Cour d'appel de Versailles, 14ème chambre, 31 octobre 2012, n° 12/00371

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 14e ch., 31 oct. 2012, n° 12/00371
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 12/00371
Décision précédente : Tribunal de commerce de Pontoise, 7 décembre 2011, N° 2011r00194
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 39H

14e chambre

ARRÊT N°

contradictoire

DU 31 OCTOBRE 2012

R.G. N° 12/00371

AFFAIRE :

SASU X

C/

B Y

Décision déférée à la cour : ordonnance rendue le 08 décembre 2011 par président du Tribunal de Commerce de PONTOISE

N° RG : 2011r00194

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Anne-Laure DUMEAU

SCP DEBRAY CHEMIN

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE TRENTE ET UN OCTOBRE DEUX MILLE DOUZE,

La cour d’appel de VERSAILLES, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

SASU X

XXX

XXX

XXX

Représentée par Me Anne-Laure DUMEAU (avocat au barreau de VERSAILLES)

assistée de Me Jérome LETANG de la SCP LAMY LEXEL (avocat au barreau de LYON)

APPELANTE

****************

M. B Y

de nationalité française

XXX

37170 CHAMBRAY-LES-TOURS

Représenté par la SCP DEBRAY CHEMIN (Me Christophe DEBRAY) (avocats au barreau de VERSAILLES – N° du dossier 12000109)

assisté Me Michel WOLFER de la ASS HERTSLET WOLFER & HEINTZ (avocat au barreau de PARIS)

SAS Z E FRANCE prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité

XXX

XXX

Autre(s) qualité(s) : Intimé dans 12/XXX

Représentée par la SCP DEBRAY CHEMIN (Me Christophe DEBRAY) (avocats au barreau de VERSAILLES – N° du dossier 12000109)

assistée Me Michel WOLFER de la ASS HERTSLET WOLFER & HEINTZ (avocat au barreau de PARIS)

INTIMES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 26 septembre 2012 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Patricia GRANDJEAN, conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Jean-Pierre MARCUS, président,

Monsieur Philippe BOIFFIN, conseiller,

Madame Patricia GRANDJEAN, conseiller,

greffier, lors des débats : Madame Agnès MARIE,

FAITS ET PROCÉDURE,

Invoquant des actes de concurrence déloyale de la part de son ancien salarié, M. B Y et de son concurrent dans le domaine des adhésifs industriels, la société Z E FRANCE, la société X a fait assigner ceux-ci en référé devant le président du tribunal de commerce de Pontoise afin d’obtenir sous astreinte, principalement, l’interdiction d’utiliser et la destruction de son fichier client et de ses fiches techniques détenus par M. Y et par la société Z E FRANCE, l’interdiction pour les mêmes d’entrer en contact avec ses clients, la suspension des commandes en cours de la société Z E FRANCE auprès de ses clients.

Par une ordonnance rendue le 8 décembre 2011 à laquelle il convient de se reporter pour un plus ample exposé des faits, le président du tribunal de commerce de Pontoise agissant par délégation a :

— rejeté l’exception d’incompétence,

— constaté l’existence de contestations sérieuses et débouté la société X de l’ensemble de ses demandes,

— condamné celle-ci aux dépens et au paiement de la somme de 3 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration au greffe en date du 16 janvier 2012, la société X a relevé appel de cette décision.

Dans des conclusions déposées le 27 février 2012, elle sollicite de la cour bien vouloir :

— confirmer l’ordonnance entreprise sur la compétence,

— la réformer pour le surplus,

— interdire à M. Y et à la société Z E FRANCE de faire usage du fichier clients et de la base de données de la société X ou des noms qui y figurent sous astreinte de 1 000 € par infraction constatée,

— ordonner la destruction du fichier clients X, de la base de données et des fiches X détournés par M. Y et en possession de M. Y et de la société Z E FRANCE, sous astreinte de 1 000 € par jour de retard,

— interdire à M. Y ou à la société Z E FRANCE de prendre contact directement ou indirectement avec les clients de la société X dont la liste est versée aux débats, sous astreinte de 1 000 € par infraction constatée,

— se réserver le pouvoir de liquider l’astreinte,

— suspendre toutes les commandes en cours avec les clients X listés, sous astreinte de 1 000 € par infraction constatée,

— ordonner l’envoi à chaque client figurant sur le fichier X versé aux débats d’une copie de la décision,

— ordonner la publication de l’arrêt dans trois journaux au choix de la société X, à concurrence de 2 000 € par insertion,

— condamner la société Z E FRANCE aux dépens et ainsi qu’à payer la somme de 5 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

La société X expose qu’après avoir démissionné du poste de chef des ventes qu’il occupait en son sein et rejoint la société Z E FRANCE, M. Y a adressé une lettre- circulaire à l’ensemble des clients en leur indiquant le numéro de téléphone auquel il pouvait être contacté.

