Cour d'appel de Versailles, 12e chambre, 27 mai 2014, n° 11/00692

  • Concurrence déloyale·
  • Détournement de clientèle·
  • Fichier·
  • Service·
  • Sociétés immobilières·
  • Employeur·
  • Salarié·
  • Acte·
  • Ingénieur·
  • Liquidateur

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 12e ch., 27 mai 2014, n° 11/00692
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 11/00692
Décision précédente : Tribunal de commerce de Nanterre, 13 décembre 2010, N° 2010F592
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

MCC

Code nac : 39H

12e chambre

ARRET N°

REPUTE CONTRADICTOIRE

DU 27 MAI 2014

R.G. N° 11/00692

AFFAIRE :

SAS IMMOBILIERE H FRANCE

C/

SARL K

Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 14 Décembre 2010 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° Chambre : 6

N° Section :

N° RG : 2010F592

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Anne laure DUMEAU,

Me Pierre GUTTIN,

la SELARL MINAULT PATRICIA

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT SEPT MAI DEUX MILLE QUATORZE,

La cour d’appel de VERSAILLES, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

SAS IMMOBILIERE H FRANCE- RCS NANTERRE 500 718 580

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège

XXX

XXX

Ayant pour avocat postulant Me Anne laure DUMEAU, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 628 – N° du dossier 0027116

Ayant pour avocat plaidant Me Delphine RODRIGUE substituant Me Emmanuel FLEURY, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R169

SAS H R – RCS BOURGES 431 815 588

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège

XXX

XXX

Ayant pour avocat postulant Me Anne laure DUMEAU, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 628 – N° du dossier 0027116

Ayant pour avocat plaidant Me Delphine RODRIGUE substituant Me Emmanuel FLEURY, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R169

SA H AC – RCS NEVERS 775 722 218

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège

XXX

XXX

Ayant pour avocat postulant Me Anne laure DUMEAU, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 628 – N° du dossier 0027116

Ayant pour avocat plaidant Me Delphine RODRIGUE substituant Me Emmanuel FLEURY, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R169

APPELANTES

****************

SARL K

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège

XXX

XXX

Ayant pour avocat postulant Me Pierre GUTTIN, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 623 – N° du dossier 11000229

Ayant pour avocat plaidant Me Anne-Laurence FAROUX, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J022

SARL K L

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège

XXX

XXX

Ayant pour avocat postulant Me Pierre GUTTIN, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 623 – N° du dossier 11000229

Ayant pour avocat plaidant Me Anne-Laurence FAROUX, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J022

Maître Patrick X DE Y

ès qualités de liquidateur de D FRANCE

XXX

XXX

Ayant pour avocat postulant Me Patricia MINAULT de la SELARL MINAULT PATRICIA, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 619 – N° du dossier 00039432

Ayant pour avocat plaidant Me Mathilde de CASTRO substituant Me Isilde QUENAULT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1515

INTIMES

****************

Maître S T de la SELARL T C.

ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL K DATA,

XXX

XXX

Défaillant

Assigné en intervention forcée et reprise d’instance le 29.08.2012

PARTIE INTERVENANTE

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 18 Mars 2014 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marie-Claude CALOT, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Dominique ROSENTHAL, Président,

Madame Marie-Claude CALOT, Conseiller,

Madame Isabelle ORSINI, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Natacha BOURGUEIL,

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Statuant sur l’appel interjeté par les sociétés Immobilière H France, H R et H AC contre le jugement rendu le 14 décembre 2010 par le tribunal de grande instance de Nanterre, qui a sous le bénéfice de l’exécution provisoire:

— dit que Me X de Y en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Lithotec France, a intérêt à agir

— condamné la société K L à verser la somme de 180.000 euros HT aux sociétés H D Services, H R et H AC à titre de dommages et intérêts pour détournement de clientèle

— débouté Me X de Y es qualités de sa demande de dommages et intérêts à raison du détournement de clientèle

— condamné la société K à payer la somme de 20.000 euros à H D Services, H R et H AC, à titre de dommages et intérêts à raison de sa participation aux actes de concurrence déloyale et les a déboutés de cette demande à l’encontre d’K L et K Data

— débouté H D Services, H R et H AC de leur demande d’interdiction faite à K, K L et K Data, de solliciter les clients désignés dans la liste dressée en annexe de l’attestation de M. Z

— condamné solidairement les sociétés K et K L à verser la somme de 40.000 euros aux sociétés H D Services, H R et H AC au titre de l’ensemble des frais exposés sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

— débouté les sociétés H D Services, H R et H AC de leur demande de publication judiciaire

— condamné les sociétés K et K L aux dépens.

