Cour d'appel de Versailles, 19ème chambre, 31 janvier 2013, n° 11/04187

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 19e ch., 31 janv. 2013, n° 11/04187
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 11/04187
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Chartres, 27 octobre 2011, N° 10/00646
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

19e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 31 JANVIER 2013

R.G. N° 11/04187

AFFAIRE :

I D

C/

SAS Z et TUBE de L’OUEST

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 28 Octobre 2011 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de CHARTRES

Section : Commerce

N° RG : 10/00646

Copies exécutoires délivrées à :

Me Sandra RENDA

Me Jean-François LE METAYER

Copies certifiées conformes délivrées à :

I D

SAS Z et TUBE de L’OUEST

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE TRENTE ET UN JANVIER DEUX MILLE TREIZE,

La cour d’appel de VERSAILLES, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur I D

né le XXX à XXX

XXX

XXX

Représenté par Me Sandra RENDA

de la SCP GERBET RENDA COYAC-GERBET,

avocat au barreau de CHARTRES

APPELANT

****************

SAS Z et TUBE de L’OUEST

XXX

XXX

XXX

Comparante en la personne de Messieurs G F,

Directeur Général Délégué de la SAS et de E F ,

Directeur Général Délégué,

assistés de Me Jean-François LE METAYER

de la SCP LE METAYER – CAILLAUD – CESARIO,

avocat au barreau d’ORLÉANS,

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 12 Décembre 2012, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Marie-Claude CALOT, Conseiller chargée d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Jean François CAMINADE, Président,

Madame Marie-Claude CALOT, Conseiller,

Madame Mariella LUXARDO, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Monsieur Arnaud DERRIEN,

FAITS ET PROCÉDURE,

Par jugement rendu le 28 octobre 2011, dans un litige opposant M. D et la société Z et TUBE de L’OUEST – ci-après 'R.T.O'-, le conseil de prud’hommes de Chartres, saisi le 16 décembre 2010, a :

DIT que le licenciement de Monsieur I D est justifié

DÉBOUTÉ Monsieur D de l’ensemble de ses demandes

DIT que la procédure intentée par le demandeur est abusive

CONDAMNÉ Monsieur D à payer à la société R.T.O. la somme de 1.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive

CONDAMNÉ Monsieur D à payer à la société R.T.O. la somme de 1.000 € à titre d’indemnité en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

CONDAMNÉ Monsieur D aux entiers dépens ;

La cour est régulièrement saisie d’un appel formé par M. D contre cette décision ; initialement évoquée à une audience du 21 septembre 2012, l’affaire a été renvoyée à la demande commune des parties ;

M. D a été engagé par la société R.T.O le 28 mai 2001, suivant contrat à durée indéterminée, en qualité d’attaché technico-commercial non-cadre ; suivant avenant à contrat de travail de cette date, il a occupé à compter du 1er mai 2007 un poste de chef de dépôt statut cadre, à Dreux, puis à Mainvilliers ;

Il a fait l’objet le 15 septembre 2010 d’une convocation à entretien préalable à licenciement, tenu le 28 septembre 2010, et a été licencié le 7 octobre 2010 pour faute grave, invoquée en raison de l’établissement d’une fausse note personnelle de frais de restaurant (établissement inexistant) après avoir demandé à un collaborateur de lui fournir un exemplaire vierge, et du visa par lui de notes de salariés placés sous sa responsabilité relatives au même restaurant ;

L’entreprise emploie au moins onze salariés ; il existe des institutions repré- sentatives du personnel ; l’activité de l’entreprise porte sur la commercialisation de tubes et raccords plastique ; aucun convention collective n’apparaît y être appliquée;

Le salaire mensuel brut moyen était de 4.200 € ;

M. D, âgé de 37 ans lors de la rupture, a perçu des allocations de chômage en novembre et décembre 2010 ; il a retrouvé un emploi en janvier 2011, qui lui pro- cure un revenu équivalent, commissions comprises ;

M. D par écritures visées par le greffier et soutenues oralement, demande à la cour de :

— infirmer le jugement

— dire que son licenciement ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse

— condamner la société R.T.O à lui payer les sommes de :

* Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 100 000,00 € nette

* Indemnité de préavis : 8 400,00 €

* Indemnité de congés payés sur préavis : 840,00 €

* Indemnité de licenciement légale : 7 910,00 €

l’ensemble avec intérêt légal à compter de l’introduction de la demande, soit le 20 décembre 2010,

— ordonner à la société R.T.O de lui remettre un certificat de travail portant mention du préavis et une attestation Pôle emploi rectifiée, sous astreinte, en s’en réservant la liquidation

— lui allouer 2.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile

en exposant essentiellement que :

— la situation de fiches de frais inexactes était pratiquée régulièrement au sein de l’entreprise avec l’accord du supérieur hiérarchique, M. C

— en octobre 2010, une procédure de licenciement a été initiée à l’encontre d’un commercial, M. Féron, et le compte-rendu de l’entretien préalable confirme que M. C proposait de faire des fausses notes de frais