Elle fait valoir que les agissements de M. Y qui n’est pas commerçant se rattachent suffisamment aux actes de commerce de son nouvel employeur pour justifier la compétence du président du tribunal de commerce et ajoute que la plénitude de juridiction de la cour d’appel sur les litiges soumis au tribunal de commerce de Pontoise comme au tribunal de grande instance de Pontoise rend sans objet la question de la compétence de la juridiction commerciale.

Elle indique que M. Y a reconnu être en possession de fichiers lui appartenant et a transféré certains éléments d’information vers sa boîte aux lettres électronique personnelle.

Elle soutient que l’intéressé a commencé à travailler pour son concurrent avant même sa démission, a procédé au démarchage systématique de ses clients en utilisant des documents techniques et des éléments tarifaires lui appartenant et a proposé les mêmes produits à des prix systématiquement inférieurs à ceux pratiqués par elle.

Par des conclusions déposées le 27 avril 2012, la société Z E FRANCE et M. Y sollicitent de la cour bien vouloir :

— leur donner acte de ce qu’ils renoncent à l’exception d’incompétence ,

— prononcer la nullité du procès-verbal de constat dressé par Me Charles le 25 février 2011,

— écarter des débats le procès-verbal de constat dressé par Me Charles le 10 novembre 2011,

— confirmer l’ordonnance entreprise sauf en ce qu’elle n’a pas prononcé la nullité du procès-verbal de constat en date du 25 février 2011 et les a déboutés de leur demande indemnitaire,

— condamner la société X à leur payer la somme de 10 000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,

— condamner la société X aux dépens et au paiement de la somme de 10 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Ils exposent que la réorganisation consécutive au rachat de la société X par le groupe Oryx Partner en 2008 a conduit plusieurs salariés de la première à démissionner mais que seuls M. A et M. Y ont rejoint les effectifs de la société Z E FRANCE et 2009 et 2011 respectivement, ceux-ci n’étant pas tenus par une clause de non-concurrence.

Indiquant que M. Y n’a pris ses nouvelles fonctions que le 1er mars 2011, ils contestent toute faute relative à l’embauche de ce salarié.

Ils soutiennent que Me Charles, huissier de justice présent lors de la restitution des matériels mis à la disposition de M. Y par la société X ne pouvait interroger celui-là sur sa détention de fichiers de l’entreprise.

Ils font valoir que depuis 2008 les commerciaux de la société X n’avaient plus accès à un fichier clients depuis leur ordinateur, qu’un tel fichier n’existait pas au sein de l’entreprise, la liste de clients produite aux débats ayant été établie pour les besoins de la cause et ils relèvent que sont mentionnés dans cette liste des clients de la division lubrifiants à laquelle M. Y n’appartenait pas.

Ils contestent la valeur probante des constats d’huissier dressés les 10 novembre 2011 et 25 février 2012 et rappellent qu’une société commerciale ne peut se prévaloir de la propriété de sa clientèle et que le démarchage de cette clientèle ne caractérise pas en lui-même un acte de concurrence déloyale.

Ils ajoutent que les fiches techniques des produits commercialisés par la société X sont librement accessibles sur l’internet.

Ils indiquent enfin que certaines des sociétés mentionnées dans la liste dont la société X souhaite lui faire interdire l’usage sont ses clientes depuis plusieurs années, que d’autres sont des acheteurs non point d’adhésifs mais de lubrifiants -produits que la société Z E FRANCE ne commercialise pas – et que d’autres n’ont jamais été contactées par eux.

********************

Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé des prétentions et moyens.

L’instruction de l’affaire a été close le 26 septembre 2012.

MOTIFS DE LA DÉCISION,

Il convient de donner acte à la société Z E FRANCE de ce qu’elle renonce au moyen tiré de l’incompétence de la juridiction saisie.

En application de l’article 873 du code de procédure civile, le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de sa compétence, et même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

A l’appui de son action, la société X soutient que la société Z E FRANCE et M. Y ont manifestement commis des actes de concurrence déloyale en utilisant un fichier client lui appartenant, subtilisé par celui-ci et en démarchant de façon systématique ses clients auxquels étaient proposés des produits identiques à ceux qu’elle commercialise mais à un prix systématiquement inférieur de 5 % à ses propres tarifs.

Il faut relever que l’appelante indique expressément dans ses conclusions (page 14) qu’elle ne critique pas , en tant que telle, l’embauche de M. A et de M. Y par la société Z E FRANCE, de sorte qu’il n’y a pas lieu d’examiner ce point.

Par ailleurs, elle ne forme plus aucune demande relative aux fichiers techniques des produits commercialisés par elle.

