Cour d'appel de Versailles, 17e chambre, 2 décembre 2020, n° 18/00948

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 17e ch., 2 déc. 2020, n° 18/00948
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 18/00948
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt, 19 décembre 2017, N° F14/01428
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

17e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 02 DECEMBRE 2020

N° RG 18/00948

N° Portalis DBV3-V-B7C-SFEU

AFFAIRE :

SAS EDENRED FRANCE

C/

Y X

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 20 décembre 2017 par le Conseil de Prud’hommes de BOULOGNE BILLANCOURT

Section : C

N° RG : F14/01428

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Martine DUPUIS

Me Claire RICARD

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DEUX DECEMBRE DEUX MILLE VINGT,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

SAS EDENRED FRANCE

N° SIRET : 393 365 135

[…]

[…]

Représentant : Me Thierry MEILLAT du PARTNERSHIPS HOGAN LOVELLS (PARIS) LLP, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J033 et Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Constitué , avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625

APPELANTE

****************

Madame Y X

née le […]

[…]

[…]

Représentant : Me Virginie FRAISSE de la SELASU SELARL VIRGINIE FRAISSE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire: G0314 et Me Claire RICARD, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 622

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 8 octobre 2020 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Evelyne SIRE-MARIN, Présidente chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Clotilde MAUGENDRE, Présidente,

Madame Evelyne SIRE-MARIN, Présidente,

Monsieur Laurent BABY, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK,

Par jugement du 20 décembre 2017, le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt (section commerce) a :

— dit que le licenciement de Mme X ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse,

— condamné la société Edenred France à payer à Mme X les sommes suivantes:

. 18 000 euros au titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. 890 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— dit que les sommes précédentes porteront intérêts au taux légal à compter de la date du prononcé du jugement,

— débouté Mme X du surplus de ses demandes,

— ordonné le remboursement par la société Edenred France des indemnités versées par Pôle emploi à Mme X dans la limite de celles versées entre septembre 2014 et janvier 2015,

— débouté la société Edenred France de sa demande reconventionnelle sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné la société Edenred France aux dépens.

Par déclaration adressée au greffe le 8 février 2018, la société Edenred France a interjeté appel de ce jugement.

Une ordonnance de clôture a été prononcée le 23 juin 2020.

Par dernières conclusions déposées au greffe le 7 mai 2018, la société Edenred France demande à la cour de :

— la recevoir en son appel,

— infirmer le jugement rendu le 20 décembre 2017 par le conseil de prud’hommes de Boulogne Billancourt en toutes ses dispositions,

en conséquence,

— constater que le licenciement de Mme X repose sur une cause réelle et sérieuse,

en conséquence,

— débouter Mme X de l’intégralité de ses demandes,

en tout état de cause,

— condamner Mme X à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner Mme X aux entiers dépens.

Par dernières conclusions déposées au greffe le 2 août 2018, Mme X demande à la cour de :

— déclarer la société Edenred France mal fondée en son appel,

— confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

statuant de nouveau :

— condamner la société Edenred France à verser à Mme X, la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

LA COUR,

La société Edenred France est spécialisée dans la réalisation de supports papiers et dématérialisés transcrivant différents avantages sociaux, par exemple les tickets CESU et les tickets restaurant.

La société Edenred France en assure la commercialisation à travers toute la France.

Mme X a été engagée par la société Accord services devenue Edenred France, en qualité d’aide comptable, par contrat de travail à durée indéterminé, à compter du 19 novembre 2008.

Le 1er avril 2009, Mme X a été promue superviseur suivi client, avec le statut d’agent de maîtrise, responsable de recouvrement pour différents produits (ASF et AK : Ticket Kadéos).

La société Edenred France ne relève d’aucune convention collective de branche, seul un accord d’entreprise en date du 1er janvier 2010 y est applicable.

Les deux parties conviennent que Mme X percevait une rémunération brute mensuelle de 2'579,58 euros.

