Cour d'appel de Versailles, 12e chambre, 8 avril 2014, n° 13/03008

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www.exprime-avocat.fr · 7 avril 2023

La lettre d'intention, également connue sous le nom de “letter of intent” en anglais, est un instrument juridique souvent utilisé dans le cadre de négociations contractuelles complexes, notamment lors de fusions et acquisitions, de partenariats stratégiques ou de projets de grande envergure. Bien que non obligatoire, elle permet aux parties de définir les contours de leur future relation contractuelle et d'exprimer leur engagement à poursuivre les négociations. Cet article se propose d'examiner les caractéristiques de la lettre d'intention, ainsi que ses implications juridiques et …

 

www.exprime-avocat.fr · 7 avril 2023

La lettre d'intention, également connue sous le nom de “letter of intent” en anglais, est un instrument juridique souvent utilisé dans le cadre de négociations contractuelles complexes, notamment lors de fusions et acquisitions, de partenariats stratégiques ou de projets de grande envergure. Bien que non obligatoire, elle permet aux parties de définir les contours de leur future relation contractuelle et d'exprimer leur engagement à poursuivre les négociations. Cet article se propose d'examiner les caractéristiques de la lettre d'intention, ainsi que ses implications juridiques et …

 

Deloitte Société d'Avocats · 20 février 2018

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 12e ch., 8 avr. 2014, n° 13/03008
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 13/03008
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 59C

12e chambre

IO

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 08 AVRIL 2014

R.G. N° 13/03008

AFFAIRE :

Me B C – Mandataire liquidateur de Société DG CONSTRUCTION

C/

SA D’EXPLOSIFS ET DE PRODUITS CHIMIQUES

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 31 Mai 2010 par le Tribunal de Commerce de PARIS

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 09/1432

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Martine DUPUIS

Me Emmanuel JULLIEN

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE HUIT AVRIL DEUX MILLE QUATORZE,

La cour d’appel de VERSAILLES, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

DEMANDERESSES devant la cour d’appel de Versailles saisie comme cour de renvoi, en exécution d’un arrêt de la Cour de cassation du 12 février 2013 cassant et annulant l’arrêt rendu par la cour d’appel de PARIS le 01 mars 2013

Me B C – Mandataire liquidateur de Société DG CONSTRUCTION

XXX

XXX

assisté de Me Martine DUPUIS de la SCP LISSARRAGUE DUPUIS & ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 – N° du dossier 1351683 et Me Jérôme BERSAY de la SELAS BERSAY ET ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0485,

SAS CONSTRUCTEAM (RCS PARIS 433 942 026)

XXX

XXX

assisté de Me Martine DUPUIS de la SCP LISSARRAGUE DUPUIS & ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 – N° du dossier 1351683 et Me Jérôme BERSAY de la SELAS BERSAY ET ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0485,

INTIMES DEVANT LA COUR D’APPEL DE PARIS

****************

DEFENDERESSE DEVANT LA COUR DE RENVOI

SA D’EXPLOSIFS ET DE PRODUITS CHIMIQUES

XXX

XXX

assistée de Me Emmanuel JULLIEN de l’AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 – N° du dossier 20130339 et de Me Daniel VILLEY, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

APPELANT DEVANT LA COUR D’APPEL DE PARIS

****************

Composition de la cour :

L’affaire a été débattue à l’audience publique du 06 Mars 2014, Madame Isabelle ORSINI, Conseiller, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Mme Dominique ROSENTHAL, Président,

Madame Marie-Claude CALOT, Conseiller,

Madame Isabelle ORSINI, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Monsieur Alexandre GAVACHE

;

Vu le jugement rendu le 31 mai 2010 par le tribunal de commerce de Paris qui a, sous le bénéfice de l’exécution provisoire :

— dit que la société d’explosifs et de produits chimiques (société EPC) n’a pas exécuté les obligations mises à sa charge aux termes de la lettre d’ intention du 2 juillet 2008,

— dit qu’elle n’a pas agi de mauvaise foi,

— condamné la société EPC à payer à la société DG Construction la somme de 660.000 euros en principal, avec intérêts au taux légal, déboutant pour le surplus,

— condamné la société EPC à payer à la société Financière Constructeam la somme de 100.000 euros, augmentée des intérêts au taux légal, déboutant pour le surplus,

— condamné la société EPC à payer à la société Financière Constructeam et à la société DG Construction la somme totale de 50.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens,

Vu l’arrêt rendu le 1er mars 2012 par la cour d’appel de Paris qui a infirmé en totalité le jugement, dit que les demandes des sociétés Financière Constructeam et DG Construction sont irrecevables sur le fondement contractuel, ces dernières n’étant pas parties aux accords litigieux du 2 juillet 2008, et mal fondées sur le terrain délictuel et les a condamnées à verser à la société EPC la somme de 20.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Vu l’arrêt du 12 février 2013 par lequel la Cour de cassation a cassé l’arrêt rendu par la cour d’appel de Paris mais seulement en ce qu’il a déclaré les sociétés Financière Constructeam et DG Construction mal fondées en leurs demandes sur le terrain délictuel et a remis la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt ;

Vu la déclaration de saisine de la cour d’appel de Versailles désignée comme juridiction de renvoi , par les sociétés Financière Constructeam, nouvellement dénommée Constructeam, ( société FC) et DG construction, (société Z),;

Vu la mise en liquidation judiciaire de la société Z par jugement du 11 juillet 2013 et la désignation de M A en qualité de liquidateur;

