Cour d'appel de Versailles, 1re chambre 1re section, 22 septembre 2017, n° 15/06691

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Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Arrêt rendu le 22 septembre 2017 par la 1re chambre 1re section de la cour d’appel de Versailles RG 15/06691

Communications électroniques – Réseau téléphonique – SA Orange anciennement France télécom – Ouvrages immobiliers lui appartenant – Infrastructures de télécommunications – Infrastructures établies sur le domaine public communal – Propriété – Preuve – portée.

Séparation des pouvoirs – Compétence judiciaire – Domaine d’application – Contentieux de la voie de fait – Voie de fait – Définition – conditions – atteinte aboutissant à l’extinction d’un droit de propriété – NON – conséquences –absence de voie de fait – compétence de la juridiction administrative.

La cour se prononce tout d’abord sur la propriété des installations de génie civil auxquelles l’intimée, la société orange, reprochait à l’appelante, la communauté d’agglomération de Saint- Quentin en Yvelines, d’avoir porté atteinte. Elle confirme le jugement entrepris en ce qu’il a constaté que l’intimée était propriétaire des infrastructures litigieuses, l’appelante soutenant que les conditions d’une voie de fait n’étaient pas réunies, en l’absence d’extinction du droit de propriété de l’intimée sur ses infrastructures (à rapprocher Civ. 1re 9 décembre 2015 – pourvoi 14-24.880).

Sur l’existence d’une voie de fait commise par l’appelante, la cour rappelle que la notion de voie de fait a évolué de manière restrictive depuis la nouvelle définition qu’en a récemment donnée le tribunal des conflits (TC 17 juin 2013 n°3911) adoptant en cela une position conforme à celle de la jurisprudence du Conseil constitutionnel qui considère que l’article 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen n’impose réparation qu’en cas de dépossession et adopte une interprétation restrictive de l’article 66 de la Constitution définissant la compétence de l’autorité judiciaire. Le tribunal des conflits a dit qu’il n’y a voie de fait de la part de l’administration, justifiant par exception au principe de séparation des autorités administratives et judiciaires, la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire pour en ordonner la cessation ou la réparation, que dans la mesure où l’administration, soit a procédé à l’exécution forcée, dans des conditions irrégulières, d’une décision, même régulière, portant atteinte à la liberté individuelle ou aboutissant à l’extinction d’un droit de propriété, soit a pris une décision qui a les mêmes effets d’atteinte à la liberté individuelle ou d’extinction d’un droit de propriété et qui est manifestement insusceptible d’être rattachée à un pouvoir appartenant à l’autorité administrative. la cour retient qu’il faut entendre par extinction du droit de propriété, la perte ou la privation définitive du droit du propriétaire, ce qui suppose la destruction matérielle du bien sur lequel porte ce droit ou encore la perte de son titre de propriété ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

Les conditions de la voie de fait n’étant pas réunies, la cour infirme le jugement entrepris et déclare la juridiction de l’ordre judiciaire incompétente, renvoyant les parties à mieux se pourvoir.

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 1re ch. 1re sect., 22 sept. 2017, n° 15/06691
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 15/06691
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Versailles, 3 juin 2015, N° 12/06056
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 96B

1re chambre

1re section

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 22 SEPTEMBRE 2017

R.G. N° 15/06691

AFFAIRE :

Communauté d’Agglomération de Saint-Quentin-en-Yvelines (CASQY), représentée par son président en exercice dûment habilité en vertu d’une délibération du 26 avril 2014

C/

SA ORANGE, anciennement dénommée FRANCE TELECOM

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 04 Juin 2015 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES

N° Chambre : 3

N° RG : 12/06056

Expéditions exécutoires

Expéditions

délivrées le :

à :

Me Franck LAFON

SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT DEUX SEPTEMBRE DEUX MILLE DIX SEPT,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant après prorogation le 08 septembre 2017 les parties en ayant été avisées, dans l’affaire entre :