***

La société D France, créée le 17 avril 2003, qui avait repris la société Danel en 2002, exerçant une activité dans le domaine de l’impression sur le marché des arts graphiques (marché des imprimés professionnels) a été placée en redressement judiciaire le 19 juillet 2007, puis a fait l’objet d’un jugement de liquidation judiciaire le 27 novembre 2007, Me X de Grancourt étant désigné en qualité de liquidateur judiciaire.

Dans le cadre des opérations, ses actifs ont été cédés au profit du groupe H Ltd avec faculté de substitution au profit d’une nouvelle société créée, filiale à 100 % de H AC en exécution du jugement du 23 octobre 2007 prononcé par le tribunal de commerce de Nanterre, la société H D Services, devenue Immobilière H France.

Dans le cadre du plan social adossé au plan de cession de D, quatre ingénieurs Grands Comptes de l’équipe commerciale de cette société (M. C, M. F, M. E et Mme A), ont refusé le transfert de leur contrat de travail vers le repreneur, le groupe H, se déclarant volontaires au départ dans le cadre d’un P.S.E et ont été licenciés pour motif économique par lettre du 16 novembre 2007 (Mme A le 9 février 2008 eu égard à son statut de salariée protégée) avec dispense d’exécution du préavis qui prenait fin le 18 mars 2008 et déliés de leur clause de non-concurrence. Le certificat de travail établi par la société D France en décembre 2007 mentionne que ces salariés (hormis Mme A) étaient néanmoins depuis le 19 novembre 2007, libres de tout engagement envers la société D France.

La société H D Services se disant victime d’actes de concurrence déloyale, a saisi le président du tribunal de commerce de Nanterre pour obtenir la désignation d’un huissier aux fins d’effectuer au sein de la société un certain nombre de constatations indispensables à une action fondée sur la concurrence déloyale (notamment constatations informatiques sur les ordinateurs restitués par les quatre ingénieurs Grands Comptes de l’équipe commerciale fin novembre 2007/début décembre 2007 et sur les cassettes de sauvegarde du serveur de messagerie de la société).

Par ordonnance sur requête du 24 décembre 2008, le président du tribunal de commerce de Nanterre a autorisé les mesures d’instruction in futurum en désignant Me Huguet-Joannou pour exécuter les diligences, assisté d’un expert en informatique, lequel a procédé aux opérations ordonnées entre le 21 janvier et le 29 avril 2009 et mis en évidence que les ordinateurs des quatre salariés en cause avaient fait l’objet d’un nettoyage (destruction des fichiers informatiques contenus sur les ordinateurs).

Des mesures d’instruction ont été ordonnées sur requête les 8 et 9 juillet 2009 afin de permettre la découverte d’actes de concurrence déloyale au siège des sociétés K et au domicile des anciens salariés en cause.

La société H D Services a cédé le fonds de commerce de travaux d’imprimerie et activités connexes opérant sur le site à Collégien (77) à la société H R le 27 mars 2009 et cédé le fonds de commerce de vente et tous documents d’imprimerie exploité à partir de son site principal de Nanterre ainsi que les activités des activités secondaires à la société H AC le 13 avril 2009.

Des investigations ont été menées le 22 juillet 2009 par les huissiers instrumentaires dans les locaux des sociétés K.