Vu les dernières écritures signifiées le 17 décembre 2013 par lesquelles la société FC et M A, ès qualités, demandent à la cour de :

— constater qu’EPC a violé les obligations mises à sa charge aux termes de la Lettre d’Intention « binding » en suspendant unilatéralement, puis en interrompant unilatéralement l’Opération,

— constater qu’EPC a agi de mauvaise foi en invoquant les anomalies comptables et juridiques des sociétés STIPS TI, U2C et Hydrau Meca Services, à l’appui de sa décision unilatérale d’interrompre l’Opération et en refusant tout dialogue avec les intimées et leurs dirigeants,

— constater enfin qu’EPC a intentionnellement violé les termes de l’Engagement de Rachat des Actions de Pirson Montage conclu avec Constructeam (FC) en ne procédant pas à l’acquisition des Actions Pirson Montage,

En conséquence,

— condamner EPC à verser à Z une somme de 4.900.000 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la date de mise en demeure d’EPC d’exécuter ses obligations contractuelles, soit le 24 octobre 2008, ou bien, subsidiairement, condamner EPC à verser à Constructeam (FC) une somme de 2.450.000 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la même date,

— condamner EPC à verser à Z une somme de 1.534.500 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la date de mise en demeure d’EPC d’exécuter ses obligations contractuelles, soit le 24 octobre 2008,

— condamner EPC à verser à Z une somme de 2.000.000 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la date de mise en demeure d’EPC d’exécuter ses obligations contractuelles, soit le 24 octobre 2008,

— condamner EPC à verser à Constructeam (FC) une somme de 375.000 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la date de mise en demeure d’EPC d’exécuter ses obligations contractuelles, soit le 24 octobre 2008,

— rejeter les demandes d’EPC,

— condamner EPC à verser à Z et Constructeam (FC) la somme de 200.000 euros, en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux dépens de première instance et d’appel, dont distraction ;

Vu les dernières écritures signifiées le 27 novembre 2013 aux termes desquelles la société EPC prie la cour de :

— Vu l’arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation du 12 février 2013, dire et juger, en application de l’article 624 du code de procédure civile, que l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 1er mars 2012 est définitif en ce qu’il a décidé que les demandes de FC et Z sont irrecevables sur le terrain contractuel,

— infirmer le jugement entrepris du 31 mai 2010 en ce qu’il a décidé que la société EPC avait fautivement refusé d’exécuter la lettre d’intention postdatée du 2 juillet 2008 mais signée le 20 juin 2008, l’a condamnée à payer, à titre de dommages-intérêts, 660.000 euros à Z et 100.000 euros à FC avec 50.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens, et a rejeté sa demande reconventionnelle,

— confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté toutes les autres demandes de Z et FC,

Statuant à nouveau :

— juger mal fondées les demandes de FC et de M. A, ès-qualités de liquidateur judiciaire de Z, faute de la preuve qui leur incombe d’un manquement contractuel ou d’une faute quasi-délictuelle qui lui serait imputable ,

Subsidiairement,

— dire et juger que FC et Me A, ès-qualités de liquidateur judiciaire de Z ne rapportent pas la preuve de préjudices réparables, comme résultant par un lien de causalité démontré d’une inexécution fautive de ses obligations contractuelles, et les en débouter,

— condamner in solidum Z et FC à lui payer 100.000 euros de dommages-intérêts pour procédure abusive, et 200.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens de première instance et d’appel, dont distraction;

SUR CE, LA COUR,

Considérant que, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, il est expressément renvoyé au jugement entrepris ainsi qu’aux écritures des parties; qu’il sera seulement rappelé que :

— la société anonyme d’explosifs et de produits chimiques (la société EPC), dont le directeur général est M. Y, est la société holding d’un groupe, côtée sur la marché euronext Paris, qui opère dans le secteur de la production et de la vente d’explosifs à usage industriel et du forage-minage ainsi que dans celui de la démolition et reconversion des terrains industriels ;

— le pôle « déconstruction-environnement » du groupe EPC est composé de la société Demosten et de ses filiales à savoir les sociétés STIPS TI ( société Stips) et ses filiales et les sociétés ATD, Prodemo, Stid, Occamat, Occamiante et XXX ;

— la société par actions simplifiée Constructeam, anciennement dénommée Financière constructeam (société FC) est une société holding constituée en 2000, présidée par M. X, et dont le capital est aux deux tiers détenu par celui-ci et par MM Colamaria et Huens;

— la société DG Construction (société Z), dont M. X est le président directeur général, opère, par le biais de ses filiales, dans le secteur des travaux publics comprenant le démantèlement d’unités industrielles, la déconstruction et la réfection de hauts fourneaux (via la société Z démantelement), le traitement de l’amiante, du plomb et de la dépollution des sols (via la société Sigenci) et la réalisation de travaux de génie civil (via la société Chagnaud construction);

— le capital de la société Z est détenu à hauteur 49,997 % par la société FC et de 49,999 % par la société Pirson montage (société Pirson), les actions restantes étant détenues par MM. X, Huens, Colamaria et Pirson;

— au début de l’année 2008, des discussions ont lieu entre M. X et M. Y en vue de la création d’un pôle commun regroupant l’activité de démolition des deux groupes, avec une participation majoritaire du groupe EPC ;

— à cet effet, une « lettre d’intention », datée du 2 juillet 2008, a été signée, d’une part, par la société EPC, représentée par M. Y, et d’autre part par MM. X, Huens et Colamaria, ces deux derniers étant respectivement directeur général délégué et administrateur de Z ;