Par lettre du 2 juin 2014, Mme X a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé le 13 juin 2014.

Mme X a été licenciée pour insuffisance professionnelle par lettre du 1er juillet 2014 dans les termes suivants:

« …Nous nous voyons contraints de vous notifier par la présente votre licenciement pour les raisons ci-après exposées.

Vous occupez actuellement le poste de Superviseur Suivi Client. A ce titre, vous êtes notamment en charge de l’accompagnement et de l’encadrement de commerciaux dans la mise en place des dossiers clients, de la gestion du recouvrement des clients sur les secteurs DE et VAD tous produits, de l’analyse de solvabilité des clients et du suivi des dossiers de pré contentieux au cabinet de recouvrement.

Compte tenu de vos fonctions, il est attendu de vous un investissement vous permettant de coordonner l’activité d’une équipe et de recueillir les remarques de la clientèle afin de les transmettre au service compétent.

Or, comme nous vous l’avons exposé au cours de l’entretien préalable, nous déplorons depuis plusieurs mois d’importantes carences de votre part dans l’exercice de vos fonctions.

En effet, l’entretien annuel d’évaluation 2013, qui a eu lieu le 4 mars 2014, a fait ressortir une non-atteinte des objectifs quantitatifs et qualitatifs. Il en résulte que sur l’année 2013 vous n’avez atteint que 45% de vos objectifs.

Nous avons ainsi constaté une maîtrise manifestement insuffisante de l’ensemble des compétences managériales requises pour exercer les fonctions de Superviseur Suivi Client, à savoir notamment les compétences relatives à l’orientation clients et marché, à l’organisation, à la planification et prise de décision, à la gestion du changement, au travail d’équipe, à la communication, à l’orientation des résultats, au leadership etc.

De manière générale, nous vous reprochons donc un manque d’activité et d’efficacité managériale qui a persisté ce premier semestre 2014 ainsi que vos résultats sur cette période sont en régression.

Ainsi, vous ne parvenez toujours pas à saisir les enjeux du management, et par là-même à animer, conduire, motiver et mobiliser votre équipe alors même qu’il s’agit de l’une de vos missions essentielles comme l’intitulé de votre fonction l’indique « Superviseur ». Ainsi, nous avons constaté un manque de communication se traduisant notamment par des remontées incomplètes et imprécises des informations auprès de votre supérieur hiérarchique, ce qui ne permet pas d’identifier de façon optimale les éventuels dysfonctionnements dans les dossiers clients et conduit à des incompréhensions et à des retards dans le traitement des dossiers.

Nous déplorons enfin votre comportement hostile aux nouveaux changements et par là- même un manque total de motivation et d’investissement, qualités pourtant essentielles pour encadrer une équipe. Pour exemple, nous avons constaté votre manque d’implication significatif dans la mise en place du nouvel outil de recouvrement, ainsi que dans le projet Wynbe qui pourtant, comme vous le savez, était essentiel compte tenu qu’il s’agissait du projet le plus structurant de votre service.

Pour l’ensemble de ces raisons, la Société est contrainte de vous notifier, par le présent courrier, votre licenciement pour insuffisance professionnelle.

La première présentation de cette lettre constituera le point de départ de votre préavis de 2 mois que nous vous dispensons d’effectuer. Pendant cette période, vous recevrez votre rémunération aux dates usuelles de paie. »

Le 8 août 2014, Mme X a saisi le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt aux fins de contester son licenciement ainsi que le paiement de diverses sommes de nature indemnitaire.

Les parties s’accordent pour admettre que Mme X a été licenciée pour insuffisance professionnelle.

Le licenciement prononcé pour insuffisance professionnelle résulte d’un comportement involontaire du salarié.

L’insuffisance professionnelle constitue un motif de licenciement dès lors qu’elle repose sur des éléments objectifs matériellement vérifiables au regard des responsabilités du salarié.

L’incompétence alléguée doit reposer sur des éléments concrets et ne peut être fondée sur une appréciation purement subjective de l’employeur.

