Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 17 décembre 2020, n° 18/00749

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 6e ch., 17 déc. 2020, n° 18/00749
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 18/00749
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Nanterre, 20 novembre 2017, N° 14/02860
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

6e chambre

ARRET N°472

CONTRADICTOIRE

DU 17 DÉCEMBRE 2020

N° RG 18/00749

N° Portalis DBV3-V-B7C-SEJT

AFFAIRE :

B X

C/

SASU AIXIAL

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 21 novembre 2017 par le Conseil de Prud’hommes

Formation paritaire de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section : E

N° RG : 14/02860

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Céline DARREAU

Me Dan ZERHAT

Le : 18 décembre 2020

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX SEPT DÉCEMBRE DEUX MILLE VINGT,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur B X

né le […] à […]

de nationalité française

[…]

[…]

Représenté par : Me Céline DARREAU, plaidante/constituée, avocate au barreau de PARIS, vestiaire : R188

APPELANT

****************

SASU AIXIAL

N° SIRET : 752 108 134

[…]

[…]

Représentée par : Me Pierre CHICHA, paidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0980 ; et Me Dan ZERHAT de l’AARPI OHANA ZERHAT Cabinet d’Avocats,constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 731

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 06 novembre 2020 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle VENDRYES, Président,

Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,

Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Elodie BOUCHET-BERT,

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTION DES PARTIES

La société Aixial Pharma propose aux départements recherche et développement des grands laboratoires pharmaceutiques, son expertise dans le domaine réglementaire et managérial. Elle a été radiée le 4 janvier 2016, la société Aixialis venant à ses droits. La société Aixialis a elle-même été radiée le 1er février 2016 et c’est la société Aixial qui vient aux droits de cette société.

M. B X, né le […], a signé le 11 juillet 2014 dans les locaux de la société Aixial un contrat de travail à durée indéterminée daté du 8 juillet 2014, pour être engagé, à compter du 1er septembre 2014, en qualité de data manager, statut cadre, position 2.1, coefficient 115 de la convention collective Syntec, moyennant un salaire annuel brut de 47 500 euros.

Il a signé à la même date, avec la société Aixial, un ordre de mission pour une prestation du 1er septembre au 31 décembre 2014 chez le client F G.

Par courrier du 17 juillet 2014 et par courriel du 18 juillet 2014, M. X a mis fin au contrat signé le 11 juillet 2014.

Le 2 septembre 2014, il a signé un ordre de mission avec la société Ividata pour être détaché en qualité de consultant data manager auprès de la société F G du 22 septembre 2014 au 31 décembre 2014.

Par requête du 29 septembre 2014, la société Aixial Pharma a saisi le conseil de prud’hommes de Nanterre aux fins de voir condamner M. X à lui verser des dommages-intérêts pour rupture fautive et préjudiciable du contrat de travail ainsi que des dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de loyauté.

Par jugement du 21 novembre 2017, le conseil de prud’hommes a :

— condamné M. X à verser les sommes suivantes à la société Aixial Pharma :

* 6 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive de son contrat de travail,

* 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— débouté la société Aixial Pharma du surplus de ses demandes,

— débouté M. X de sa demande reconventionnelle.

M. X a interjeté appel de la décision par déclaration du 25 janvier 2018.

Par conclusions adressées par voie électronique le 5 juin 2020, il demande à la cour de :

— confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la société Aixial de ses demandes fondées sur un prétendu manquement à son obligation de loyauté,

— l’infirmer pour le surplus, c’est-à-dire :

* en ce qu’il a condamné M. X à verser à la société Aixial les sommes suivantes : 6 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive de son contrat de travail et 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

* en ce qu’il a débouté M. X de sa demande reconventionnelle pour procédure abusive,

statuant à nouveau,

— débouter la société Aixial de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

— la condamner à verser à M. X la somme de 3 000 euros pour procédure abusive,

— la condamner à verser à M. X la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner la société Aixial aux dépens.