Le 28 janvier 2010, les sociétés H D Services, H AC et H R ont assigné les sociétés K (immatriculée le 18 janvier 2008), K L (immatriculée le 17 octobre 2007) et K Data (immatriculée le 19 septembre 2008) en concurrence déloyale, leur reprochant un détournement de clientèle commis grâce au concours des anciens cadres de D recrutés entre le 17 décembre 2007 et le 2 janvier 2008 par K L.

Me X de Y en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Lithotec France, est intervenu volontairement à l’instance afin de solliciter l’indemnisation du préjudice subi par les créanciers de la société Lithotec.

La société K Data a été déclarée en liquidation judiciaire par jugement du 5 juillet 2012 et S T a été désigné en qualité de liquidateur.

**

Vu les dernières écritures en date du 5 mars 2014 des sociétés Immobilière H France, H R et H AC, appelantes ;

Vu les dernières écritures en date du 4 février 2014, de la société K et de la société K L, intimées au principal et appelantes incidemment ;

Vu les dernières écritures en date du 17 mai 2014, de Me X de Grancourt en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Lithotec France, intimé;

Me S T ès-qualités de liquidateur de la société K Data, assigné en intervention forcée et en reprise d’instance, n’a pas conclu.

Vu l’ordonnance de clôture en date du 6 mars 2014.

**

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément aux conclusions déposées par les parties qui développent leurs prétentions et leurs moyens.

MOTIFS DE LA DECISION

— Sur la recevabilité de l’intervention volontaire de Me X de Y en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Lithotec France

Considérant que les sociétés K font valoir que le mandataire judiciaire soutient l’action dirigée à leur encontre, qu’il s’agit d’une collusion d’intérêts avec le groupe H, contrairement au principe de l’estoppel, alors que les auteurs de l’éventuelle violation de la clause de loyauté ne sont pas parties à la présente instance ;

Que Me X de Y ès-qualités réplique que l’estoppel n’est pas une fin de non-recevoir et qu’il ne s’est jamais contredit ;

Considérant que c’est par des motifs pertinents que les premiers juges, après avoir relevé que les actes allégués de détournement de clientèle étaient intervenus avant la cession du fonds le 23 octobre 2007, qu’en sa qualité de liquidateur, il appartient à Me X de Grancourt ès-qualités de rechercher la responsabilité des auteurs susceptibles d’avoir diminué la valeur des actifs de D, que l’objet de la présente procédure est distinct de la procédure collective appliquée à D, ont dit recevable l’intervention volontaire de ce mandataire judiciaire ;

— Sur le moyen d’irrecevabilité des demandes des sociétés H tiré du défaut de qualité à agir à l’encontre des sociétés Empreinte invoqué par les intimées

Considérant que les sociétés K soulèvent l’irrecevabilité des demandes des sociétés H, les faits s’étant produits à une époque où le groupe H n’avait aucun droit sur la société D, soulignant que la société K est extérieure au litige, alors que les appelantes qui fondent leur demande indemnitaire sur un minimum de 98 clients captés illicitement par K L (notamment Ordre des médecins et Zara) demandent à bon droit la confirmation du jugement qui a dit que les actes allégués antérieurs à la cession des actifs de D France ont pu produire leurs effets après celle-ci, que des actes de même nature sont allégués après cette cession, que H, acquéreur du fonds de commerce potentiellement affecté par de tels actes, est fondé à rechercher la responsabilité de ceux qu’il estime auteurs de tels actes et a dit en conséquence que le groupe H a intérêt à agir à l’encontre des sociétés Empreinte;

— Sur les actes de concurrence déloyale révélées par les opérations de constat

Considérant qu’il n’est pas contesté que les sociétés du groupe H et les sociétés K exercent une activité concurrente dans le domaine de l’impression (marché des imprimés professionnels), qui est un marché restreint ;

Considérant que les appelantes font valoir que les mesures de constat ont permis de révéler l’existence d’actes de concurrence déloyale, multiples et distincts, engageant directement la responsabilité des sociétés K et commis par les ingénieurs Grands Comptes, anciens salariés de D ;

