Cour d'appel de Versailles, 12ème chambre, 3 janvier 2012, n° 10/08104

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 12e ch., 3 janv. 2012, n° 10/08104
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 10/08104
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Versailles, 9 septembre 2010, N° 07/7198
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

12e chambre

XXX

ARRET N° Code nac : 30Z

contradictoire

DU 03 JANVIER 2012

R.G. N° 10/08104

AFFAIRE :

XXX

C/

SA IMMOBILIERE GABRIEL WATTELEZ

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 10 Septembre 2010 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES

N° chambre : 3

N° Section :

N° RG : 07/7198

Expéditions exécutoires

Expéditions

délivrées le :

à :

SCP KEIME GUTTIN JARRY

SCP DEBRAY CHEMIN

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE TROIS JANVIER DEUX MILLE DOUZE,

La cour d’appel de VERSAILLES, a rendu l’arrêt suivant, après prorogation, dans l’affaire entre :

XXX, ayant son siège XXX, XXX, XXX, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège.

représentée par la SCP KEIME GUTTIN JARRY, avoués – N° du dossier 10000888

Rep/assistant : la SELARL HUGLO LEPAGE ET ASSOCIES CONSEIL, avocats au barreau de PARIS.

Rep/assistant : Me Anne DE BONY, avocat au barreau de PARIS (G.487).

APPELANTE

****************

SA IMMOBILIERE GABRIEL WATTELEZ ayant son siège XXX, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

représentée par la SCP DEBRAY CHEMIN, avoués – N° du dossier 10001000

Rep/assistant : Me Julie MARTINET du cabinet de Me Charlotte BAYONNE, avocat au barreau de PARIS (P.0518).

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

L’affaire a été débattue à l’audience publique du 20 Octobre 2011, Madame Anne BEAUVOIS, conseiller, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Marion BRYLINSKI, conseiller faisant fonction de Présidente

Madame Anne BEAUVOIS, Conseiller, (rédacteur)

Madame Marie-Hélène POINSEAUX, Conseiller

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Marie-Thérèse GENISSEL

Délibéré du 13 Décembre 2011, prorogé au 03 Janvier 2012, après avis aux avoués le 13 Décembre 2011

FAITS ET PROCÉDURE

La société Immobilière Gabriel Wattelez, ci-après Immobilière Wattelez, est propriétaire de divers biens immobiliers au sein duquel se trouve notamment un immeuble principal constitué d’un terrain et d’une usine sis XXX à Poissy.

La société Usines Gabriel Wattelez, ci-après Usines Wattelez, a développé depuis de très nombreuses années une activité de fabrication d’articles en caoutchouc et élastomères, soumise au régime de la déclaration au titre de la législation relative aux installations classées pour la protection de l’environnement.

Suivant bail commercial du 11 décembre 1975 renouvelé le 31 mars 1984, la société Immobilière Wattelez a donné à bail le bien immobilier situé à Poissy, XXX à la société Usines Wattelez.

Par acte du 30 juillet 1990 à effet du 1er janvier 1990, les parties ont signé un nouveau bail visant les lieux précédemment loués ainsi que plusieurs immeubles supplémentaires.

Par exploit d’huissier du 30 juillet 1990, la bailleresse a donné congé pour le 31 décembre 1995.

Par arrêt de la cour d’appel de Versailles du 21 mars 1997, la société Usines Wattelez a été condamnée à verser à la bailleresse la somme de 1.962.000 francs à titre des réparations locatives.

La société Usines Wattelez est restée dans les locaux et un protocole d’accord a été signé entre les parties le 14 février 1998 en exécution duquel les parties ont conclu un nouveau bail.

Ainsi, par acte sous seing privé du 23 mars 1998, la société Immobilière Wattelez a donné à bail à la société Usines Wattelez les locaux de l’usine et le terrain sis XXX à POISSY, à effet au 1er avril 1998 jusqu’au 31 mars 2007.

La société Usines Wattelez a donné congé pour le 31 décembre 2006, en réalité pour le 31 mars 2007.

La société Usines Wattelez ayant cessé de payer ses loyers, un arrêt du 17 septembre 2009 de la cour d’appel de Versailles l’a condamnée à verser à la bailleresse la somme de 40.947,06 € en principal de ce chef.

La société Usines Wattelez a libéré les locaux et un état des lieux contradictoire a été dressé contradictoirement le 2 avril 2007.

Par acte d’huissier du 2 août 2007, la société Immobilière Wattelez a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Versailles la société Usines Wattelez afin d’obtenir sa condamnation, assortie de l’exécution provisoire, à :

— lui payer la somme de 110.243,37 €, au titre des réparations locatives, en ce compris la somme de 34.075,98 € correspondant au dépôt de garantie,

— lui restituer un terrain dans l’état dans lequel elle l’avait reçu et notamment exempt de toute pollution, le tout sous astreinte, la restitution des lieux ne pouvant être déclarée acceptable que sur justificatif de l’aval des services de la DRIRE ou de la Direction du développement durable de la Préfecture des Yvelines,

— lui payer une indemnité de 450.417,66 €, sauf à parfaire à titre de dommages et intérêts au titre du trouble de jouissance,

— la garantir de tous les frais ou indemnités auxquels pourraient donner lieu la pollution du site et de toutes les condamnations qui pourraient être mises à sa charge du fait de cette pollution,

— lui payer la somme de 50.000 € à titre de dommages et intérêts compte tenu de sa résistance abusive à remettre les lieux en l’état, outre une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La société Immobilière Wattelez soutenait que la société Usines Wattelez avait été locataire jusqu’au 31 mars 2007 et qu’elle était le dernier exploitant de l’installation classée exploitée sur le site, que son locataire avait contrevenu à son obligation de restituer les lieux dans l’état dans lequel il les avait reçus, mais également à celle de dépolluer le site.

