Cour d'appel de Versailles, 1re chambre 1re section, 9 juin 2017, n° 15/04107

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 1re ch. 1re sect., 9 juin 2017, n° 15/04107
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 15/04107
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Nanterre, 6 mai 2015, N° 13/09584
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Date de dernière mise à jour : 13 juin 2022
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Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 63C

1ère chambre

1ère section

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 09 JUIN 2017

R.G. N° 15/04107

AFFAIRE :

[K] [F]

[Q] [F]

SAS ARTIMON DEVELOPPEMENT

C/

[M] [N]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 07 Mai 2015 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

Pôle Civil

N° Chambre : 2

N° RG : 13/09584

Expéditions exécutoires

Expéditions

délivrées le :

à :

Me Franck LAFON

Me Pierre GUTTIN

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE NEUF JUIN DEUX MILLE DIX SEPT,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur [K] [F]

né le [Date naissance 1] 1946 à [Localité 1]

[Adresse 1]

Représentant : Me Franck LAFON, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618 – N° du dossier 20150189 – Représentant : Me André COHEN-UZAN, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

Madame [Q] [F]

née le [Date naissance 2] 1951 à [Localité 2] (TUNISIE)

[Adresse 1]

Représentant : Me Franck LAFON, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618 – N° du dossier 20150189 – Représentant : Me André COHEN-UZAN, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

SAS ARTIMON DEVELOPPEMENT

[Adresse 2]

Représentant : Me Franck LAFON, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618 – N° du dossier 20150189 – Représentant : Me André COHEN-UZAN, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

APPELANTS

****************

Monsieur [M] [N]

[Adresse 3]

Représentant : Me Pierre GUTTIN, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 623 – N° du dossier 15000217 – Représentant : Me Louise CHOPARD de la SELARL Pech de Laclause – Bathmanabane & Associés, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

INTIME

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 24 Avril 2017 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Alain PALAU, président, chargé du rapport, et Madame Nathalie LAUER, conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Alain PALAU, président,

Madame Anne LELIEVRE, conseiller,

Madame Nathalie LAUER, conseiller

Greffier, lors des débats : Madame Sabine MARÉVILLE,

La société VT Scan a pour activité la sélection, pour le compte d’annonceurs, d’agences de publicité.

Elle perçoit de l’agence choisie un «'success fee'».

Elle commercialise également des abonnements dénommés «'Packs Attractivités'» qui consistent en la mise à disposition d’espaces sur des sites internet au profit d’agences.

La société Marebe est une société holding qui détient 63,78 % du capital de la société VT Scan.

M. [N] était, depuis 2003, le commissaire aux comptes de ces deux sociétés qui clôturaient leurs comptes le 31 mars de chaque année.

Suivant protocole en date du 28 octobre 2010. M. [K] [F], son épouse, Mme [Q] [F], et la société Artimon Développement ont cédé les actions qu’ils possédaient dans les sociétés Marebe et VT Scan à une société nouvelle dénommée « groupe VT Scan » composée d’anciens collaborateurs pour un prix de 350 000 euros, outre un éventuel complément de prix déterminé en fonction des résultats futurs des exercices 2011, 2012 et 2013.

Le même jour les parties ont conclu une convention de garantie d’actif et de passif dont une garantie d’exactitude et de sincérité des comptes des sociétés au 31 mars 2010.

Le groupe VT Scan contestant certaines règles dans l’établissement des comptes, a engagé la procédure de mise en jeu de la garantie d’actif et de passif.

Par ordonnance en date du 18 janvier 2012, le président du tribunal de commerce de Paris, statuant en référé, saisi par les acquéreurs, a ordonné une expertise confiée à M. [E], remplacé par M. [V].

Alors que l’expertise était en cours, les parties ont signé un protocole transactionnel le 22 novembre 2012.

Aux termes de celui-ci, les cédants ont payé la somme de 237.000 euros à titre de réduction du prix de cession.

Par acte d’huissier de justice délivré le 15 juillet 2013, M. [K] [F], Mme [Q] [F], la société Artimon Développement SAS ont fait assigner M. [N], commissaire aux comptes de la société VT Scan, devant le tribunal de grande instance de Nanterre.