— la lettre d’intention prévoit la création d’un pôle commun regroupant, d’une part, la société Z et ses filiales, soit les sociétés Sigenci, Chagnaud construction et DG construction démantèlement ( les sociétés du pôle Z) et, d’autre part, les sociétés du pôle « déconstruction environnement » de la société EPC, soit les sociétés Demosten, Stips et ses filiales, Prodemo, Occamat, Occamiante, XXX, ATD et STID (les sociétés du Pôle Demosten);

— aux termes de cette lettre, les parties se sont accordées sur la valeur respective des apports des deux groupes, soit 56,5% de la valeur du pôle commun pour « les sociétés du pôle Demosten » et 43,5 % pour les sociétés du pôle Z ;

— aux termes d’une deuxième lettre ayant pour objet les « actions de Pirson », datée du 2 juillet 2008, adressée à MM. X, Huens et Colamaria ainsi qu’à la société FC, et contresignée par eux, la société EPC a confirmé son intention d’acquérir au prix de 4,675 millions d’euros les actions détenues par la société Pirson dans le capital de Z, actions qui devaient au préalable être acquises par la société FC ; un contrat de cession d’actions avait été à cette fin signé le 20 juin 2008 entre les sociétés Pirson et FC, la cession étant soumise à la condition suspensive de l’obtention de l’autorisation par le ministre de l’économie de l’opération de rapprochement entre les sociétés EPC et Z ;

— la valorisation précitée (56,5%, 43,5%) permettait à la société EPC, après l’acquisition des actions Pirson, de détenir 78,25 % du capital de la société commune, la société FC en détenant 21,75% ;

— par une troisième lettre, datée du même jour, adressée à MM. X, Huens et Colamaria et contresignée par eux, la société EPC a confirmé son intention de leur permettre, dans le cadre de l’opération, de souscrire globalement 2% du capital de la société commune à la valeur nominale, et de leur consentir une option de vente à un prix leur permettant de réaliser une plus-value d’un montant total maximum de 1 450 000 euros ;

— le 30 juillet 2008, la société EPC, disant découvrir des anomalies comptables et juridiques ayant occulté les dégradations de l’activité de la société Stips , une des filiales du pôle déconstruction, a notifié à M X son intention de suspendre l’opération et de diligenter un audit approfondi pour étudier l’impact de ces difficultés sur le « projet de rapprochement en cours »;

— plusieurs courriers ont alors été échangés entre les parties visant à une renégociation de l’opération envisagée mais aucun accord n’a été trouvé ;

— le 24 octobre 2008 puis le 29 décembre 2008, les sociétés FC et Z ont mis en demeure la société EPC d’exécuter les engagements souscrits à leur bénéfice, laquelle a opposé que les opérations prévues étaient devenues irréalisables du fait notamment de la liquidation judiciaire de la société Stips et de ses filiales prononcée le 15 octobre 2008;

— se prévalant de l’inexécution par la société EPC des engagements contenus dans la lettre d’intention du 2 juillet 2008 et de l’engagement de rachat des actions de Pirson montage, les sociétés FC et Z l’ont fait assigner en réparation de leurs préjudices ;

— c’est dans ces circonstances qu’a été rendu le jugement du tribunal de commerce de Paris le 31 mai 2010 qui a condamné la société EPC à payer à la société Z la somme de 660 000 euros et à la société FC celle de 100 000 euros ;

— par arrêt infirmatif du 1er mars 2012, la cour d’appel de Paris a dit les demandes des sociétés FC et Z irrecevables sur le fondement contractuel, au motif que ces sociétés n’étaient pas parties aux accords litigieux du 2 juillet 2008, et mal fondées sur le terrain délictuel;

— par arrêt du 12 février 2013, la Cour de cassation a rejeté les moyens par lesquels les sociétés FC et Z faisaient grief à l’arrêt d’avoir déclaré leurs demandes irrecevables sur le fondement contractuel par l’attendu suivant : Mais attendu qu’après avoir relevé que si M. Y avait signé les trois « lettres d’intention » avec la mention « pour EPC », MM. X, Colamaria et Huens avaient apposé leur signature en ne mentionnant aucunement qu’ils intervenaient pour le compte des sociétés FC et Z, la cour d’appel a retenu, par une appréciation souveraine des éléments de preuve soumis à son appréciation, sans méconnaître les conséquences légales de ses constatations, que MM. X, Colamaria et Huens avaient signé ces documents « à titre personnel, en qualité d’actionnaires » ;

et également : Mais attendu d’une part, que, procédant à la recherche prétendument omise, la cour d’appel a retenu de l’analyse des circonstances de la cause que M. X avait conclu à titre personnel les lettres d’intention du 2 juillet 2008 ; Et attendu, d’autre part, qu’il résulte des motifs reproduits par le moyen que la cour d’appel a apprécié la valeur des éléments de preuve visés par celui-ci ;

— l’arrêt de la cour d’appel de Paris a, en revanche, été cassé, en ce qu’il a déclaré les sociétés FC et Z mal fondées en leurs demandes sur le terrain délictuel, la cour d’appel s’étant déterminée par des motifs inopérants, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la lettre d’intention invoquée par les sociétés FC et Z n’avait pas fait naître, à la charge de la société EPC, des obligations contractuelles à laquelle celle-ci avait manqué, leur causant ainsi un dommage, et ayant ainsi privé sa décision de base légale au regard de l’article 1382 du code civil;

— la société Z a été mise en redressement judiciaire le 5 juin 2013 puis en liquidation judiciaire le 11 juillet 2013 ; son liquidateur judiciaire, M A, est intervenu à l’instance;