Communauté d’Agglomération de Saint-Quentin-en-Yvelines (CASQY), représentée par son président en exercice dûment habilité en vertu d’une délibération du 26 avril 2014

[…]

[…]

[…]

Représentant : Me Franck LAFON, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618 – N° du dossier 20150318 – Représentant : Me Alexandre VANDEPOORTER de la SCP SEBAN & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

APPELANTE

****************

SA ORANGE, anciennement dénommée FRANCE TELECOM

N° SIRET : 380 129 866

[…]

[…]

Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 – N° du dossier 1555237 – Représentant : Me Alexandre LIMBOUR de l’AARPI CHEMARIN & LIMBOUR, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 08 Juin 2017 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Anne LELIEVRE, conseiller, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Alain PALAU, président,

Madame Anne LELIEVRE, conseiller,

Madame Nathalie LAUER, conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Sabine MARÉVILLE,

Vu le jugement rendu le 4 juin 2015 par le tribunal de grande instance de Versailles qui a :

— constaté que la société Orange anciennement France Télécom est propriétaire des infrastructures de génie civil sur l’avenue Z A Couturier dans la commune de Trappes,

— constaté que la communauté d’agglomération de Saint Quentin en Yvelines a commis une voie de fait à l’encontre des infrastructures de génie civil de la société Orange anciennement France Télécom situées sur l’avenue Z A Couturier dans la commune de Trappes,

— rejeté en conséquence l’incompétence soulevée par la Communauté d’agglomération de Saint Quentin en Yvelines,

— ordonné une expertise et désigné pour y procéder Monsieur X Y, le Déruchis, […] tel: 01.34.71.27.95, courriel; bec8443@aol.com avec pour mission de :

* recenser l’état de ces infrastructures de génie civil que ce soit en externe et en interne ainsi que les changements de Trappes,

* déterminer et établir la liste des travaux de remise en état nécessaires,

* s’assurer de la bonne exécution de ces travaux dans les règles de l’art et d’ingénierie par la Communauté d’agglomération de Saint Quentin en Yvelines, par un contrôle préliminaire et a posteriori des travaux effectués,

— enjoint à la Communauté d’agglomération de Saint Quentin en Yvelines de procéder aux remises en état des infrastructures de génie civil dont la société Orange est propriétaire sur l’avenue Z A Couturier dans la commune de Trappes suivant la liste établie par l’expert dans un délai de deux mois après son établissement, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter de cette date pendant une durée de six mois,

— condamné la Communauté d’agglomération de Saint Quentin en Yvelines à verser à 'la société France Télécom’ la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts,

— condamné la Communauté d’agglomération de Saint Quentin en Yvelines à verser à 'la société France Télécom’ la somme de 7.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— ordonné l’exécution provisoire,

— rejeté le surplus des demandes de la société Orange,

— condamné la Communauté d’agglomération de Saint Quentin en Yvelines aux dépens qui comprendront les frais d’expertise ;

Vu l’appel de cette décision le 23 septembre 2015, par la Communauté d’agglomération de Saint Quentin en Yvelines qui, dans ses dernières conclusions notifiées le 21 avril 2016, demande à la cour de :

— déclarer recevable et bien fondée la Communauté d’agglomération de Saint Quentin en Yvelines en son appel,

In limine litis,

— dire que le jugement entrepris a été prononcé par une juridiction incompétente en qualité de juge judiciaire,

En conséquence

— infirmer purement et simplement le jugement entrepris,

— inviter la société Orange à mieux se pourvoir devant le juge administratif compétent,

A titre subsidiaire,

— débouter la société Orange de l’ensemble de ses demandes à l’encontre de la Communauté d’agglomération de Saint Quentin en Yvelines,

En tout état de cause,

— condamner la société Orange à verser à la Communauté d’agglomération de Saint Quentin en Yvelines la somme de 15.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner la société Orange aux entiers dépens dont distraction, pour ceux le concernant, au profit de Me Lafon, avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions notifiées le 22 février 2016 par lesquelles la société Orange, intimée, demande à la cour de :

— confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a constaté qu’Orange est propriétaire des infrastructures de génie civil situées dans la commune de Trappes avenue Z A Couturier (Yvelines),

— confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a constaté que la Communauté d’agglomération de Saint Quentin en Yvelines a engagé des travaux de voirie sur le génie civil d’Orange sans autorisation, a gravement détérioré les infrastructures d’Orange situées dans la commune de Trappes avenue Z A Couturier (Yvelines),

— confirmer le jugement en ce qu’il a constaté que les agissements de la Casqy constituent une voie de fait à l’encontre des infrastructures de génie civil d’Orange,

— confirmer le jugement en ce qu’il a déclaré compétent le juge 'civil',

— confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a constaté que les agissements de la Casqy ont causé un préjudice grave et certain à la société Orange qu’il convient de réparer,

En conséquence,

— confirmer le jugement en ce qu’il a ordonné une expertise aux fins notamment de déterminer la liste des travaux de remise en état à engager nécessairement par la Casqy, et enjoint à la Casqy de procéder aux remises en état des infrastructures d’Orange, situées dans la commune de Trappes avenue Z A Couturier (Yvelines),

— confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la Casqy à dédommager Orange de son préjudice,

— réformer le jugement en ce qu’il n’a alloué à la société Orange que la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts et condamner la Casqy à verser à Orange la somme de 40.000 euros à titre de dommages et intérêts,

Y ajoutant,

— condamner la Casqy à payer à Orange la somme de 30.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner la Casqy aux entiers dépens de l’instance qui pourront être directement recouvrés par la selarl Lexavoué ParisVersailles, conformément à l’article 699 du code de procédure civile ;

LES FAITS

La communauté d’agglomération de Saint-Quentin-en-Yvelines (la Casqy) est un établissement public de coopération intercommunale qui regroupe depuis 2004, sept communes dont celle de Trappes.

Dans le cadre de l’aménagement urbain, de la gestion des réseaux de télécommunications et de gestion des réseaux de distribution publique d’électricité, elle a décidé de réaménager l’avenue Z A Couturier située à Trappes. Elle a ainsi fait procéder à des travaux de réaménagement d’une voirie ancienne, de réalisation de réseaux d’assainissement, à l’enfouissement de réseaux électriques aériens et à des travaux visant à augmenter la capacité d’accueil des infrastructures de télécommunications aux fins de développement du réseau de fibre optique.

Soutenant que les travaux, dont elle n’avait pas été informée, réalisés pour le compte de la Casqy, en décembre 2011 et courant 2012, avenue Z A Couturier à Trappes, aux fins d’enfouissement des réseaux aériens et de déploiement de sa fibre optique avaient touché, tant les infrastructures aériennes que souterraines dont elle se dit propriétaire, la société France Telecom, aux droits de laquelle se trouve désormais la SA Orange, après avoir fait établir divers constats d’huissier, a, par acte d’huissier du 19 juillet 2012, assigné à jour fixe, la Casqy sur le fondement de la voie de fait devant le tribunal de grande instance de Versailles, afin de faire cesser tous travaux de voirie entrepris sur ses infrastructures et d’obtenir la réparation de son préjudice.

La Casqy, revendiquant la propriété des infrastructures de génie civil – chambres de tirage et fourreaux – prétendues détériorées ou rendues inaccessibles par ses propres travaux, a contesté l’existence d’une voie de fait et ce faisant, soulevé in limine litis, l’incompétence de la juridiction judiciaire au profit de la juridiction administrative.