Par jugement rendu le 10 septembre 2010, le tribunal de grande instance de Versailles a :

— condamné la société Usines Wattelez à remettre le site en état pour un usage d’habitation conformément aux prescriptions préfectorales, sous peine d’une astreinte mensuelle de 5.000 € courant à l’expiration d’un délai de 3 mois suivant la signification du jugement et pour une période de 6 mois à l’issue de laquelle il pourra être à nouveau statué,

— dit que la société Usines Wattelez devra justifier de l’exécution de son obligation de remise en état en produisant à la société Immobilière Wattelez l’aval des services de la DRIRE et/ou de la Direction du développement durable de la Préfecture des Yvelines,

— dit n’y avoir lieu de se réserver la liquidation de l’astreinte,

— condamné la société Usines Wattelez à payer à la société Immobilière Wattelez une indemnité de 450.417,66 € à titre de dommages et intérêts au titre du trouble de jouissance,

— condamné la société Immobilière Wattelez à payer à la société Usines Wattelez la somme de 34.075,98 € au titre du dépôt de garantie,

— ordonné l’exécution provisoire du présent jugement,

— condamné la société Usines Wattelez à payer à la société Immobilière Wattelez la somme de 7.500 € au titre de l’article 700 code de procédure civile,

— condamné la société Usines Wattelez aux dépens,

— rejeté la demande de garantie future de la société Immobilière Wattelez et toute autre demande plus ample ou contraire des parties.

La société Usines Wattelez a relevé appel de ce jugement.

Par ordonnance du premier président en date du 7 janvier 2011, l’exécution provisoire a été arrêtée sauf pour ce qui concerne la condamnation au titre du trouble de jouissance qui a été maintenue à hauteur de 200.000 €.

Par dernières conclusions signifiées le 13 octobre 2011, la société Usines Wattelez demande à la cour de :

— déclarer recevable son appel et se déclarer compétente pour apprécier l’ensemble des demandes et moyens qu’elles présentent en appel,

— débouter la société Immobilière Wattelez de ses exceptions d’incompétence,

— sur les réparations locatives, débouter la société Immobilière Wattelez de sa demande reconventionnelle demandant à être indemnisée au titre des prétendues réparations locatives,

— infirmer le jugement en ce qu’il l’a condamnée à remettre en état pour un usage d’habitation conformément à des prescriptions préfectorales sous astreinte et statuant à nouveau débouter la société Immobilière Wattelez de ses demandes de ce chef,

— infirmer le jugement en ce qu’il l’a condamnée à payer des dommages-intérêts pour trouble de jouissance et statuant à nouveau débouter la société Immobilière Wattelez de ses demandes,

— infirmer le jugement en ce qu’il a rejeté sa demande de dommages-intérêts pour procédure et résistance abusives et statuant à nouveau condamner la société Immobilière Wattelez à lui payer 300.000 € à titre de dommages-intérêts,

— infirmer le jugement en ce qu’il l’a condamnée aux dépens et à payer une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile et statuant à nouveau débouter la société Immobilière Wattelez de ses demandes,

— confirmer le jugement pour le surplus et condamner la société Immobilière Wattelez à lui payer une indemnité de 25.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions signifiées le 12 octobre 2011, la société Immobilière Wattelez demande à la cour de :

— in limine litis, relever d’office (sic) l’incompétence d’attribution de la cour s’agissant des demandes de la société Usines Wattelez tendant à faire juger l’usage futur du site au sens administratif ou encore qu’elle a satisfait à ses obligations administratives de remise en état du site, subsidiairement, la déclarer irrecevable en ses demandes administratives qui relèvent du tribunal administratif de Versailles,

— confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société Usines Wattelez à la remise en état du site,

Y ajoutant,

— condamner la société Usines Wattelez à lui payer la somme de 110.243,37 €, au titre des réparations locatives, et ordonner la compensation avec la somme de 34.075,98 € correspondant au dépôt de garantie,

— condamner la société Usines Wattelez à remettre le bien loué dans l’état dans lequel elle l’avait reçu et notamment exempt de toute pollution sous astreinte mensuelle de 10.000 € pour la période à compter du 30e jour après la signification de l’arrêt à intervenir jusqu’à parfaite restitution des locaux,

— dire que la restitution des locaux ne pourra être déclarée recevable qu’aux termes d’un rapport de la société Burgeap ou de tout autre organisme, choisi par les parties, qui s’y substituerait,

— condamner la société Usines Wattelez à lui payer une indemnité arrêtée au 30 septembre 2011 à parfaire de 737.047,08 € au titre du trouble de jouissance occasionné depuis la date de libération des lieux et jusqu’à la remise en état,

— réformer le jugement entrepris en ce qu’il l’a déboutée du surplus de ses demandes et statuant à nouveau :

— condamner la société Usines Wattelez à la garantir de tous les frais ou indemnités auxquels pourrait donner lieu la pollution du site et de toutes les condamnations qui pourraient être mises à sa charge du fait de cette pollution,

— la condamner à lui payer la somme de 50.000 € à titre de dommages et intérêts compte tenu de sa résistance abusive à remettre les lieux en l’état, outre une indemnité au titre de 10.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile en sus de l’indemnité allouée en première instance,

— la condamner aux dépens en ce compris ceux du second incident de procédure introduit en octobre 2008.

La procédure a été clôturée par une ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 13 octobre 2011.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie aux dernières conclusions signifiées conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR :

Sur la compétence

La société Immobilière Wattelez demande à la cour de relever d’office son incompétence d’attribution s’agissant des demandes de la société Usines Wattelez tendant à faire juger l’usage futur du site au sens administratif ou encore qu’elle a satisfait à ses obligations administratives de remise en état du site, subsidiairement de les déclarer irrecevables comme relevant du seul tribunal administratif de Versailles, en tout état de cause, s’agissant des demandes de constat, de dire que ce ne sont pas des prétentions au sens procédural du terme mais de simples moyens de défense.