*******

Considérant que l’arrêt de la cour d’appel de Paris est irrévocable en ce qu’il a jugé les demandes irrecevables sur le fondement contractuel , après avoir retenu que les « lettres d’intention du 2 juillet 2008 » étaient des documents signés entre la société EPC, d’une part, et MM X, Colamaria et Huens, actionnaires des sociétés FC et Z, d’autre part, ce dont il résulte que ces sociétés sont des tiers aux accords éventuellement conclus dans ces lettres;

Considérant que les sociétés Z et FC invoquent leur intérêt à agir sur le fondement extra-contractuel en leur qualité de tiers aux accords du 2 juillet 2008 en vue de solliciter l’indemnisation des préjudices subis du fait de leur inexécution par la société EPC; qu’elles ajoutent qu’en leur qualité de tiers à la lettre d’intention du 2 juillet 2008, elles ont intérêt à agir en qualité de bénéficiaires de la stipulation pour autrui qui s’y trouve, sur le fondement de l’article 1121 du code civil ;

Considérant que la société EPC soutient que les sociétés Z et FC ne sont pas recevables à invoquer les dispositions de l’article 1121 du code civil, ce fondement se heurtant au principe de concentration des moyens ; qu’elles ajoutent que ces sociétés n’établissent pas la volonté commune des signataires de la lettre d’intention de stipuler en leur faveur et qu’en tout état de cause le recours à la notion de stipulation pour autrui n’apporte aucun élément nouveau au débat sur l’objet et la portée des obligations souscrites par les signataires de la lettre ;

Considérant que le « principe de la concentration des moyens » dont fait état la société EPC n’a pas pour effet de priver les sociétés intimés de la faculté de se prévaloir d’ un nouveau moyen dans la présente instance qui est la poursuite de celle introduite par l’acte d’appel devant la cour d’appel de Paris dont l’arrêt a été partiellement cassé;

Que l’intérêt et la qualité à agir des sociétés FC et Z, en tant que tiers aux lettres d’intention, ne sont pas contestés ni contestables, sans qu’il y ait lieu de rechercher si ces lettres s’analysent en des stipulations pour autrui dont les sociétés FC et Z seraient les tiers bénéficiaires ;

Qu’il est en effet constant que le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage ;

Que les sociétés FC et Z, en qualité de tiers aux lettres d’intention du 2 juillet 2008, peuvent par conséquent invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, les manquements aux obligations contractuelles qu’auraient pu faire naître ces lettres à la charge de la société EPC et solliciter l’indemnisation du préjudice que ces manquements leur ont causé ;

Que le bien fondé de leur action suppose en revanche de déterminer si la lettre d’intention du 2 juillet 2008 a fait naître à la charge de la société EPC des obligations contractuelles et dans l’affirmative si la société EPC a manqué à ses obligations ;

Sur la portée de lettre d’intention du 2 juillet 2008

Considérant que les sociétés Z et FC soutiennent qu’aux termes de la lettre d’intention du 2 juillet 2008, qu’elles qualifient de lettre d’intention « binding », la société EPC s’est engagée fermement et définitivement à réaliser « l’Opération », c’est-à-dire à constituer un pôle commun par la création d’une société dont le capital serait détenu par les sociétés du pôle Z et celles du pôle Demosten ;

Considérant que la société EPC oppose que la lettre d’intention comportait simplement une contractualisation de pourparlers et obligeait ses signataires à négocier de bonne foi en vue de la réalisation de l’opération, mais non à réaliser l’opération à n’importe quelles conditions ; qu’elle en déduit que seule une interruption des négociations sans motif sérieux est susceptible d’engager sa responsabilité vis à vis des sociétés FC et Z ;

Qu’elle soutient que la déconfiture de la société Stips et de ses filiales a rendu la réalisation de l’Opération impossible aux conditions essentielles que stipulait cette Lettre d’intention et a entraîné, en conséquence, sa caducité, et que cette déconfiture constituait de surcroît un cas de force majeure et, à tout le moins, un motif sérieux justifiant l’interruption des discussions en vue du rapprochement et l’inexécution de l’Opération ;

Considérant que la lettre d’intention signée le 2 juillet 2008 est un document de 10 pages qui stipule en son article 1 intitulé « portée de la présente lettre d’intention » que les termes de la présente lettre constituent un engagement ferme pour ses signataires, ayant force obligatoire. Les signataires de la présente lettre s’engagent à négocier de bonne foi les modalités de l’Opération non encore définies, lesquelles ne pourront remettre en question les principes définis par la présente lettre ;

Que l’usage des termes « engagement ferme » « ayant force obligatoire » traduit la volonté commune des parties de réaliser l’opération conformément aux précisions et modalités qui figurent dans la lettre, lesquelles sont décrites de manière très détaillée ;

Que la référence à l’engagement des signataires de « négocier de bonne foi » ne concerne que les modalités de l’opération « non encore définies » et ne signifie pas que les parties n’en seraient encore qu’au stade de la négociation ;

Qu’il apparaît au contraire, à la lecture de la lettre d’intention, que les parties étaient parvenues à un accord sur les conditions essentielles et déterminantes de l’Opération lesquelles sont détaillées et précisées dans ladite lettre qui est l’aboutissement d’une longue période de discussions ;