Il résulte de la décision entreprise que le tribunal, pour faire droit à la demande de réparation présentée par la SA Orange et se déclarer préalablement compétent, a considéré que cette société venant aux droits de la SA France Telecom était propriétaire des infrastructures de génie civil concernées, au motif principalement qu’elles avaient été réalisées avant l’entrée en vigueur le 1er janvier 1997 de la loi n96-660 du 26 juillet 1996, qui a transformé France Télécom en une entreprise nationale soumise aux dispositions applicables aux sociétés anonymes et mis fin au monopole de l’Etat puis de France Télécom pour l’établissements de réseaux de télécommunications, et que la Casqy n’établissait pas la preuve de leur réalisation ou de leur financement que ce soit par elle-même ou par les établissements publics en charge, dans les années 1980-1990, d’aménager l’agglomération nouvelle et que les conventions conclues avec France Télécom au cours des années 2002,2003 et 2004 , d’une part ne concernaient pas l’avenue Z A Couturier à Trappes et d’autre part ne portaient que sur les modalités administratives, techniques et financières de mise à disposition des installations secondaires ou de la mise en réseau souterrain du réseau de télécommunication d’autres rues.

Qu’ensuite le tribunal a retenu que les dégradations affectant les chambres de tirage et les fourreaux propriété de la SA Orange, telles que résultant de plusieurs constats d’huissier, provenant de travaux non contestés dans leur matérialité, réalisés sans l’accord de la SA Orange anciennement France Télécom portaient atteinte aux droits de propriété de cette société et que la Casqy ne pouvait prétendre que les travaux procédaient d’une décision qui ne serait pas manifestement insusceptible de se rattacher à l’un de ses pouvoirs ; que les travaux entrepris étaient constitutifs d’une voie de fait justifiant la compétence judiciaire.

SUR CE, LA COUR

Sur l’exception d’incompétence des juridictions judiciaires

Considérant que les dommages causés par les travaux publics réalisés par la Casqy, personne morale de droit public, relèvent par principe de la compétence des juridictions administratives en application de la loi du 28 pluviôse an VIII, sauf s’ils procèdent d’une voie de fait, comme le soutient la SA Orange ;

Que la Casqy soulève in limine litis l’incompétence de la juridiction judiciaire au profit du juge administratif ; qu’elle fait en premier lieu valoir à cette fin que les travaux qu’elle a entrepris n’ont pu porter atteinte à la propriété de la SA Orange dès lors que celle-ci n’est pas propriétaire des infrastructures de télécommunications litigieuses et en second lieu qu’en tout état de cause, ils n’ont pas eu pour effet d’éteindre son droit de propriété ;

1) Sur la propriété des infrastructures de génie civil

Considérant que la Casqy fait valoir que le tribunal a commis une erreur de droit en ce que pour dire que les infrastructures constituent la propriété de la SA Orange, il a fondé son raisonnement sur l’assertion inexacte selon laquelle la SA Orange est nécessairement propriétaire des infrastructures de télécommunications réalisées avant l’entrée en vigueur de la loi n96-660 du 26 juillet 1996 ; que son raisonnement procède d’une confusion entre les 'réseaux’ de communications électroniques et leurs 'infrastructures’ ; qu’il convient de distinguer ainsi que le font les juridictions administratives, dont la jurisprudence est conciliable avec celle de la Cour de cassation, entre la notion d’infrastructures et celle de réseaux, le monopole institué au profit de France Télécom avant 1997 par l’article 22 de la loi n 90-958 du 2 juillet 1990 ne portant que sur les réseaux de communications et non sur les infrastructures destinées à les accueillir ; que ni les dispositions du code des postes et télécommunications, ni le monopole dont bénéficiait l’administration des télécommunications, puis l’établissement public France Télécom sur les lignes de télécommunications n’ont eu pour objet ou effet d’incorporer dans le patrimoine de l’Etat puis dans celui de la société France Télécom toutes les infrastructures de télécommunications réalisées avant l’entrée en vigueur de la loi du 26 juillet 1996 ;

Qu’elle en déduit qu’elle a la faculté de prouver sa qualité de propriétaire d’infrastructures , mêmes réalisées avant 1997 en démontrant en avoir été le maître d’ouvrage ;

