Cour d'appel de Versailles, 13e chambre, 4 mai 2017, n° 16/07013

  • Juge-commissaire·
  • Sociétés·
  • Mesure d'instruction·
  • Huissier de justice·
  • Mesure technique·
  • Qualités·
  • Tiers·
  • Code de commerce·
  • Cessation des paiements·
  • Tribunaux de commerce

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 13e ch., 4 mai 2017, n° 16/07013
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 16/07013
Décision précédente : Tribunal de commerce de Nanterre, 22 septembre 2016, N° 2016L01290
Dispositif : Déclare la demande ou le recours irrecevable

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 4II

13e chambre

ARRET N°

Réputé Contradictoire

DU 04 MAI 2017

R.G. N° 16/07013

AFFAIRE :

D B dirigeant de sociétés

domicilié au siège de la société Vedici

C/

SELARL C. Y mission conduite par Maître F Y, ès qualités de

liquidateur judiciaire de la SOCIETE NOUVELLE D’EXPLOITATION DE LA CLINIQUE AMBROISE PARE (SONECAP)

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 23 Septembre 2016 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° chambre : 9

N° Section :

N° RG : 2016L01290

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 04.05.17

à:

Me Patricia MINAULT Me Martine DUPUIS

Ministère Public

TC NANTERRE

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE QUATRE MAI DEUX MILLE DIX SEPT,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

— Monsieur D B, dirigeant de sociétés domicilié au siège de la société Vedici SAS XXX

né le XXX à XXX

— SAS ELSAN GROUPE anciennement dénommée VEDICI GROUPE, immatriculée au RCS de Paris sous le n° 500 696 547 prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

XXX

XXX

— SAS VEDICI immatriculée au RCS de Paris sous le n° 429 237 084 prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

XXX

XXX

Représentés par Maître Patricia MINAULT de la SELARL MINAULT PATRICIA, avocat postulant, au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 619 – N° du dossier 20160371 et par Maître Didier MALKA du Cabinet WEIL, avocat plaidant au barreau de PARIS

APPELANTS

****************

SELARL C. Y mission conduite par Maître F Y, ès qualités de liquidateur judiciaire de la SOCIETE NOUVELLE D’EXPLOITATION DE LA CLINIQUE AMBROISE PARE (SONECAP)

XXX

XXX

Représentée par Maître Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat postulant, au barreau de VERSAILLES, vestiaire: 625 – N° du dossier 1656590 et par Maître Colin MARVAUD, avocat plaidant au barreau de PARIS, substitué par Maître DELLA VITTORIA, avocat au barreau de PARIS – SCP BENKAZEN – FOURRAU – SEBBAN Huissiers de Justice, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

XXX

XXX

— SCP DE ZITTER – X Huissiers de Justice, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

XXX

XXX

Défaillantes

INTIMEES

****************

Composition de la cour :

L’affaire a été débattue à l’audience publique du 06 Mars 2017, Madame Aude RACHOU, présidente, ayant été entendue en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Aude RACHOU, Présidente,

Madame Hélène GUILLOU, Conseiller,

Madame Florence DUBOIS-STEVANT, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Karine MOONEESAWMY, adjoint administratif assermenté faisant fonction de greffier

En la présence du Ministère Public, représenté par Monsieur Fabien BONAN, Avocat Général dont l’avis du 8 décembre 2016 a été transmis le même jour au greffe par voie électronique

Le 26 juin 2001, la clinique Ambroise Paré située à Bourg la Reine en liquidation judiciaire a été cédée à la Société nouvelle d’exploitation de la clinique Ambroise Paré (SONECAP), créée à cet effet et filiale à 100% de la société Vedici.

M. D B était président de la société SONECAP et fondateur, actionnaire et président du groupe Vedici.

La clinique a connu de grandes difficultés en 2014 qui se sont aggravées en 2015. De plus, en juillet 2015, l’Agence régionale de la santé (ARS) a enjoint par courrier la SONECAP de constituer un dossier de renouvellement de son autorisation de chirurgie en hospitalisation complète. En novembre 2015, l’ARS a déclaré le dossier recevable et a réservé sa réponse pour mai 2016.