Par des motifs pertinents que la cour adopte en sus des siens propres, le premier juge a retenu :

— que M. Y a informé ses interlocuteurs habituels de son départ très prochain de la société X par simple courtoisie, sans les informer de l’identité de son nouvel employeur,

— que la déclaration imprécise de l’intéressé devant l’huissier lors de la restitution de son matériel professionnel à la société X n’établissait pas suffisamment que les fichiers ou éléments dont celui-ci indiquait être resté en possession incluaient le fichier clients litigieux,

— que sans droit sur sa clientèle dans un secteur soumis à une libre concurrence, la société X ne démontrait pas la réalité du démarchage massif imputé à la société Z E FRANCE et à M. Y,

— que la proposition par M. Y pour le compte de la société Z E FRANCE d’offres de prix inférieurs de 5 % aux tarifs pratiqués par la société X à quelques uns des clients de celle-ci n’était pas manifestement significatif d’un démarchage illicite.

Il suffit d’ajouter que :

— si la société X justifie de la mise en place en 2009 d’un logiciel E-GOLD permettant à ses commerciaux de se connecter au site 'force de vente’ de l’entreprise pour notamment y saisir une commande, rechercher un article ou consulter des éléments statistiques, elle n’établit par aucun élément, malgré les recherches faites sur l’ordinateur utilisé par M. Y, que ce dernier ait transféré des éléments de ce site sur son ordinateur, la liste de clients produite aux débats et dont la société X souhaite faire interdire l’usage à son concurrent ne correspondant pas au format de la base de données accessible par E-GOLD,

— la société X ne produit pas d’autre 'ficher clients’ que sa pièce n°10 intitulée ' liste de clients gérés par Y’ qui comprend les noms de certaines sociétés qui n’ont jamais été clientes de la société X (MCB Industrie, Dow Kokam France, France Réducteurs, MEAS France) et de sociétés qui étaient déjà clientes du groupe Z plusieurs années avant l’embauche de M. Y par la société société Z E FRANCE , ainsi qu’il ressort des attestations ou courriers rédigées par les sociétés ainsi citées et des justificatifs de commandes produits par la société Z E FRANCE,

— parmi la dizaine de clients dont la société X reproche un démarchage illicite, certains étaient en relation avec la société Z E FRANCE plusieurs mois avant l’arrivée de M. Y dans les effectifs de celle-ci (Innopsys, Nexter Electronics) et d’autres ont indiqué n’avoir pas été démarchés par la société Z E FRANCE après le 1er mars 2011 (Vishay, Siemens),

— malgré le temps écoulé depuis les faits allégués, la société X n’invoque pas la perte effective d’un client ni une quelconque diminution de son activité adhésifs.

Dans ces circonstances, et sans qu’il soit besoin d’examiner les critiques relatives à la validité ou, plus exactement, à la force probante du constat d’huissier établi le 25 février 2011, il apparaît que tant la détention sans droit par M. Y d’un fichier clients appartenant à la société X que la réalité du démarchage massif dénoncé sont sérieusement contestables.

Pour soutenir que M. Y aurait commencé à travailler pour le compte de la société Z E FRANCE avant le 25 février 2011, terme du contrat de travail qui le liait à la société X, celle-ci fait valoir que l’intéressé a été destinataire d’une invitation du fabriquant DOW CORNING sur une adresse électronique de la société Z E FRANCE dès le 22 février 2011.

Or, l’auteur de cette invitation atteste qu’ayant été informé de l’embauche prochaine de M. Y par la société Z E FRANCE, il avait utilisé le format d’adresse électronique utilisée par cette entreprise alors même que la boîte de messagerie électronique de M. Y n’était pas encore active ; il n’apparaît pas que ce dernier ait effectivement reçu cette invitation.

Enfin, il ne saurait être reproché à M. Y d’avoir mentionné son numéro de téléphone personnel dans le message informant de son départ de la société X, alors que dans le même temps il indiquait à ses interlocuteurs habituels les noms des personnes à contacter au sein de la société X après son départ.

L’ordonnance dont appel doit ainsi être confirmée en ce qu’elle a débouté la société X de ses demandes.

L’erreur commise par une partie dans l’appréciation de ses droits ne suffisant pas à caractériser une intention malicieuse, les intimés doivent être déboutés de leur demande indemnitaire.

En conséquence, l’ordonnance entreprise doit être confirmée en toutes ses dispositions.

Succombant, la société X doit supporter les dépens.

L’équité commande que la somme globale de 5 000 € soit accordée à la société Z E FRANCE et à M. Y en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS ;

La cour,

Statuant contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme l’ordonnance dont appel en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Déboute les parties de toutes autres demandes ;

Condamne la société X aux dépens qui pourront être recouvrés par la SCP DEBRAY CHEMIN, avocats conformément à l’article 699 du code de procédure civile ;

Condamne l’appelante à payer à la société Z E FRANCE et à M. Y la somme globale de 5 000 € (cinq mille euros) en application de l’article 700 du même code.

Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par M. Jean-Pierre MARCUS, Président et par Madame MARIE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER, Le PRESIDENT,

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