Considérant que les intimées qui contestent l’existence même des actes de concurrence déloyale, dénient la valeur probante des éléments recueillis dans le cadre des mesures de constat réalisées aux motifs que ces mesures ont visé à recueillir des éléments probatoires du 21 janvier 2009 au cours d’une période durant laquelle les quatre ex-salariés ne disposaient plus de leur ordinateur, que les conditions de conservation des ordinateurs à la suite de leur restitution n’ont pas été satisfaisantes, que la première mesure de constat a été réalisée tardivement ;

Considérant que les développements des sociétés intimées visant à contester la portée ou la justification de la mesure de constat ordonnée sont dépourvus de pertinence devant la juridiction saisie au fond, dès lors que les intimées n’ont pas sollicité la rétractation de l’ordonnance aux fins de constat prononcée le 24 décembre 2008 qui avait fixé la période d’investigation entre le 19 juillet 2007 (date du jugement de redressement judiciaire) et le 18 mars 2008 (date de fin du préavis initialement prévu) ;

— Sur l’activité concurrente de celle de leur employeur des anciens ingénieurs Grands Comptes au profit des sociétés K

Considérant que les appelantes soutiennent que M. C, M. F et M. E, alors qu’ils étaient toujours salariés de D France et avant la reprise des actifs le 23 octobre 2007 par H D Services, se sont livrés ainsi que Mme A, à une activité concurrente de celle de leur employeur en détournant sa clientèle au profit des sociétés du groupe K, notamment les 8, 9, 12, 18 et 21, 22, 23 et 25 octobre 2007, 19 novembre 2007 et le 23 janvier 2008, avec l’aide de Mme O P, salariée d’K, mais travaillant également pour K L et sous le contrôle de M. U V, gérant des sociétés K et K L ;

Que les intimées répliquent que le procureur général de la cour d’appel de Versailles a confirmé la décision de classement sans suite le 17 octobre 2013 de la plainte déposée par les sociétés H pour vol, abus de confiance et recel contre ces salariés, soulignent que H persiste à solliciter une interdiction de démarcher des clients quatre ans après les faits, alors qu’il a lui-même omis de les contacter depuis presque quatre ans et qu’il a sous-traité un grand nombre de commandes vers la Roumanie, ajoutent que les pièces produites permettent de constater que les clients, anciennement D, détournés selon les appelantes, n’ont jamais été démarchés par les commerciaux du groupe H, soulignant que la clientèle d’une société qui vient de connaître une procédure collective est volatile, faisant valoir des manquements de H dans la gestion de ses clients, soulignant que le fait de ne pas prospecter s’apparente à une cessation d’activité qui fait obstacle à toute demande indemnitaire ;

Que les intimées ajoutent qu’il ne s’agit aucunement d’un détournement de clientèle à l’encontre du repreneur organisé par les commerciaux de D au profit des intimées, mais de solutions de dépannage pour les clients de ces commerciaux, que les sociétés K et K L sont des tiers au litige qui serait susceptible d’opposer les anciens salariés de D aux sociétés H, que la preuve d’agissements fautifs de la part d’K et d’K L n’est pas rapportée, que les appelantes ne rapportent pas le moindre commencement de preuve sur le nombre de commandes agréées et réalisées sur la période septembre/octobre 2007, que lors du dépôt de bilan en 2007, la société D a été grandement désorganisée, que selon les attestations du commissaire aux comptes, K ne travaille pas avec les clients cités dans la liste de H comme clients détournés, que la société K L a reconnu être entrée en relations commerciales au cours de l’exercice 2008 avec un certain nombre de sociétés de cette liste, notamment Zara et Kuehne, G qui ont fait savoir courant 2007 qu’elles cessaient toute relation avec D H (le 11 octobre 2007 pour la société Zara), que les fichiers n’ont pas été détournés, s’agissant seulement de données constituées par les salariés eux-mêmes, que le démarchage opéré s’inscrit dans le démarchage licite, que la clientèle était en partance ;

Que Me X de Y ès-qualités réplique que les actes de concurrence déloyale ont été effectués sur la période du 19 juillet 2007 (date du redressement judiciaire de la société D) et le 22 novembre 2007, date de licenciement des salariés en cause, soit pendant 4 mois, à l’origine d’un manque à gagner subi par la société D ;