Qu’ainsi, la lettre précise la nature et la valeur des apports respectifs des deux groupes dans la société commune à constituer, l’apport par la société EPC de la totalité du « pôle Demosten » étant valorisé par les parties à 56,5% de la société commune et la lettre précisant que « les pourcentages de répartition du capital social de la Société Mère ne seront susceptibles d’être modifiés qu’en cas de mise en 'uvre des Conventions de Garanties » ;

Que la forme juridique de la société commune, l’organisation de sa gouvernance, le nom de son président, la liste des décisions requérant l’autorisation du conseil de surveillance, les modalités d’apport en compte courant d’associés sont précisés ;

Que la lettre d’intention stipule, en outre, que les sociétés EPC et FC doivent, chacune, bénéficier d’une garantie d’actif net consentie par l’autre , garantie dont elle définit les modalités de mise en jeu et en chiffre les montants maximum ;

Que si la lettre d’intention ne tranche pas la question du mécanisme juridique à retenir pour la constitution du pôle, elle énonce trois alternatives, à savoir, « apport des sociétés du pôle Z à une des sociétés du pôle Demosten, existante ou à créer », « apport des sociétés du pôle Desmosten à une des sociétés du pôle Z » ou « fusion entre Z et la société mère des sociétés du pôle Demosten », et précise que l’une d’elle sera retenue après prise en compte des aspects fiscaux et comptables de l’opération ;

Que la détermination du mécanisme juridique le plus intéressant fiscalement ne relève que des modalités d’exécution de l’accord signé entre les parties ; qu’il en est de même de la rédaction d’un traité d’apport ou de fusion et de celle des statuts de la société commune ou du pacte d’actionnaires ;

Que la lettre d’intention , rédigée au présent ou au futur, ne contient aucune réserve ni condition et traduit l’accord intervenu entre les parties sur les modalités essentielles de l’Opération ;

Que la société EPC n’est pas fondée à soutenir l’inexistence d’un engagement contractuel alors qu’elle annonçait, le 16 juillet 2008, dans un communiqué intitulé « EPC – création d’un pôle avec Z » : Le Groupe EPC a signé le 2 juillet 2008 une lettre d’intention visant à créer un pôle « Environnement-Démantèlement-Construction » avec le Groupe DG Construction. Une entreprise commune, à contrôle majoritaire EPC, réunira les sociétés des deux groupes opérant dans ces secteurs. La finalisation de cette opération, qui est soumise à l’approbation préalable des autorités françaises de la Concurrence, devrait intervenir au cours du dernier quadrimestre 2008;

Qu’elle l’est d’autant moins qu’elle ne contestait nullement la portée de ses engagements dans un courrier qu’elle adressait aux sociétés FC et DCG le 6 août 2008 et dans lequel elle se bornait à indiquer qu’elle n’avait pas l’obligation de combler les pertes de Stips , précisant dans un courrier du 16 août qu’elle ne "cherch[ait] pas à se soustraire à ses engagements« mais que, »malheureusement les faits l’obligeaient à reconsidérer la faisabilité de l’opération et, le cas échéant, ses termes et le calendrier de notification de celle-ci auprès de la DGCCRF" ;

Considérant qu’il résulte de l’ensemble de ces éléments que, contrairement à ce que soutient la société EPC, la lettre d’intention du 2 juillet 2008 n’est pas une simple « contractualisation de pourparlers » mais contient l’accord des parties sur les éléments essentiels nécessaires à la création d’une société commune réunissant les sociétés des groupes EPC et Z;

Que par cette lettre , la société EPC s’est engagée de manière claire et non équivoque à réaliser l’Opération ; qu’il n’est pas contesté que cet engagement n’a pas été exécuté ;

Sur la demande aux fins de caducité de l’engagement

Considérant que la société EPC invoque la « caducité de la lettre d’intention » résultant de l’impossibilité de réaliser l’opération aux conditions essentielles qu’elle définissait, par suite des difficultés financières rencontrées par la société Stips et ses filiales ;

Qu’elle soutient que, bien que datée du 2 juillet 2008, la lettre d 'intention a été en réalité signée le 20 juin 2008, date à laquelle elle ignorait la nature et l’ampleur des difficultés de la société Stips ; qu’elle précise avoir été informée fortuitement le 25 juin 2008 d’ irrégularités dans la comptabilité de la société Stips portant sur 4,7 M¿ de factures injustifiées et n’avoir connu la situation irrémédiablement compromise de cette société que bien ultérieurement et ce, après avoir diligenté des audits externes et internes à partir du 7 juillet 2008 ;

Qu’elle fait valoir que la société Stips et ses filiales devaient être non seulement d’importants contributeurs du pôle commun en termes de chiffre d’affaires mais également les principaux acteurs de son développement et que la déconfiture de ces sociétés rendait l’opération économiquement et juridiquement impossible aux conditions prévues quant à la valorisation des « sociétés du pôle Demosten » et des « sociétés du pôle Z » et la répartition du capital de la société commune entre les sociétés EPC et FC ;

Qu’elle ajoute qu’aucun commissaire aux apports ou à la fusion n’aurait pu valider une opération d’apport ou de fusion sans exiger une révision à la baisse des « sociétés du pôle Demosten » et en conséquence de la participation d’EPC au capital de la société commune prévue dans la lettre d’intention ;

Qu’elle précise en outre qu’elle n’avait aucune obligation de combler les pertes de la société Stips et de ses filiales pour permettre la réalisation de l’opération ;

Considérant que les sociétés FC et Z opposent que les conditions de la caducité ne sont pas réunies dès lors, d’une part, que les circonstances invoquées par la société EPC sont antérieures à la conclusion de la lettre d’intention et, d’autre part, que la société Stips n’était pas un élément essentiel à l’existence ou l’efficacité de l’opération et que ses difficultés n’ont pas rendu impossible la réalisation de l’opération ;