La société Usines Wattelez en réplique rappelle qu’il n’existe aucune procédure administrative en cours, que le juge civil est compétent pour interpréter les dispositions d’un acte réglementaire lorsqu’il se présente une difficulté d’interprétation de cet acte au cours d’un litige dont il est saisi, que la législation et la réglementation relatives aux installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) font partie des règles de droit applicables au litige devant être tranché, que ce qui est demandé à la cour n’est pas de contrôler l’action des autorités administratives, ce qui relève des seules juridictions administratives, mais d’interpréter les actes administratifs pour en tirer toutes conclusions utiles pour le litige.

Dans le dispositif de ses dernières conclusions, la société Usines Wattelez demande en effet à la cour, de :

« Sur l’obligation administrative de dépollution

— Dire et juger que l’installation exploitée par la société Usines Gabriel Wattelez sur un terrain sis XXX à Poissy était soumise à déclaration au titre de la législation ICPE ;

— Dire et juger que l’installation exploitée par la société Usines Gabriel Wattelez devait faire l’objet d’une remise en état en vue d’un usage industriel, comparable à celui de la dernière période d’exploitation ;

— Dire et juger que la société Usines Gabriel Wattelez a satisfait à son obligation administrative de remise en état de l’installation sise XXX à Poissy ;

— Dire et juger que seule l’autorité préfectorale a compétence pour apprécier si la remise en état d’un site est acceptable en application des lois et règlements en vigueur ;

— Constater qu’il n’existe aucune prescription préfectorale imposant à la société Usines Gabriel Wattelez de remettre en état le site pour un usage d’habitation ;

— Constater que dans sa décision du 17 mars 2011, le Préfet des Yvelines a retenu un usage futur du site industriel en retirant de façon rétroactive les décisions qu’il avait cru pouvoir prendre à la demande de l’Immobilière Gabriel Wattelez, en date des 23 novembre 2009 et 23 novembre 2010 ; ».

La cour est saisie de l’appel formé par la société Usines Wattelez qui a été en particulier condamnée par les premiers juges, à remettre le bien loué, à l’issue du bail commercial consenti le 23 mars 1998 par la société Immobilière Wattelez, en état pour un usage d’habitation sous astreinte, la juridiction du premier degré ayant ajouté que la restitution des locaux ne pourrait être déclarée recevable qu’avec l’aval de la DRIRE et/ou de la Direction du développement durable de la Préfecture des Yvelines.

La société Usines Wattelez demande l’infirmation de ces dispositions du jugement.

Le bail du 23 mars 1998 contient en son article XIII, une clause relative à la pollution du sol.

La société Immobilière Wattelez se prévaut de cette clause de remise en état de la chose louée à l’encontre de la société Usines Wattelez et sollicite devant la cour la condamnation de cette dernière à remettre le bien loué dans l’état dans lequel elle l’a reçu.

Pour statuer sur les chefs du jugement critiqués par la société Usines Wattelez relatifs à la dépollution du site, la cour doit juger quelles sont les obligations incombant à l’appelante en vertu de l’engagement contractuel souscrit lequel se réfère expressément aux dispositions prévues par les lois et règlements en matière de dépollution, sans avoir néanmoins à se prononcer sur la validité des actes réglementaires, étant observé qu’aucune des parties n’allègue, a fortiori ne justifie, d’une procédure administrative en cours relative à l’affectation future du bien loué.

Or, il entre dans la compétence de la cour d’appel saisie de se prononcer sur l’étendue et le respect des obligations ainsi mises à la charge de la société Usines Wattelez, le cas échéant en appréciant, en considération des dispositions légales et réglementaires applicables à l’espèce sur lesquelles les parties sont en désaccord, si le preneur a rempli ses obligations envers le bailleur.

Au demeurant, à l’appui de la réformation sollicitée, les conclusions de la société Usines Wattelez ne tendent qu’à obtenir le débouté des demandes de ce chef de la société Immobilière Wattelez, seule prétention qui devrait être énoncée dans le dispositif de ses écritures conformément à l’article 954 du code de procédure civile et les « demandes » ci-dessus rappelées figurant dans le dispositif ne font que reprendre de simples moyens que la société Usines Wattelez oppose aux prétentions de la société Immobilière Wattelez.

La société Immobilière Wattelez sera donc déboutée de son exception d’incompétence s’agissant des prétendues demandes de la société Usines Wattelez précitées.

Sur les réparations locatives

Sur le fondement des articles 1730 à 1732 du code civil, des stipulations du bail et au vu de l’état des lieux de sortie du 2 avril 2007, des factures de remise en état et de travaux, la société Immobilière Wattelez demande la condamnation de la société Usines Wattelez à lui payer la somme de 110.243,37 € au titre des réparations locatives.

Elle soutient que la somme de 1.962.000 francs qu’elle a obtenue par arrêt de la cour d’appel de Versailles en date du 21 mars 1997 a entièrement servi à payer des travaux correspondant aux réparations locatives dans les locaux loués par la société Usines Wattelez. Elle fait valoir que de son côté, la société Usines Wattelez ne verse aux débats aucune preuve de quelconques réparations exécutées dans l’usine louée depuis 1998. Les désordres découverts lors de la restitution des clés le 2 avril 2007 sont tout à fait distincts de ceux qui étaient nécessaires en 1997.

La société Usines Wattelez de son côté rappelle que sur la base d’un rapport d’expertise de M. X en date du 18 octobre 1995, la cour d’appel de Versailles l’a condamnée à payer à la société Immobilière Wattelez la somme de 1.962.000 francs au titre des réparations locatives non effectuées, que cette somme a été intégralement versée, que l’état de délabrement des locaux au moment de la signature du bail était le même qu’en 1995 et que les factures produites par la société Immobilière Wattelez au soutien de ses prétentions ne permettent d’affecter précisément les travaux effectués à un lieu et un bâtiment, qu’au surplus, les factures produites ne correspondent pas toutes à des réparations locatives, qu’ainsi, il n’est nullement justifié que la bailleresse a réinvesti la somme qui lui a été payée en exécution de l’arrêt du 21 mars 1997.

Elle conclut à la confirmation du jugement qui a débouté la société Immobilière Wattelez de sa demande.