En novembre 2015, le groupe Vedici s’est rapproché d’un autre groupe de cliniques, le groupe Vitalia pour constituer le deuxième groupe du secteur, le groupe Elsan. Le 19 novembre 2015, compte tenu de l’aggravation de l’activité et après avoir saisi son comité d’entreprise, la SONECAP a déposé une déclaration de cessation des paiements.

Par jugement du 4 décembre 2015, le tribunal de commerce de Nanterre a prononcé la liquidation judiciaire de la société SONECAP, nommé la SELARL C. Y prise en la personne de Me Y en qualité de liquidateur judiciaire, autorisé la poursuite de l’activité jusqu’au 31 janvier 2016 afin de permettre la recherche de candidats à la reprise et nommé la SELARL Z prise en la personne de Me A en qualité d’administrateur judiciaire. Une première offre a été déclarée irrecevable par le tribunal de commerce de Nanterre qui a ordonné la poursuite de l’activité jusqu’au 12 février 2016 tout en maintenant les organes de la procédure.

Le 29 janvier 2016, les organes de la liquidation judiciaire, Me Y et Me A, ont demandé par courrier au groupe Elsan d’abonder un plan de sauvegarde de l’emploi. Le 2 mars 2016, Me Y ès qualités a pris acte de la participation du groupe Elsan au plan de sauvegarde de l’emploi mais a également souligné les conditions critiquables dans lesquelles la procédure de liquidation judiciaire avait été ouverte. Par courriers des 2 mars et 15 mars 2016, les parties ont envisagé un traitement amiable de la situation. Par courrier du 31 mars 2016, Me Y ès qualités a indiqué qu’à défaut d’une proposition sérieuse, il ferait valoir les droits de la liquidation judiciaire par voie judiciaire.

Par acte du 14 novembre 2016, Me Y ès qualités a assigné la SONECAP, M. B, la société Vedici et la société Elsan groupe en report de la date de cessation des paiements.

Le 11 avril 2016, par requête déposée au greffe, Me Y ès qualités a demandé à madame le juge- commissaire de commettre la SCP H-I-J et la SCP de Zitter-Asperi avec pour mission de se rendre aux sièges actuels et anciens des sociétés Vedici, Vedici Groupe et Elsan Groupe afin de recueillir et d’accéder à tous documents utilisés par/ou appartenant à M. B et aux autres dirigeants des différentes sociétés, à tous documents permettant d’établir les conditions dans lesquelles la SONECAP a préparé et déposé une déclaration de cessation des paiements, à tous éléments en rapport avec le dépôt de la demande de renouvellement à l’ARS.

Par ordonnance du 13 avril 2016 délivrée le 22 avril 2016, madame le juge-commissaire a fait droit à la requête de Me Y.

Selon procès-verbaux des 27 avril, 2 mai et 10 mai 2016, la SCP H-I-J et la SCP de Zitter-Asperi se sont rendus dans les locaux du Groupe Vedici situés XXX à Paris 8e. Ils ont collecté un nombre important de documents, les correspondances avec les avocats ainsi que les éléments couverts par le secret médical étant supprimés soit 2 785 éléments.

Deux recours ont été déposé au greffe du tribunal de commerce de Nanterre à l’encontre de l’ordonnance du juge commissaire, l’un le 4 mai 2016 pour les SAS Vedici et Vedici Groupe et le second le 25 mai 2016 pour M. B.

Par jugement du 23 septembre 2016, le tribunal de commerce de Nanterre a :

— confirmé l’ordonnance rendue le 13 avril 2016,

— condamné solidairement les SAS Vedici, Vedici groupe et M. B à verser à Me Y, ès qualités de liquidateur judiciaire de la SONECAP la somme de 7 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné les SAS Vedici, Vedici groupe et M. B aux entiers dépens.