Qu’elle soutient en l’espèce que l’essentiel des infrastructures de génie civil qui couvrent le territoire de l’agglomération nouvelle de Saint Quentin en Yvelines ont été réalisées et/ou financées soit par les établissements publics qui étaient en charge dans les années 1980-90, d’aménager l’agglomération nouvelle à savoir l’Epasqy puis le Sansqy auxquels elle s’est substituée en décembre 2003 soit, depuis cette date, par elle-même ; que par conséquent, réalisées pour le compte des uns ou d’elle-même, les infrastructures litigieuses sont bien sa propriété ; qu’elle ajoute que les décisions précédemment rendues relatives aux infrastructures de génie civil situées sur l’avenue Manet, l’avenue de la Source ou l’avenue des IV pavés du Roy dans la commune de Montigny le Bretonneux n’ont aucune incidence sur la présente espèce, la SA Orange apportant dans ces autres affaires des éléments de preuve qu’elle n’est pas à même de fournir dans ce litige et que la solution n’est pas plus affectée par la circonstance que la SA Orange a été sollicitée dans le cadre des travaux de réalisation des infrastructures de l’avenue Z A Couturier, pour faire connaître ses exigences en matière d’accueil de ses réseaux ;

Considérant que la SA Orange réplique que seul l’Etat, puis la société France Télécom aux droits de laquelle elle se trouve, disposait d’un monopole d’établissement et d’exploitation des télécommunications jusqu’en 1996 comme en atteste encore l’article 33 du code des postes et communications électroniques resté en vigueur jusqu’à la loi de réglementation des télécommunications du 26 juillet 1996 ; que c’est en raison de son monopole historique sur les infrastructures essentielles de génie civil en France que les autorités sectorielles de régulation imposent à Orange d’assurer un accès à celles-ci non discriminatoires entre tous les opérateurs ; que les infrastructures situées avenue Z A Couturier à Trappes lui appartiennent car réalisées antérieurement au mois de juillet 1996 ; qu’elle conteste la distinction opérée par la Casqy entre les infrastructures de télécommunications d’une part, et les réseaux de télécommunications d’autre part opposant qu’elle n’est aucunement pertinente dans le contexte juridique antérieur à la libéralisation des services de communications offerts au public, intervenue en 1996 ;

Qu’elle ajoute qu’en l’espèce elle établit de plus fort sa propriété sur les infrastructures litigieuses au moyen de pièces telles que des plans de situation détaillés, des courriers, un plan de récolement du génie civil de l’avenue Z A Couturier et un courriel d’un mandataire de la Casqy en date du 13 janvier 2012, faisant expressément référence à la mise à niveau des 'chambres FT’ ; qu’elle conclut s’il en était besoin qu’en tout état de cause la Casqy ne rapporte pas la preuve du financement des ouvrages ni ne verse aux débats de preuve justifiant qu’elle en a été le maître de l’ouvrage ;

***

Considérant que le service public des télécommunications était initialement géré en régie par l’Etat, conjointement avec le service public de la poste ; que l’article 33 du code des postes et télécommunications prévoyait qu’aucune installation de télécommunications ne peut être établie ou employée à la transmission des correspondances que par le ministre des postes et télécommunications ou avec son autorisation ; que l’article 407 du même code, désormais abrogé, confirmait ce monopole ; que l’article D 407-3 avant qu’il ne soit modifié par le décret n 97-684 du 30 mai 1997, précisait que les lignes construites par l’administration des postes restent la propriété exclusive de cette administration qui se borne à en concéder l’usage ; que l’Etat disposait donc d’une compétence exclusive pour l’établissement des lignes de télécommunications et en était le propriétaire ;