L’insuffisance professionnelle, qui ne suppose aucun comportement fautif du salarié, doit être constatée sur une période suffisamment longue pour ne pas apparaître comme passagère ou purement conjoncturelle, être directement imputable au salarié et non la conséquence d’une conjoncture économique difficile, ne doit pas être liée au propre comportement de l’employeur ou à son manquement à l’obligation d’adapter ses salariés à l’évolution des emplois dans l’entreprise.

Si la charge de la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement ne pèse spécialement sur aucune des parties, le juge formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toute mesure d’instruction qu’il juge utile en application de l’article 1235-1 du code du travail, il appartient néanmoins à l’employeur de fournir au juge des éléments lui permettant de constater la réalité et le sérieux du motif invoqué qui peuvent être établis notamment par les évaluations professionnelles du salarié ou des courriels ou des attestations produites par les parties.

La charge de la preuve est donc partagée, mais le doute doit profiter au salarié et il appartient au juge de restituer aux faits leur juste qualification.

Il est en l’espèce reproché à Mme X des insuffisances professionnelles de résultats, articulées autour de trois griefs :

1 / « une non-atteinte des objectifs quantitatifs et qualitatifs »,

2 / « un manque d’activité et d’efficacité managériale »,

3 / « un comportement hostile aux changements »

1 / « une non-atteinte des objectifs quantitatifs et qualitatifs »,

Selon la lettre de licenciement du 1er juillet 2014, "Vous occupez actuellement le poste de Superviseur Suivi Client. A ce titre, vous êtes notamment en charge de l’accompagnement et de l’encadrement de commerciaux dans la mise en place des dossiers clients, de la gestion du recouvrement des clients sur les secteurs DE et VAD tous produits, de l’analyse de solvabilité des clients et du suivi des dossiers de pré contentieux au cabinet de recouvrement.

Compte tenu de vos fonctions, il est attendu de vous un investissement vous permettant de coordonner l’activité d’une équipe et de recueillir les remarques de la clientèle afin de les transmettre au service compétent.

Or, comme nous vous l’avons exposé au cours de l’entretien préalable, nous déplorons depuis plusieurs mois d’importantes carences de votre part dans l’exercice de vos fonctions.

En effet, l’entretien annuel d’évaluation 2013, qui a eu lieu le 4 mars 2014, a fait ressortir une non-atteinte des objectifs quantitatifs et qualitatifs. Il en résulte que sur l’année 2013 vous n’avez atteint que 45% de vos objectifs.

Nous avons ainsi constaté une maîtrise manifestement insuffisante de l’ensemble des compétences managériales requises pour exercer les fonctions de Superviseur Suivi Client, à savoir notamment les compétences relatives à l’orientation clients et marché, à l’organisation, à la planification et prise de décision, à la gestion du changement, au travail d’équipe, à la communication, à l’orientation des résultats, au leadership etc."

Mme X expose qu’elle a contesté ses évaluations et considère que les objectifs n’étaient pas vérifiables (ses pièces 21, 22 et 25). Elle affirme que le profil de poste ne lui a pas été communiqué avant le 7 mars 2014, soit postérieurement à l’entretien annuel d’évaluation de ses missions et prestations.

La société Edenred France réplique que les objectifs qui avaient été fixés d’un commun accord à Mme X n’ont pas été atteints pour les années 2012 et 2013 en raison d’un manque avéré d’activité et d’un manque de compétence.

L’insuffisance de résultats ne constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement que si elle procède soit d’une insuffisance professionnelle, soit d’une faute imputable au salarié.

Pour justifier un licenciement, en cas d’insuffisance de résultats, il faut que les objectifs fixés par l’employeur aient été réalisables et que la non-atteinte des objectifs soit imputable au salarié.