Par jugement du 7 mai 2015, le tribunal a :

— rejeté les fins de non recevoir tirées de la prescription et de l’absence d’intérêt à agir soulevées par M. [M] [N],

— débouté M. [K] [F], Mme [Q] [F] et la société Artimon Développement SAS de l’ensemble de leurs demandes,

— condamné M. [K] [F], Mme [Q] [F], la société Artimon Développement SAS à payer à M. [M] [N] une indemnité de 2.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 4 juin 2015, M. et Mme [F] et la société Artimon Développement ont interjeté appel.

Dans leurs dernières écritures portant le numéro 5 signifiées le 29 mars 2017, M. [K] [F], Mme [Q] [F] et la SAS Artimon Développement demandent à la cour de’confirmer le jugement déféré en ce qu’il a déclaré recevables leurs demandes et de l’infirmer pour le surplus.

Ils demandent à la cour de condamner M. [N] à leur payer aux concluants à titre de dommages et intérêts la somme de 237.000 euros, sauf à parfaire en réparation de leur préjudice financier, outre les intérêts à compter de l’assignation.

Ils concluent au rejet de son appel incident.

Ils réclament le paiement par lui de la somme de 5.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Les appelants précisent que le prix de cession était forfaitaire en considération de la notoriété de la société VT Scan, de sa clientèle et de la récurrence de son chiffre d’affaires.

Ils exposent que l’acquéreur a mis en jeu la garantie de passif et engagé une procédure à leur encontre afin que soient arrêtées les conséquences financières de déclarations jugées erronées entraînant des ajustements au titre de l’arrêté des comptes sociaux au 31 mars 2010.

Ils indiquent qu’il leur a reproché d’avoir anticipé la comptabilisation des produits pour les prestations «'Packs Attractivités'» et «'Success Fees'» par un changement de méthode comptable qui aurait transgressé le principe d’indépendance des exercices alors que les comptes ont été certifiés par M. [N], commissaire aux comptes.

Ils affirment qu’il s’est avéré qu’il n’existait pas de choix entre plusieurs méthodes comptables pour comptabiliser ces produits.

Ils contestent toute prescription.

Ils soutiennent que le point de départ de celle-ci n’est pas la date de certification par lui le 22 juin 2010 des comptes litigieux clos au 31 mars 2010.

Ils soutiennent que la prescription triennale prévue par l’article L225-254 du code de commerce a couru à compter de la mise en jeu de la garantie d’actif et de passif soit par la lettre des acquéreurs du 8 mars 2011.

Ils déclarent que son rapport du 2 août 2011 sur les comptes de l’exercice clos le 31 mars 2011- postérieur à la cession – a révélé le rejet de la méthode comptable qu’il avait appliquée sous ses certifications depuis l’exercice clos le 31 mars 2006 ce qui signifie qu’il avait omis jusqu’à cette date de signaler son irrégularité.

Ils soulignent qu’il a, alors, indiqué pour la première fois que le résultat est «'impacté'» par un changement de méthode portant sur deux points soit «'la date de prise en compte des success fees ainsi que le mode de comptabilisation des abonnements packs qui ont été précisément mis en cause'».

Ils contestent que leur droit d’agir ait été éteint du fait de la transaction conclue avec les acquéreurs.

Ils déclarent avoir ainsi limité les conséquences financières du choix comme l’expert l’a indiqué. Ils soulignent que l’objet de la transaction ne portait pas sur un passif non révélé mais sur la remise en cause de l’anticipation des abonnements packs et de success fees.

Ils affirment qu’ils ont été privés de la chance de mentionner ce risque dans la cession en raison de l’irrégularité des comptes sociaux sans d’ailleurs que la valeur de l’entreprise – dont l’activité continue à progresser – n’en souffre.

Ils soutiennent qu’ils n’ont renoncé volontairement à aucun droit et que la transaction ne libère pas M. [N] de sa responsabilité conformément à l’article 1165 du code civil.

Ils contestent le jugement.

