 le Docteur D X avait manqué à son obligation contractuelle de donner à Monsieur A Y des soins attentifs, consciencieux et conformes aux données acquises de la science,

— dit qu’il n’était cependant pas établi que cette faute était la cause directe d’un préjudice certain,

— rejeté en conséquence toutes les demandes formées par Monsieur A Y y compris celle fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

— dit n’y avoir lieu à exécution provisoire,

— condamné le Docteur D X aux dépens de l’instance comprenant les frais d’expertise du Docteur Z avec faculté de recouvrement direct au profit de Me GRESY, avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Le 18 janvier 2010, Monsieur A Y a interjeté appel du jugement du 5 novembre 2009.

Le 22 février 2010, le Docteur D X a constitué avoué.

En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, résultant de l’article 11 du décret du 28 décembre 1998, il est expressément fait référence pour l’appelant et l’intimé à leurs conclusions signifiées les 11 février et 14 mars 2011 tendant à ce que la Cour :

— pour Monsieur A Y, appelant,

— le déclare recevable et bien fondé en son appel,

— vu le rapport du Docteur Z,

— infirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a retenu la faute du Docteur D X,

— dise qu’au vu des conclusions du Docteur Z et des éléments qu’il fournit, il existe bien comme l’a constaté le tribunal une faute du Docteur D X,

— dise que des séquelles graves sont survenues directement liées au syndrome des loges sans que l’expert judiciaire puisse préciser dans quelle proportion un geste d’intervention rapide du Docteur D X aurait pu empêcher ou limiter les séquelles, générant ainsi une perte de chance,

— infirme le jugement entrepris et, en application des dispositions de l’article 1147 du code civil, répare la perte de chance qu’il a subie en lui allouant :

* au titre du DFT à 50 %

du 1er juin au 5 septembre 1995 8.000,00 euros

* au titre de la perte de chance 80.000,00 euros

'qui repose sur l’évaluation du dommage corporel tel qu’établi ci-dessous'

* frais restés à charge 8.032,24 euros

* préjudice professionnel (de carrière) 30.000,00 euros

* DFT total et partiel 13.000,00 euros

* souffrances endurées 4/7 10.000,00 euros

* DFP 18 % 27.000,00 euros

* préjudice esthétique 3/7 5.000,00 euros

* préjudice d’agrément 15.000, 00 euros

* préjudice d’établissement 15.000,00 euros

— déboute le Docteur D X de l’ensemble de ses demandes,

— lui donne acte de ce qu’il s’en rapporte et fait toutes protestations et réserves sur la demande de nouvelle expertise,

— condamne le Docteur D X à lui payer une somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens de première instance et d’appel avec faculté de recouvrement direct au profit de la SCP BOITEAU PEDROLETTI, avoués, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

— pour le Docteur D X, intimé

— vu l’article 1147 du code civil,

— à titre principal, confirme le jugement entreprise en ce qu’il a rejeté les demandes de Monsieur A Y, la perte d’une chance d’une limitation des séquelles du syndrome des loges ne revêtant aucun caractère certain,

— condamne Monsieur A Y aux dépens de première instance et d’appel avec faculté de recouvrement direct au profit de la SCP KEIME GUTTIN JARRY, avoués, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,

— subsidiairement, désigne un expert en chirurgie orthopédique recevant mission de :

* déterminer, en fonction de l’heure probable d’apparition des premiers symptômes du syndrome des loges, et de l’heure à laquelle le Docteur D X en a été avisé, si une intervention pratiquée à ce moment pouvait ou non être de nature à limiter les conséquences dommageables dudit syndrome,

* fournir, dans l’affirmative, tous éléments permettant de quantifier la chance ainsi perdue d’éviter tout ou partie des séquelles présentées par Monsieur A Y,

— en ce cas, réserve les dépens,

— plus subsidiairement encore, si la Cour retenait l’existence d’une perte de chance d’espérer une amélioration de l’état de santé de Monsieur A Y ,

— évalue cette perte de chance à un pourcentage n’excédant pas 20 %,

— dise et juge irrecevable et à tout le moins mal fondée la demande de 80.000 euros en ce qu’une perte de chance n’est pas un préjudice distinct ou autonome susceptible de donner lieu à une indemnisation propre,

— dise et juge que l’évaluation des postes suivants serait satisfactoire,

* déficit fonctionnel temporaire 2.000,00 euros

* souffrances endurées 4/7 7.000,00 euros

* préjudice esthétique définitif 3/7 4.500,00 euros

* déficit fonctionnel permanent 18 % 25.000,00 euros

* préjudice d’agrément 6.000,00 euros

— détermine ensuite la fraction indemnisable de ces préjudices, en fonction du pourcentage de perte de chance retenu,

— déboute Monsieur A Y de toute demande autre ou plus ample et le condamne aux entiers dépens de première instance et d’appel avec faculté de recouvrement direct au profit de la SCP KEIME GUTTIN JARRY, avoués, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

La Caisse RSI D’ILE DE FRANCE, assignée par exploit d’huissier du 25 mai 2010 et s’étant vue dénoncer les conclusions de Monsieur A Y le 16 février 2001, n’a pas constitué avoué.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 28 avril 2011.