Les objectifs doivent en outre être établis par des éléments quantifiables (notamment par comparaison avec les résultats obtenus par d’autres salariés placés dans une situation identique ou semblable), réalistes, que leur non réalisation ne soit pas imputable à la conjoncture économique et le salarié doit être doté des moyens nécessaires à leur réalisation (fourniture des moyens de réaliser les objectifs ou de la formation nécessaire pour l’adaptation du salarié à son emploi).

La faculté de fixer des objectifs résulte du pouvoir de direction de l’employeur, mais si le non respect d’objectifs peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement, encore faut-il que de tels

objectifs aient été assignés au salarié pour qu’il puisse légitimement lui être reproché de ne pas les avoir réalisés.

Les objectifs doivent être en principe fixés au salarié en début d’exercice, même si l’employeur peut les modifier unilatéralement à conditions que les objectifs nouvellement assignés soient réalistes et aient été portés préalablement et en temps utile à la connaissance du salarié.

En l’espèce, Mme X a été recrutée par la société Accord services devenue Edenred France comme aide comptable chargée du recouvrement, statut employé, (sa pièce 2) et a été promue 5 mois après (sa pièce 3) « superviseur suivi client », avec le statut d’agent de maîtrise, responsable du recouvrement pour différents produits (ASF et AK :Ticket Kadéos).

Elle avait presque 6 ans d’ancienneté lors du licenciement.

Selon la fiche de poste produite par l’employeur intitulée « superviseur suivi client »(sa pièce 3), les principales missions de Mme X étaient les suivantes :

« Mission 1 : Contribuer à l’atteinte des objectifs quantitatifs et qualitatifs

Mission 2 : Assurer le management de l’équipe

Mission 3 : Piloter l’activité et optimiser les moyens

Mission 4 : S’assurer du respect des politiques et des procédures du groupe

Mission 5 : Participer au développement et à l’amélioration du Service

Mission 6 : Assurer le recouvrement de son portefeuille client."

La grille des entretiens d’évaluation des années 2012 et 2013 (pièces 20 et 22 de la salariée) contenait un descriptif de ces principales missions dont les chapitres détaillés étaient les suivants:

— évaluation des objectifs quantitatifs et qualitatifs,

— compétences compétences managériales, évaluation clients, réflexion stratégiques, gestion du changement, travail d’équipe… leadership,

— compétences techniques liées au poste.

Ils correspondent aux trois griefs reprochés lors du licenciement.

En outre, était jointe à l’évaluation de l’année 2013 réalisée le 4 mars 2014 une grille détaillée des compétences managériales et des compétences comportementales du « superviseur suivi client » qui reprenait les 5 missions du poste énumérées supra ( pièce 6 de l’employeur).

S’il est vrai que l’ensemble de ces missions n’était pas précisé dans les entretiens portant sur les années 2008, 2009 et 2010 (pièces 16 à 19 de la salariée), les grilles d’évaluation des années 2012 et 2013, qui détaillaient les objectifs et les compétences managériales et techniques, ont été portées chaque année à la connaissance de Mme X puisqu’elle a signé l’entretien d’évaluation de l’année 2011 (sa pièce 19) et a rempli les cases réservées au salarié de l’entretien portant sur l’année 2013 (sa pièce 20).

L’employeur lui a d’ailleurs notifié (pièces 6 et 9 de la salariée) le 23 janvier 2012 un guide de la grille de classification des fonctions.

Même si Mme X a demandé dans son évaluation de l’année 2012 à disposer de son profil de poste, elle connaissait donc en détail les qualités attendues de sa fonction de superviseur, puisqu’elle était évaluée selon ces critères.

En l’espèce, s’agissant du grief reproché, sa 1re mission était ""Mission 1 : Contribuer à l’atteinte des objectifs quantitatifs et qualitatifs" selon le 1er chapitre des évaluations annuelles.

Il lui est reproché dans la lettre de licenciement du 1er juillet 2014 de n’avoir atteint ces objectifs qu’à 45% en 2013.

Elle n’obtenait qu’une note globale « C » "répond partiellement aux attentes de sa fonction"(la plus mauvaise note étant D) tant pour les années 2012 et 2013.