— s’agissant de la note de frais inexacte le concernant, il en reconnaît l’existence, mais il ignorait que le restaurant n’existait plus

— en tout cas M. C l’a validée et en tout état de cause, il n’en a jamais été remboursé

— de même pour les notes des commerciaux, il ignorait la disparition du restaurant

— en tout cas, M. C lui a toujours dit de faire des faux pour des frais à défaut non validables (organisation de repas collectifs qu’il finançait lui-même), et le disait aussi directement aux commerciaux

— en résumé, la pratique instaurée par celui-ci existait depuis vingt ans au sein de l’entreprise et trois commerciaux finalement non licenciés en attestent ;

La société R.T.O, par écritures visées par le greffier et soutenues oralement, demande à la cour de :

— dire que M. D a commis des fautes graves à son préjudice

— confirmer le jugement

— lui allouer 2.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile

en soutenant essentiellement que

— M. C atteste des circonstances dans lesquelles il a découvert des anomalies gravement répréhensibles concernant la note de frais du mois d’août 2010

— l’attestation commune établie par divers commerciaux est douteuse, ainsi qu’en attestent deux signataires, MM. Y et A

— elle a toujours pris en charge des frais autres que de restauration : 'prime’ pour des frais téléphoniques de X, remboursement de kits mains libres à MM. Darreau, Caget et Berrou

— il y a bien eu utilisation de facturettes au nom du restaurant fermé, tant par MM. B, Caget et Ferron que par M. D lui-même

— les faux frais font courir à l’employeur le risque d’une reprise par les organismes sociaux ou l’administration fiscale

— la procédure introduite par M. D est abusive au regard de la nature des faits reprochés et de la preuve flagrante de leur véracité ;

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, con- formément à l’article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions dépo- sées et soutenues à l’audience du 4 décembre 2012, ainsi qu’aux explications orales complémentaires consignées par le greffier à cette date ;

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le fondement du licenciement

La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige spécialement en matière de faute grave, en date en l’espèce du 7 octobre 2010, a été précédemment résumée en ses termes essentiels ; elle est retranscrite en sa teneur intégrale dans les écritures de l’appelant, auxquelles il a été précédemment renvoyé ;

La faute grave résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputable au salarié qui constitue une violation délibérée des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise ; l’employeur doit rapporter la preuve de l’existence de cette faute grave, après l’avoir énoncée dans la lettre de licenciement, dont les termes fixent les limites du litige ;

En application des dispositions de l’article L1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut , à lui seul, donner lieu à l’engagement de poursuite disciplinaire au delà de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance ; lorsqu’un fait fautif a eu lieu plus de deux mois avant le déclenchement des poursuites discipli- naires, il appartient à l’employeur de rapporter lui-même la preuve qu’il n’en a eu connaissance que dans les deux mois ayant précédé l’engagement de la procédure disciplinaire ;

Seuls les faits dénoncés dans la lettre de licenciement doivent donc être pris en compte à condition en principe qu’ils ne soient pas antérieurs de plus de deux mois à l’engagement de la procédure, exclusion faite de faits relevant éventuellement du même comportement s’ils n’ont pas été invoqués ;

En l’espèce, aucune date concernant les faits fautifs reprochés ne figure dans la lettre en cause; toutefois, s’agissant de la note personnelle de frais pour le restaurant 'La Table des Druides', elle est produite et porte la date du 27 juillet 2010 ; aucune prescription de ce fait ne fait obstacle à la procédure disciplinaire entreprise le 15 septembre 2010 ;

S’agissant de la validation de notes de frais de salariés sous la responsabilité de Monsieur D , elle relève d’un autre comportement, et il revient à la société R.T.O d 'établir que celle-ci ne remonte pas avant le 15 juillet 2010 ; aucune précision n’avait été fournie lors de l’entretien préalable du 28 septembre 2010, dont le compte-rendu détaillé établi par le délégué du personnel qui assistait l’appelant est versé aux débats ;

Les écritures de l’intimée invoquent des pièces concernant Mme B, M. Caget et X, sans les analyser ; contrainte de rechercher, la cour relève des factures de 'La Table des Druides’ en date des 3 et 15 mars 2010, 9, 20 et 26 avril 2010, 11 mai et 25 mai 2010 pour la première, 26 et 31 mars 2010, 19 avril 2010, 8 et 11 mai 2010, 9 et 25 juin 2010, 12, 20 et 30 juillet 2010 pour le deuxième, enfin 26 mars 2010, 19, 21 et 25 mai 2010, 2 juillet 2010 pour le troisième ;

Dès lors, seuls deux faits concernant M. Caget ne seraient pas prescrits, et pourraient étayer le grief ; pour autant, il résulte des bordereaux mensuels, similaires au surplus pour les trois salariés, que l’identification de la dépense pour ce restaurant n’est pas possible, aucune somme ne correspondant exactement, et qu’un ensemble de repas non détaillés étaient pris en compte ; les factures elles-mêmes ne sont pas visées par Monsieur D ;