Considérant, en premier lieu, que la société EPC ne démontre pas que la lettre d’intention datée du 2 juillet 2008 ait été signée à une date antérieure, soit le 20 juin 2008 comme elle l’affirme;

Que le fait qu’il y ait eu le 20 juin 2008 une réunion entre les parties au cours de laquelle les conditions de l’accord ont été arrêtées est sans emport sur la date de signature de l’accord définitif, laquelle est intervenue le 2 juillet 2008 ainsi que cela ressort de l’attestation de M Y lui même, ainsi que du communiqué de presse du 16 juillet 2008 par lequel la société EPC informe le marché de la signature le 2 juillet 2008 d’une lettre d’intention visant à la création d’un pôle « environnement – démantèlement et construction » avec le groupe Z ;

Qu’à cette date du 2 juillet 2008, la société EPC, ainsi qu’elle l’indique dans ses écritures, avait été informée depuis le 25 juin 2008 de la comptabilisation par la société Stips de factures non justifiées d’un montant de 4, 7 millions d’euros ;

Qu’au demeurant, déjà avant cette date et donc avant même la date du 20 juin 2008 alléguée par la société EPC comme date de signature de l’accord, les difficultés de la société Stips n’étaient pas ignorées par la société EPC ; qu’ainsi que cela ressort du rapport établi par la société d’expertise comptable mandatée par la société EPC, le cabinet Finexsi, les comptes de la société Stips avaient fait apparaître au 31 mai 2008 une perte non anticipée de plus de 600 000 euros, découverte qui avait conduit la société EPC à mener les contrôles qui allaient révéler, fin juin, les anomalies comptables précitées et les pertes probables de plusieurs millions d’euros ; que dans un courrier daté du 1er juillet 2008, M Y, directeur général de la société EPC, écrit que la situation de Stips qu’il savait déjà mauvaise est « en réalité catastrophique à court terme »;

Qu’il résulte d’ores et déjà de ces éléments que la société EPC n’est pas fondée à se prévaloir des difficultés de la société Stips pour soutenir la caducité de l’ engagement contenu dans la lettre du 2 juillet 2008, engagement qu’elle a pris en dépit des difficultés de la société Stips qui existaient déjà et dont elle n’ignorait pas l’existence ;

Considérant, en second lieu, qu’ainsi que le font valoir les sociétés Z et FC, les difficultés de la société Stips n’avaient pas, en tout état de cause, pour effet de rendre l’Opération irréalisable; Que la société EPC soutient, sans le démontrer, que la société Stips était un élément essentiel de l’apport qu’elle réalisait alors qu’il ressort pourtant des pièces de la procédure que la société Stips enregistrait des pertes au 31 décembre 2007 et que son le budget 2008 laissait prévoir une baisse de 35% de son chiffre d’affaires ;

Qu’il n’est pas davantage établi que les difficultés de la société Stips aient eu pour effet de remettre en cause l’équilibre économique de l’accord du 2 juillet 2008 quant à la valorisation des apports et la répartition du capital de la société commune, compte tenu notamment de la garantie d’actif net prévu à l’accord qui permettait à la société EPC de garder un contrôle majoritaire sur la société du pôle commun, élément essentiel de l’accord ; que les chiffres donnés par le cabinet Finexsi mandaté par la société EPC confirment au demeurant que l’équilibre de valorisation des deux groupes pouvait être globalement maintenu ;

Qu’il sera enfin relevé que la société Stips n’a été mise en liquidation judiciaire que le 15 octobre 2008, tandis que la société EPC a renoncé à l’opération le 22 septembre 2008 ;

Qu’il résulte de l’ensemble de ces éléments que l’exécution de l’opération à laquelle s’était engagée la société EPC, le 2 juillet 2008, n’ est pas devenue impossible postérieurement à cette date ; que le tribunal a, à bon droit, écarté le moyen tiré de la caducité ;

Sur l’inexécution de l’engagement et la force majeure alléguée par la société EPC

Considérant que les sociétés FC et Z soutiennent, qu’en n’exécutant pas ses engagements, la société EPC a commis une faute de nature à engager sa responsabilité et qu’elle ne peut valablement invoquer la force majeure ;

Considérant que la société EPC soutient que les liquidations judiciaires de la société Stips et de ses filiales n’ont pu être évitées malgré l’important soutien financier qu’elle leur a apporté et que le caractère inéluctable de ces liquidations judiciaires a constitué un événement imprévisible et irrésistible et donc un cas de force majeure justifiant l’inexécution de l’opération;

Considérant qu’il ressort des pièces produites que la société EPC a notifié le 22 septembre 2008 sa décision d’interrompre définitivement le processus de notification de l’opération auprès des autorités de contrôle des concentrations, préalable nécessaire à la réalisation de l’Opération; que, mise en demeure d’avoir à exécuter ses engagements et à réaliser l’opération, par courrier du 24 octobre 2008 de M X agissant pour le compte des sociétés FC et Z, la société EPC a opposé une nouvelle fois l’impossibilité de réaliser l’opération ;

Que la société EPC ne peut valablement opposer la force majeure pour se prétendre déchargée de son obligation alors, qu’ainsi qu’il a été vu, l’opération demeurait réalisable, en dépit des difficultés de certaines de ses filiales et pouvait être exécutée ; qu’en outre, les difficultés de la société Stips étaient en partie connues lors de la signature de la lettre d’intention, les malversations de son ou ses dirigeants l’étaient également et la liquidation judiciaire de la société n’était dès lors pas un événement imprévisible;