Mais considérant qu’il ressort des mails produits, que les quatre salariés en cause tenus à une obligation de loyauté envers leur employeur pendant toute la durée de leur relation de travail, ont exercé leur activité au profit d’K (qui a commencé son activité le 22 juillet 2002 selon l’extrait K-Bis) de façon secrète et dissimulée à leur employeur au moyen d’adresses mails personnelles transmises à M. U V, M. M N et Mme O P (salariés ou dirigeants d’K), rendus destinataires des courriels de proposition commerciale à l’attention des clients détournés que ces derniers se sont chargés de transférer et ont ainsi accompli des actes de concurrence déloyale sur la période de mi-octobre (avant la cession des actifs le 23 octobre 2007 de D à H) à mi-novembre 2007 (avant le licenciement), alors qu’ils étaient encore salariés de D, ayant été dispensés d’exécution du préavis qui prenait fin le 18 mars 2008 et déclarés néanmoins depuis le 19 novembre 2007, libres de tout engagement envers la société D France et libérés de la clause de non-concurrence attachée à leur contrat de travail ;

Que Mme A pour sa part, a travaillé pour K le 23 janvier 2008 à partir d’une adresse électronique K L, alors que son contrat de travail n’a été rompu que le 9 février 2008 ;

Qu’il résulte de la lettre de licenciement en date du 16 novembre 2007 et du courrier en date du 22 novembre 2007 adressés par l’administrateur judiciaire à MM. C, F et E, que ceux-ci disposaient d’un délai de 14 jours à compter du 20 novembre 2007, expirant le 3 décembre 2007, pour accepter ou refuser la convention de reclassement personnalisé, que leur mise en disponibilité (dispense d’activité) ne pouvait leur permettre de retravailler pour le compte d’un autre employeur avant le terme du délai de réflexion;

Que ces trois salariés ont retrouvé un emploi pendant la période de préavis, mais la dispense d’exécution du préavis les autorisait à occuper immédiatement un nouvel emploi selon la lettre de licenciement de l’administrateur judiciaire ;

Qu’il s’ensuit que la date du 4 décembre 2007 doit être considérée comme la date d’expiration de leur contrat de travail, étant rappelé qu’ils ont été embauchés au sein de la société K L, le 17 décembre 2007 pour M. E et le 2 janvier 2008 pour M. C et M. F;

Que s’agissant de Mme A, salariée protégée, celle-ci a été convoquée à un entretien préalable par courrier du 15 novembre 2007 qui l’a dispensée d’activité, ce courrier lui rappelant que la procédure supposait l’autorisation préalable de l’inspecteur du travail, que sa mise en disponibilité ne saurait lui permettre de retravailler pour le compte d’un autre employeur et que ce courrier ne constituait pas une lettre de rupture de son contrat de travail (son certificat de travail mentionne qu’elle a été salariée au sein de la société D France jusqu’au 9 février 2008) ;

Qu’il en résulte que les quatre salariés en cause ont élaboré des offres commerciales au profit de la société K, destinées aux clients de la société Lithotec alors qu’ils étaient toujours salariés de cette dernière, que ces actes de concurrence déloyale ont été commis avec la complicité et au bénéfice des sociétés K ;

Que le jugement sera confirmé de ce chef ;

— Sur le détournement de clientèle opéré par les anciens ingénieurs Grands Comptes

