Cour d'appel de Versailles, 11ème chambre, 27 octobre 2011, n° 10/05642

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Chronologie de l’affaire

Commentaires6

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Eurojuris France · 9 avril 2014

Très attendue dans un contexte dans lequel s'opposent de plus en plus dans l'entreprise, les partisans d'une laïcité revendiquée et ceux d'un confessionnalisme assumé, cette décision risque de décevoir car elle n'apporte pas la solution « clé en main » espérée par les chefs d'entreprise au titre de la sécurité juridique. Mais l'ensemble des décisions ( Rappelons que la directrice adjointe de la crèche Baby-Loup avait refusé de ne pas porter de voile islamique. Elle avait été licenciée pour faute grave pour avoir contrevenu aux dispositions du règlement intérieur de la crèche et pour le …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 11e ch., 27 oct. 2011, n° 10/05642
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 10/05642
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Nantes, Section : Activités diverses, 12 décembre 2010, N° 10/00587
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

11e chambre

ARRET N°

contradictoire

DU 27 OCTOBRE 2011

R.G. N° 10/05642

AFFAIRE :

R F épouse B

C/

ASSOCIATION V-W, prise en la personne de sa Présidente Mme O U

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 13 Décembre 2010 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MANTES LA JOLIE

Section : Activités diverses

N° RG : 10/00587

Copies exécutoires délivrées à :

Me Michel HENRY

Me Richard MALKA

Copies certifiées conformes délivrées à :

R F épouse B

ASSOCIATION V-W, prise en la personne de sa Présidente Mme O U

Monsieur le PROCUREUR GÉNÉRAL près la cour d’appel de Versailles

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT SEPT OCTOBRE DEUX MILLE ONZE,

La cour d’appel de VERSAILLES, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Madame R F épouse B

XXX

XXX

Comparante en personne, assistée de Me Michel HENRY, avocat au barreau de PARIS

APPELANTE

****************

ASSOCIATION V-W, prise en la personne de sa Présidente Mme O U

XXX

XXX

Comparante en personne, assistée de Me Richard MALKA, avocat au barreau de PARIS et de Me Louis GAYON, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

****************

MONSIEUR LE PROCUREUR GENERAL près la cour d’appel de VERSAILLES en la personne de Monsieur P Q, XXX

PARTIE JOINTE

****************

Composition de la cour :

L’affaire a été débattue le 12 Septembre 2011, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Marie-Noëlle ROBERT, Présidente,

Madame Sylvie BOURGOGNE, conseiller,

Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Claudine AUBERT

Exposé du litige

Suivant contrat à durée indéterminée du 1er janvier 1997, lequel faisait suite à un emploi solidarité du 6 décembre 1991 au 6 juin 1992 et à un contrat de qualification du 1er décembre 1993 au 30 novembre 1995, Mme F épouse B a été engagée en qualité d’éducatrice de jeunes enfants exerçant les fonctions de directrice adjointe de la crèche et de la halte garderie V W.

La convention collective nationale des établissements privés d’hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif du 31 octobre 1951 régissait les relations contractuelles.

Par ailleurs, l’établissement était doté d’un règlement intérieur prévoyant notamment un principe de neutralité dans l’exercice de ses tâches par le personnel.

En mai 2003, Mme F épouse B a bénéficié d’un congé maternité suivi d’un congé parental jusqu’au 8 décembre 2008.

Elle a été convoquée par lettre du 9 décembre 2008 à un entretien préalable, fixé le 18 décembre suivant, en vue de son éventuel licenciement, avec mise à pied à titre conservatoire, et licenciée le 19 décembre 2008 pour faute grave.

S’estimant victime d’une discrimination au regard de ses convictions religieuses, Mme F épouse B a saisi le conseil de prud’hommes de Mantes-la-Jolie le 9 février 2009 afin, à titre principal, de voir prononcer la nullité du licenciement et d’obtenir la condamnation de l’employeur à lui payer sommes suivantes :

* 63 015,12 euros à titre de dommages et intérêts pour nullité du licenciement et discrimination et atteinte aux libertés fondamentales,

* 9 695,32 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

* 969,53 euros au titre des congés payés afférents,

* 700,17 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied,

* 70 euros au titre des congés payés afférents,

* 26 662,13 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,

à défaut de reconnaissance de sa qualité de cadre :

* 4 847,66 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

* 484,77 euros au titre des congés payés afférents,

* 13 331,07 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,

A titre subsidiaire, elle a sollicité la condamnation de l’employeur à lui verser les mêmes sommes sur le fondement de l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement.