Ils rappellent les règles professionnelles s’imposant aux commissaires aux comptes en cas de changement de méthode comptable soit la norme NEP 730 qui dispose que lorsque le commissaire aux comptes estime que le changement comptable n’est pas justifié, que sa traduction comptable ou que l’information fournie dans l’annexe ne sont pas appropriées, il doit en tirer les conséquences sur l’opinion qu’il doit donner’et le paragraphe 10 du titre II chapitre III section 3 de l’article A 823-26 du code de commerce sur les modalités d’exercice de sa mission qui dispose’que le commissaire aux comptes formule systématiquement une observation en cas de changement de méthode comptable survenu au cours de l’exercice.

Ils font valoir qu’il a pour mission permanente de vérifier la régularité et d’apprécier la justification d’un changement comptable afin que les comptes donnent une image fidèle des exercices sociaux.

Ils soutiennent que de telles réserves ou un refus de certifier sont obligatoires en cas de changement de méthode comptable s’il est significatif et n’est pas justifié ce qui aurait empêché la remise en cause ultérieure de leurs déclarations.

Ils soulignent qu’ils agissent sur le fondement de la responsabilité quasi délictuelle en raison des manquements du commissaire aux comptes à ses obligations normatives et légales.

Ils rappellent que la certification est l’expression de l’opinion du commissaire aux comptes sur la régularité et la sincérité des compte sociaux et affirment qu’il ne pouvait certifier des comptes dont il n’était pas sûr.

Ils déclarent que ce changement de méthode comptable s’est traduit par l’anticipation de la comptabilisation des produits pour les «'Packs attractivités'» et les «'Success fees'» et a mis en cause le principe d’indépendance des exercices posé par l’article L 123-21 du code de commerce.

Ils considèrent que la norme d’exercice professionnel précitée lui imposait d’assortir sa certification de réserves ou d’observations pour attirer l’attention du lecteur des comptes préalablement au transfert des droits sociaux.

Ils estiment que cette observation devait être renouvelée dans l’annexe de son rapport lors de chaque exercice depuis le changement de méthode comptable en 2006.

Ils affirment qu’un tel changement significatif imposait un refus de certifier et soutiennent qu’il aurait dû refuser le changement de méthode comptable appliqué à partir de l’exercice clos au 31 mars 2006 et, donc, ne pas certifier ces comptes.

Ils font valoir que la certification de comptes irréguliers pour 5 exercices consécutifs, sans exprimer de réserve, démontre qu’il a dissimulé le fait que le changement de méthode comptable pour les exercices 2006 à 2010 était irrégulier comme les acquéreurs s’en sont prévalus.

Ils déclarent qu’ils auraient exclu de la garantie de passif l’incidence du changement de méthode comptable s’ils n’avaient pas eu l’assurance que ce changement approuvé pendant 5 ans par l’intimé ne leur faisait pas courir de risque financier.

En réponse à l’intimé, ils font valoir qu’il est sans incidence que les acquéreurs ou l’expert comptable aient été informés des procédures.

Ils déclarent que, nonobstant ses affirmations, leur consentement à la cession sur la base des comptes présentés et la souscription de la garantie de passif ont été faussés de son fait.

Ils rappellent sa «'fonction légale d’intérêt général de sécurisation'» distincte de celle de l’expert comptable qui organise la comptabilité et arrête les comptes sociaux et dont l’intervention n’est pas obligatoire. Ils rappellent également qu’il a une mission permanente de contrôle.

Ils lui font donc grief d’avoir manqué au respect de ses normes d’exercice professionnel et commis une faute lourde en masquant l’irrégularité du changement de méthode comptable. Ils estiment que cette faute est à l’origine de leur dommage et invoquent sa responsabilité professionnelle sur le fondement des articles 1382 du code civil et L 225-241 du code de commerce.

Ils soutiennent que la réduction du prix est due à des ajustements permis par l’absence d’information du commissaire aux comptes.

Ils estiment manifeste le lien entre la certification fautive des comptes et leur préjudice résultant de la mise en jeu de la garantie d’actif et de passif qui est due à la mise en cause de la méthode comptable qu’il a fautivement avalisée.

Ils déclarent que le quantum de la réduction du prix a été fixé pour mettre fin à une procédure rendue possible par la mise en cause d’une méthode comptable irrégulière. Ils soulignent que l’acquéreur réclamait une somme de 553.000 euros.