La société Elsan Groupe anciennement dénommée Vedici Groupe, la société Vedici et M. B ont interjeté appel de ce jugement le 27 septembre 2016. Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 23 février 2017 par C, ils demandent à la cour l’infirmation du jugement déféré et l’annulation de l’ordonnance du juge commissaire,

et, en conséquence :

— annuler les mesures prises en exécution de cette ordonnance et notamment les procès verbaux dressé par les SCP d’huissiers H-I-J et la SCP de Zitter-Asperi,

— ordonner à Me Y ès qualités de restituer à Elsan Groupe, Vedici et M. B tous les éléments saisis en exécution de l’ordonnance sur requête du 13 avril 2016 sous 48h à compter de la signification de la décision à intervenir,

— ordonner à Me Y ès qualités de détruire toute copie qu’il détiendrait des éléments saisis en exécution de l’ordonnance sur requête du 13 avril 2016 sous 48h à compter de la signification de la décision à intervenir, et d’en justifier ;

— faire défense à Me Y ès qualités d’utiliser de quelque manière que ce soit tout élément saisi en exécution de l’ordonnance sur requête du 13 avril 2016,

outre la condamnation de Me Y ès qualités à payer à chacun des concluants la somme de 25 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

La SELARL C. Y mission conduite par Me Y, ès qualités de liquidateur judiciaire de la SONECAP demande à la cour de :

— déclarer irrecevable l’appel des sociétés Vedici, Groupe Elsan et de M. B à l’encontre du jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 23 septembre 2016,

— déclarer irrecevable l’exception d’incompétence du juge-commissaire de la procédure collective de la société SONECAP soulevée par les sociétés Vedici, Groupe Elsan et par M. B,

à titre principal,

— débouter les sociétés Vedici, Elsan Groupe et M. B de l’intégralité de leurs demandes, moyens et prétentions,

— confirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Nanterre en date du 23 septembre 2016 ;

en tout état de cause :

— condamner les sociétés Vedici, Elsan Groupe et M. B à verser chacun la somme de 10 000 euros à Me Y ès qualités ainsi qu’aux entiers dépens de la première instance et d’appel,

Par avis transmis le 8 décembre 2015, le ministère public demande à la cour la confirmation en tous points du jugement entrepris.

Il expose que :

— la signification de l’ordonnance a été respectée,

— l’article 621-9 trouve pleinement application dans la situation en cause et non l’article 145 du code de procédure civile dès lors qu’il y avait un risque de déperdition des preuves en cas d’application de la procédure contradictoire instituée par l’article 145 du code de procédure civile. – il n’existe pas de disproportionnalité entre les moyens mis en cause et les fins recherchées.

La SCP Benkazen – I – Sebban Huissiers de justice, prise en la personne

de ses représentants légaux et la SCP de Zitter – X Huissiers de justice, prise en la personne de ses représentants légaux, assignées à personne habilitée, n’ont pas constitué avocat.

La présente décision sera réputée contradictoire.

Vu les dernières conclusions ;

Vu la clôture en date du 27 février 2017 ;

Sur ce :

Considérant que M. B, la société Elsan groupe et la société Vedici soutiennent pour l’essentiel que :

1) ils sont recevables en leur appel :

— l’article L661-6 du code de commerce réserve au ministère public le droit d’interjeter un appel d’un jugement relatif à la nomination d’un expert mais ne limite pas le droit d’appel des parties d’un jugement relatif à la nomination d’un huissier de justice. Cet article doit être apprécié strictement puisque dérogatoire au droit commun. Aucune disposition spéciale concernant les procédures collectives ne limite le droit d’appel des parties à un jugement relatif à la nomination d’un huissier ;

— ils ne soulèvent pas d’exception d’incompétence qu’ils auraient dû soulever en première instance pour qu’elle soit recevable. Ils ne demandent pas à la cour de juger que le juge commissaire était incompétent ou que le tribunal de commerce de Nanterre était lui aussi incompétent pour statuer. Ils demandent à la cour d’infirmer le jugement du tribunal de commerce de Nanterre, d’annuler l’ordonnance et par voie de conséquence les mesures prises en exécution de celle ci ;