*

Il résulte des articles 1730 et 1731 du code civil qu’à défaut d’état des lieux, le preneur est réputé avoir pris les lieux en bon état de réparations locatives et doit les rendre tels, sauf preuve contraire. Le preneur répond conformément à l’article 1732 des dégradations ou des pertes qui arrivent pendant sa jouissance à moins qu’il ne prouve qu’elles ont eu lieu sans sa faute.

L’article II du bail du 24 mars 1998 stipule que le preneur prendra les lieux dans l’état où ils se trouveront au jour de l’entrée en jouissance sans pouvoir exiger du bailleur aucune remise en état ni réparation, qu’il aura la charge des réparations locatives et d’entretien et qu’il ne pourra exiger du bailleur aucune mise en état ou réparation, de quelque nature ou de quelque importance que ce soit , que toutefois le bailleur sera tenu à l’exécution des grosses réparations telles que définies à l’article 606 du code civil, qu’à la fin du bail, il rendra le tout dans un état de réparations locatives et d’entretien comparable à celui dans lequel étaient les locaux lors de l’entrée en jouissance.»

Il est acquis aux débats qu’il n’a pas été fait d’état des lieux entre le bailleur et le preneur à la signature du bail commercial du 24 mars 1998.

Si le preneur est présumé avoir reçu les lieux en bon état de réparations locatives, il peut apporter la preuve contraire.

Or, la société Usines Wattelez verse aux débats le rapport d’expertise judiciaire en date du 18 octobre 1995 rédigé par M. X dans le cadre de l’instance qui a opposé les parties notamment sur l’exécution par le preneur de son obligation d’entretenir les lieux loués pendant la durée du bail commercial signé le 30 juillet 1990 portant sur un ensemble immobilier beaucoup plus important, étant rappelé que la société locataire avait donné congé pour le 31 décembre 1995 mais s’est maintenu dans les lieux jusqu’à la signature du nouveau bail commercial du 24 mars 1998 portant seulement sur l’ensemble immobilier et industriel situé XXX.

Elle produit également le rapport de visite en date du 9 mai 1995 établi à sa demande par la société Adyton, société d’architecture.

La cour d’appel de Versailles, dans son arrêt du 21 mars 1997, reprenant les constatations de l’expert qui avait relevé que l’ensemble du patrimoine était de conception ancienne, démodée/inadaptée à notre époque et aurait dû pour pouvoir être conservé, faire l’objet de plusieurs réhabilitations et maintenant devrait faire l’objet d’une réhabilitation lourde, qu’il lui était quasiment impossible de décrire les anomalies de fonctionnement, d’aspect de solidité des ouvrages ou équipements compte tenu de l’état général d’ancienneté, que deux hangars étaient vétustes et insolides et semblaient inutilisés depuis des années, que les ateliers de production avaient fait toutefois l’objet de certaines interventions, que cependant, divers travaux de petites maçonneries, de peinture, de serrurerie de couverture plomberie qui n’ont pas été faits, auraient dus l’être, a chiffré à la somme forfaitaire de 1 962 000 francs le montant des réparations locatives non effectuées incombant à la société locataire.

Il n’est pas discuté que cette somme a été payée par la société Usines Wattelez à la société Immobilière Wattelez.

Les rapports précités comme la décision de la cour d’appel du 21 mars 1997 sont de nature à écarter la présomption de bon état général d’entretien et de réparations locatives à la signature du nouveau bail le 24 mars 1998, sauf pour la société Immobilière Wattelez à établir qu’elle a en effet fait effectuer les travaux de réparations locatives que le preneur n’avait pas lui-même effectués pendant le cours du bail précédent avec la somme au paiement de laquelle il a été condamné.

A défaut d’une telle preuve, les lieux se trouveraient donc au mieux dans l’état constaté par M. X et le rapport Adyton en 1995.

La société Immobilière Wattelez soutient avoir exécuté des travaux au 18 rue Bongard à hauteur de 167.796,68 € en versant aux débats un tableau récapitulatif et des factures (pièces figurant sous le n° 22 de son bordereau).

Toutefois, d’une part il n’est pas permis à la lecture de ces factures postérieures à la signature du bail, celles antérieures produites n’étant pas reprises dans le tableau récapitulatif, d’identifier le lieu exact des travaux exécutés, en conséquence de vérifier que ces factures concernent bien les lieux objet du bail du 24 mars 1998 ; d’autre part, beaucoup de factures ne relèvent manifestement pas de réparations locatives mais bien des obligations du bailleur lequel répond de la vétusté et doit suivant le bail du 24 mars 1998 supporter les grosses réparations (clos et couvert).

Il n’est donc pas établi que la société Immobilière Wattelez a affecté les sommes payées au titre de l’exécution de l’arrêt du 21 mars 1997 aux travaux de réparations locatives et d’entretien, avant ou pendant le cours du nouveau bail de sorte que les manquements allégués de la société Usines Wattelez à son obligation de réparations locatives et d’entretien pendant le cours de ce nouveau bail de 1998 doivent être appréciés, non par rapport à la présomption de bon état qui conduirait à indemniser la société Immobilière Wattelez une deuxième fois pour les mêmes manquements du preneur, mais au regard d’un état à l’entrée dans les lieux comparable à celui dans lequel il se trouvaient en octobre 1995.

Dans ces conditions, la comparaison de l’état initial et du procès-verbal dressé le 2 avril 2007 ne permet pas d’imputer précisément à la société Usines Wattelez un défaut d’entretien et de réparations locatives et/ou des dégradations pendant la durée du nouveau bail de 1998 et la société Immobilière Wattelez ne saurait se voir indemniser une deuxième fois des mêmes manquements de la société Usines Wattelez que ceux pour lesquels elle a déjà obtenu réparation en 1997, étant rappelé que pendant la durée du dernier bail, la société Immobilière Wattelez avait à sa charge les grosses réparations.

Par ailleurs, le preneur ne saurait être tenu comme débiteur des sommes engagées par le bailleur pour assurer son bien ou l’entretenir à compter d’avril 2007, après la restitution des lieux loués.