Dans ses dernières conclusions portant le numéro 4 en date du 11 avril 2017, M. [N] sollicite l’infirmation du jugement en ce qu’il a jugé que la prescription avait été interrompue par l’assignation délivrée le 9 novembre 2011 par les acquéreurs et demande que l’action soit déclarée irrecevable.

Il sollicite l’infirmation du jugement en ce qu’il a refusé de constater que les appelants ont renoncé à leur droit d’action et demande que celle-ci soit déclarée irrecevable pour défaut d’intérêt à agir.

Il conclut, subsidiairement, au rejet des demandes et à la confirmation du jugement.

Il réclame le paiement d’une somme de 20.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

M. [N] soutient que l’action est prescrite.

Il rappelle qu’il résulte de l’article L 822-18 du code de commerce qui renvoie à l’article L 225-254 du même code que l’action en responsabilité se «'prescrit par trois ans à compter du fait dommageable ou, s’il a été dissimulé, de sa révélation'». Il déclare, citant des arrêts, que le fait dommageable est la date de certification des comptes litigieux par le commissaire aux comptes.

Il indique que les comptes ayant servi de référence au titre de la garantie de passif, clos au 31 mars 2010, ont été certifiés par lui le 22 juin 2010 ce dont il résulte que l’assignation délivrée le 15 juillet 2013 est tardive.

Il soutient que ce point de départ ne peut être reporté. Il conteste toute dissimulation qui consiste en la connaissance par le commissaire aux comptes d’irrégularités ou d’anomalies qu’il n’a pas portées à la connaissance des organes sociaux ou du procureur de la République. Il souligne, citant des arrêts, que cette dissimulation doit être intentionnelle ce qui exclut toute négligence même grossière.

Il relève qu’il ne lui est pas reproché d’avoir eu la volonté de cacher les faits soit la méthode comptable applicable depuis 2006.

Il déclare également que les faits étaient connus des associés et dirigeants de la société, M. [F] connaissant les procédures internes de facturation et d’établissement des produits dans la mesure où il arrêtait les comptes. Il ajoute qu’il résulte de courriels échangés avec les cessionnaires que M. [F] a lui-même choisi cette méthode comptable.

Il affirme enfin que même si elle était irrégulière – ce qu’il conteste -, la méthode comptable n’a pas été dissimulée.

Il se prévaut du jugement.

Il reproche au tribunal d’avoir soulevé d’office que la prescription a été interrompue par l’assignation en référé expertise délivrée le 9 novembre 2011.

Il souligne que cette assignation ne lui a pas été délivrée et rappelle que, pour interrompre la prescription, la citation doit être délivrée à celui qu’on veut empêcher de prescrire.

Il soutient que les appelants n’ont pas d’intérêt à agir en raison de la transaction conclue le 22 novembre 2012.

Il fait valoir, citant l’article 2052 du code civil, que la transaction s’oppose à ce qu’une des parties l’ayant conclue introduise une action pour faire juger le même litige et déclare qu’il peut l’invoquer, comme tout contrat, en tant que fait juridique notamment pour démontrer le défaut d’intérêt à agir de son adversaire. Il cite des arrêts ayant permis à un tiers à la renonciation à se prévaloir d’un droit contenue dans la transaction dès lors que l’objet du litige le concernant entre dans le champ de la transaction.

Il estime que tel est le cas, le protocole précisant que les parties s’estiment, sous réserve de son exécution, remplies de leurs droits. Il affirme que cette expression ne peut être limitée à une catégorie de bénéficiaires.

A titre subsidiaire, il conteste toute faute.

Il rappelle que le commissaire aux comptes ne peut s’immiscer dans la gestion de la société et n’établit pas la comptabilité sociale. Il expose sa mission précisée par l’article L 823-10 du code de commerce et les conditions de son intervention fondées sur des normes professionnelles prévoyant le recours à des sondages. Il souligne qu’il n’a qu’une obligation de moyens et que la seule preuve d’une irrégularité non dénoncée ou d’une opinion erronée est insuffisante. Il ajoute qu’il peut s’appuyer sur des travaux réalisés par des tiers dont l’expert-comptable de la société.