La cour observe que, pour l’année 2012, tant les objectifs quantitatifs que qualitatifs étaient atteints par la salariée (évaluation du 21 février 2013, pièce 5 de l’employeur).

En revanche, pour l’année 2013, en ce qui concerne l’ objectif quantitatif, il résulte de l’entretien d’évaluation daté du 4 mars 2014 portant sur l’année 2013 (pièce 6 de l’employeur) qu’a été constatée une '« baisse de l’ encours entre 0-30 jours » (pièce 6 de l’employeur), et que son objectif quantitatif était atteint à 5 % sur un objectif de 15 % précédemment fixé dans son évaluation 2012 (pièce 5 de l’employeur).

Mme X n’a pas contesté cette appréciation chiffrée et vérifiable de ses objectifs quantitatifs (ses pièces 21, 22 et 25).

Pour l’objectif qualitatif, il comportait 3 items pour l’année 2013 :

— appropriation du nouvel outil de règlement : taux de 5 % atteint sur 15 % fixé lors de l’évaluation précédente (pièce 5 de l’employeur). Mme X a contesté cette appréciation (sa pièce 25) qui concerne en réalité le 3 ème grief de licenciement, analysé ci dessous.

— refonte des délais de règlement selon les directives du groupe : taux de 15 % atteint sur 25 % fixé,

— politique de validation des créances en amont : taux de 10 % atteint sur 25 % fixé.

Mme X considère que, si ces objectifs n’ont pas été atteints, la réorganisation de l’entreprise et les changements de son périmètre de compétence en 2012, que l’employeur ne conteste pas, en sont la cause.

Ce grief est établi en ce qui concerne la non-atteinte des objectifs. Leur caractère réalisable sera abordée plus tard.

2 / « Un manque d’activité et d’efficacité managériale »,

« Nous vous reprochons donc un manque d’activité et d’efficacité managériale qui a persisté ce premier semestre 2014…… vous ne parvenez toujours pas à saisir les enjeux du management, et par là-même à animer, conduire, motiver et mobiliser votre équipe alors même qu’il s’agit de l’une de vos missions essentielles comme l’intitulé de votre fonction l’indique »Superviseur« . Ainsi, nous avons constaté un manque de communication se traduisant notamment par des remontées incomplètes et imprécises des informations auprès de votre supérieur hiérarchique… »

Mme X a contesté ce grief à la suite de son évaluation de l’année 2013 en écrivant à l’employeur "critère subjectif, comment cela a-t-il été évalué« (sa pièce 21) et »le superviseur n’est pas un manager… il s’assure que les informations de son supérieur soient bien transmises et comprises par les personnes qui lui sont rattachées" ( sa pièce 25, courriel du 27 mars 2014).

En l’espèce, Mme X avait bien une mission de management, qui était la suivante, selon sa fiche de poste (pièce 3 de l’employeur) :

« Mission 2 : Assurer le management de l’équipe

'Participer au recrutement de candidats et assurer leur intégration et formation initiale

'Garantir le respect par les collaborateurs des missions et des tâches telles que définies dans les profils de postes

'Évaluer régulièrement les performances et les compétences des collaborateurs au niveau individuel

'Effectuer les entretiens d’évaluations annuels

' Planifier et assurer éventuellement les formations ciblées.

'Communiquer et/ou relayer aux équipes les informations utiles (réunions, communiqués,résultats…)'

Les évaluations portant sur les années 2012 et 2013 (pièces 20 et 22 de la salariée) reprenaient les descriptions précitées du poste dans le chapitre « compétences managériales »représentant 20% de la notation globale. En 2013, l’objectif atteint par Mme X était la moitié de l’objectif fixé.

Cependant, la cour observe qu’en 2012, Mme X avait seulement 3 collaborateurs et 2 en 2013, ce qui limite considérablement son périmètre de management.