2) Le juge-commissaire ne peut pas ordonner de 'mesures d’instruction’ de sorte qu’il ne pouvait pas ordonner à un huissier de procéder à des saisies chez les appelants. La compétence du juge-commissaire est circonscrite au domaine d’application de l’article L621-9 du code de commerce :

a) le juge-commissaire peut ordonner des 'mesures techniques d’informations’ ne valant 'qu’à titre de renseignement': il agit en tant qu’organe de surveillance et pas en tant que juridiction de jugement impartial, il lui est d’ailleurs interdit de siéger dans une formation de jugement dans la procédure dans laquelle il a été désigné.

b) en l’espèce, les mesures ordonnées ne constituent pas une mesure technique d’information mais une mesure d’instruction: il s’agissait d’une mesure d’instruction en vue de réunir des preuves dans la perspective d’un litige. La mesure était une mesure d’instruction à l’égard de son objet mais aussi à l’égard de ses effets puisqu’elle s’est imposée aux tiers et les a dépossédés de documents.

c) le juge-commissaire ne peut pas ordonner une mesure d’instruction :

— la Cour de cassation le rappelle,

— si l’article L. 621-9 du code de commerce n’offre aucune garantie procédurale aux tiers c’est précisément parce qu’il ne permet pas le prononcé d’une mesure d’instruction. La mesure d’instruction fondée sur l’article 145 du code de procédure civile pour se demander sur simple requête doit respecter un certain nombre de formalités dans le but de respecter le principe du contradictoire et le respect des droits de la défense, ou encore pour respecter la protection des tiers contrairement à la mesure d’information demandée au juge commissaire qui est un organe de surveillance, l’article R.621-23 lui permettant de déroger au principe du contradictoire chaque fois que cela lui apparaît fondé.

— l’article R. 621-21 du code de commerce prévoit que les ordonnances du juge-commissaire doivent être notifiées par le greffe. L’ordonnance n’a pas été notifié par le greffe aux appelants mais a été signifiée par l’huissier au début des opérations de saisies. Qu’elle soit rendue contradictoirement ou non contradictoirement, l’ordonnance doit toujours être notifiée par le greffe aux parties.

d) Le juge-commissaire n’a pas le pouvoir d’exiger la communication d’informations aux dirigeants du débiteur, a fortiori, il ne peut ordonner la saisie des documents auprès de tiers. Aucun texte ne lui permet d’ordonner une telle communication. Prétendre le contraire serait un détournement de la procédure prévue à l’article L. 621-9 du code de commerce avec pour effet de conférer au juge-commissaire un pouvoir que la loi ne lui a pas donné. De plus, l’article L. 651-4 énonce que le juge-commissaire peut demander la communication de documents aux dirigeants du débiteur seulement lorsque le président du tribunal de commerce l’y a expressément autorisé.

e) Le juge-commissaire ne peut ordonner une mesure affectant les droits fondamentaux d’un tiers, il peut ordonner une mesure d’investigation mais cette mesure ne doit pas porter atteinte aux droits fondamentaux des tiers, il ne peut exiger la communication d’informations à des tiers que lorsqu’il y est expressément autorisé par la loi, il ne dispose pas d’un pouvoir général de coercition à l’égard de tous les tiers, la saisie de documents chez des tiers ne peut être ordonnée par le juge qu’en respectant la procédure instituée notamment à l’article 243 du code de procédure civile.

Il en est de même de la possibilité prévue à l’article L 623-2 pour le juge -commissaire de solliciter la communication de certaines informations dans le cadre de la procédure de sauvegarde.

L’ ordonnance manque donc de base légale et l’excès de pouvoir étant caractérisé, elle sera annulée.

3) Si le juge-commissaire peut ordonner des mesures d’instruction alors le bien-fondé de ces mesures doit faire l’objet d’un véritable contrôle. Selon l’article L 621-9 du code de commerce, les mesures doivent être nécessaires et proportionnées.

a) les mesures ordonnées ne sont pas nécessaires.