Il affirme que les appelants n’étaient pas sur des documents ou normes leurs allégations selon lesquelles la méthode de comptabilisation des produits et des charges appliquée serait erronée.

En ce qui concerne les packs, il fait valoir que, compte tenu de son devoir de non immixtion, il ne lui appartient pas de choisir ou d’accepter ou de refuser une méthode comptable. Il rappelle qu’il n’est que le contrôleur légal de la régularité des comptes.

Il fait également valoir que la méthode critiquée était réalisable, avait reçu l’aval de l’expert-comptable de la société et était appliquée depuis de nombreuses années. Il affirme que, dans la mesure où l’essentiel des prestations était réalisé le premier mois, la société avait choisi de comptabiliser l’essentiel du chiffre d’affaires sur 12 mois et les charges sur le premier mois de l’abonnement et relève qu’elle avait défendu ce choix durant l’expertise. Il estime ce choix justifié d’autant plus que les abonnements n’étaient pas remboursables. Il en infère qu’il n’avait aucune obligation d’émettre une observation ou une réserve dans son rapport de certification des comptes 2010.

Il déclare que dès que les nouveaux actionnaires, dans l’entreprise avant la cession, ont décidé de changer de méthode comptable, en comptabilisant les produits prorata temporis, il l’a indiqué dans son rapport au titre de l’exercice clos le 31 mars 2011.

Il affirme surtout que les appelants ne démontrent pas que la méthode de comptabilisation retenue jusqu’en 2010 donnait une fausse image de la société et se prévaut d’un courrier de M. [F] au cessionnaire.

Il conclut qu’il devait certifier les comptes sans émettre de réserve ou d’observation dès lors que la méthode appliquée était conforme aux principes comptables répondait au principe de continuité des règles comptables, reflétait l’activité de la société et n’entraînait pas d’erreur de comptabilisation.

Il ajoute que les appelants ne démontrent pas que ce changement était injustifié et en conclut que la norme NEP 730 n’était pas applicable.

En ce qui concerne les Success Fees, il expose que si le contrat était suffisamment avancé à la clôture du bilan, la société comptabilisait le montant en chiffre d’affaires même si la sélection des agences n’était pas formellement terminée, les produits étant certains dans leur principe et leur montant. Il relève qu’une interruption n’est, selon M. [F], intervenue que dans 2,3 % des cas et se prévaut d’un courrier de sa part. Il estime qu’aucune faute ne peut lui être reprochée dès lors qu’il n’est pas démontré que ces success fees comptabilisées se sont soldées en perte et ce, d’autant plus, qu’il s’est appuyé sur les travaux de l’expert-comptable de l’entreprise.

En ce qui concerne l’absence d’information au moment du changement de méthode, il rappelle qu’il a indiqué ce changement dans son rapport au titre de l’exercice clos le 31 mars 2011. Il considère qu’il n’avait pas à faire état d’un changement de méthode dans son rapport concernant l’exercice clos le 31 mars 2010, retenu pour la valorisation de la société, en l’absence de changement de méthode depuis plusieurs années.

Il conteste tout préjudice indemnisable.

Il soutient que la réduction de prix n’est pas indemnisable.

Il affirme qu’il ne s’agit pas d’une indemnité transactionnelle mais d’une simple réduction de prix compte tenu de la révision conventionnelle à la baisse de la valeur de la société. Il estime que les appelants ont ainsi reconnu que la valeur des actions cédées ne correspondait pas au prix initialement fixé. Il conteste donc tout préjudice dès lors qu’ils ont simplement reçu le prix correspondant à la valeur de leurs actions. Il excipe d’arrêts.

Il soutient que le protocole ne lui est pas opposable et estime impossible la quantification du préjudice invoqué qui ne peut être égal au montant de la transaction mais qui doit résulter d’éléments objectifs et vérifiables. Il considère que les appelants ne produisent aucune pièce en ce sens ne démontrant notamment pas le calcul de l’indemnité qu’ils ont versée. Il ajoute qu’ils ne démontrent pas que celle-ci est strictement cantonnée à la réparation des prétendus préjudices nés de la nouvelle méthode de comptabilisation.

Il conteste tout lien de causalité entre la faute reprochée et le préjudice allégué.