Qu’il en résulte que la société EPC ne justifie pas que la mise à exécution de l’accord se soit heurtée à des circonstances imprévisibles, irrésistibles et extérieures caractérisant un cas de force majeure;

Que les sociétés Z et FC sont dès lors fondées à solliciter réparation des dommages que l’inexécution par la société EPC de ses engagements leur a causés ;

Qu’elles sont en revanche mal fondées à invoquer la mauvaise foi de la société EPC, laquelle n’est nullement établie ;

Sur les demandes de dommages-intérêts

Considérant que les sociétés FC et Z, se fondant sur le rapport établi à leur demande le 23 décembre 2008 par le cabinet Sorgem évaluation ( rapport Sorgem), complété les 29 octobre 2009 et 16 février 2010, soutiennent que le préjudice subi par la société Z se monte à 4,9 millions d’euros au titre du gain manqué, 1,534 millions d’euros au titre de la perte subie et 2 millions d’euros au titre de la perte d’image ; qu’elles demandent la condamnation de la société EPC au paiement de ces sommes au profit de la société Z ;

Que la société FC sollicite, de son côté, la somme de 375 000 euros au titre de l’engagement de rachat des actions de la société Piston; qu’elle demande, en second lieu, et subsidiairement à la demande de la société Z au titre du gain manqué, la somme de 2,45 millions d’euros au titre de la perte de dividendes subie;

— sur le préjudice de la société Z au titre du gain manqué

Considérant que les sociétés Z et FC exposent que ce préjudice consiste en une perte de cash flows de 3,3 millions d’euros de 2009 à 2011 et en un préjudice résiduel de 1,6 millions en 2012 ; qu’elles font valoir que les comptes sur lesquels le cabinet Sorgem a fondé son analyse pour estimer les prévisions de cash flows ont été arrêtés en commun par les deux groupes et sont fiables ;

Considérant que la société EPC oppose que le préjudice allégué par la société Z n’est ni propre ni direct, qu’il ne pourrait en tout état de cause consister qu’en une perte de chance et qu’il ne peut être affirmé que la réalisation de l’Opération aurait généré les bénéfices attendus ;

Considérant que, contrairement à ce que soutient la société EPC, la société Z, qui avait vocation à être la société Holding du pôle Z et par conséquent à recueillir les profits générés par ce pôle, est recevable et fondée à invoquer le préjudice certain qu’elle a personnellement et directement subi par suite de la non réalisation de l’opération ; que ce préjudice consiste en une perte de chance de réaliser les gains espérés de l’opération ;

Considérant que la réparation de la perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée;

Que les chiffres avancés par le cabinet Sorgem reposent sur un business plan dont la société EPC conteste, sans être utilement démentie, qu’il n’a pas été établi en commun par les deux groupes; qu’en tout état de cause ce document n’est qu’une prévision du développement du pôle commun; que les prévisions de croissance du pôle commun sur lesquelles la société Z fonde sa demande doivent être relativisées, d’une part, pour tenir compte de la crise économique qui, contrairement à ce qui est allégué, a atteint le secteur d’activités concerné par le projet commun, d’autre part, eu égard aux dettes générées par la liquidation judiciaire de la société Stips; qu’à l’inverse, les hypothèses de croissance du pôle Z, en l’absence de réalisation de l’opération, prises en compte dans l’évaluation du préjudice allégué par la société Z, sont celles d’une stagnation du chiffre d’affaires de la société Z sur la période 2008-2011, en contradiction avec la croissance de la société entre 2004 à 2007, et qui a pour effet d’augmenter artificiellement la perte de cash flow alléguée;

Que c’est en vain que la société EPC soutient que la prise de participation du groupe Sartorius dans le capital de la société Z intervenue en février 2010 aurait fait cesser le déficit de cash flow;

Qu’au vu de l’ensemble de ces éléments, le préjudice subi par la société Z résultant de la perte de chance de réaliser les résultats escomptés de l’opération doit être évaluée à 400 000 euros ;

Que le jugement sera infirmé en ce qu’il a prononcé une condamnation à hauteur de 660000 euros ; que la condamnation de la société EPC au paiement de la somme de 400 000 euros sera prononcée au profit de M A , en sa qualité de liquidateur de la société Z ; que les intérêts au taux légal courront sur cette somme à compter du présent arrêt et non à compter de la mise en demeure du 28 octobre 2008;

— sur le préjudice de la société Z au titre de la perte subie :

Considérant, qu’au soutien de la demande qu’elle forme à ce titre à hauteur de la somme de 1 534 500 euros, la société Z invoque l’embauche d’un directeur commercial pendant 6 mois, le coût de la modernisation du système informatique pour travailler sur le projet, le coût lié à la mobilisation de ses cadres dirigeants et les coûts induits par l’abandon de l’opération ;

Considérant, qu’ainsi que le fait valoir la société EPC, les dépenses ou surcoûts allégués ne sont nullement démontrés ; que l’embauche d’un directeur commercial entre le mois d’ octobre 2008 et le mois de juin 2009 est dépourvue de tout lien avéré avec l’Opération ; qu’il en est de même de l’investissement dans un nouveau système informatique ; que le préjudice lié au temps consacré à l’Opération par les cadres du groupe Z n’est pas établi ; que l’allégation d’une dégradation des conditions de règlement vis à vis des fournisseurs, qui serait due à l’abandon de l’opération, n’est étayée par aucune pièce;