Que cette organisation a été réformée par la loi n°90-568 du 2 juillet 1990 relative à l’organisation du service public de la poste et des télécommunications, qui a confié la gestion de ce service à une personne morale de droit public dénommée France Télécom ; que selon l’article 22 de cette loi, l’ensemble des biens immobiliers du domaine de l’Etat attaché aux services relevant de la direction générale des télécommunications était transféré, gratuitement et en pleine propriété à France Télécom ; que l’article L 33-1 du code des postes et télécommunications créé par la loi n°90-1170 du 29 décembre 1990 a posé le principe que les réseaux de télécommunications ouverts au public ne peuvent être établis que par l’exploitant public ; que l’article 32 du même code définissait le réseau de télécommunications comme toute installation ou ensemble d’installations assurant soit la transmission, soit la transmission et l’acheminement de signaux de télécommunications ainsi que l’échange des informations de commande et de gestion qui y est associé, entre les points de terminaison de ce réseau ;

Que le système a de nouveau été modifié par la loi n°96-660 du 26 juillet 1996 qui a transformé France Télécom en entreprise nationale soumise aux dispositions applicables aux sociétés anonymes et qui a mis fin au monopole de l’Etat puis de France Télécom pour l’établissement de réseaux de télécommunications ; que son article 1er a cependant prévu que les biens, droits et obligations de la personne morale de droit public France Télécom sont transférés de plein droit au 31 décembre 1996, à l’entreprise nationale France Télécom et que les biens de la personne morale France Télécom relevant du domaine public sont déclassés à la même date ;

Considérant que les lignes de télécommunication appartenant à l’exploitant public France Télécom ont ainsi été transférées de plein droit à la société France Télécom ;

Considérant cependant que le litige pose la question de la nature des ouvrages de génie civil destinés à accueillir les lignes de télécommunication et nécessite de dire s’ils ont été transférés de plein droit à la société France Télécom ;

Considérant qu’il ne résulte pas de la définition d’un réseau de télécommunications, donnée par l’article L 32-2 du code des postes et télécommunications que les ouvrages immobiliers dans lesquels sont placées les installations assurant la transmission des signaux de télécommunication et informations en font partie ; que le monopole exercé sur le déploiement des lignes de télécommunications ne concernait que les installations de télécommunications elles-mêmes et non les infrastructures destinées à les accueillir ; qu’il s’en déduit qu’à la différence des premières, les infrastructures de génie civil ne sont pas visées par le transfert de plein droit à la société France Télécom résultant de la loi susvisée ; qu’il convient donc pour déterminer la propriété des ouvrages concernés, de rechercher quelle est la personne qui se trouve à l’origine de leur création ; que rien ne s’oppose, à ce qu’une collectivité publique, qui a fait réaliser de telles infrastructures sous sa maîtrise d’ouvrage, en soit propriétaire, ainsi que le retiennent les juridictions administratives ; que pour autant l’Etat ou l’exploitant public France Télécom peuvent aussi bien avoir fait procéder à la réalisation de tels ouvrages, qui se trouvent ensuite intégrés au patrimoine de la société France Télécom ;

Considérant cependant qu’antérieurement au 1er janvier 1997, France Télécom étant l’opérateur historique et titulaire d’un monopole d’établissement et d’exploitation des télécommunications, il existe une présomption en sa faveur de ce qu’il était, avant la cessation de son monopole, à l’origine des ouvrages de génie civil tels que fourreaux et gaines dans lesquels passent les réseaux de télécommunications et telles que les chambres de transport ou de tirage, accessibles depuis la surface et permettant de tirer les câbles en fibre optique ou en cuivre dans les fourreaux, ou de procéder aux opérations de maintenance ;

Considérant que SA Orange établit par les pièces versées aux débats telles que visées et analysées par la décision entreprise – plan de situation T3304ZA daté de novembre 1993 (pièce 25), plan de situation complémentaire (pièce 25-1), déclaration d’ouverture de chantier du 28 mars 1994, portant sur un 'nouveau chantier de travaux d’extension sur le réseau téléphonique souterrain concernant le projet T 3304ZA', courrier de l’Epasqy du 12 avril 1994 par lequel cet établissement indiquait à France Télécom n’avoir aucune observation particulière sur le projet, par des plans de récolement du génie de l’avenue Z A Couturier datés de janvier et septembre 1994 sur lesquels figure l’emplacement des chambres de tirage – que les infrastructures litigieuses et les demandes de renseignements de parties intervenant sur les lieux présentées à SA Orange au sujet de la localisation de ses ouvrages, que lesdits ouvrages ont été réalisés avant 1996, sous sa propre maîtrise d’ouvrage ;

