Cour d'appel de Versailles, 14ème chambre, 13 février 2013, n° 12/02878

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 14e ch., 13 févr. 2013, n° 12/02878
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 12/02878
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Nanterre, 12 avril 2012, N° 12/00759
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 82J

14e chambre

ARRÊT N°

contradictoire

DU 13 FÉVRIER 2013

R.G. N° 12/02878

AFFAIRE :

Y X

C/

SAS ELRES prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Décision déférée à la cour : ordonnance rendue le 13 avril 2012 par le président du tribunal de grande Instance de NANTERRE

N° RG : 12/00759

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Sandra MARY-RAVAULT

Me Patricia MINAULT

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE TREIZE FÉVRIER DEUX MILLE TREIZE,

La cour d’appel de VERSAILLES, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur Y X

né le XXX à SAINT-CLOUD (Hauts-de-Seine)

de nationalité française

XXX

XXX

Représenté par Me Sandra MARY-RAVAULT (avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire PN 302)

SYNDICAT Z A

XXX

XXX

Représenté par Me Sandra MARY-RAVAULT (avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire PN 302)

APPELANTS

****************

SAS ELRES prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

N° SIRET : 662 025 196

XXX

XXX

Représentée par Me Patricia MINAULT de la SELARL MINAULT PATRICIA (avocat au barreau de VERSAILLES – N° du dossier 20120422)

assistée de Me Chloé BOUCHEZ (avocat au barreau de PARIS)

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

L’affaire a été débattue à l’audience publique du 9 janvier 2013, Monsieur Jean-Pierre MARCUS, président, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Monsieur Jean-Pierre MARCUS, président,

Monsieur Philippe BOIFFIN, conseiller,

Madame Patricia GRANDJEAN, conseiller,

qui en ont délibéré,

greffier, lors des débats : Madame Agnès MARIE

FAITS ET PROCÉDURE,

Dénonçant un usage récurrent par le SYNDICAT Z A de la messagerie électronique de l’entreprise à des fins de propagande, la société ELRES a saisi le président du tribunal de grande instance de Nanterre en référé aux fins d’ordonner sous astreinte à ce syndicat et à M. X, son animateur de faire cesser ce trouble.

Par une ordonnance contradictoire rendue le 13 avril 2012 à laquelle il convient de se reporter pour un plus ample exposé des faits, le président agissant par délégation, a :

— dit que l’envoi aux salariés par le SYNDICAT Z A de messages électroniques de l’entreprise à des fins syndicales constitue un trouble manifestement illicite qu’il convient de faire cesser,

— enjoint au SYNDICAT Z A et à M. X de cesser et faire cesser ce trouble manifestement illicite ce, dans un délai de huit jours à compter de la signification de l’ordonnance sous peine d’astreinte de 2 000 € par infraction constatée, en se réservant le contentieux de la liquidation de l’astreinte,

— dit n’y avoir lieu à référé en ce qui concerne une différence de traitement entre organisations syndicales au sein de la société ELRES et l’application de l’accord cadre du 4 octobre 2005,

— déclaré irrecevable la demande tendant à voir désigner un administrateur ad hoc avec pour mission d’assurer la gestion des oeuvres sociales et culturelles de la société ELRES jusqu’au résultat définitif des élections professionnelles,

— condamné le SYNDICAT Z A et M. X aux dépens et à régler chacun à la société ELRES une somme de 500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration au greffe en date du 18 avril 2012, le SYNDICAT Z A et M. X ont relevé appel de cette décision.

Dans des conclusions déposées le 8 janvier 2013, ils prient la cour de bien vouloir :

— infirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle reconnu l’existence d’un trouble manifestement illicite et fait injonction de cesser et faire cesser ce trouble et prononcé condamnations à leur encontre,

— dire qu’aucun trouble manifestement illicite n’est caractérisé,

— débouter la société ELRES de ses demandes,

— reconventionnellement, condamner la société ELRES à payer au SYNDICAT Z A la somme de 3 000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,

— condamner la société ELRES aux dépens et sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Le SYNDICAT Z A et M. X précisent que leur appel est limité à la question de l’existence ou non d’un trouble manifestement illicite.

Ils font état des tensions existant entre les parties depuis l’annulation des élections professionnelles du mois de mars 2011 et du litige relatif aux moyens mis à la disposition du syndicat non représentatif.

Ils soutiennent que la méconnaissance d’une réglementation ne constitue pas en elle-même un trouble manifestement illicite, que la charte de 2002 relative à l’utilisation de la messagerie de l’entreprise n’a pas de valeur juridique et que le trouble allégué avait disparu à la date à laquelle le juge a statué.

Ils invoquent l’expression de la liberté syndicale au moyen d’adresses de messagerie fournies par l’entreprise elle-même, relèvent que les messages litigieux sont parvenus à peu de salariés par rapport à l’effectif de la société et contestent l’application de l’article L 2142-3 du code du travail.