— le tribunal n’a pas contrôlé le caractère nécessaire des mesures ordonnées : le recours à une procédure contradictoire ou non n’a rien à voir avec la question de savoir si la mesure était justifiée, le tribunal a reproduit les allégations du mandataire sans contrôler la réalité des faits; la tribunal n’a pas prêté attention aux pièces produites par les appelants.

— les faits allégués ne sont pas démontrés et la requête de Me Y ès qualités ne repose sur aucun élément sérieux: les appelants ne prétendent pas démontrer qu’il n’ont pas commis de fautes (et ils n’en n’ont pas commis) mais ils souhaitent démontrer que les prétendus indices invoqués par Me Y à l’appui des mesures sollicités sont inexistants et erronés ; les prétendues conditions fautives du dépôt de la déclaration de cessation des paiements ne constituent que des allégations gratuites et infondées de Me Y, la gestion de la demande de renouvellement de l’autorisation de l’ARS n’apparaît pas comme défaillante, la déclaration de cessation des paiements n’apparaît pas comme tardive, il n’existe aucune immixtion de Vedici ou Vedici groupe dans la gestion de la SONECAP et aucun indice n’autorise cette information.

— Me Y ès qualités disposait de tous les éléments pour vérifier ses allégations ; il disposait des pièces comptables pour vérifier les allégations, tous les documents sur la gestion du dossier de renouvellement avec l’ARS ont été communiqués au liquidateur judiciaire, il ne démontre pas qu’on lui aurait refusé l’accès à un potentiel document concernant ce renouvellement.

b) les mesures ordonnées ne sont pas proportionnées au but recherché :

— le tribunal n’a pas contrôlé la proportionnalité des mesures ordonnées, il n’a pas répondu aux moyens des appelantes, il n’a pas contrôlé le caractère proportionné de l’absence de toute mesure permettant d’exclure certains éléments du champ des saisies comme les correspondances avec les avocats ou celles relevant du secret médical.

— les mesures ordonnées ne sont pas proportionnelles au but recherché : les missions données aux huissiers supposaient déjà l’existence d’une immixtion des sociétés Vedici, Elsan Goupe et Vedici groupe dans la gestion de la SONECAP alors qu’elles avaient pour objet de rechercher si tel était le cas. La recherche était trop large, les mots clés étaient beaucoup trop large et la période de recherche était démesurée.

— les mesures ne protègent pas les intérêts en présence : elles ne protègent pas la confidentialité des correspondances échangées entre l’avocat et son client, la confidentialité des correspondances relevant du secret médical, la vie privée des salariés.

Considérant que Me Y ès qualités soutient pour l’essentiel que :

1) l’appel est irrecevable :

— l’article 661-6 du code de commerce limite le droit d’appel au ministère public à l’encontre des jugements ou ordonnances relatifs à la nomination du ou des experts.

— les appelants sont irrecevables à soulever pour la première fois en cause d’appel, l’incompétence du juge-commissaire. L’exception aurait dû être soulevée en première instance avant toute défense au fond.

2) sur le fond, la seule condition prévue par l’article L621-9 du code de commerce pour ordonner les mesures sollicitées est remplie :

a) le juge-commissaire est le seul compétent pour ordonner une mesure technique d’investigation, un certain nombre d’arrêts de la Cour de cassation et de cours d’appel considère qu’en matière de liquidation judiciaire le juge commissaire est seul compétent pour désigner une personne qualifiée pour mener des investigations comme l’illustre notamment les dispositions de l’article L.623-2.

La notification des ordonnances du juge commissaire permet de faire courir le délai de recours devant le tribunal et n’est pas prévue à peine de nullité de celle ci.