Le jugement qui a débouté la société Immobilière Wattelez de toutes ses demandes de ce chef sera donc confirmé.

Sur les demandes de la société Immobilière Wattelez en matière de dépollution du site

La société Immobilière Wattelez sollicite que la société Usines Wattelez restitue le bien qu’elle avait pris à bail dans l’état dans lequel elle l’avait reçu, soit sans trace de son exploitation industrielle, de façon qu’elle puisse en jouir sans contrainte. Elle considère que l’obligation contractuelle de remise en état se combine avec l’obligation résultant de la réglementation des installations classées qui ne fait que la conforter, qu’en vertu du bail commercial du 24 mars 1998 comme le protocole d’accord du 14 février 1998, peu important la destination des lieux loués pendant la durée du bail, il incombe expressément au preneur de restituer les lieux exempts de toute pollution provenant de son exploitation en vertu de l’article 1730 du code civil.

Or, il est établi par les différents rapports, et en particulier par le rapport Burgeap, que le site est pollué tant en hydrocarbures qu’en métaux lourds dont il n’est pas exclu qu’une partie au moins provient de l’activité de la société Usines Wattelez.

Elle est donc en droit de faire valoir que la restitution du bien n’a pas été complète le 2 avril 2007.

La société Usines Wattelez prétend de son côté que l’obligation de restitution en bon état de réparations locatives correspond à la satisfaction de l’obligation administrative de remise en état imposée à l’exploitant d’une installation classée, que la clause du contrat ne fait pas supporter au preneur une obligation supérieure à l’obligation de dépollution mise à sa charge par l’autorité administrative, qu’il ressort de la législation et de la réglementation applicables à l’espèce que les ICPE soumises à déclaration doivent être remises en état pour un usage industriel, qu’il résulte de la décision préfectorale du 17 mars 2011 portant retrait des décisions des 23 novembre 2009 et 23 novembre 2010 qu’elle a satisfait à son obligation administrative de remise en état, que l’autorité administrative a informé la société Immobilière Wattelez le 18 mars 2009 qu’elle pouvait relouer son bien.

La société Usines Wattelez soutient qu’elle a satisfait à ses obligations contractuelles, que la destination industrielle est prévue au bail et que la société Immobilière Wattelez n’a pas le droit de la modifier, que l’absence de pollution se détermine en fonction de normes techniques et que le bien loué correspond à un usage non sensible, que s’agissant de la pollution aux métaux lourds, elle ne provient pas de son exploitation.

*

Dans le protocole d’accord signé entre les parties le 14 février 1998 destiné à mettre fin au différend existant entre elles notamment quant à l’occupation des lieux et prévoyant la signature d’un nouveau bail, il est indiqué s’agissant de la pollution du sol : à la charge de l’exploitant.

Le bail commercial conclu en exécution de ce protocole le 24 mars 1998 prévoit en son article XIII :

« Le preneur fera son affaire personnelle de toutes les charges et contraintes liées au problème de pollution et d’environnement, de telle sorte que le bailleur ne puisse en aucun cas être recherché, et notamment prendra toutes les dispositions prévues par les lois et règlements en matière de dépollution, et ceci tant pendant la durée du bail qu’à l’expiration de celui-ci, de telle sorte que les biens objet du bail soient restitués nets et exempts de toute pollution provenant de leur exploitation industrielle ».

La remise en état d’un site pollué imposée par les dispositions législatives et réglementaires applicables aux ICPE au dernier exploitant de l’installation classée lorsque celui-ci a fait la déclaration de cessation de son activité, qui résulte d’une obligation légale particulière, est à la charge du locataire, dernier exploitant, et non du bailleur.

En application des articles 1730 à 1732 du code civil, et sauf stipulation contractuelle spécifique plus contraignante pour le preneur, le bailleur ne peut cependant exiger du preneur, à l’issue du bail, en matière de dépollution et de protection de l’environnement des travaux de remise en état et de dépollution au-delà de ceux que le préfet a mis à la charge du locataire dernier exploitant en vertu des dispositions législatives et réglementaires applicables à l’installation classée en cause.

En l’espèce, sans revenir sur l’ensemble du déroulement des échanges et des décisions qui ont suivi la déclaration de cessation d’activité de la société Usines Wattelez faite à l’autorité préfectorale, il ressort de la décision du préfet des Yvelines en date du 17 mars 2011 compétent en matière de réglementation des ICPE , intervenue postérieurement au jugement dont appel et contre laquelle au jour où la cour statue il n’est pas justifié d’un recours contentieux, qu’il a retiré, d’une part sa décision du 23 novembre 2009 par laquelle avait été fixé un usage futur d’habitation, et non industriel, pour les terrains sur lesquels la société Usines Wattelez a exploité jusqu’en mars 2007 ses activités, d’autre part sa décision du 23 novembre 2010 par laquelle il demandait à la société Usines Wattelez de lui adresser des propositions de traitement des pollutions mises en évidence par les diagnostics successifs de façon à rendre compatible l’état du site avec la précédente décision du 23 novembre 2009, ces deux décisions n’étant pas définitives à la date du 17 mars 2011.

En contrepartie et conformément à la demande du préfet, la société Usines Wattelez s’est désistée des deux requêtes déposées devant le tribunal administratif de Versailles en annulation des deux décisions retirées.

Le préfet a ainsi motivé sa décision :

« Ainsi que nous en avons convenu lors de notre entretien du 2 février dernier tenu en préfecture, il est exact que les dispositions combinées de la loi 2009-526 du 23 mai 2009 et du décret 2010-368 du 15 avril 2010 ont modifié les conditions de fixation de l’usage futur du site pour les installations soumises à déclaration, en les soustrayant au régime prévu par l’article R512-75 tel qu’il en a été fait application à votre établissement (en prévoyant un usage d’habitation). Depuis lors, l’article L512-12-1 du code de l’Environnement prévoit que l’exploitant place le site dans un état tel qu’il ne puisse porter atteinte aux intérêts mentionnés à l’article L511-1 et qu’il permette un usage futur comparable à la dernière période d’activité – en l’espèce un usage industriel – ce dont il informe le propriétaire du terrain et le maire.