Ils indiquent qu’il existe un accord d’entreprise prévoyant l’utilisation d’internet par les syndicats et dont le bénéfice est refusé au SYNDICAT Z A.

Ils ajoutent que la direction de l’entreprise tolère dans le même temps une utilisation similaire de sa messagerie par d’autres organisations syndicales et ne caractérise pas la gêne alléguée

Par des conclusions déposées le 8 janvier 2013, la société ELRES sollicite la confirmation de l’ordonnance entreprise et la condamnation du SYNDICAT Z A et de M. X aux dépens et sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir qu’aucun accord d’entreprise ne permet l’utilisation de la messagerie électronique de la société par les syndicats et qu’au contraire une charte du bon usage des nouvelles technologies d’information et de communication en date du 22 février 2002 qui constitue une note de service opposable à tout salarié, prohibe la diffusion de tracts par messagerie et la diffusion de messages en grand nombre hormis dans un cadre strictement professionnel.

Elle invoque l’article L 2142-6 du code du travail et fait état des messages électroniques adressés par le SYNDICAT Z A via la messagerie professionnelle à de nombreux salariés les 19 et 22 janvier, les 13, 14 et 15 février 2012 malgré l’interdiction rappelée dans des lettres recommandées des 13 et 14 février et un message électronique du 15 février.

Elle soutient qu’un trouble manifestement illicite est caractérisé et qu’en outre le comportement syndical dénoncé met en péril le processus électoral en cours et expose l’entreprise à un dommage imminent.

Elle relève que les messages litigieux ont été adressés à tous les salariés du siège, tous niveaux hiérarchiques confondus et que plusieurs salariés s’en sont plaints.

Elle ajoute que les règles applicables ont été rappelées à l’ensemble des organisations syndicales sans distinction.

***

Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé des prétentions et moyens.

L’instruction de l’affaire a été close le 9 janvier 2013.

MOTIFS DE LA DÉCISION,

L’ordonnance entreprise doit être confirmée en ses dispositions non contestées, le litige porté devant la cour étant limité aux dispositions relatives à l’existence d’un trouble manifestement illicite constitué par l’envoi de messages syndicaux par la messagerie électronique de l’entreprise.

En application de l’article 809 du code de procédure civile, le président peut toujours même en présence d’une contestation sérieuse prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Selon l’article L2142-6 du code du travail, un accord d’entreprise peut autoriser la mise à disposition des publications et tracts de nature syndicale, sur un site syndical mis en place sur l’intranet de l’entreprise, ou par diffusion sur la messagerie électronique de l’entreprise. Dans ce dernier cas, cette diffusion doit être compatible avec les exigences de bon fonctionnement du réseau informatique de l’entreprise et ne doit pas entraver l’accomplissement du travail. L’accord d’entreprise définit les modalités de cette mise à disposition ou de ce mode de diffusion, en précisant notamment les conditions d’accès des organisations syndicales et les règles techniques visant à préserver la liberté de choix des salariés d’accepter ou de refuser un message.

En l’espèce, par des motifs pertinents que la cour adopte en sus des siens propres, le premier juge a retenu :

— qu’aucun accord collectif n’autorise au sein de la société ELRES l’utilisation de la messagerie électronique à des fins syndicales,

— que le SYNDICAT Z A dont M. X est le secrétaire général a adressé des messages de nature syndicale via la messagerie électronique de la société ELRES les 19 et 22 janvier, 13 et 14 février 2012.

Il convient d’ajouter :

— que le libellé des messages litigieux ne laisse place à aucun doute sur sa nature de propagande syndicale, notamment illustrée par les termes suivants :

* le 14 février 2012 à 7h25 et à 19h25 'si vous souhaitez soutenir une organisation syndicale efficace, n’hésitez pas à nous rejoindre et à vous porter sur nos listes à venir. En adhérant à notre SYNDICAT Z A, c’est …'

* le 15 février 2012 à 23h57 'toutes les sections syndicales doivent avoir les mêmes droits …'

— qu’il n’est pas contesté que les messages litigieux ont été adressés à l’ensemble des salariés en poste au siège de l’entreprise, soit plusieurs centaines de personnes de niveaux hiérarchiques différents,

— que le fait que certains de ces messages ont été envoyés à partir d’une boîte de message extérieure à l’entreprise est indifférent, de même qu’il importe peu que le SYNDICAT Z A ait obtenu les adresses structurelles des destinataires par la société ELRES elle-même, le syndicat étant seul responsable de l’usage qu’il en a fait,

— que le SYNDICAT Z A et M. X ne peuvent soutenir qu’ils ignoraient les termes de la charte du bon usage des nouvelles technologies d’information et de communication mise en oeuvre dans l’entreprise en 2002 alors qu’il est fait expressément référence à cette charte dans l’accord-cadre sur la mise en place de la communication syndicale du 4 octobre 2005 dont – non signataires – ils se sont prévalu (sous l’intitulé SNA-PRCA CAT ancien nom du SYNDICAT Z A) dans le cadre de la procédure ayant abouti à l’annulation du premier tour des élections professionnelles organisées en 2010,