Enfin, la mesure technique d’investigation qui a été ordonnée est strictement limitée à des questions intéressant la procédure collective de la SONECAP et échappe à la compétence du juge de droit commun. Cette mission est limitée à la seule réalisation de mesures purement techniques exclusives de toute appréciation.

b) les mesures ordonnées sont nécessaires dans le cadre de la procédure collective de la société SONECAP sans qu’il y ait lieu de se prononcer sur la caractérisation des fautes, s’agissant seulement de déterminer si les circonstances de l’espèce justifiaient la réalisation des investigations ordonnées ; ces circonstances sont les suivantes :

* les conditions fautives dans lesquelles les dirigeants de la SONECAP ont procédé à la déclaration de cessation des paiements de la société justifient de tels mesures (volonté des actionnaires de laisser péricliter la société, d’un côté déclaration de cessation des paiement faite mais de l’autre acquisition d’un concurrent, démontrant alors la volonté d’une plus grande rentabilité du groupe…)

* les conditions dans lesquelles ont été déposée la déclaration de cessation des paiements sont floues, le dépôt semble avoir été fait trop tardivement: les salariés ont été informés d’un dépôt de la déclaration le 19 octobre 2015 mais elle a été déposée seulement le 24 novembre 2015, soit plus d’un mois après.

* le renouvellement de l’autorisation d’activité en chirurgie est flou, il était nécessaire de demander des précisions sur les conditions de la demande de renouvellement de cette autorisation.

* la recherche de la réalité ou non de l’immixtion du groupe Vedici dans la gestion de la société SONECAP.

— les mesures sollicitées ont été circonscrites, légalement admissibles et ont été entourées de garanties suffisantes. Les appelants ont eu une copie des éléments saisis, n’ont pas demandé l’exclusion de certains éléments recueillis par l’huissier, le tri ayant d’ailleurs été effectué avant toute saisie. L’huissier n’avait comme mission que de rechercher et d’extraire des documents à l’aide de mots clés, mission purement technique qui ne nécessitait pas de qualification juridique ou d’appréciation ;

Considérant qu’au préalable, la cour constate que les appelants ne soulèvent aucune exception d’incompétence ;

Sur la recevabilité de l’appel :

Considérant que M. B, la société Elsan groupe et la société Vedici soutiennent que la restriction au droit d’appel doit être interprétée de manière stricte et concerne exclusivement les décisions rendues en matière de nomination d’un expert ce que n’est pas un huissier de justice ;

Considérant qu’aucune disposition légale ni réglementaire ne fait obstacle à ce qu’un huissier de justice puisse être désigné comme technicien ou expert ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 661-6 du code de commerce, les jugements ou ordonnance relatifs à la nomination ou remplacement du ou des experts ne sont susceptibles d’appel que de la part du ministère public ;

que dès lors l’appel interjeté n’est pas recevable ;

Sur l’appel-nullité :

Considérant que M. B, la société Elsan groupe et la société Vedici concluent à titre principal que le juge-commissaire ne pouvant pas ordonner de mesures d’instruction mais seulement des mesures techniques d’information à titre de simple renseignement sans mesure coercitive vis à vis de tiers, motif pour lequel les dispositions de l’article L.621-9 n’offrent aucune garantie procédurale aux tiers, il a commis un excès de pouvoir en désignant un huissier de justice pour procéder à des saisies à leur égard ;

qu’en conséquence, le jugement confirmant l’ordonnance doit être infirmé, l’ordonnance étant nulle ;

qu’au vu du dispositif des conclusions des appelants, la cour examinera si le juge-commissaire a commis un excès de pouvoir ouvrant ainsi la voie de l’appel nullité à M. B, la société Elsan groupe et la société Vedici ;

Considérant que l’article L.621-9 du code de commerce dispose que le juge-commissaire est chargé de veiller au déroulement rapide de la procédure et à la protection des intérêts en présence ;

qu’il est constant que seul le juge-commissaire est compétent pour désigner un technicien dans le cadre de la procédure collective dans laquelle il est désigné, sans préjudice de la faculté pour le tribunal prévue à l’article L.621-4 de désigner un ou plusieurs experts, à l’exclusion de tout autre juge et notamment du juge des référés ;