En tout état de cause, elle a demandé la condamnation de l’employeur à lui payer :

* 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour atteinte à la vie privée et à la dignité et réparation du préjudice moral,

* 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

L’association s’est opposée à la demande et a sollicité l’octroi une indemnité de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 13 décembre 2010, le conseil :

— a débouté Mme F épouse B de l’ensemble de ses demandes,

— a débouté l’association V W de sa demande reconventionnelle.

Mme F épouse B a relevé régulièrement appel de cette décision.

Le Ministère public, auquel l’affaire a été communiquée en application des dispositions de l’article 427 du code de procédure civile, conclut oralement à la confirmation du jugement entrepris.

Mme F épouse B demande à la cour d’infirmer le jugement déféré, de prononcer la nullité du licenciement et de condamner l’employeur à lui payer les sommes suivantes :

* 63 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement discriminatoire et attentatoire aux libertés fondamentales,

* 9 695,32 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

* 969,53 euros au titre des congés payés afférents,

* 700,17 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied,

* 70 euros au titre des congés payés afférents,

* 26 662,13 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,

à défaut de reconnaissance de sa qualité de cadre :

* 4 847,66 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

* 484,77 euros au titre des congés payés afférents,

* 13 331,07 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement.

Elle sollicite en outre l’octroi d’une indemnité de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir en substance :

— que fin avril 2003, enceinte de son quatrième enfant, elle a été placée en congé maternité et qu’au cours du congé parental qui s’en est suivi, Mme A, directrice de la crèche l’a informée qu’en vertu d’un nouveau règlement intérieur adopté en juillet 2003, elle ne pourrait plus revenir travailler avec le foulard qu’elle avait l’habitude de porter,

— que c’est donc dans ce contexte qu’elle a sollicité un entretien en mentionnant qu’elle n’était pas opposée à une rupture conventionnelle, projet auquel il n’a pas été finalement donné suite,

— que lors de la reprise de son travail le 9 décembre 2008, elle a été invitée à retirer le foulard qu’elle portait et qu’elle a répondu qu’elle était toujours vêtue ainsi ; que contestant le grave incident auquel l’employeur faisait référence dans la lettre de convocation à l’entretien préalable, avec prononcé d’une mise à pied, elle a refusé de signer cette lettre et est restée sur place sur les conseils d’un conseiller du salarié et de l’inspecteur du travail ; que n’ayant reçu aucun courrier, elle est revenue le lendemain ; que pendant le temps où elle était dans les locaux de la crèche elle n’a provoqué aucun scandale ni perturbation,

— que l’association V W, qui est régie par la loi du 1er juillet 1901, intervient à Chanteloup les Vignes, habité essentiellement par des personnes immigrées ou issues de l’immigration, principalement du Maghreb et d’Afrique noire ; que les enfants accueillis à la crèche sont accoutumés à voir un bon nombre de leurs proches porter un foulard et ne consomment, depuis 1997, que de la viande hallal au sein de cet établissement,

— que l’article 9 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et la Constitution garantissent la liberté de conscience ; que le port d’un vêtement ou d’un insigne susceptible d’exprimer son adhésion à une religion, une culture ou un courant de pensée relève de la liberté de religion ou de pensée, seule une loi pouvant fixer une restriction générale aux libertés fondamentales ; que la directive du 27 novembre 2002 portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement, interdit les discriminations fondées sur la religion ou les convictions,

— que les articles L. 1121-1 et L. 1321-3 du code du travail limitent le pouvoir de l’employeur en ce qui concerne les restrictions qu’il peut apporter à ce principe,

— que la question est de savoir si l’article II A) du règlement intérieur du 9 janvier 2003 est conforme à ces exigences ; que l’association ne fait état d’aucune circonstance particulière qui justifierait la restriction prévue par ce règlement,

— que le fait que l’employeur lui ait interdit de reprendre son travail au motif qu’elle refusait d’ôter son voile islamique sur le fondement d’un règlement intérieur illicite établit à lui seul que la décision de licenciement n’était pas étrangère à ses convictions religieuses ; que le licenciement est donc nul selon l’article 1132-4 du code du travail.