L’article R512-66-1 du même code dispose quant à lui, notamment, que l’exploitant notifie au préfet les mesures prises ou prévues pour assurer la mise en sécurité du site. »

A sa décision du 17 mars 2011, le préfet a joint le courrier adressé le 18 mars 2009 à la société Immobilière Wattelez par lequel il avait signifié à cette dernière la levée de l’interdiction de relouer les terrains dont s’agit.

Ainsi, n’appartenant pas à la cour de statuer sur la légalité de la décision préfectorale, il résulte de ces termes et du retrait des deux décisions précitées des 23 novembre 2009 et 23 novembre 2010 que le préfet a renoncé à imposer à la société Usines Wattelez une remise en état plus contraignante correspondant à un usage futur d’habitation et s’est borné à rappeler à la société Usines Wattelez qu’il incombe au dernier exploitant d’une ICPE soumise à déclaration de placer le site dans un état tel qu’il ne puisse porter atteinte aux intérêts mentionnés à l’article L. 511-1 et qu’il permette un usage futur comparable à la dernière période d’activité – en l’espèce un usage industriel.

Postérieurement, le préfet n’a pas mis à la charge de la société Usines Wattelez de nouvelles prescriptions qui démontreraient que celle-ci n’aurait pas remis le site dans un état permettant un usage comparable avec celui de la dernière période d’activité – en l’espèce un usage industriel – et n’aurait pas satisfait aux obligations législatives et réglementaires précitées en matière de protection de l’environnement et de dépollution du site résultant de son exploitation.

Cependant, ainsi que le soutient la société Immobilière Wattelez, la clause figurant à l’article XIII du bail met à la charge du preneur une obligation contractuelle spécifique, plus exigeante que celle de la remise en état lui incombant en vertu de l’obligation légale pesant sur le dernier exploitant puisqu’elle fait supporter au preneur toutes les charges et contraintes liées au problème de pollution et d’environnement provenant de son exploitation industrielle, en lui imposant de restituer les biens objet du bail nets et exempts de toute pollution provenant de leur exploitation industrielle.

L’obligation faite au preneur de restituer les biens objet du bail nets et exempts de toute pollution provenant de leur exploitation industrielle doit s’entendre comme ajoutant à l’obligation de faire son affaire personnelle de toutes les contraintes résultant « notamment » des dispositions législatives et réglementaires en matière de protection de l’environnement et de pollution de sorte que le bailleur ne puisse être recherché.

Dès lors, alors même qu’elle se serait conformée aux dispositions légales et réglementaires de remise dans un état correspondant à un usage industriel, la société Usines Wattelez n’a pas de ce seul fait rempli envers la société Immobilière Wattelez son obligation contractuelle de restituer un bien net et exempt de toute pollution.

La destination industrielle des locaux loués durant le bail est sans incidence sur l’obligation ainsi fixée par l’article XIII du bail incombant au preneur en fin de bail. En effet, le preneur est tenu de restituer le site, non pas seulement aux fins de permettre l’usage industriel ultérieur, mais exempt de toute pollution provenant de son activité.

Or, il résulte notamment du rapport technique produit en date du 17 décembre 2007 émanant de la société Atos (pièce 56 de la société Immobilière Wattelez) que malgré les mesures prises par la société Usines Wattelez, il persiste sur le site même après l’excavation de plus de 357 tonnes de terres polluées en hydrocarbures à laquelle la société Usines Wattelez a fait procéder, des sources de pollution en hydrocarbures décrites en page 14 de ce rapport en deux endroits différents autour de la cuve d’essence entre 5m et 7m de profondeur et en surface sous la dalle béton du bâtiment.

Le rapport, rédigé par la société Burgeap, de diagnostic environnemental du sous-sol daté du 20 avril 2011 (pièce 57 de la société Immobilière Wattelez), commandé par l’établissement foncier des Yvelines (EPFY) dans le cadre d’une convention de veille foncière passée avec la mairie de Poissy, après nouvelles investigations sur le terrain complétant celles menées en 2006 et 2008 sur le site de l’usine Wattelez, confirme la présence résiduelle d’hydrocarbures (paragraphe 5.5.5.) en fond de fouille des anciennes cuves enterrées de fuel lourd, pour un volume d’au moins 100 m3 en première approximation, au niveau de la tâche au sol présente sous la cuve suspendue dans le bâtiment pour un volume d’environ 10 m3 et au droit d’une tâche d’huile dans le sol du bâtiment pour un volume d’environ 5 m3 en première approximation.

Ce rapport a été commandé par un tiers au procès dont il n’est pas prétendu qu’il aurait des intérêts communs avec la société Immobilière Wattelez. La société Usines Wattelez a été mise en mesure de le discuter contradictoirement ; la qualité technique et les modes d’investigation choisis ne sont pas mis en cause et la société Usines Wattelez n’apporte aucun élément sérieux qui permettrait d’en écarter les constatations et de lui déclarer inopposable.

La circonstance qu’il soit réalisé dans le cadre du projet de réaménagement particulier prévu par l’EPFY qui envisage de créer un éco-quartier ne constitue pas un motif de nature à écarter les constatations effectuées qui ne viennent au demeurant que conforter et affiner les conclusions des rapports précédents de la société Atos, notamment au vu de nouveaux échantillons prélevés sur le site.

Or, il ressort de ces constatations et de la position des terres contaminées que la dépollution verticale de la zone impactée aux droits des anciennes cuves n’a pas été complète, que le site remis par la société Usines Wattelez n’est donc pas exempt, au sens de la clause du bail précitée, de toute pollution aux hydrocarbures laquelle résulte de l’exploitation du preneur puisque située à l’emplacement des anciennes cuves enterrées de fuel lourd, sous la cuve suspendue et au droit d’une tâche d’huile au sol dans le bâtiment.