Considérant que le chapitre V du code de procédure civile intitulé ' mesures d’instruction exécutées par un technicien ', prévoit une section première ' dispositions communes ' qui se rapporte aux constatations (section II), consultation (section III) et expertise (section IV) ;

que l’article 243 du code de procédure civile situé dans cette section première qui confère au juge, comme le concluent les parties appelantes elles mêmes, le pouvoir d’ordonner notamment à un huissier de justice de procéder à la saisie de documents chez des tiers est inséré dans cette section première ' dispositions communes ' ;

que le point de savoir si la mission confiée par le juge-commissaire est ou n’est pas une expertise est donc sans incidence en l’espèce, les dispositions de l’article précité s’appliquant à toutes les mesures d’instruction exécutées par un technicien ;

Considérant que bien au contraire il revient au juge-commissaire chargé de la protection des intérêts en présence de procéder à toutes investigations et de désigner tout technicien à cet effet afin de permettre aux organes de la procédure de prendre des initiatives utiles à la défense des intérêts dont ils ont la charge, comme l’indique la formulation dépourvue d’ambiguïté et très large des dispositions de l’article L. 621-9 ;

que dans ce cadre il est loisible au juge commissaire de désigner un huissier de justice pour se rendre au domicile d’un tiers ou aux sièges sociaux aux fins de saisie de documents nécessaires à la défense des intérêts dont les organes de la procédure ont la charge ;

Considérant qu’en l’espèce, la mesure de saisie des documents ordonnée dans le cadre professionnel, ne contrevient pas au droit de propriété, ne s’agissant pas d’une appropriation mais d’une saisie en vue de la conservation des preuves ;

qu’elle ne viole pas davantage le secret des correspondances avec les avocats ni le secret médical, l’huissier de justice précisant dans son constat ne pas avoir saisi l’ensemble des documents comportant un avocat en émission ou réception ou un avocat en copie d’un mail ainsi que l’un au moins des trois mots clefs permettant d’identifier des correspondances couvertes par le secret médical ;

Considérant que par ailleurs, l’ordonnance rendue par le juge-commissaire étant susceptible de recours devant le tribunal de commerce, le principe de l’accès au juge est respecté ;

Considérant qu’enfin, le juge-commissaire a désigné un huissier de justice de manière non contradictoire comme l’autorise l’article R. 621-23 dans sa rédaction issue du décret du 30 juin 2014, la dite ordonnance étant nécessairement portée à la connaissance des parties comme en matière de requête ;

Considérant qu’en conséquence, en l’absence d’excès de pouvoir du juge-

commissaire, l’appel interjeté par M. B, la société Elsan groupe et la société Vedici est irrecevable, sans que la cour examine plus avant les autres moyens développés qui ont trait au fond du droit ; Considérant qu’il serait inéquitable de laisser à la charge de la SELARL C. Y,

prise en la personne de Me Y ès qualités les frais irrépétibles engagés ;

qu’il convient de condamner M. B, la société Elsan groupe et la société Vedici à lui payer chacun la somme de 10 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

Par Ces Motifs

La cour, statuant publiquement et par arrêt réputé contradictoire,

Vu l’article L. 661-6 du code de commerce

Dit irrecevable l’appel interjeté par M. B, la société Elsan groupe et la société Vedici

Condamne M. B, la société Elsan groupe et la société Vedici à payer chacun la somme de 10 000 euros à la SELARL Y prise en la personne de Me Y ès qualités de liquidateur de la Société nouvelle d’exploitation de la clinique Ambroise Paré (SONECAP)

Condamne M. B, la société Elsan groupe et la société Vedici aux dépens et accorde aux avocats de la cause qui peuvent y prétendre le droit de recouvrement conforme aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Aude RACHOU, Présidente et par Monsieur MONASSIER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, La présidente,

Extraits similaires
highlight
Extraits similaires
Extraits les plus copiés
Extraits similaires

Textes cités dans la décision

  1. Code de commerce
  2. Code de procédure civile
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Versailles, 13e chambre, 4 mai 2017, n° 16/07013