L’association V W demande à la cour à titre principal de confirmer en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud’hommes, de rejeter les prétentions de Mme F épouse B et de condamner celle-ci à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir principalement :

— qu’aux termes de ses statuts, elle propose dans un milieu défavorisé une offre d’accueil à la petite enfance et oeuvre pour l’insertion sociale et professionnelle des femmes du quartier, tout en favorisant le maintien du lien social par des activités ouvertes aux parents et aux habitants de la commune ; qu’ainsi pour répondre aux besoins des parents, la crèche est ouverte 24 heures sur 24,

— que le règlement intérieur de 1990, comme celui de 2003, édictent que le personnel de la structure, dans ses missions professionnelles, doit respecter un principe de neutralité confessionnelle ; que le port du voile n’a jamais été admis, le souci constant étant le respect de la laïcité imposée par son activité dédiée à la petite enfance,

— que Mme F épouse B connaissait et appliquait cette règle avant 2003,

— qu’ayant décidé d’imposer une rupture des relations contractuelles, elle a pris prétexte déjà annoncé du port de son voile pour engager un conflit avec la direction, lors de la reprise de son travail,

— que le licenciement est justifié par le comportement de l’intéressée qui s’est introduite dans la crèche pour proférer injures et menaces à l’égard de la direction, alors qu’elle était mise à pied .

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie pour un plus ample exposé des moyens des parties, aux conclusions qu’elles ont déposées et soutenues oralement à l’audience.

Motifs de la décision

Considérant que les statuts de l’association précisent que celle-ci a pour but de développer une action orientée vers la petite enfance en milieu défavorisé et d''uvrer pour l’insertion sociale et professionnelle des femmes du quartier ; qu’elle s’efforce de répondre à l’ensemble des besoins collectifs émanant des familles, avec comme objectif la revalorisation de la vie locale, sur le plan professionnel, social et culturel sans distinction d’opinion politique ou confessionnelle ;

Considérant que conformément à ces dispositions la crèche doit assurer une neutralité du personnel dès lors qu’elle a pour vocation d’accueillir tous les enfants du quartier quelle que soit leur appartenance culturelle ou religieuse ; que ces enfants, compte tenu de leur jeune âge, n’ont pas à être confrontés à des manifestations ostentatoires d’appartenance religieuse ;

Considérant que tel est le sens des dispositions du règlement intérieur entré en vigueur le 15 juillet 2003, lequel, au titre des règles générales et permanentes relatives à la discipline au sein de l’association, prévoit que le principe de la liberté de conscience et de religion de chacun des membres du personnel ne peut faire obstacle au respect des principes de laïcité et de neutralité qui s’appliquent dans l’exercice de l’ensemble des activités développées par V W, tant dans les locaux de la crèche ou ses annexes qu’en accompagnement extérieur des enfants confiés à la crèche ;

Que le règlement précédemment en vigueur définissait le même principe selon lequel, dans l’exercice de son travail, le personnel devait respecter et garder la neutralité d’opinion politique et confessionnelle en regard du public accueilli ;

Considérant que les restrictions ainsi prévues apparaissent dès lors justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché au sens des articles L. 1121-1 et L. 1321-3 du code du travail ;

Considérant que la salariée soutient que l’association tolérait le port du voile ; que ceci est contredit par le rappel à l’ordre dont elle a été l’objet le 21 mars 2001 concernant le respect de la règle de laïcité au regard de signes vestimentaires ayant une connotation confessionnelle dans le cadre des activités au sein de la crèche ou en accompagnement d’enfants en extérieur ; qu’elle-même, le 17 avril 2002, lors d’un entretien préalable en vue du licenciement d’une autre salariée, a rappelé à celle-ci la nécessité de rester neutre vis-à-vis des enfants et à l’égard des parents, et l’obligation de ne pas porter le voile pour toutes les activités auprès des enfants, « ceci étant mentionné dans le règlement intérieur » ;