Contrairement à ce que prétend la société Usines Wattelez, quand bien même la législation ne déterminerait pas scientifiquement la notion de pollution et les rapports précités ne mettraient pas en évidence de risques sanitaires, il est suffisamment établi par les pièces produites que les teneurs en hydrocarbures des terres prélevées, lesquelles ne relèvent pas de ce que le technicien dénomme « le bruit de fond géochimique », sont supérieures aux valeurs limites d’admission dans une installation de stockage de déchets non dangereux et justifient une élimination dans un centre de biotraitement, comme celles qui ont d’ailleurs déjà été excavées par la société Usines Wattelez.

Il n’importe que le site soit dans un état compatible avec un usage industriel et puisse être reloué pour cet usage ; le preneur sur lequel pèse l’obligation contractuelle spécifique de rendre les lieux exempts de toute pollution provenant de son exploitation industrielle ne peut sérieusement soutenir l’avoir remplie alors que la dépollution des hydrocarbures à laquelle il a procédé n’a été qu’imparfaitement réalisée.

Le preneur devra donc procéder à la dépollution des hydrocarbures dont la présence a été mise en évidence par les investigations menées par la société Burgeap pour satisfaire à ses obligations contractuelles. Cette obligation sera assortie d’une astreinte de 5.000 € par jour courant à l’expiration d’un délai de trois mois suivant la signification de l’arrêt et pour une période de 3 mois au-delà de laquelle il sera à nouveau statué.

Il n’est pas démontré qu’il serait impossible d’effectuer une telle dépollution à laquelle la société Usines Wattelez a déjà en partie seulement procédé. Il sera prévu que la société Usines Wattelez devra justifier de l’exécution de son obligation par la production d’un rapport remis par la société Burgeap ou toute autre société convenue avec la société Immobilière Wattelez.

Par ailleurs, le preneur ne peut s’exonérer d’obligations contractuelles librement consenties envers la société Immobilière Wattelez au motif que le site serait voué à l’expropriation et que dans le cadre de cette expropriation, la dépollution serait le cas échéant prise en charge par les collectivités locales ou autres aménageurs.

Un impact des sols de surface par des métaux a été également constaté. S’agissant de cette présence de métaux en surface, le rapport Burgeap ne contredit pas les rapports précédents et en particulier celui de l’inspection des installations classées du 11 avril 2008 selon lequel les activités de la société Usines Wattelez ne sont pas à sa connaissance à l’origine de cette présence qui serait liée en partie aux retombées de poussières émises par la société Refinal et la société Oxymine.

Les rapports ainsi rendus ne permettent pas d’attribuer de façon certaine à l’exploitation industrielle de la société Usines Wattelez la présence de ces métaux et dans ces conditions, celle-ci ne révèle pas un manquement de cette dernière à ses obligations contractuelles.

Il en est de même des autres impacts relevés par la société Burgeap dans son rapport dont il n’est pas prouvé, au vu des seuls éléments produits, qu’ils soient imputables à l’activité industrielle de la société Usines Wattelez.

La société Immobilière Wattelez ne peut par avance et en l’absence de toute réclamation actuelle à son encontre demander à être garantie de la charge d’un « éventuel passif environnemental » qui serait imputable au preneur dès lors que les mesures de dépollution ordonnées seront accomplies.

Sur le préjudice financier

La société Immobilière Wattelez soutient que l’inexécution et à tout le moins le retard dans l’exécution de ses obligations locatives par le preneur et une dégradation du bien loué au sens de l’article 1732 du code civil lui a causé un préjudice financier.

Elle fait valoir que contrairement à ce que prétend la société Usines Wattelez, le courrier du 18 mars 2009 de la préfecture ne lui permettait pas d’envisager une relocation dans ces conditions, que la décision du 17 mars 2011 du préfet a retiré les deux décisions de novembre 2009 et novembre 2010 mais a fait revivre la décision du 18 mars 2009 et que les restrictions imposées par ce courrier sont incompatibles avec une relocation du site qui implique nécessairement des travaux de dépollution préalables. Elle considère qu’elle a été empêchée de relouer du fait du comportement de la société Usines Wattelez.

Elle ajoute que la restitution d’un bien loué s’entend d’une libre jouissance sans contrainte, que ce n’est pas le cas en l’espèce puisqu’elle a dû laisser son bien en libre accès pour la réalisation des études techniques, que son bien est jonché de piézomètres et que la remise en état va durer plusieurs mois.

Elle sollicite donc l’indemnisation de son préjudice sur la base de la perte de loyer de 13.649 € par mois pendant 54 mois d’avril 2007 à septembre 2011.

La société Usines Wattelez répond qu’elle a parfaitement exécuté l’obligation de dépollution à laquelle elle s’était engagée et qu’il n’y a pas d’inexécution ni de retard dans cette obligation.

Elle rappelle qu’elle ne peut être tenue de l’impossibilité de relocation en raison de la dépollution des métaux lourds qui ne lui incombe pas.

Elle allègue également qu’il aurait été de l’intérêt de la société Immobilière Wattelez de contester les décisions de la préfecture en date des 13 septembre 2007 et 24 avril 2008 qui étaient entachées d’illégalité ce qu’elle s’est gardée de faire et qu’en réalité, elle n’a jamais eu l’intention de relouer, même par des baux précaires, se contentant de s’acharner contre elle en des demandes parfaitement infondées.

*

La société Immobilière Wattelez sollicite la réparation du préjudice subi lié selon elle à l’impossibilité de relouer les lieux du fait des manquements de la société Usines Wattelez à ses obligations locatives.

Contrairement à ce qu’elle prétend, il est suffisamment établi par le courrier que le préfet lui a adressé le 18 mars 2009 et la décision du préfet du 17 mars 2011 que la société Usines Wattelez avait satisfait à ses obligations législatives et réglementaires à la date du 18 mars 2009 et que les locaux pouvaient être reloués à usage industriel.

Dès lors que la présence des métaux lourds n’est pas imputable à la société Usines Wattelez, la société Immobilière Wattelez n’est pas fondée à réclamer à cette dernière la réparation d’un éventuel préjudice lié à leur présence.