Considérant que les conventions conclues entre France Télécom et la Casqy, produites par cette dernière, datées des 30 août 2002, 17 et 26 septembre 2003 et 23 janvier 2004, ayant pour objet de définir les modalités administratives, financières et techniques de la mise en souterrain de réseaux de télécommunications, s’avèrent inopérantes à établir la propriété de la Casqy sur les ouvrages litigieux dès lors qu’aucune de ces conventions ne porte sur des installations secondaires situées avenue Z A Couturier à Trappes mais se rapportent à la ZAC de Montfort-Thorez, à la rue de Montfort et à l’avenue de la Boissière à Trappes ; qu’il résulte enfin des constats d’huissier établis à la requête de la SA Orange les 13 décembre 2011 et 25 janvier et 21 février 2012 que l’huissier a constaté sur le chantier de la Casqy, la présence sur le trottoir de l’avenue Z A Couturier d’une dizaine de chambres de transport et d’une chambre de distribution portant le logo France Télécom ;

Que la Casqy manque à rapporter la preuve de ce qu’elle aurait financé et fait réaliser les infrastructures litigieuses ;

Considérant qu’il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a constaté que la société Orange, anciennement France Télécom est propriétaire des infrastructures de génie civil sur l’avenue Z A Couturier à Trappes ;

2) Sur l’existence d’une voie de fait commise par la Casqy

Considérant que la Casqy fait valoir que les conditions d’une voie de fait telles que récemment redéfinies par la jurisprudence ne sont pas réunies, en l’absence d’extinction du droit de propriété de la SA Orange sur ses infrastructures de génie civil ; qu’en effet, la SA Orange a accès aux chambres de tirages de l’avenue Z A Couturier, qui n’ont pas été détruites ou rendues inaccessibles ; que son réseau, y transite sans difficulté ; qu’elle ajoute que les travaux entrepris ont eu pour objet l’implantation d’un ouvrage public et n’auraient donc pas pu procéder d’une décision manifestement insusceptible de se rattacher à l’un de ses pouvoirs ; qu’elle rappelle que les travaux de voirie entrepris ont été effectués dans le cadre des compétences que ses communes membres, lui ont, conformément à l’article L5216-5 du code général des collectivités territoriales, transférées et qui ont pour objet, notamment, l’aménagement urbain, la voirie, la gestion des réseaux de télécommunications, ainsi que la gestion des réseaux de distribution publique d’électricité ; que le prestataire a été régulièrement désigné et était titulaire d’une mission de voirie ;

Qu’elle a réalisé les travaux mis en cause dans le cadre d’un pouvoir qui lui appartient, en suivant l’ensemble des prescriptions encadrant son pouvoir ; que son éventuelle intervention sur des chambres de tirage est banale et résulte de ce qu’elle a été amenée à travailler sur les infrastructures des réseaux ; qu’enfin les chambres de tirage concernées sont des ouvrages qui occupent le domaine public et que la puissance publique peut mettre fin à tout moment à cette occupation ;

Que la SA Orange réplique que la Casqy a mené sans aucune autorisation des travaux lourds sur ses infrastructures dans lesquelles circule le réseau Orange ; qu’elle a outrepassé les limites de ce pouvoir en empiétant gravement sur sa propriété ; que la multiplication des actes confiscatoires de la Casqy au mépris de ses contestations et sa dénégation systématique de son droit de propriété trahissent nécessairement son ambition réelle qui n’est autre que de se substituer à elle pour éteindre de manière définitive son droit de propriété en s’appropriant ses installations ; que de tels agissements ne sauraient être rattachés à un pouvoir de l’autorité administrative ; que la voie de fait ainsi caractérisée fonde la compétence du juge judiciaire ;