Que dès lors, les témoignages qu’elle fournit apparaissent en tout état de cause inopérants alors au demeurant que les témoignages dont se prévaut l’employeur sont en sens contraire ; que si elle a pu porter ponctuellement le voile, à d’autres occasions que celle ayant donné lieu au rappel à l’ordre mentionné ci-dessus, il n’est pas établi que l’employeur en avait connaissance ; que celui-ci n’est pas utilement contredit lorsqu’il explique que dans un documentaire tourné en 2001 lors de la préparation de la fête de X, la salariée, qui portait le voile, ne se trouvait pas dans les locaux de la crèche mais dans un centre de loisirs ;

Considérant qu’il n’apparaît pas, au vu notamment des factures produites, que l’association aurait fait le choix de servir aux enfants uniquement de la viande halal, au regard du contexte local dont se prévaut la salariée ;

Considérant qu’il résulte des pièces fournies, notamment de l’attestation de Mme Y, éducatrice de jeunes enfants, que la salariée, au titre de ses fonctions, était en contact avec les enfants ;

Considérant qu’en conséquence l’association pouvait légitimement s’opposer à ce que Mme F épouse B porte le voile dans l’exercice de ses fonctions ;

Considérant qu’au vu de l’ensemble de ces éléments, le licenciement de la salariée ne porte pas atteinte aux libertés fondamentales et n’est pas lié aux convictions religieuses de celle-ci ; qu’il ne présente pas un caractère discriminatoire au sens de l’article L. 1132-1 du code du travail ;

Qu’il convient donc de rejeter la demande de la salariée tendant à obtenir la nullité de ce licenciement et de confirmer de ce chef la décision critiquée ;

Considérant que la salariée a été licenciée dans les termes suivants :

« Pour rappel, avant votre retour de congé parental prévu le 9 décembre 2008, vous nous avez écrit le 15 octobre 2008 pour nous faire part de « votre décision de rompre votre contrat avec V W » suivant la procédure de la rupture conventionnelle.

A l’occasion de l’entretien du 5 novembre organisé pour répondre à votre demande, vous nous avez indiqué que vos convictions religieuses vous amenaient à porter le voile islamique intégral et que, de ce fait, vous n’étiez prête à faire aucune concession sur votre tenue vestimentaire lors de votre retour à la crèche. Après un rappel des principes de laïcité et de neutralité auxquels notre établissement est particulièrement attaché, ces principes figurant d’ailleurs dans le règlement intérieur, nous vous avons indiqué que votre poste était toujours disponible, votre arrivée étant attendue, et que dans un contexte de pénurie de personnel diplômé nous ne pouvions envisager de nous séparer de vos services.

Face à l’absence d’accord sur une rupture conventionnelle, par lettres des 22 novembre et 4 décembre, nous vous avons rappelé votre reprise de travail au 9 décembre en vous invitant à prendre connaissance de la planification de service.

Le 9 décembre, vous vous êtes présentée à la crèche, revêtue de votre voile islamique intégral.

Après qu’un vestiaire vous a été affecté et que le temps vous a été donné pour vous changer, Madame N, Directrice de la crèche, descendant vérifier l’organisation du repas des enfants, a constaté que vous étiez toujours habillée comme à votre arrivée, et ce malgré les demandes répétées de son adjointe, Madame Y, de vous changer. Madame A vous a alors réitéré l’ordre de vous changer, mais vous avez catégoriquement refusé de suivre ses directives, faisant valoir que vous étiez ainsi en tenue de travail.

Pour éviter tout incident devant les enfants, Madame A vous a invitée à l’accompagner dans la salle de réunion à l’étage. Mesdames C, adjointe à la direction, et Y, adjointe également et déléguée du personnel, étaient présentes à cet entretien. Devant ces personnes, sur un ton arrogant, après un rappel des règles de neutralité s’appliquant à la crèche, vous avez déclaré à Madame A « tu ne vas pas me faire la morale!». Cette dernière vous a répondu qu’il s’agissait simplement d’un rappel des termes du règlement intérieur. Elle a alors réitéré l’ordre de vous changer sans délai, ordre auquel vous avez opposé un refus catégorique. Une altercation s’en est suivie, vous en prenant à Madame C qui, pour sa part, tentait aussi de vous raisonner.