Considérant que les appelantes demandent la confirmation du jugement, soutiennent qu’il s’agit bien d’un détournement et non d’une sous-traitance, que Lithotec France a toujours disposé d’un service dédié à la sous-traitance de la production et que les sous-traitants avaient tous été agréés au préalable (clients détournés : G, Maaf, Sch, Casden, XXX, société Clarins, société Sipa Press, Zara, Ordre national des médecins, société Epf, Franprix, Cnv et Sarfa), que l’ampleur des détournements de clientèle ne peut être connue de façon exhaustive à raison de la destruction volontaire des fichiers informatiques à laquelle se sont livrés M. F et M. E durant les opérations de constat à partir de leurs ordinateurs portables, que les ex-salariés se sont appropriés le savoir-faire de leur employeur par le détournement frauduleux du fichier de clientèle de l’ancien employeur (mesure de constat du 22 juillet 2009 ayant permis d’appréhender le contenu d’une clé USB posée sur le bureau de M. F contenant des données commerciales confidentielles créées par l’ancien employeur sur des clients de D France), en emportant des documents, fichiers et listing clients, propriété de l’ancien employeur, protégés par le secret des affaires, précisent que les actes de concurrence déloyale ont été réalisés dans un premier temps au bénéfice de la seule société K, la société K L n’ayant commencé son activité que le 10 octobre 2007, puis également au bénéfice de la société K Data créée en septembre 2008 par M. M. C et F conjointement avec M. U V, associé majoritaire, qui avait une activité directement concurrente de celle des sociétés H ;

Considérant que la sous-traitance des commandes alléguée par les intimées ne pouvait pas intervenir au profit d’K L en septembre 2007 ni au début du mois d’octobre 2007, cette société n’ayant commencé son activité que le 10 octobre 2007 selon l’extrait K-Bis, date à laquelle de nombreux actes de concurrence déloyale avaient déjà été commis et ne pouvait se poursuivre postérieurement à la reprise des actifs de D France par H D Services, celle-ci étant à même de traiter toutes les commandes en cours et à venir, ce qui permet d’établir que M. AD-U AF, ancien directeur régional des ventes au sein de la société D France, n’a jamais donné pour ordre de procéder à une sous-traitance externe des commandes au bénéfice d’K, contrairement à ce que soutiennent les intimées, ce qui est confirmé par l’attestation de Me Bourbouloux, administrateur judiciaire ;

Que les pièces produites, en particulier les mesures d’instruction ordonnées sur requête, établissent que les anciens ingénieurs Grands Comptes M. C, M. F et Mme A ont détourné la clientèle de leur employeur au profit d’K et K L, qu’ils ont utilisé le savoir-faire de leur employeur afin de permettre la réalisation des commandes détournées au profit des sociétés K, ont emporté de nombreux dossiers papier contenant des documents originaux appartenant à leur employeur, découverts dans les locaux des sociétés K, ont détourné les fichiers clients et les fichiers commerciaux de leur employeur, retrouvés dans les locaux des sociétés intimées à l’occasion des mesures d’instruction exécutées le 22 juillet 2009, qui comportent des données commerciales confidentielles ;

Qu’ainsi, M. F, alors qu’il disposait d’une adresse professionnelle auprès de D, faisait croire par courriel du 8 octobre 2007 à la clientèle détournée (Kuehne Nagel), qu’une erreur s’était glissée dans son adresse mail en l’invitant à communiquer via l’adresse internet de Mme O P, secrétaire d’K en donnant ses nouvelles coordonnées auprès de la société K à Montrouge ou bien, s’adressant à un autre client détourné le 9 octobre 2007 (M. B), lui demandait de lui transmettre sa réponse à son adresse de messagerie personnelle et à l’attention de O P chez K et surtout pas sur la boîte mail ouverte auprès de son employeur D France ;

Que ce démarchage de la clientèle de l’ancien employeur est illicite dès lors qu’il s’est accompagné de procédés déloyaux, qui ne peuvent être justifiés par le principe de la liberté du commerce et de l’industrie, que les anciens ingénieurs Grands Comptes ont utilisé le savoir-faire de leur employeur en recopiant des fichiers informatiques de l’entreprise, ce qui s’analyse comme un comportement contraire aux usages loyaux du commerce et constitue une faute au sens de l’article 1382 du code civil à l’origine d’un trouble commercial ;

Que c’est par des motifs pertinents que les premiers juges ont dit que les cadres commerciaux ont démarché les clients de leur employeur à son insu et non à sa demande et qu’ils l’ont fait avec la participation et au bénéfice d’K, que les salariés n’ont pu valablement invoquer la dispense de leur clause de non-concurrence après le 19 novembre 2007 pour démarcher la clientèle dans les conditions où ils l’ont fait (démarchage fautif), que les faits de détournement déloyal de clientèle sont établis, que les sociétés K y ont activement coopéré et en ont bénéficié et ont ainsi engagé leur responsabilité ;