— que cette même charte qui constitue une instruction de service à l’adresse de tous les salariés a été à nouveau portée à leur connaissance dans une transmission électronique du 15 février 2012 qui rappelait explicitement que l’utilisation de la messagerie électronique de la société était interdite,

— que M. X a néanmoins adressé un nouveau message syndical par cette messagerie quelques heures plus tard,

— que la multiplication de ces messages à caractère syndical dans un court laps de temps, parfois même dans la même journée, a provoqué une irritation chez plusieurs salariés qui s’en sont plaints,

— qu’elle s’inscrit en outre dans le contexte d’une forte tension entre les partenaires sociaux relativement à une organisation d’élections professionnelles annulée judiciairement,

— qu’elle a suscité l’interrogation d’un autre syndicat sur la possibilité de déroger en fait aux règles en vigueur,

— que c’est donc à bon droit que le premier juge a retenu que l’envoi aux salariés par le SYNDICAT Z A de messages électroniques à des fins syndicales constituait un trouble manifestement illicite.

Néanmoins, il convient de relever que le trouble dénoncé par la société ELRES a cessé le 15 février 2012, soit près de deux mois avant que le premier juge ne statue et qu’il ne s’est pas reproduit depuis lors, du fait du SYNDICAT Z A.

Le 8 janvier 2013 les salariés du siège de la société ELRES ont été destinataires, via la messagerie professionnelle, d’un message relayé par le réseau Linkedin émanant de M. X indiquant 'j’aimerais vous inviter à rejoindre mon réseau professionnel en ligne, sur le site Linkedin. [signé] Y'.

M. X ne saurait soutenir avec sérieux que cette transmission lui est étrangère alors qu’elle suppose qu’il ait effectivement rédigé le message, qu’il ait saisi sur le réseau les coordonnées électroniques professionnelles des salariés destinataires et qu’il ait autorisé la transmission de ce message par le réseau Linkedin.

La cour constate que M. X comparant en personne à l’audience tenue le 9 janvier 2013 s’est engagé à ne pas renouveler ce genre de transmission.

Dans ces circonstances, la société ELRES ne justifie pas de la persistance du trouble manifestement illicite précédemment caractérisé.

En revanche, elle établit qu’à la suite de la renégociation initiée au mois de mars 2012 de l’accord de 2005 sur la communication syndicale qui avait conduit à l’invalidation des élections professionnelles en 2010 au regard de la rupture d’égalité entre syndicats, un nouveau processus électoral est en cours.

De fait, les salariés n’ont pas d’élus au comité d’entreprise depuis près de deux années.

Dans ces circonstances particulièrement tendues entre les partenaires sociaux , le renouvellement d’une utilisation illicite de la messagerie de la société soit par le SYNDICAT Z A, soit par M. X constituerait assurément un dommage important dans la poursuite d’un processus électoral fragile.

Le caractère imminent de ce dommage qui résulte des échéances électorales prochaines conduit à confirmer les dispositions de l’ordonnance entreprise en ce qu’elles tendent à empêcher le renouvellement des transmissions illicites mais à en réformer le libellé afin de répondre plus exactement à la nécessité de prévenir un dommage imminent.

En conséquence, il convient d’interdire au SYNDICAT Z A et à M. X d’utiliser la messagerie de la société ELRES à des fins de diffusion de publications ou tracts de nature syndicale sous peine d’astreinte de 2 000 € par infraction constatée et de confirmer la décision du premier juge en ce que celui-ci s’est réservé la liquidation de l’astreinte.

Les motifs qui précèdent suffisent à rejeter toutes autres demandes.

Il y a lieu de confirmer les dispositions de l’ordonnance attaquée relatives aux dépens et à l’application de l’article 700 du code de procédure civile.

Les dépens d’appel sont à la charge du SYNDICAT Z A et de M. X in solidum.

Il n’y a pas lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés devant la cour.

PAR CES MOTIFS ;

La cour,

Statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Réforme l’ordonnance entreprise en ses dispositions relatives à l’injonction faite au SYNDICAT Z A et à M. X relativement à l’utilisation de la messagerie de la société ELRES et relatives à l’astreinte et, statuant à nouveau,

Fait interdiction au SYNDICAT Z A et à M. X d’utiliser la messagerie de la société ELRES à des fins de diffusion de publications ou tracts de nature syndicale sous peine d’astreinte de 2 000 € (deux mille euros) par infraction constatée ;

Confirme l’ordonnance en toutes ses autres dispositions ;

Déboute les parties de toutes autres demandes ;

Condamne in solidum le SYNDICAT Z A et M. X aux dépens d’appel qui pourront être recouvrés directement par la SELARL PATRICIA MINAULT, avocat conformément à l’article 699 du code de procédure civile ;

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Monsieur Jean-Pierre MARCUS, Président et par Madame MARIE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER, Le PRESIDENT,

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Textes cités dans la décision

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  2. Code du travail
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