Devant la violation manifeste de vos obligations, et face à votre insubordination caractérisée, Madame A n’a eu d’autre choix que de référer de la situation à la Présidente. Elle vous a alors demandé de sortir et de patienter dans la salle d’attente, ce à quoi vous avez répondu « J’espère que tu ne vas pas me faire « poireauter» longtemps, je n’étais venu ici que pour 5 minutes». Environ une heure après, Madame A est venue vous remettre une lettre vous signifiant votre mise à pied conservatoire à effet immédiat, réitérée verbalement, et vous avisant d’une convocation à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement.

Après avoir lu cette lettre, vous avez refusé de la signer. Vous êtes ensuite restée dans la salle d’attente jusqu’à environ 15 h, passant divers appels téléphoniques, puis avez fait irruption en pleine réunion de direction, réclamant que l’on vous remette de nouveau cette lettre qu’une nouvelle fois vous avez refusé de signer. Elle vous a donc été adressée le jour même par voie recommandée. Une deuxième altercation s’est produite en pleine réunion, alors qu’une adjointe vous demandait de quitter la salle pour cesser de perturber le travail.

Au mépris de la mise à pied qui venait de vous être signifiée, vous vous êtes maintenue dans les locaux de la crèche, vous informant des situations des enfants présents, ayant des échanges avec les parents. Répugnant tout recours à la force physique, nous avons tenté de vous convaincre de partir, mais en vain. Ce n’est qu’à 18 heures 30 que vous avez enfin décidé de quitter la structure, mais en annonçant à tous que l’on vous aurait « sur le dos» tous les jours.

Le lendemain matin, 10 décembre, votre comportement inqualifiable a repris de plus belle. Après être rentrée de force dans la crèche alors que Madame A tentait de vous en dissuader en vous rappelant de nouveau la mise à pied conservatoire prononcée la veille, vous avez indiqué « cela ne vaut rien» et vous vous êtes rendue directement au milieu des enfants dans la salle des moyens. Madame A vous a demandé de quitter les lieux. Le ton montant, elle vous a convoqué dans son bureau, ce que vous avez refusé.

Vos provocations incessantes et multiples, parfois sous le regard des enfants, n’ont cessé de redoubler durant le temps où vous avez imposé votre présence dans les locaux. Alors que Madame J TO vous réitérait encore l’ordre de partir, vous lui avez rétorqué « Eh bien vas- y appelle la police pour me faire sortir! », vos agissements n’ayant manifestement d’autres fins que de tenter de multiplier des incidents dont vous espériez qu’ils tournent à votre avantage.

Nous avons joint la Mairie pour qu’un médiateur intervienne d’urgence, mais cela n’a pas été possible à ce moment là. Méprisant ouvertement nos injonctions multiples de vous voir quitter sans délai les lieux, vous avez décidé de partir définitivement à 18 heures.

Votre insubordination, votre obstruction, vos menaces, constituent autant de violations de vos obligations contractuelles totalement incompatibles avec votre maintien dans les effectifs durant votre préavis et justifient plus qu’amplement votre licenciement pour faute grave’ ; »

Considérant que Mme A, directrice de la crèche, atteste de ce que la salariée, à qui elle avait demandé, lors de la reprise de son travail le 9 décembre 2008, de se changer après lui avoir rappelé les termes du règlement intérieur, a refusé et s’en est pris à elle ainsi qu’à Mme C, directrice adjointe, indiquant par ailleurs que la présidente de l’association, Mme O, n’était « bonne à rien » ; que Mme A explique qu’elle lui a ensuite remis, à 13 heures 50, après avoir vu la présidente de l’association, une lettre, contre décharge, lui signifiant une mise à pied conservatoire avec effet immédiat et une convocation à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement qu’elle a refusée de signer ;

Considérant que Mme C et Mme Y, éducatrice de jeunes enfants, confirment l’existence de l’altercation relatée par Mme A, Mme Y entendue par le conseil de prud’hommes, n’ayant pas démenti les termes de son attestation ;

Que celles-ci, Mme A et d’autres salariées de la crèche, qui participaient à une réunion organisée dans l’après-midi, témoignent que Mme F épouse B a fait irruption dans la salle de réunion pour réclamer la lettre de mise à pied et de convocation à l’entretien préalable que Mme A était prête à lui remettre à condition qu’elle la signe, à défaut cette lettre devant être expédiée sous la forme recommandée ; que les témoins soulignent la conduite agressive de la salariée lors de cet incident, laquelle s’est notamment adressée à Mme C, en lui disant « toi, je ne t’ai pas parlé alors t’as rien à dire, tu la fermes » et « vas-y, énerve-toi, crie, vas-y » sur un ton de provocation ;

