Cour d'appel de Versailles, 12ème chambre, 17 janvier 2012, n° 10/08422

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 12e ch., 17 janv. 2012, n° 10/08422
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 10/08422
Décision précédente : Tribunal de commerce de Chartres, 4 octobre 2010, N° 09/4207
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

12e chambre

XXX

ARRET N° Code nac : 35Z

contradictoire

DU 17 JANVIER 2012

R.G. N° 10/08422

AFFAIRE :

C Y

C/

SA AER HOLDING,

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 05 Octobre 2010 par le Tribunal de Commerce de CHARTRES

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 09/4207

Expéditions exécutoires

Expéditions

délivrées le :

à :

SCP JULLIEN LECHARNY ROL FERTIER

SCP BOMMART MINAULT

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX SEPT JANVIER DEUX MILLE DOUZE,

La cour d’appel de VERSAILLES, a rendu l’arrêt suivant, après prorogation, dans l’affaire entre :

Monsieur C Y demeurant XXX.

Autre(s) qualité(s) : Appelant dans 11/XXX

SARL à XXX, XXX, ayant son siège XXX, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège.

représentés par la SCP JULLIEN LECHARNY ROL FERTIER, avoués – N° du dossier 20101303

Rep/assistant : Me Frédéric ENSLEN, avocat au barreau de PARIS (E.1350).

APPELANTS

****************

SA AER HOLDING, RCS CHARTRES 353 207 707, ayant son siège

LA MOTTE 28250 LE-MESNIL-THOMAS, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

Autre(s) qualité(s) : Intimé dans 11/XXX

représentée par la SCP BOMMART MINAULT, avoués – N° du dossier 00039291

Rep/assistant : Me Denis DUPONCHEL, avocat au barreau de PARIS (P.0362).

INTIMEE – APPELANTE INCIDEMMENT

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 03 Novembre 2011 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Anne BEAUVOIS, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Dominique ROSENTHAL, Président,

Madame Marion BRYLINSKI, conseiller,

Madame Anne BEAUVOIS, Conseiller, (rédacteur)

Greffier, lors des débats : Madame Marie-Thérèse GENISSEL,

Délibéré du 10 Janvier 2011, prorogé au 17 Janvier 2011, après avis aux avoués le 10 Janvier 2011

FAITS ET PROCÉDURE

M. C Y et M. G X, président de la société holding Bureau Technique de Défense Contre le Feu (BTDCF), ont cherché à vendre les parts qu’ils détenaient dans la société Française de Détection et d’Extinction d’Incendie (SFDEI) et les participations de celle-ci dans sa filiale, la société Techniques de Sécurité et de Télécommunication (2ST), respectivement spécialisées dans le domaine de la détection incendie et de la vidéosurveillance.

Ils ont à cet effet, tant à titre personnel qu’au nom des associés, chargé la société CESPI dirigée par M. Z de négocier la cession.

Des pourparlers se sont engagés avec la société AER Holding (AER), société holding du groupe Eurofeu.

Le 4 juillet 2008, celle-ci a adressé une lettre d’intention aux cédants aux termes duquel elle a indiqué vouloir se porter acquéreur de 96 % du capital de SFDEI et de sa participation dans 2ST moyennant le prix de 1.440.000 €, un complément de prix variable étant prévu après l’arrêté des comptes au 30 septembre 2008.

M. Y et M. X ès qualités ont signé avec la société AER le 8 juillet 2008 un accord précisant notamment que la réalisation de l’opération devrait avoir lieu entre le 30 octobre le 15 novembre 2008 et contenant une condition suspensive relative à l’obtention d’un financement pour l’acquisition des titres.

Par courrier du 18 novembre 2008, la société AER a informé les cédants qu’elle ne donnait pas suite au projet d’acquisition n’ayant pas obtenu de financement nécessaire à l’acquisition.

C’est dans ces circonstances que M. Y et la société BTDCF ont assigné par acte d’huissier du 29 juillet 2009 devant le tribunal de commerce de Chartres la société AER sur le fondement de l’article 1382 du code civil pour rupture abusive de négociations sollicitant sa condamnation à leur payer 500.000 € à titre de dommages-intérêts.

Par jugement rendu le 5 octobre 2010, ils ont été déboutés de leur demande et condamné à payer à la société AER 1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Ils ont relevé appel de ce jugement.