— Sur la réparation des préjudices subis par les sociétés H au titre des actes de concurrence déloyale et par Me X de Y ès-qualités

Considérant que les appelantes estiment que les montants alloués ne sont pas de nature à réparer entièrement le préjudice subi eu égard au trouble commercial subi et au bénéfice retiré par les sociétés K, rappellent que l’existence d’une faute implique nécessairement l’existence d’un préjudice chez le concurrent lésé, précisent que le détournement de clientèle a été extrêmement profitable pour K L ( au moins 98 clients détournés avant le départ des ingénieurs Grands Comptes, et postérieurement à raison de l’utilisation des fichiers et documents appartenant au groupe H), que pour le seul exercice 2008/2009, une perte de chiffre d’affaires de plus de 2.200.000 euros représente une perte de marge de près de 1.500.000 euros si l’on se réfère à la marge brute réalisée par H D Services antérieurement à la commission des actes de concurrence déloyale (marge brute de 68 %) et de plus de 1.100.000 euros si l’on se réfère à celle moyenne (marge brute de 53 %) réalisée par l’ensemble des sociétés du groupe H et attestée par leur commissaire aux comptes, que les trois sociétés H ont subi les conséquences du détournement de clientèle, puisque des documents commerciaux ont été découverts dans les locaux des sociétés K lors de la mesure de constat réalisée au mois de juillet 2009, soit postérieurement à la date des cessions partielles des fonds de commerce réalisées au profit de H AC et H R ;

Qu’elles ajoutent que les actes déloyaux constituent un abus de la liberté du commerce engendrant un trouble commercial que l’opérateur économique victime a un intérêt à voir cesser et indemniser indépendamment du préjudice commercial qu’il subit et soulignent que H D Services a dû procéder à de nouveaux licenciements économiques après autorisation donnée par le tribunal de commerce le 30 juin 2009 ;

Qu’elles demandent à titre principal la condamnation d’K L au profit de la société immobilière H France, anciennement dénommée H D Services, au paiement d’une somme de 7.573.391,20 euros HT (chiffres d’affaires perdus x marge brute x durée de la relation commerciale moyenne = 2.227.468 euros x 68 % x 5 ans = 7. 573. 391, 20 euros ) à titre de dommages et intérêts à raison du détournement de clientèle opéré et avéré, à titre subsidiaire, les sociétés H Lichotech Service, H AC et H R demandent la condamnation d’K L au paiement respectivement d’une somme de 2.361.116 euros HT, 2.741.255,68 euros HT et 800. 418, 32 HT à titre de dommages et intérêts, soit au total la somme de 5.902.790 euros HT, outre la condamnation in solidum des société s K une somme de 1.000.000 euros à titre de dommages et intérêts punitifs à raison de leur participation aux actes de concurrence déloyale ;

Que les intimées qui concluent à l’infirmation du jugement et à l’allocation d’une somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, rappellent que la clause de non-concurrence insérée dans le contrat de travail des salariés en cause a été levée lors de leur licenciement, étant donc libres de chercher du travail dans le même secteur d’activité, que le groupe H fait une confusion entre chiffre d’affaires et marge brute, que le liquidateur ne justifie d’aucun préjudice ni de chiffrage de son supposé préjudice, qu’elles contestent également la valeur probante des chiffres d’affaire produits;

Que Me X de Y ès-qualités sollicite par infirmation du jugement entrepris, la condamnation solidaire des sociétés K et Empreinte L au paiement de la somme de 1.000.000 euros en réparation du préjudice subi par la société D et de fixer au passif de la société K Data sa créance à hauteur de ladite somme ;

Considérant que la société K L sera condamnée à réparer le dommage subi par les sociétés Immobilière H France, H R et H AC ;