En revanche, la société Immobilière Wattelez est fondée à obtenir la réparation du préjudice lié à l’inexécution ou au retard dans l’exécution de ses obligations par la société Usines Wattelez qui n’a pas restitué les locaux exempts de toute pollution aux hydrocarbures.

Au vu de la désignation de l’ensemble immobilier loué telle qu’elle ressort du bail commercial et de l’état des lieux de sortie, lesdits lieux ne peuvent pas être loués à d’autre destination que commerciale ou industrielle.

Ainsi, contrairement à ce qu’affirme la société Immobilière Wattelez, les simples recommandations contenues dans le courrier du préfet du 18 mars 2009 tendant à l’information de l’exploitant nouveau locataire n’empêchaient pas de relouer les locaux à usage industriel ou commercial. La présence résiduelle des hydrocarbures laissés par la société Usines Wattelez est au vu des différents rapports techniques produits compatible avec la mise en location.

En outre, la société Usines Wattelez ne peut se voir imputer à faute l’impossibilité de louer antérieurement à mars 2009 à raison de l’interdiction résultant de décisions de l’autorité administrative sollicitant des mesures de nature à rendre les lieux dans un état compatible avec un usage futur d’habitation lesquelles ont été en définitive retirées et sont réputées ne pas avoir existé.

La société Immobilière Wattelez ne justifie donc pas qu’elle aurait été entièrement privée de la jouissance de son bien et empêchée de le relouer du fait du comportement de la société Usines Wattelez qui n’a pas respecté ses obligations locatives.

Au demeurant, il résulte des pièces produites et notamment des procédures antérieures que si la société Immobilière Wattelez n’a pas reloué son bien, c’est en raison des incertitudes pesant sur son devenir depuis de nombreuses années, à raison d’une probable procédure d’expropriation, lesquelles expliquent également au moins en partie l’absence de réhabilitation des locaux, auxquelles se sont ajoutées les incertitudes résultant de l’évolution de la réglementation et des décisions prises par l’autorité préfectorale postérieurement à la restitution des lieux par la société Usines Wattelez sur l’usage futur du site ensuite retirées, lesquelles ne sont pas imputables à cette dernière.

La société Immobilière Wattelez apparaît en conséquence mal fondée en sa prétention tendant à obtenir une indemnisation de son préjudice à hauteur du montant total du loyer durant la période d’avril 2007 à septembre 2011 au motif qu’elle ne pouvait envisager aucune relocation.

En revanche, la société Immobilière Wattelez fait valoir à juste titre qu’elle a subi les troubles de jouissance liés aux investigations techniques menées postérieurement au 31 mars 2007, destinées à permettre à la société Usines Wattelez de justifier du respect de son obligation de remise en état après la déclaration de cessation de ses activités, qu’elle aurait dû mener avant la restitution au bailleur, ainsi que ceux liés aux travaux de dépollution des hydrocarbures restant à effectuer.

La société Immobilière Wattelez obtient déjà la réparation par la société Usines Wattelez des manquements locatifs à son égard par l’exécution forcée des travaux de dépollution.

La cour dispose d’éléments suffisants pour évaluer le préjudice supplémentaire subi par la société Immobilière Wattelez du fait du retard dans l’exécution par la société Usines Wattelez de son obligation de rendre les locaux exempts de toute pollution aux hydrocarbures, seule pollution dont il est établi qu’elle résulte de son exploitation industrielle, à la somme de 60.000 €, en ce compris l’indemnisation des troubles de jouissance liés aux travaux à venir.

Le jugement sera donc réformé de ce chef.

Sur les autres demandes

Compte tenu du sens de cet arrêt qui fait droit en partie à l’appel de la société Usines Wattelez et ne fait pas droit à l’appel incident de la société Immobilière Wattelez du chef des réparations locatives, considérant que la société Usines Wattelez n’a pas de responsabilité dans les décisions administratives qui ont pu empêcher la relocation du bien et qu’au contraire, elle les a contestées, il n’est établi à l’encontre de la société Usines Wattelez ni résistance abusive ni procédure abusive.

Il n’est pas plus démontré que la société Immobilière Wattelez ait fait preuve d’acharnement procédural et de mauvaise foi alors que la cour retient que le bailleur était partiellement fondé en sa demande relative à la dépollution du site et ce sur le fondement contractuel, indépendamment des décisions administratives dont elle n’est pas responsable.

La société Usines Wattelez sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Chacune des parties conservera à sa charge les dépens et les frais irrépétibles qu’elle a exposés en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS

Statuant en audience publique et par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société Usines Wattelez à la remise en état pour un usage d’habitation et dit qu’elle devrait en justifier par l’aval de la DRIRE et/ou de la Direction du développement durable de la Préfecture des Yvelines et sur le montant des dommages-intérêts pour trouble de jouissance.

Statuant à nouveau,

Condamne la société Usines Gabriel Wattelez à procéder à la dépollution des hydrocarbures dont la présence a été mise en évidence par les investigations menées par la société Burgeap et ce sous astreinte de 5.000 € par jour de retard courant à l’expiration d’un délai de trois mois suivant la signification de l’arrêt et pour une période de trois mois au-delà de laquelle il sera à nouveau statué.

Dit que la société Usines Gabriel Wattelez devra justifier de l’exécution de cette obligation par la production d’un rapport remis par la société Burgeap ou tout autre organisme convenu avec la société Immobilière Wattelez.

Condamne la société Usines Gabriel Wattelez à payer à la société Immobilière Gabriel Wattelez une indemnité de 60.000 € à titre de dommages-intérêts pour trouble de jouissance.

Confirme le jugement entrepris pour le surplus.

Y ajoutant,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes.

Laisse à chaque partie la charge des dépens et des frais non compris dans les dépens qu’elle a exposés en cause d’appel.

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Mme Marion BRYLINSKI, Conseiller faisant fonction de Présidente et par Monsieur GAVACHE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER, La PRESIDENTE,

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Cour d'appel de Versailles, 12ème chambre, 3 janvier 2012, n° 10/08104