L’audience des plaidoiries s’est déroulée le 19 mai 2011 et le délibéré a été fixé au 30 juin 2011.

SUR CE,

— Sur la faute du Docteur D X

Attendu que le Docteur D X et Monsieur A Y ne critiquent pas le jugement entrepris en ses dispositions relatives à l’existence d’une faute, au regard des dispositions de l’article 1147 du code civil, du Docteur D X à ne pas avoir réalisé en urgence dés le 22 février 1995 mais seulement le lendemain une aponévrotomie dès qu’il avait suspecté l’existence d’un syndrome des loges ;

Attendu qu’au vu du relevé des soins infirmiers du 22 février 1995, les premiers juges ont considéré, à juste titre, que l’emplacement de la mention 'GA prévenu par kiné’ figurant dans ce document ne permettait pas d’établir, comme le soutient encore Monsieur A Y, que le Docteur D X ait été avisé dans la matinée et non pas dans la soirée par le kinésithérapeute des éléments de suspicion de syndrome des loges ;

Que le jugement entrepris doit en conséquence être confirmé en ce qu’il a retenu à la charge du Docteur D X un manquement à son obligation contractuelle de donner à Monsieur A Y des soins attentifs, consciencieux et conformes aux données acquises de la science, en différant l’intervention d’aponévrotomie au 23 février 1995 alors qu’il aurait dû la pratiquer dés le 22 février au soir ;

— Sur le préjudice subi par Monsieur A Y résultant de la faute du Docteur D X

Attendu que dans ses écritures régularisées en cause d’appel le Docteur D X admet que l’ITP de 50 % du 1er juin au 5 septembre 1995 résulte bien, comme le mentionne le Docteur Z en page 12 de son rapport, du retard de traitement du syndrome des loges ;

Attendu qu’il existe donc une conséquence directe de la faute commise par le Docteur D X et dès lors ce dernier doit indemniser Monsieur A Y de ce chef de préjudice ;

Attendu que l’expert judiciaire précise également en page 10 de son rapport :

' Le fait d’avoir différé cette intervention au lendemain est fautif car il y a eu manifestement une perte de chance. La survenue du syndrome des loges dans les suites de l’intervention chirurgicales du 21 février 1995 est un aléa thérapeutique’ ;

Attendu que dans ses conclusions le paragraphe préjudices liés au retard de prise en charge du syndrome des loges est ainsi libellé :

'Il est impossible de savoir quelle aurait été l’évolution de ce syndrome des loges si l’intervention chirurgicale avait été pratiquée le 22 février à 20 heures. Il est certain que le 21 février 1995 plus de douze heures après l’installation de ce syndrome des loges, des lésions irréversibles étaient déjà constituées mais rien ne permet de dire que l’évolution aurait été favorable avec une prise en charge précoce’ ;

Attendu que contrairement à ce que les premiers juges ont retenu, le principe d’une perte de chance est établi, certes limité en raison de lésions irréversibles déjà constituées lors de la suspicion du syndrome des loges, d’avoir pu éviter des séquelles ou de subir des séquelles moindres ;

Que dés lors le dommage consécutif à cette perte de chance doit être évalué à 40 % du préjudice subi par Monsieur A Y à la suite de l’accident du 16 février 1995 et de la survenance du syndrome des loges, eu égard notamment à la probabilité de lésions irréversibles intervenues en raison du délai déjà écoulé depuis l’installation du dit syndrome ;

Que le Docteur D X doit en conséquence être condamné à indemniser Monsieur A Y à hauteur de 40 % du préjudice subi à la suite de l’accident du 16 février 1995 et de la survenance du syndrome des loges et le jugement entrepris infirmé en ce qu’il a rejeté toute demande d’indemnisation ;

— Sur l’évaluation du dommage subi par Monsieur A Y du fait des fautes du Docteur D X

Attendu que le Docteur Z retient comme conséquence directe de la faute commise par le Docteur D X une incapacité temporaire partielle au taux de 50 % du 1er juin au 5 septembre 1995 ;

Attendu que la somme de 1.200 euros indemnisera ce chef de préjudice ;

Attendu que les autres périodes de déficit fonctionnel temporaire total et partiel relèvent, au vu du rapport d’expertise, des blessures occasionnées par l’accident de la circulation du 16 février 1995 et de l’apparition du syndrome des loges, constituant pour sa part un aléa thérapeutique ;

Attendu que les frais de transports exposés par la famille, les frais de taxis pour permettre à A de se rendre au Lycée, le coût du téléviseur, des frais de téléphone, les honoraires du médecin conseil, le coût de photographies se rattachent à l’accident de la circulation et à l’apparition du syndrome des loges et non à l’aggravation de ce dernier ;