Qu’en effet, les pièces produites par les sociétés appelantes ne permettent pas de déterminer précisément la part du préjudice de chaque société du groupe ayant repris les actifs de H D Services ;

Que le jugement sera confirmé en ce qu’il a indiqué comme bénéficiaires de l’indemnité allouée pour détournement de clientèle, indistinctement les sociétés H D Services, H R et H AC ;

Que le préjudice subi correspond à la perte de la marge brute telle que certifiée par la Cogep (expert comptable et commissaire aux comptes), incluant les salaires et autres frais non amortis, et sera fixé à la somme de 468.000 euros ;

Que le jugement qui alloué la somme de 180.000 euros sera réformé sur le quantum ;

Que le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté Me X de Y ès-qualités de ses demandes, faute de démontrer que ces actes de concurrence déloyale aient été pris en compte dans le prix de fixation du prix de cession ;

Considérant que s’agissant de la demande tendant à la condamnation in solidum des sociétés K au paiement d’une somme de 1.000.000 euros à titre de dommages et intérêts punitifs à raison de leur participation aux actes de concurrence déloyale, il convient de débouter H de sa demande à l’encontre d’K Data, celle-ci n’ayant été constituée qu’en septembre 2008 ;

Que le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné la société Empreinte au paiement de la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de sa participation active aux agissements de détournement de clientèle ;

Que la société Empreinte L sera condamnée de ce chef au paiement de la somme de 20.000 euros et le jugement sera réformé en ce qu’il a rejeté ce chef de demande;

— Sur l’interdiction sous astreinte de toute prospection et toute opération commerciale avec les clients listés sur les fichiers détournés

Considérant que les appelantes font valoir que l’interdiction sollicitée a pour objet de sanctionner les fautes commises en empêchant les sociétés K de tirer avantage de la violation des usages du commerce qu’elles ont commis, alors que les sociétés intimées sollicitent à juste titre la confirmation du jugement sur ce point qui a précisé que les clients ne sauraient être interdits à la concurrence, une fois le préjudice réparé ;

— Sur le remboursement des frais et honoraires exposés au titre des procédures afin de constat

Considérant que les appelantes sollicitent la condamnation solidaire des sociétés K au paiement de la somme de 74.513,77 euros TTC correspondant en l’état de la procédure, aux frais d’huissier de justice, frais d’expert et frais d’avocat exposés dans le cadre des opérations d’expertise ;

Qu’il leur sera alloué la somme de 40.000 euros et le jugement sera confirmé de ce chef;

— Sur la demande de publication judiciaire

Considérant que le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté ce chef de demande;

— Sur l’article 700 du code de procédure civile

Considérant qu’il convient d’allouer une indemnité de procédure au profit des sociétés H en cause d’appel ;

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt réputé contradictoire,

CONFIRME le jugement sauf sur le quantum alloué au titre du détournement de clientèle et en ce qu’il a rejeté la demande de dommages et intérêts à l’encontre de la société K L au titre de sa participation aux actes de concurrence déloyale

Statuant à nouveau de ces chefs,

CONDAMNE la société K L à verser la somme de 468.000 euros HT aux sociétés Immobilière H France, anciennement dénommée H D Services, H R et H AC à titre de dommages et intérêts pour détournement de clientèle

CONDAMNE la société K L à payer la somme de 20.000 euros aux sociétés Immobilière H France, anciennement dénommée H D Services, H R et H AC, à titre de dommages et intérêts à raison de sa participation aux actes de concurrence déloyale

Y ajoutant,

CONDAMNE solidairement la société K et la société K L à payer à chacune des sociétés Immobilière H France, anciennement dénommée H D Services, H R et H AC, la somme de 6.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

REJETTE toute autre demande

CONDAMNE la société K et la société K L aux entiers dépens d’appel et dit qu’ils seront recouvrés par les avocats de la cause, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Mme Dominique ROSENTHAL, Président et par Monsieur GAVACHE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER, Le PRÉSIDENT,

Extraits similaires
highlight
Extraits similaires
Extraits les plus copiés
Extraits similaires

Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Versailles, 12e chambre, 27 mai 2014, n° 11/00692