Par conclusions d’intimée à titre principal et d’appelante à titre incident, adressées pas voie électronique le 19 juillet 2018, la société Aixial, venant aux droits de la société Aixial Pharma,

demande à la cour de :

Sur la demande de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail :

— débouter M. X de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

— confirmer la décision déférée en ce qu’elle a jugé que M. X avait commis un manquement contractuel et abusivement rompu le contrat de travail qui le liait à la société Aixial,

A titre principal,

— réformer le jugement, sur le quantum des sommes allouées pour cette rupture abusive,

— en conséquence, condamner M. X à verser à la société Aixial la somme de 50 160 euros à titre de dommages et intérêts sur ce fondement,

A titre subsidiaire,

— confirmer la décision déférée sur le quantum de 6 000 euros alloué,

Sur la demande de dommages et intérêts pour inexécution de bonne foi du contrat de travail :

— débouter M. X de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

— infirmer la décision déférée, en ce qu’elle a rejeté la demande de dommages et intérêts de la société Aixial, au titre de la violation de l’obligation d’exécution de bonne foi du contrat de travail,

— en conséquence, condamner M. X à verser à la société Aixial la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts sur ce fondement,

Sur la demande de procédure abusive :

— débouter M. X de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

— confirmer la décision déférée en ce qu’elle a rejeté la demande de dommages et intérêts formulée par M. X au titre de la procédure abusive,

Sur les demandes complémentaires :

— débouter M. X de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

— confirmer la décision déférée en ce qu’elle a condamné M. X à verser à la société Aixial la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

statuant à nouveau,

— débouter M. X de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

— le condamner à verser à la société Aixial la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— le condamner aux entiers dépens.

Par ordonnance rendue le 7 octobre 2020, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction et a fixé la date des plaidoiries au 6 novembre 2020.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

MOTIFS

Sur le manquement à l’obligation de loyauté

La société Aixial soutient que la mission de M. X chez F pour le compte d’une autre société prestataire n’est pas un hasard, qu’il a employé le temps entre la signature et la rupture de son contrat de travail pour détourner à son avantage le contact qu’il a obtenu grâce à elle avec M. D Y de la société F ainsi que toutes les informations qu’il avait pu obtenir lors du processus de recrutement par Aixial et lors de son entretien de présentation de la mission chez le client, qu’il a utilisé ces informations pour 'se vendre’ et monnayer auprès du groupe Ividata des conditions financières d’embauche plus intéressantes mais aussi pour permettre à Ividata de récupérer le contrat F sur lequel Aixial avait beaucoup investi, que sa déloyauté a ainsi été 'doublement payante'.

Elle estime que ce comportement est contraire à l’obligation de loyauté s’imposant à tout salarié ainsi qu’à l’obligation de confidentialité résultant du contrat de travail, faisant observer que le courriel de la société Ividata proposant à la société F G la candidature de M. X n’est pas pertinent car cet acte de candidature n’a donné lieu à aucun entretien ni présentation de mission. Elle sollicite en réparation de son préjudice le versement de dommages-intérêts à hauteur de 10 000 euros.

M. X ne conteste pas que, en droit, il était tenu d’exécuter son contrat de travail de bonne foi mais considère que l’intimée ne rapporte aucune preuve d’un manquement de sa part à cette obligation et qu’elle procède par affirmations et suppositions.

Il fait valoir qu’il était en contact depuis fin 2013 avec la société Ividata Stats, laquelle a proposé son profil à la société F G dès le 22 mai 2014 ; qu’ainsi il n’a pas eu besoin de transmettre à la société Ividata les informations dont elle disposait déjà concernant la recherche de la société F G ; que ce n’est pas non plus en utilisant la présentation et le contact obtenu auprès de la société F (M. Y) qu’il a 'obtenu son entrée dans la société Ividata Group' ; qu’il n’a détourné aucune information confidentielle dont il aurait pu avoir connaissance à l’occasion de ses relations avec la société Aixial ; qu’en tout état de cause le contrat de travail signé le 11 juillet 2014 ne contenait pas de clause de non-concurrence et qu’il était donc en droit, après sa résiliation, de répondre à la sollicitation de la société Ividata ; qu’enfin la société Aixial ne justifie pas du préjudice qu’elle allègue.

Sur ce, il résulte des explications et des pièces fournies par les parties que par courriel du 3 juin 2014, il a été proposé à M. X un rendez-vous le 6 juin 2014 dans les locaux de de la société Aixial ; qu’au cours de cet entretien avec M. E A, account manager de la société, une opportunité de mission chez F a été évoquée, pour laquelle M. X s’est montré intéressé ainsi qu’il l’a écrit dans des courriels adressés les jours suivants ; que la société Aixial a organisé une rencontre chez le client F G avec M. D Y, responsable data management, le 20 juin 2014 ; qu’à la suite de cet entretien, M. X a confirmé son intérêt pour le poste et qu’après négociation des conditions d’emploi, un contrat de travail à durée indéterminée daté du 8 juillet 2014 a été signé le 11 juillet 2014 avec la société Aixial en même temps qu’une lettre de mission.

Selon le contrat de travail, M. X a été engagé par la société Aixial, à compter du 1er septembre 2014, en qualité de data manager.