Il rappelle la difficulté de caractériser ce lien en cas de faute d’un commissaire aux comptes qui ne joue aucun rôle dans l’établissement et la tenue de la comptabilité, qui ne peut s’immiscer dans la gestion de la société et qui intervient après les dirigeants en charge de l’établissement des bilans et comptes.

Il soutient, citant des arrêts, que sa responsabilité est donc subsidiaire et résiduelle.

Il fait valoir qu’en l’espèce, les appelants connaissaient la méthode comptable appliquée, M. [F] arrêtant même les comptes, et estime qu’il leur appartenait d’informer les cessionnaires de ses caractéristiques.

Il fait également valoir que la cause du préjudice réside dans la signature de la transaction, que les appelants ne démontrent pas le bien fondé de la mise en jeu de la garantie d’actif et de passif – deux cessionnaires étant au surplus actionnaires avant la cession de la société VT Scan à hauteur de 30 % – et que M. [F] a expliqué que l’entreprise avait été valorisée forfaitairement, l’aspect bilanciel ayant été secondaire.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 20 avril 2017.

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Sur la recevabilité

Considérant qu’aux termes de l’article L. 822-18 du code de commerce, les actions en responsabilité contre les commissaires aux comptes se prescrivent dans les conditions prévues à l’article L.225-254 dudit code qui prévoit que « l’action en responsabilité contre les administrateurs ou le directeur général, tant sociale qu’individuelle, se prescrit par trois ans à compter du fait dommageable ou, s’il a été dissimulé, de sa révélation »';

Considérant qu’il est constant que M. [N] n’a pas eu la volonté de cacher, par la certification, des faits dont il aurait eu connaissance'; qu’aucune dissimulation ne peut lui être reprochée';

Considérant que les comptes arrêtés au 31 mars 2010 ont servi de comptes de référence au titre de la garantie de passif mise en 'uvre'; qu’ils ont été certifiés par M. [N] le 22 juin 2010 soit plus de trois ans avant la délivrance, le 15 juillet 2013, de l’assignation';

Mais considérant que cette garantie n’a pas été mise en 'uvre en raison d’une irrégularité dans les comptes certifiés le 22 juin 2010 mais en raison d’un changement, postérieur, de méthode comptable ; que le «'fait dommageable'» n’est donc pas constitué par la certification des comptes arrêtés au 31 mars 2010';

Considérant que la prescription ne peut donc courir que du jour où les acquéreurs ont mis en jeu la garantie de passif en contestant l’anticipation de la comptabilisation de certaines prestations, le 8 mars 2011, voire du jour où le commissaire aux comptes a certifié les comptes de l’exercice postérieur en prenant en considération le changement de méthode comptable soit le 2 août 2011';

Considérant que l’action n’est donc pas prescrite';

Considérant qu’aux termes du protocole transactionnel conclu le 22 novembre 2012, les parties – dont les appelants – ont déclaré être «'remplies de leurs droits'»';

Mais considérant que cette reconnaissance ne concerne que les parties au protocole, dans leurs rapports entre elles';

Considérant qu’elle ne vaut pas renonciation à agir contre un tiers au protocole sur le fondement de sa responsabilité';

Considérant que les demandes des appelants sont donc recevables';

Sur la faute reprochée à M. [N]

Considérant qu’aux termes de l’article L 822-17 du code de commerce, les commissaires aux comptes sont responsables des «'conséquences dommageables des fautes et négligences par eux commises dans l’exercice de leurs fonctions'»';

Considérant que l’article L 823-9 du même code impose aux commissaires aux comptes de certifier que'«'les comptes annuels sont réguliers et sincères et donnent une image fidèle du résultat des opérations de l’exercice écoulé ainsi que de la situation financière'» de la société';

Considérant que les normes d’exercice professionnel mettent diverses diligences et obligations à leur charge';

Considérant qu’ainsi, la norme 730 applicable aux changements de méthode comptable énonce que lorsque le commissaire aux comptes estime que le changement comptable n’est pas justifié, que sa traduction comptable ou que l’information fournie dans l’annexe ne sont pas appropriées, il doit en tirer les conséquences sur l’opinion qu’il doit donner';

Considérant, de même, qu’il doit formuler «'systématiquement une observation en cas de changement de méthode comptable survenu au cours de l’exercice'»';