Par dernières conclusions signifiées le 13 septembre 2011, la société BTDCF et M. Y demandent à la cour d’infirmer la décision entreprise sauf en ce qu’elle a débouté la société AER de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et statuant à nouveau, de condamner la société AER à leur payer 430.00 € à titre de dommages-intérêts et 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions signifiées le 14 octobre 2011, la société AER demande à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, reconventionnellement sollicite la condamnation des appelants à lui payer 30.000 € à titre de dommages-intérêts, outre 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La procédure a été clôturée par une ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 20 octobre 2011.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie aux dernières conclusions signifiées conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR :

En substance, les appelants font valoir que la société AER a manqué à son obligation de négocier de bonne foi, que les termes du compromis du 8 juillet sont clairs et marquent l’accord des parties, qu’il ne s’agit pas d’une lettre d’intention au sens de l’article 2322 du code civil comme l’a improprement qualifié le premier juge, que les négociations étaient particulièrement avancées lorsque la société AER a décidé de formaliser une condition suspensive d’obtention du financement, que l’acte prévoyait que la condition suspensive du financement devait être formalisée avant le 31 août 2008 et pas seulement avant la réalisation définitive de la vente, que le motif pour justifier de ne pas poursuivre l’acquisition n’est ni réel ni légitime.

Les appelants soutiennent en effet qu’ils n’ont pas été informés par la société AER du refus de la Société Générale de financer l’acquisition dans le délai prévu par l’accord, que l’intimée n’apporte toujours pas la preuve que la condition suspensive est défaillie, qu’au surplus, informée du refus de la banque, la société AER a continué à négocier, allant même jusqu’à exiger encore 5 jours avant le second refus de la Société Générale des prévisionnels sur 3 ans.

Les appelants considèrent que la société AER les a maintenus dans la croyance légitime que le financement était acquis alors que M. Z qui a mené les négociations atteste que jamais au cours des échanges qui ont duré 6 mois la société AER n’a émis la moindre réserve quant à l’obtention du financement, que c’est à la suite d’un dol que la prorogation du délai de négociation avec exclusivité leur a été extorquée, que c’est à la société AER qu’il appartient de justifier qu’elle a sollicité un prêt conforme aux caractéristiques convenues.

La société AER a donc agi de mauvaise foi et a au surplus rompu abusivement et brutalement les négociations en prétextant l’absence de financement sans prendre la peine de solliciter en temps utiles d’autres organismes bancaires et en attendant plus de trois semaines après la réception de la lettre de la Société Générale pour l’en avertir.

Ils demandent à obtenir l’indemnisation du préjudice consistant dans l’impossibilité de céder ensemble leurs participations dans les deux sociétés SDFEI et 2ST, du fait de l’obtention par la société AER de la prolongation du délai de négociation, qui, combinée à la survenance de la crise, leur a fait perdre toute chance de contracter dans ces conditions, ainsi que des préjudices liés aux deux mois perdus pour négocier utilement avec d’autres partenaires plus sérieux et aux frais engagés et temps passé pour établir les prévisionnels réclamés le 4 novembre 2008.

La société AER réplique à titre principal que la non-réalisation de la condition suspensive est l’unique cause de l’échec de l’opération, que la défaillance de la condition suspensive entraîne la caducité de l’acte, que la condition d’obtention de financement de l’opération faisait partie intégrante de celle-ci, que les appelants remettent en cause sans preuve les refus bancaires, que l’obligation d’information n’existait pas dans l’acte et que la condition suspensive n’étant pas levée au 31 août, le refus du financement bancaire n’aurait rien changé, que si les appelants mettent en cause les conditions de non obtention du financement, il leur appartient de se prévaloir de l’article 1178 du code civil et d’en justifier.

La société AER soutient que la preuve du caractère abusif et brutal de la rupture des négociations n’est pas apportée par les appelants.

Elle rappelle que le terme de lettre d’intention tel qu’il a été utilisé correspond au sens juridique courant et non à la définition de la sûreté réelle prévue par l’article 2322 du code civil, que de nombreuses modalités de l’acte restaient à négocier, que la lettre d’intention du 8 juillet 2008 n’est pas un compromis, que le motif de rupture qui résulte de la non-réalisation de la condition suspensive est réel et légitime.