Attendu que les éléments versés aux débats ne permettent pas de rattacher aux conséquences de la faute du Docteur D X les frais d’employé de maison exposés par les parents de Monsieur A Y ;

Attendu que l’on cherche en vain dans le dossier soumis à la cour des pièces relatives au cursus scolaire de Monsieur A Y avant et après l’accident du 16 février 1995 et de ses conséquences ;

Que dés lors le coût des cours de rattrapage, l’achat d’un ordinateur, d’une imprimante ne peuvent être considérés comme présentant un lien direct avec les agissements fautifs du Docteur D X ;

Attendu que la carence de Monsieur A Y se manifeste également en ce qui concerne la démonstration de l’existence d’un préjudice de carrière ;

Attendu que bien que l’accident se soit déroulé il y a maintenant plus de 16 ans et que Monsieur A Y soit désormais âgé de 33 ans, aucun élément n’est fourni concernant sa situation professionnelle et personnelle ;

Que dés lors du fait de sa propre carence, Monsieur A Y ne peut voir prospérer ses réclamations relatives à un préjudice de carrière et à un préjudice d’établissement ;

Attendu que le Docteur Z a retenu comme séquelles :

— subjectives : des douleurs permanentes sur le cou de pied, sur les cicatrices, une hypersensibilité du pied droit, une fatigabilité du membre inférieur droit à l’effort,

— objectives : une amyotrophie du quadriceps droit, des troubles de la sensibilité du pied et des orteils droits dans le territoire du nerf sciatique poplité externe, une ankylose du pied droit ;

Que les souffrances endurées ont été quantifiées à 4/7 du fait de la nature des lésions initiales, du nombre et de la nature des interventions chirurgicales réalisées, des séjours hospitaliers, des immobilisations, de la rééducation, des examens pratiqués, des traitements médicamenteux prescrits ;

Que le préjudice esthétique a été quantifié à 3/7 du fait des nombreuses cicatrices persistant ;

Attendu que la nature des séquelles est à l’origine pour ce jeune âgé de 18 ans lors de la consolidation d’une limitation certaine dans la pratique des sports, alors qu’il était particulièrement sportif avant l’accident comme le mentionnent les attestations qu’il produit aux débats ;

Qu’au vu de ces éléments, il convient de fixer la réparation :

— des souffrances endurées quantifiées à 4/7 à 8.000,00 euros

— du préjudice esthétique quantifié à 1/7 à 5.000,00 euros

— du préjudice d’agrément à 10.000,00 euros

— du préjudice esthétique de 3/7 à 10.000,00 euros

— du DFP de 18 % à 27.000,00 euros

— soit un total de 60.000,00 euros

Que compte tenu du taux de 40 % de perte de chance retenu, il revient à Monsieur A Y une somme de 24.000 euros ;

Attendu que le Docteur D X doit en conséquence être condamné à verser à Monsieur A Y la somme de :

24.000 euros + 1.200 euros = 25.200,00 euros

avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

— Sur l’article 700 du code de procédure civile

Attendu qu’au regard des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, il apparaît équitable de condamner le Docteur D X à verser à Monsieur A Y une somme de 3.000 euros pour les frais irrépétibles exposés tant en première instance qu’en appel ;

— Sur les dépens

Attendu que le Docteur D X supportera les entiers dépens de première instance et d’appel ;

Attendu que l’arrêt doit être déclaré commun à la Caisse RSI D’ILE DE FRANCE ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et par arrêt réputé contradictoire,

Confirme le jugement du 5 novembre 2009 rendu par le Tribunal de Grande Instance de Versailles à l’exception des dispositions relatives à l’évaluation de la perte de chance subie par Monsieur A Y et aux frais irrépétibles,

Réformant le jugement entrepris de ces chefs,

Evalue à 40 % de son préjudice la perte de chance subie par Monsieur A Y du fait des fautes commises par le Docteur D X,

Condamne le Docteur D X à verser à Monsieur A Y la somme de 25.200 euros, indépendamment de toute créance de la Caisse RSI D’ILE DE FRANCE mais provisions non déduites, en réparation des conséquences dommageables résultant de ses fautes dans les modalités de prise en charge du syndrome des loges,

Assortit la somme allouée des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Condamne le Docteur D X à régler à Monsieur A Y une somme de 3.000 euros pour les frais irrépétibles exposés tant en première instance qu’en appel,

Condamne le Docteur D X aux dépens d’appel avec faculté de recouvrement direct au profit de la SCP BOITEAU PEDROLETTI, avoués à la Cour, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,

Déclare l’arrêt commun à la Caisse RSI D’ILE DE FRANCE.

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame N-José VALANTIN, Président et par Madame Lise BESSON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER, Le PRESIDENT,

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Cour d'appel de Versailles, 3ème chambre, 30 juin 2011, n° 10/00359