Sur 10 sous objectifs de management énoncés dans les évaluations, 3 seulement concernent le grief reproché à savoir "vous ne parvenez toujours pas… à animer, conduire, motiver et mobiliser votre équipe"…

— le travail d’équipe était jugé « partiellement maîtrisé en 2012 » alors que la salariée écrivait dans la partie qui lui était réservée qu’elle avait au contraire formé et soutenu ses collaborateurs, et « non maîtrisé » en 2013, ce que reconnaissait la salariée sur son évaluation.

— la communication, était jugé « partiellement maîtrisé en 2012 », alors que la salariée écrivait dans la partie qui lui était réservée qu’au contraire elle communiquait et soutenait son équipe'; en 2013 il était noté "Y communique avec l’ensemble de l’organisation mais doit s’améliorer dans la remontée des informations à la hiérarchie".

— le leadership : l’évaluation de l’année 2012 jugeait cette compétence « maîtrisée »; en 2013, l’évaluation précisait « partie management n’a pas été faite, manque d’implication dans le projet Wynbe », ce qui concerne le 3 ème grief et non pas les compétences managériales.

Il ressort donc de l’ensemble des ces éléments que, parmi les 10 sous objectifs évalués en matière de compétences managériales, seul le travail d’équipe et la remontée des informations à la hiérarchie, étaient « non maîtrisés » en 2013, l’année précédant le licenciement, alors que l’ensemble du chapitre « compétences managériales » ne représentait que 20% des compétences globales attendues de la salariée, ce qui n’est pas étonnant en raison de très faibles nombre de collaborateurs de Mme X (2 en 2013).

Les difficultés managériales de Mme X, ne sont donc pas établies dans leur ensemble, mais seulement pour 2 critères sur 10, l’ensemble ne représentant que 20% des compétences attendues.

3 / « votre comportement hostile aux nouveaux changements et par là- même un manque total de motivation et d’investissement, qualités pourtant essentielles pour encadrer une équipe. Pour exemple, nous avons constaté votre manque d’implication significatif dans la mise en place du nouvel outil de recouvrement, ainsi que dans le projet Wynbe qui pourtant, comme vous le savez, était essentiel compte tenu qu’il s’agissait du projet le plus structurant de votre service. »

L’employeur précisait dans ses écritures que Mme X avait fait preuve d’un manque d’implication significatif dans le recours au nouveau logiciel de recouvrement, le logiciel Wynbe, mis en place au mois de juin 2013 afin de permettre un traitement optimal de la gestion des encours.

La société précisait que dans l’évaluation de l’année 2013, l’ évaluateur relevait qu’elle ne s’était pas impliquée dans la mise en 'uvre du nouvel outil de recouvrement. Il lui était alors rappelé "l’utilisateur de Wynbe sera un vecteur important de réussite" (pièce 6 ; pièce adverse 22).

Mme X réplique qu’en 2012, la société et le service de recouvrement auquel elle était rattachée ont fait l’objet d’une profonde réorganisation soulignée lors de l’entretien annuel d’évaluation réalisé le 21 février 2013 (sa pièce 20). Les méthodes de travail et l’organisation du travail avaient été profondément remaniées et elle avait été confrontée à l’installation du nouvel outil de relance Wynbe pour lequel elle avait été très peu formée.

La salariée, qui se voyait alors objecter pour la première fois une maîtrise partielle de la gestion du changement, rappelait dans cette évaluation concernant l’année 2012 qu’elle avait effectivement mis du temps à trouver sa place (sa pièce 20).

Par ailleurs, l’évaluation 2013 (pièce 22 de la salariée) mentionne en effet en commentaire général que Mme X "n’a pas répondu aux objectifs fixés sur 2013 et s’est très peu impliquée dans la mise en place du nouvel outil de recouvrement".