Que le tribunal a, à bon droit, rejeté la demande au titre de la perte subie;

— sur le préjudice d’image de la société Z

Considérant que la demande de la société Z d’une somme de 2 000 000 euros à ce titre est dépourvue de tous justificatifs ; que la perte d’image qui résulterait de ce que , par deux fois, la société Z a dû annoncer à ses employés, fournisseurs , clients et partenaires, un arrêt du projet de rapprochement avec la société EPC n’est pas établie;

Que la demande, à ce titre, a été, à bon droit, rejetée par le premier juge ;

— sur le préjudice de FC au titre de l’engagement de rachat des actions de Pirson

Considérant que la société FC soutient qu’elle avait conclu un contrat de cession d’actions avec la société Pirson portant sur les 50 000 actions de cette société dans le capital de la société Z, actions que la société EPC s’était engagée à lui racheter, dans le cadre de l’opération de rapprochement des deux groupes et qu’en ne réalisant pas, fautivement, l’opération, la société EPC l’ a empêchée de réaliser la plus-value de 375 000 euros que devait lui procurer la revente des actions ;

Considérant que la société EPC oppose que la différence de prix de 375 000 euros entre l’achat et la revente des actions Pirson avait une contrepartie de sorte que la non réalisation de la plus -value n’est pas représentative d’un gain manqué et qu’à supposer le préjudice établi, il ne s’analyserait qu’en une perte de chance ;

Considérant que si la société FC est fondée à soutenir que l’inexécution par EPC de son obligation de finaliser l’Opération a empêché la réalisation des opérations d’achat et revente des actions Pirson, son préjudice ne peut s’analyser qu’en une perte de chance de réaliser la plus-value escomptée, les opérations de rachat et revente des actions Pirson étant soumises à la réalisation de l’Opération, elle-même soumise à l’autorisation des autorités de concurrence;

Que la circonstance, alléguée par la société EPC, que la différence de prix entre l’achat et la revente des actions Pirson ait eu pour contrepartie la garantie d’actif net que la société FC acceptait de donner, dans le cadre de l’Opération, sur la quote-part du capital de Z qui devait être acquise, auprès de la société Pirson, sans garantie, n’implique pas l’absence de tout préjudice pour la société FC dès lors qu’il n’est pas établi ni même allégué que la garantie d’actif donnée par la société FC aurait nécessairement été mise en jeu ;

Que la perte de chance de réaliser la plus-value escomptée sera évaluée à la somme de 100 000 euros , le jugement étant confirmé de ce chef;

— sur la demande subsidiaire de la société FC au titre du gain manqué

Considérant que cette demande à hauteur de 2,45 millions d’euros n’est formée par la société FC qu’à titre subsidiaire, dans la seule hypothèse où la cour rejetterait la demande de dommages-intérêts de la société Z en retenant que la perte de cash flows ne pourrait être invoquée que par la société FC;

Que la cour ayant retenu que la société Z était recevable à invoquer une perte de cash flows et ayant partiellement accueilli la demande de cette société, il n’y a pas lieu de statuer sur la demande subsidiaire de la société FC au titre des dividendes perdus ;

Sur les autres demandes

Considérant que la société EPC sollicite la somme de 100 000 euros pour procédure abusive ;

Considérant que cette demande sera rejetée, aucun abus dans l’exercice de leur droit d’agir en justice n’étant caractérisé à l’encontre des sociétés FC et Z, dont les demandes sont en partie accueillies ; que la société EPC n’établit nullement leur mauvaise foi ni les procédés déloyaux ou l’intention de nuire dont elle auraient fait preuve ;

Considérant que jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles ; que la société EPC qui succombe en partie sera condamnée aux dépens y compris ceux de l’arrêt cassé ; qu’elle versera à la société FC et à M A, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Z, les sommes de 20 000 euros chacun ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et par arrêt contradictoire,

CONFIRME le jugement en ce qu’il a dit que la société d’explosifs et de produits chimiques n’a pas exécuté les obligations mises à sa charge aux termes de la lettre d’ intention du 2 juillet 2008, dit qu’elle n’a pas agi de mauvaise foi, a condamné la société EPC à payer à la société Financière constructeam la somme de 100 000 euros et a débouté les parties de leurs plus amples demandes ainsi qu’en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles;

L’INFIRME en ce qu’il a condamné la société EPC à payer la somme de 660 000 euros à la société DG Construction;

Statuant à nouveau de ce chef et y ajoutant,

CONDAMNE la Société d’explosifs et de produits chimiques à payer à M A, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société DG construction, la somme de 400 000 euros , outre les intérêts au taux légal à compter du présent arrêt;

DIT n’y avoir lieu à statuer sur la demande subsidiaire de dommages-intérêts formée par la société Constructeam ( anciennement Financière constructeam) au titre des dividendes perdus;

DÉBOUTE la Société d’explosifs et de produits chimiques de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

CONDAMNE la Société d’explosifs et de produits chimiques à payer à M A, ès qualités, et à la société Constructeam les sommes de 20 000 euros chacun sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE la demande de la Société d’explosifs et de produits chimiques sur ce même fondement;

CONDAMNE la Société d’explosifs et de produits chimiques aux entiers dépens y compris ceux de l’arrêt cassé et dit que ceux ci pourront être recouvrés selon les dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

signé par Mme Dominique ROSENTHAL, Président et par Monsieur GAVACHE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER, Le PRESIDENT,

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
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Cour d'appel de Versailles, 12e chambre, 8 avril 2014, n° 13/03008