Considérant que la notion de voie de fait a évolué de manière restrictive depuis la nouvelle définition qu’en a récemment donnée le tribunal des conflits (TC 17 juin 2013 n°3911) adoptant en cela une position conforme à celle de la jurisprudence du Conseil constitutionnel qui considère que l’article 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen n’impose réparation qu’en cas de dépossession et adopte une interprétation restrictive de l’article 66 de la Constitution définissant la compétence de l’autorité judiciaire ; que le tribunal des conflits a dit qu’il n’y a voie de fait de la part de l’administration, justifiant par exception au principe de séparation des autorités administratives et judiciaires, la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire pour en ordonner la cessation ou la réparation, que dans la mesure où l’administration, soit a procédé à l’exécution forcée, dans des conditions irrégulières, d’une décision, même régulière, portant atteinte à la liberté individuelle ou aboutissant à l’extinction d’un droit de propriété, soit a pris une décision qui a les mêmes effets d’atteinte à la liberté individuelle ou d’extinction d’un droit de propriété et qui est manifestement insusceptible d’être rattachée à un pouvoir appartenant à l’autorité administrative ;

Considérant qu’il faut entendre par extinction du droit de propriété, la perte ou la privation définitive du droit du propriétaire, ce qui suppose la destruction matérielle du bien sur lequel porte ce droit ou encore la perte de son titre de propriété ;

Qu’en l’espèce, la SA Orange dénonce des dégradations de ses infrastructures par la Casqy et le fait qu’elles lui ont été rendues inaccessibles pendant un certain temps ; qu’il n’est cependant pas allégué que les atteintes portées aux chambres de transport ou de tirage, dont les travaux entrepris nécessitaient la mise à niveau, aient fait l’objet d’une destruction ; qu’il résulte en effet du procès-verbal de constat d’huissier établi le 25 septembre 2012, à la requête de la Casqy, que les chambres logotées France Télécom sur lesquelles elle est intervenue ont été remises en état et ne présentent pas de dégradations apparentes ;

Que le fait qu’une discussion nourrie, qui résulte de nombreux échanges de courriers au début de l’année 2012, puis un litige soit né portant sur la propriété même des infrastructures de génie civil entre les parties, litige récurrent sur l’ensemble du territoire national entre l’opérateur historique des télécommunications et les collectivités locales, n’est pas davantage de nature à démontrer la volonté de la Casqy d’anéantir tout droit de propriété de la SA Orange ;

Qu’il en résulte qu’en l’absence d’extinction du droit de propriété de la SA Orange sur ses infrastructures, les conditions de la voie de fait ne sont pas réunies ;

Qu’il a lieu en conséquence d’accueillir l’exception d’incompétence soulevée par la Casqy au profit de la juridiction administrative ;

Que le jugement est infirmé en ce qu’il a statué sur la voie de fait et ses conséquences ;

Que les parties sont renvoyées à mieux se pourvoir ;

Considérant que la SA Orange, partie perdante, doit être condamnée aux dépens de première instance et d’appel ;

Que l’équité et la nature de l’affaire commandent de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition,

Confirme le jugement en ce qu’il a constaté que la société anonyme Orange anciennement France Télécom est propriétaire des infrastructures de génie civil des réseaux de télécommunications situées sur l’avenue Z A Couturier dans la commune de Trappes,

Infirme le jugement en toutes ses autres dispositions,

Dit qu’il n’y a pas voie de fait,

Déclare la juridiction de l’ordre judiciaire incompétente,

Renvoie les parties à mieux se pourvoir,

Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SA Orange aux dépens de première instance ainsi qu’à ceux d’appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

— prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

— signé par Monsieur Alain PALAU, président, et par Madame Sabine MARÉVILLE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,

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Cour d'appel de Versailles, 1re chambre 1re section, 22 septembre 2017, n° 15/06691