Il a pu utilement faire valoir qu’il ne disposait pas du temps suffisant pour opérer des contrôles précis ; rien n’établit qu’il était informé que le restaurant en cause n’existait plus, alors en outre que plusieurs salariés en présentaient des factures ;

Il s’ensuit que l’employeur ne rapporte pas ici la preuve de la faute qui lui incombe, a fortiori d’une faute grave ;

En définitive, demeure seulement en litige la fausse note personnelle de frais en date du 27 juillet 2010 ; Monsieur D n’a pas contesté et ne conteste pas son existence, pas plus que la demande d’exemplaire vierge faite à un collaborateur ; il a expliqué loyalement le contexte de sa démarche, à savoir le financement par ses soins d’un apéritif collectif ; aucune contestation de cette circonstance n’a été, ni n’est formulée par l’employeur ;

Il s’agit en définitive d’un fait unique à sa charge, et qui n’a causé aucun préjudice à l’entreprise, puisque la note de frais litigieuse n’a jamais été honorée au profit de l’intéressé ;

Enfin il existe des éléments sur un accord à tout le moins tacite du supérieur, M. C, quant à des pratiques détournées de remboursement de frais ( compte-rendu d’entretien préalable à sanction concernant X, en date du 21 octobre 2010, produit, outre attestations, même partiellement contradictoires), étant souligné que la société R.T.O ne soutient à aucun moment que qui que ce soit se soit enrichi personnellement sans motif ;

Il résulte en conséquence de l’ensemble de ces analyses que Monsieur D a commis une faute, reconnue, en sollicitant un salarié sous sa responsabilité, mais que cette faute ne présente pas un caractère de gravité tel que son départ immédiat de l’entreprise s’imposait ;

Le licenciement dont s’agit repose seulement sur une cause réelle et sérieuse, et le jugement qui en a décidé autrement doit être infirmé ;

Sur l’indemnisation en présence d’une cause réelle et sérieuse

En l’absence de faute grave, les indemnités au titre du préavis et des congés payés afférents, ainsi que l’indemnité de licenciement, sont sans contestation dues ; le montant des sommes sollicitées par Monsieur D correspond à ses droits et n’est en lui-même pas contesté ; il y a lieu à condamnation de la société R.T.O au paiement des sommes de 8 400,00 € pour la première, 840,00 € pour la deuxième et 7 910,00 € pour la troisième, avec intérêt légal dans les conditions requises, qui sont conformes à la matière s’agissant de créances salariales ;

Monsieur D ne peut en revanche prétendre à une indemnité pour licen- ciement sans cause réelle et sérieuse ; le rejet de sa prétention de ce chef s’impose ;

Sur la remise à Monsieur D de documents

Il convient de faire droit à la demande de remise des documents de travail, soit attestation pour le Pôle Emploi et certificat de travail, conformes au présent arrêt, mais aucune astreinte n’est nécessaire ;

Sur la prétention de la société R.T.O au fond

Il y a lieu d’évidence d’infirmer le jugement qui a accueilli la demande de dommages intérêts pour procédure abusive, dès lors que les droits de Monsieur D sont en tout cas partiellement reconnus ;

Sur l’application de l’article 700 du code de procédure civile

Les dispositions de ce texte doivent, pour les motifs précédents, seulement bénéficier à Monsieur D ; il convient d’infirmer le jugement qui l’a condamné au profit de la société R.T.O, et au contraire de lui allouer, à charge de cette dernière, au titre de l’ensemble de ses frais irrépétibles, la somme qu’il sollicite, nullement excessive, en rejetant en tant que de besoin, à supposer qu’il s’agisse d’une demande complémentaire devant la cour, la prétention de la société R.T.O du même chef ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition et en dernier ressort,

INFIRME le jugement du 28 octobre 2011 en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

DIT que le licenciement de Monsieur I D ne repose pas sur une faute grave mais seulement sur une cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la société Z et TUBE de L’OUEST à payer à Monsieur D les sommes de :

* 8 400,00 € à titre d’indemnité de préavis

* 840,00 € à titre d’indemnité de congés payés sur préavis

* 7 910,00 € à titre d’indemnité de licenciement légale

l’ensemble avec intérêt légal à compter du 20 décembre 2010,

ORDONNE à la société Z et TUBE de L’OUEST de remettre à Monsieur D un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi confor- mes au présent arrêt,

DIT n’y avoir lieu à astreinte,

REJETTE toutes demandes au fond plus amples ou contraires des par- ties,

CONDAMNE la société Z et TUBE de L’OUEST à payer à Monsieur D la somme de 2.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,

REJETTE sa demande du même chef et la condamne aux dépens de première instance et d’appel .

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Monsieur Jean François CAMINADE, Président et par Monsieur DERRIEN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER, Le PRÉSIDENT,

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