La société AER ajoute qu’elle a tenu ses partenaires informé des difficultés rencontrées pour obtenir son financement, qu’elle n’a jamais cherché à les induire en erreur, comme en témoigne M. Z, que les deux parties avaient la qualité de professionnel.

Elle invoque en dernier lieu l’absence de tout préjudice subi.

*

Les appelants demandent en premier lieu à la cour de restituer à l’acte du 8 juillet 2008 son exacte qualification lequel n’est pas une lettre d’intention au sens de l’article 2322 du code civil.

Il ne ressort nullement du jugement critiqué pas plus que des écritures des parties que l’utilisation du terme de lettre d’intention faisait référence à la sûreté réelle prévue par l’article 2322 du code civil.

Il résulte en effet des pièces produites que le 4 juillet 2008, la société AER a adressé un courrier à destination de M. Y et la société BTDCF dans laquelle elle a écrit:

« Nous vous confirmons que la société AER HOLDING est en effet désireuse de se rapprocher de la société SFDEI ci-après dénommée la « Société », par le rachat de 96% de ses actions.

Par conséquent, sous réserve de la réalisation des conditions suspensives prévues ci-après, la Société AER HOLDING achètera 96 % du capital et des droits de vote de la société SFDEI ci-après dénommée « la Société ». Les actions seraient acquises coupons attachés, avec jouissance courante à la date de cession.

Etant précisé que 4 % du capital de la Société SFDEI restera détenue par Monsieur C Y.»

La suite de cette lettre déterminait les modalités et les conditions de sa proposition. Elle contenait en son article 5 une condition suspensive tenant à l’obtention d’un financement pour l’acquisition des titres.

Elle comportait in fine sous l’intitulé « Exclusivité » les conditions suivantes :

« Pour permettre l’audit, la rédaction et la signature des actes de cession reprenant les termes et conditions de la présente proposition et les précisant par la suite, vous vous engagez à accorder à la Société AER une période d’exclusivité de négociation de Trois (3) mois à compter de votre accord sur la présente. En vertu de cette exclusivité, vous vous engagez à ne pas négocier avec d’autres candidats acquéreurs les conditions du transfert des actions de la « Société » et de ses filiales, d’une émission d’actions ou la cession de tout ou partie des fonds de commerce et actifs de la « Société » et de sa filiale.»

Ce courrier s’analyse comme le prétend la société AER en une lettre d’intention d’acquérir les titres, sans rapport avec la définition de la lettre d’intention sûreté réelle définie à l’article 2322 du code civil, qui devait servir de base à la négociation entre les parties.

Elle a d’ailleurs permis la signature d’un document en date du 8 juillet 2008 par les parties en présence (pièce 1 de la société AER) reprenant pour l’essentiel les termes de la lettre d’intention du 4 juillet 2008 mais comportant des modifications, portant par exemples sur l’effectif à retenir de la société SDFEI, le prix de cession suivant les résultats d’exploitation consolidés au 30/09/2008 et la majoration du résultat d’exploitation à prendre en compte, la date de la réalisation de l’opération de cession.

La condition suspensive tenant à l’obtention du financement y était désormais ainsi rédigée : Obtention d’un financement pour l’acquisition des titres au plus tard le 31/08/2008.

La date de réalisation était prévue comme devant se situer entre le 30 octobre et le 15 novembre 2008.

Ce document signé le 8 juillet 2008 entre les parties comporte un accord de principe sur les points essentiels de la négociation engagée, permettant de mener l’audit et de poursuivre sur ces bases les négociations entre les parties avec une période d’exclusivité de négociation de trois mois. Il témoigne de l’avancement des négociations.

Cet accord de poursuivre et de négocier les conditions du contrat futur de cession dans toutes ses modalités a eu pour effet de créer à la charge de chacune des parties une obligation contractuelle de négocier de bonne foi.

Cet acte est improprement qualifié de compromis par les appelants dans leurs écritures lesquels toutefois ne prétendent pas qu’il vaudrait cession, se prévalant seulement du manquement à la bonne foi dans la négociation et d’une rupture abusive et brutale de celles-ci.

La société AER a fait part à ses partenaires le 18 novembre 2008 de ce qu’elle ne pouvait donner suite à son projet d’acquisition dans les termes suivants :

« Nous revenons vers vous au sujet de la lettre d’intention du 8 juillet 2008 relative au projet de cession par vous-même au profit de la société AER Holding, des actions de la société SFDEI et de sa filiale 2ST.