Cependant, la salariée verse aux débats 14 courriels, sur la période concernée par le licenciement, du 28 janvier 2013 au 12 novembre 2013, dans lesquels Mme X B des « bugs » du logiciel de relance Wynbe, adressés à son supérieur, M. Z (ses pièces 29 à 41 et 43), alors que la société Edenred France ne justifie pas d’une formation spécifique de sa salariée sur le logiciel Wynbe, dont elle souligne pourtant le caractère essentiel dans l’activité de Mme X.

En raison des problèmes rencontrés par le logiciel Wynbe, démontrés par la salarié et de l’absence de formation dispensée à Mme X sur ce nouveau système, ce grief n’est pas établi.

En conclusion, sur trois griefs d’insuffisance professionnelle, seule est établie la non-atteinte en 2013 de ses objectifs, soit 45% en 2013, tandis qu’ils étaient réalisés à 100 % en 2012.

Cependant, conformément à l’article L.6321-1 du code du Travail :

« L’employeur assure la formation des salariés à leur poste de travail.

Il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations. »

S’il est établi que Mme X a bénéficié de formations en 2009 et 2011 sur « les besoins systèmes » (Maeva ; Performax; Generix ; Pivotal) et sur les produits commercialisés par l’entreprise et le « crédit management » (pièces 16 et 17 de la salariée), aucune formation ne lui a été dispensée de 2012 à 2015 sur les points faibles soulignés par ses évaluations professionnelles, le travail d’équipe et la communication.

Ainsi, dans un courriel du 27 mars 2014, Mme X faisait observer "qu’aucune formation réelle n’a permise mon adaptation rapide et productive…".

Par ailleurs, l’employeur ne conteste pas que le service de Mme X a été réorganisé en 2012, qu’elle a changé de responsable hiérarchique, que son secteur de recouvrement a été modifié comme le rappelait la salariée dans son courriel du 27 mars 2014 contestant sa notation 2013 ( sa pièce 25) de la salariée, et que le nouvel outil de recouvrement Wynbe a connu des défaillances, comme l’attestent ses courriels à son supérieur.

L’employeur ne justifiant pas avoir mis en place un suivi spécifique de la salariée, ni des mesures de soutien ou de formation permettant son adaptation à son nouvel environnement professionnel, il en résulte que le licenciement de Mme X est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Mme X, qui jouissait d’une ancienneté de 6 ans, est donc en droit de prétendre, en application de l’article L. 1235-3 du code du travail, dans sa version applicable au présent litige, au bénéfice d’une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui, compte tenu de l’âge de la salariée lors de son licenciement (49 ans) et de ce qu’elle n’a retrouvé un emploi en contrat à durée déterminée qu’au mois de janvier 2015 (ses pièces 49 à 51), la cour dispose des éléments nécessaires pour évaluer la réparation qui lui est due à la somme de 18 000 euros.

Confirmant le jugement, la cour condamne la société Edenred France à verser à Mme X la somme de 18 000 euros au titre de l''indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

L’article L. 1235-4 dispose que dans les cas prévus aux articles L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage par salarié intéressé.

Ce remboursement est ordonné d’office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l’instance ou n’ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.

Le licenciement ayant été jugé comme étant dépourvu de cause réelle et sérieuse, confirmant le jugement, il conviendra d’ordonner, d’office, le remboursement par la société Edenred France aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées à Mme X, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de celles versées entre septembre 2014 et janvier 2015.

Le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions.

Ajoutant au jugement, la cour condamne la société Edenred France à verser à Mme X la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel et aux dépens de la procédure d’appel et à ceux de la procédure de première instance.

La demande présentée sur le même fondement par la société Edenred France, qui succombe, sera rejetée.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement et contradictoirement, en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,

CONDAMNE la société Edenred France à verser à Mme X la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en première instance et en cause d’appel,

CONDAMNE la société Edenred France aux entiers dépens de la procédure d’appel et à ceux de la procédure de première instance.

- prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Clotilde MAUGENDRE, Présidente et par Mme Dorothée MARCINEK, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente

[…]

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code du travail
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Cour d'appel de Versailles, 17e chambre, 2 décembre 2020, n° 18/00948