Considérant que M. [N] a certifié les comptes clos au 31 mars 2006 qui ont fait l’objet d’une nouvelle méthode comptable en ce qui concerne les «'packs attractives'» et les «'success fees'»'puis les comptes clos jusqu’au 31 mars 2010 établis selon la même méthode';

Considérant, en ce qui concerne les «'packs attractives'», mis en place en 2004-2005, que la méthode consistait à comptabiliser l’essentiel du chiffre d’affaires sur 12 mois et les charges sur le 1er mois de l’abonnement et, en ce qui concerne les «'success fees'», à anticiper dans la comptabilité la perception des produits';

Considérant qu’en application de l’article L 123-21 du code de commerce, seuls les bénéfices réalisés à la date de clôture d’un exercice peuvent être inscrits dans les comptes annuels';

Considérant que, compte tenu de ce principe d’indépendance des exercices comptables, les produits correspondant à une prestation de services sont, en principe, rattachés à l’exercice d’achèvement des prestations et ceux relatifs à des prestations échelonnées sur plusieurs exercices comptabilisés au fur et à mesure de l’avancement des prestations';

Considérant que n’ayant pas la charge d’établir les comptes et ne pouvant s’immiscer dans la gestion de la société, le commissaire aux comptes ne peut qu’émettre des réserves voire refuser de certifier les comptes sociaux';

Considérant que M. [N] n’a pas émis d’observation lorsqu’il a certifié les comptes de l’exercice clos le 31 mars 2006 établis sur la base précitée et ayant fait l’objet d’un changement de méthode comptable'; qu’il n’a, de même, formulé aucune observation lors des exercices ultérieurs ayant fait l’objet d’un même traitement';

Mais considérant, d’une part, que la méthode comptable litigieuse avait reçu l’accord de l’expert-comptable’et était connue des dirigeants sociaux dont M. [F] ;

Considérant, d’autre part, que les appelants eux-mêmes l’ont expliquée et justifiée auprès des acquéreurs courant décembre 2010 soit immédiatement après la cession par la nature des packs – au surplus non remboursables – et par la faiblesse des incidents en ce qui concerne les «'success fees'»';

Considérant qu’ainsi, cette méthode de comptabilisation a été mise en oeuvre par l’expert-comptable de la société et était parfaitement connue et maîtrisée par les dirigeants ;

Considérant, en outre, qu’il ne résulte d’aucun élément que cette méthode aurait donné une fausse image de la situation de la société et que les produits comptabilisés se seraient transformés en perte, à l’exception de quelques produits «'success fees'»';

Considérant que les appelants ne justifient donc pas que M. [N] a manqué à son obligation de certifier que «'les comptes annuels sont réguliers et sincères et donnent une image fidèle du résultat des opérations de l’exercice écoulé ainsi que de la situation financière'»';

Considérant que le grief tiré de la certification d’une méthode comptable irrégulière et de l’absence de réserve n’est donc pas fondé';

Considérant, en ce qui concerne l’absence d’observation lors du changement, en 2006, de méthode que les appelants connaissaient ce changement'; que l’absence de mention de celui-ci est dès lors sans incidence';

Considérant, en outre, qu’il n’existe aucun lien de causalité entre cette absence d’observation et le dommage invoqué';

Considérant que ce grief n’est pas fondé';

Considérant que les demandes formées contre M. [N] seront dès lors rejetées et le jugement confirmé en toutes ses dispositions';

Sur les autres demandes

Considérant que les appelants devront payer la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile'; que leur demande aux mêmes fins sera, compte tenu du sens du présent arrêt, rejetée';

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions

Y ajoutant,

Condamne in solidum M. [K] [F], Mme [Q] [F] et la société Artimon Développement à payer à M. [M] [N] une indemnité de 2.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Rejette les demandes plus amples ou contraires,

Condamne in solidum M. [K] [F], Mme [Q] [F] et la société Artimon Développement aux dépens.

— prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

— signé par Monsieur Alain PALAU, président, et par Madame Sabine MARÉVILLE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,

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Cour d'appel de Versailles, 1re chambre 1re section, 9 juin 2017, n° 15/04107