Comme vous le savez, nous avions fait part lors de nos entretiens téléphoniques avec Messieurs Y et Z, de nos difficultés à obtenir le financement.

Le 28 août 2008, notre banque, la Société Générale, nous a opposé un refus de financement en raison de la valorisation de la société, objet du projet d’acquisition, avec une possibilité de revoir sa position en fonction des états financiers au 30 septembre 2008 et du rapport d’audit.

Malheureusement et malgré la production des documents demandés par la banque, la Société Générale nous a confirmé à nouveau par un courrier du 31 octobre 2008, sa position initiale.

Nous nous voyons donc dans l’obligation de vous notifier par la présente, que nous ne pouvons donner suite à ce projet d’acquisition. »

La société AER verse aux débats un premier courrier du 28 août 2008 de la Société Générale dont il ressort que celle-ci refuse de financer l’acquisition projetée mais ajoute qu’elle pourrait éventuellement examiner à nouveau la demande de la société AER à réception des états financiers au 30 septembre 2008, du rapport d’audit et d’un prévisionnel sur l’exercice 2009, un second courrier du 31 octobre 2008 dans lequel la même banque après avoir pris connaissance de nouvelles pièces, maintient son refus de financement, enfin un courrier daté du 14 novembre 2008 du Crédit Mutuel qui refuse à son tour d’intervenir dans l’acquisition.

Il est ainsi démontré – les appelants ne versent aux débats aucun document de nature à combattre les preuves apportées par l’intimée sur ce point et à mettre en doute tant la sincérité et l’effectivité de la recherche d’un financement que la réalité des refus de ce financement – que la société AER a sérieusement et activement cherché à obtenir le financement de l’acquisition projetée, auprès au moins de deux établissements bancaires différents et que dès qu’elle a eu connaissance définitive et certaine de ce qu’elle ne pouvait financer cette opération, elle en a informé ses partenaires.

Il est inopérant de prétendre que la société AER n’apporte pas la preuve qu’elle aurait sollicité un prêt conforme aux caractéristiques convenues alors que l’accord ne comporte aucune disposition sur ce point et qu’il n’est établi qu’il y aurait eu une quelconque engagement pris par la société AER à ce sujet.

Il est donc suffisamment établi que la société AER a rompu les négociations à raison de la non obtention auprès des banques du financement de l’opération. Il s’agit d’une cause sérieuse et légitime, indépendante de la seule volonté de la société AER, qui n’est pas constitutive d’un abus de sa part.

M. Y et la société BTDCF ne prétendent pas, encore moins ne justifient, que la clause suspensive devrait être réputée accomplie au motif que ce serait la société AER qui en aurait empêché l’accomplissement.

Cette rupture ne peut être tenue comme brutale soit à raison des circonstances qui l’ont accompagnée, le courrier d’information adressé à M. Y et la société BTDCF étant tout à fait courtois et exposant clairement la situation, soit à raison de sa soudaineté, puisque la société AER n’avait pas de préavis à respecter et qu’au contraire, il était de l’intérêt des appelants qu’elle leur fasse connaître le plus rapidement possible l’absence de financement qui l’obligeait à renoncer à la poursuite des négociations.

M. Y et la société BTDCF prétendent toutefois que la société AER aurait agi de mauvaise foi en ne les avertissant pas des difficultés qu’elle rencontrait pour obtenir le financement de son opération tout au long des négociations, et en particulier de la défaillance de la condition suspensive à la date du 31 août 2008, alors qu’il était quasiment acquis qu’elle obtiendrait ce financement ainsi qu’en atteste M. Z, qu’ils ont été ainsi maintenus de mauvaise foi dans l’illusion que le financement ne posait pas de difficulté.

M. Z a certes rédigé un courrier en ce sens le 6 janvier 2009 qu’il a adressé à M. Y et la société BTDCF mais il a rédigé le 30 novembre 2009 une attestation en faveur de la société AER démentant certaines des allégations antérieures figurant dans son courrier du 6 janvier 2009, expliquant l’avoir écrit sous l’effet de la colère de voir tout le travail effectué devenu inutile et la commission de 3 % qu’il devait percevoir annihilée ou en passe de l’être, exposant par ailleurs que lors du salon Expoprotection tenu du 4 au 7 novembre 2011, la demande de documents complémentaires faite par les responsables de la société AER en présence de M. Y avaient probablement pour but d’infléchir la position de leur banquier (la Société Générale) et/ou d’obtenir l’accord d’un second (le Crédit Mutuel), de sorte qu’il ne peut être déduit des deux documents rédigés par M. Z que M. Y et la société BTDCF pouvaient avoir la quasi-certitude que le financement ne posait pas de difficulté.