Que Mme C précise par ailleurs que cette même journée du 9 décembre 2008 et le lendemain Mme F épouse B est restée auprès des enfants avec les collègues présentes, malgré la mise à pied qui lui avait été signifiée ; qu’elle discutait avec les collègues, perturbant leur travail, et que lorsque des parents venaient récupérer leurs enfants, elle interpellait ceux qu’elle connaissait, discutant avec eux au milieu des enfants et des autres parents ;

Que d’autres salariées attestent du comportement de Mme F épouse B, qui parlait de son « problème avec la direction » à l’ensemble du personnel et perturbait notamment l’attention des enfants lors d’une animation musicale ; que Mme Z épouse G, intervenant au titre de cette animation, lors de son audition devant le conseil de prud’hommes, a maintenu les termes de son attestation rédigée en ce sens, précisant qu’elle avait entendu Mme F épouse B crier « tu es morte, tu es finie » à l’attention de la directrice ;

Considérant que Mme F épouse B se prévaut d’attestations ou de déclarations devant le conseil de prud’hommes établissant selon elle l’absence de menaces et troubles pendant les journées en cause ;

Que cependant il est versé aux débats, les témoignages de Mme AA AB, éducatrice de jeunes enfants et de Mme M, femme de ménage, qui étaient revenues sur leurs premiers témoignages en faveur de l’association, et qui expliquent que Mme F épouse B avait fait valoir la solidarité entre musulmanes et leur avait dicté de nouveaux témoignages quant à sa tenue vestimentaire, à l’absence de troubles et à la viande halal qui aurait été servie aux enfants ; que Mme AA AB précise que Mme F épouse B voulait qu’elle motive d’autres salariées afin qu’elles adhèrent à sa cause et que la direction soit « totalement balayée » et répétait « je veux la tête de Natalia (A) » ;

Que Mme E épouse K, ancienne salariée de l’association, a reconnu dans le cadre d’une convocation par la Gendarmerie nationale, avoir rédigé une attestation en faveur de Mme F épouse B sous sa dictée ;

Que des parents d’enfants inscrits à la crèche, qui avaient témoigné en faveur de l’association ou refusé de témoigner pour Mme F épouse B, ont déposé des mains courantes concernant les insultes, menaces, pressions de la part de celle-ci ;

Que dans ces conditions, les témoignages produits par Mme F épouse B apparaissent dénués de crédibilité alors que les attestations fournies par l’association, dont le contenu est corroboré pour certaines d’entre elles par les déclarations des témoins devant le conseil de prud’hommes, sont précises et concordantes et mentionnent l’identité de leurs auteurs, ainsi que leur adresse ; que les attestations de parents témoignant du comportement professionnel de la salariée les 9 et 10 décembre 2008 ne sont pas de nature à contredire les propos des salariées présentes sur les lieux ;

Considérant que dans ces conditions, la réalité des griefs invoqués à l’appui de la rupture du contrat de travail est établie ; que la faute grave commise par la salariée justifie le licenciement, ainsi qu’en a décidé le conseil de prud’hommes, dès lors que son comportement rendait impossible son maintien dans l’association ;

Qu’il convient donc de confirmer le jugement déféré de ce chef et en ce qu’il a rejeté les demandes de la salariée en paiement de différentes indemnités consécutives à la rupture des relations contractuelles ;

Considérant que la question de savoir si la salariée avait le statut de cadre est sans objet dès lors que celle-ci revendique ce statut au titre du calcul des indemnités consécutives à la rupture, lesquelles ne sont pas dues ;

Par ces motifs

La cour,

Statuant par arrêt contradictoire,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 13 décembre 2010 par le conseil de prud’hommes de Mantes-la-Jolie, sous réserve de préciser que la question tenant au statut de cadre de Mme F épouse B est sans objet,

Y ajoutant,

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,

Condamne Mme F épouse B aux dépens.

Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par Mme Marie-Noëlle ROBERT, président, et Mme Claudine AUBERT, greffier.

Le GREFFIER Le PRESIDENT

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