Aucune autre pièce ne vient attester de cette prétendue quasi-certitude alors que dès la lettre d’intention elle-même prévoyait une condition suspensive, que l’accord du 8 juillet a reprise, relative à l’obtention d’un financement portant à défaut d’autre précision sur la totalité du coût de l’acquisition, qu’au surplus, il était prévu par l’accord du 8 juillet 2008 que le prix définitif de l’acquisition n’était déterminé qu’en fonction des comptes annuels arrêtés au 30/09/2008 pour lesquels les vendeurs s’engageaient à effectuer leurs meilleurs efforts pour les établir au plus tard le 30 octobre 2008, le prix de cession pouvant varier de 1.900 € à 2 100 K¿, ce qui laissait nécessairement une incertitude jusqu’à cette date.

En revanche, M. Y et la société BTDCF sont fondés à reprocher à la société AER de ne pas les avoir informés du refus opposé par la Société Générale en date du 28 août 2008.

En effet, dès lors que l’accord signé le 8 juillet 2008 prévoyait une condition suspensive d’obtention du financement, la société AER qui devait agir de bonne foi envers M. Y et la société BTDCF avait l’obligation d’informer ces derniers du refus du financement intervenu avant le 31 août 2008, même en l’absence d’une obligation d’information contractuelle prévue dans l’accord et alors même qu’eu égard à la réponse faite par la banque, elle pouvait espérer raisonnablement obtenir en définitive le financement refusé une fois connus les résultats annuels arrêtés au 30/09/2008 lesquels se sont avérés effectivement en très nette amélioration.

La société AER ne pouvait méconnaître l’importance apportée à la date limite de levée figurant dans la condition suspensive puisque cette date qui ne figurait pas dans sa lettre d’intention du 4 juillet avait été ajoutée dans l’accord du 8 juillet.

La société AER soutient qu’elle aurait informé ses partenaires de ses difficultés pour obtenir le financement mais cela ne résulte d’aucune des pièces qu’elle produit.

Tout en écartant l’affirmation émise sous le coup de la colère dans le mail du 6 janvier 2009 de M. Z, dans son attestation postérieure, l’intéressé qui a été au choeur des discussions, ne témoigne pas de ce qu’il aurait été informé, ni ses mandants, du refus opposé par la banque le 28 août et lorsqu’il mentionne la demande de documents supplémentaires tout début novembre 2008 lors du salon Expoprotection, il émet une hypothèse sur les motifs de cette demande sans attester que la société AER a indiqué à ses partenaires à cette occasion qu’elle n’avait pas toujours pas obtenu son financement.

La circonstance que M. Y et la société BTDCF ne se soient pas enquis de l’obtention de ce financement ne suffit pas à exonérer la société AER du respect de son obligation de négocier de bonne foi.

Or, contrairement à ce que soutient la société AER, l’information donnée sur ces difficultés à M. Y et la société BTDCF aurait permis à ceux-ci soit de se prévaloir de ce que l’accord de principe du 8 juillet 2008 était devenu caduc faute d’obtention du financement, de mettre fin à l’exclusivité consentie pendant trois mois, de commencer ou de reprendre les négociations avec d’autres interlocuteurs, les aurait certainement conduits à ne pas accepter de prolongation de la validité de l’accord au-delà de sa durée initialement prévue.

La société AER a donc en effet manqué à son obligation de bonne foi en n’informant pas M. Y et la société Bureau Technique de Défense Contre le Feu (BTDCF) du refus de la Société Générale du 28 août 2008 et des difficultés rencontrées, les entretenant dans l’illusion de ce qu’elle avait obtenu le financement nécessaire à l’acquisition des titres, peu important qu’elle ait pu espérer jusqu’au bout obtenir ce financement.

La société AER doit donc réparation à M. Y et la société BTDCF des préjudices résultant de ce seul comportement fautif, à l’exclusion de celui reproché à tort d’avoir rompu abusivement et brutalement les négociations.

M. Y et la société BTDCF soutiennent en premier lieu que le désinvestissement de la société AER dans la recherche d’un financement alternatif après le premier refus de la Société Générale du 28 août 2008 a fait perdre une chance très sérieuse de finaliser l’accord en cours, qu’au lieu de cela, ils ont dû se résoudre à ne céder leurs parts que dans la société SFDEI, à conserver celles de la société 2ST et même à acquérir la participation de SFDEI dans celle-ci moyennant le prix de 200.000 €, que compte tenu des chances de contracter avant la crise financière, ce double préjudice doit être estimé à la différence entre le prix de cession convenu et celui auquel ils ont finalement pu céder leurs parts dans la seule société SFDEI, soit 400.000 €.

Toutefois, le désinvestissement de la société AER dans la recherche d’un financement n’est nullement établi, celle-ci ayant au contraire jusqu’à la mi-novembre 2008, effectué toutes diligences mais en vain pour obtenir un financement.

Comme le fait à juste titre observer la société AER, M. Y et la société BTDCF ne sauraient en toute hypothèse obtenir réparation du manque à gagner entre le prix de cession espéré et celui auquel ils ont en définitive cédé les parts de la société SFDEI et ce d’autant que l’exercice du droit de rupture des négociations par la société AER n’est en l’espèce ni brutal ni abusif.

Leur préjudice ne peut résulter que de la perte d’une chance de conclure plus tôt la cession et dans les frais engagés en vain à raison de l’illusion dans laquelle le comportement fautif de la société AER les a maintenus.

M. Y et la société BTDCF ont signé le 18 mai 2009 la cession d’actions avec la société Finsecur laquelle leur avait écrit le 10 juin 2008 qu’elle confirmait l’intérêt qu’elle portait à leur société SFDEI.

La circonstance que la société AER ait manqué à son obligation de négocier de bonne foi en n’informant pas loyalement M. Y et la société BTDCF du refus opposé par la Société Générale le 28 août 2008 et des difficultés à trouver un financement a manifestement fait perdre à ces derniers une chance de se retourner vers la société Finsécur dès le mois de septembre 2008 et donc de procéder plus tôt à la cession.

M. Y et la société BTDCF invoquent par ailleurs avoir engagé des frais et investi du temps notamment pour établir les prévisionnels réclamés le 4 novembre 2008. S’agissant de ces frais et du temps passé, ils n’apportent néanmoins aucun justificatif, étant relevé à juste titre par la société AER que ces documents et le temps passé ont certainement servi dans les négociations menées avec l’acquéreur final.

En définitive et au vu des éléments dont la cour dispose, le préjudice de M. Y et la société BTDCF sera donc justement évalué à la somme de 14.000 €.

La société AER sera condamnée à leur payer cette somme à titre de dommages-intérêts.

Sur la demande reconventionnelle de la société AER

Eu égard au sens de la présente décision, la société AER sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Les dépens seront à la charge de la société AER.

L’équité commande de la condamner à payer à M. Y et la société BTDCF une indemnité de 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant en audience publique et par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a débouté la société AER Holding de sa demande de dommages-intérêts.

Statuant à nouveau,

Dit que la rupture par la société AER Holding des négociations avec M. C Y et la société Bureau Technique de Défense Contre le Feu (BTDCF) n’est ni abusive ni brutale.

Dit qu’en revanche, la société AER Holding a manqué à son obligation de négocier de bonne foi en n’informant pas M. Y et la société Bureau Technique de Défense Contre le Feu (BTDCF) du refus de la Société Générale du 28 août 2008 et des difficultés rencontrées, les entretenant dans l’illusion de ce qu’elle avait obtenu le financement nécessaire à l’acquisition des titres.

Condamne la société AER Holding à payer à M. C Y et la société Bureau Technique de Défense Contre le Feu (BTDCF) la somme de 14.000 € à titre de dommages-intérêts.

Déboute M. C Y et la société Bureau Technique de Défense Contre le Feu (BTDCF) du surplus de leurs demandes.

Condamne la société AER Holding aux dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

La condamne à payer à M. C Y et la société Bureau Technique de Défense Contre le Feu (BTDCF) une indemnité de 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La Déboute de sa demande au même titre.

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Mme Dominique ROSENTHAL, Présidente et par Monsieur GAVACHE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER, La PRESIDENTE,

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