La lettre de mission prévoit que le salarié sera envoyé en prestation auprès de la société F à compter du 1er septembre 2014 et jusqu’au 31 décembre 2014, la prestation pouvant éventuellement être renouvelée par avenant.

La cour observe que le contrat de travail contient en son article 8 une clause d''exclusivité de service' selon laquelle le salarié s’interdit pendant la durée du contrat de s’intéresser, directement ou indirectement, de quelque manière et à quelque titre que ce soit, à toute affaire susceptible de concurrencer par son activité celle de son employeur.

Ce même article 8 comporte également une clause de 'secret professionnel, confidentialité, neutralité, discrétion' aux termes de laquelle le salarié est lié par le secret professionnel tant en ce qui concerne les affaires de la société que celles de la clientèle et il s’engage notamment à conserver la

discrétion la plus absolue sur l’ensemble des renseignements qu’il pourra recueillir à l’occasion de ses fonctions ou de sa présence dans la société.

Il n’est cependant pas établi par les éléments versés aux débats que le salarié a violé ces obligations et qu’il a manqué de loyauté à l’égard de la société Aixial.

M. X justifie en effet qu’il était en contact avec la société Ividata Stats depuis à tout le moins le 2 janvier 2014, date à laquelle cette société de consultants a proposé sa candidature en tant que data manager à la société Air Liquide.

Il produit également le courriel adressé le 22 mai 2014 à M. D Y chez F G par Mme H I, de la société Ividata, par lequel cette dernière propose le profil de data manager de M. X pour une mission, ce qui corrobore la version présentée par l’appelant, selon laquelle il n’a divulgué à la société Ividata aucune information confidentielle sur ce client puisque celle-ci était déjà en relation avec la société F avant même que M. X ne rencontre, le 6 juin 2014, M. E A, account manager de la société Aixial, puis le 20 juin 2014, M. Y, chez F.

La société Aixial n’apporte en outre aucun élément utile permettant de remettre en cause les déclarations de M. X, qui indique que lorsqu’il a appris que la société Aixial entendait présenter son profil à la société F G, il l’a immédiatement informée que son curriculum vitae avait déjà été transmis à cette société par une autre entreprise mais que la société Aixial, prétextant avoir obtenu l’exclusivité pour pourvoir ce poste, a néanmoins adressé sa candidature à la société F G.

Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en ce qu’il a débouté la société Aixial de sa demande de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de loyauté.

Sur la rupture du contrat de travail

M. X reproche aux premiers juges d’avoir considéré que le simple fait de rompre le contrat était fautif, sans caractériser aucune rupture abusive de sa part.

Il soutient qu’il avait parfaitement le droit de résilier le contrat de travail conclu le 11 juillet 2014 avec la société Aixial ; que seul un abus de ce droit peut engager sa responsabilité ; que la société Aixial ne rapporte pas la preuve de l’abus allégué ; qu’elle occulte le véritable motif de sa décision qui est lié au comportement déloyal de la société elle-même en ce qu’elle s’est prévalu de façon mensongère d’une exclusivité accordée par la société F et en ce que de 'manière peu cavalière', après avoir accepté dans un premier temps ses prétentions, elle est ensuite revenue sur la négociation salariale, ce qui l’a persuadé de ne pas travailler pour cette société ; qu’ayant été recontacté par la société Ividata, il a rompu le contrat six jours seulement après sa signature ; qu’il a ainsi respecté un délai de prévenance suffisant et laissé amplement le temps à la société Aixial de trouver un autre collaborateur.

Il fait observer que la société Aixial avait estimé son préjudice à la somme de 20 000 euros lors de sa saisine de la juridiction prud’homale, que pourtant elle disposait déjà des éléments contractuels qu’elle utilise aujourd’hui pour chiffrer son prétendu préjudice à la somme de 50 160 euros, ce qui démontre son caractère particulièrement excessif et fantaisiste ; qu’à supposer même que ses agissements aient été constitutifs d’un abus de son droit de rompre le contrat, la société Aixial pourrait tout au plus se prévaloir d’une perte de chance de contracter avec la société F G dans la mesure où elle n’avait encore signé aucun contrat avec cette dernière.

La société Aixial se prévaut de la rupture abusive du contrat pour solliciter l’indemnisation de son préjudice qu’elle évalue à la somme de 50 160 euros, correspondant à une mission d’une durée initiale de quatre mois pour un taux de facturation de 570 euros HT par jour.

Elle fait valoir que M. X a signé le 11 juillet 2014 son contrat de travail, en toute connaissance de cause et en accord avec les termes contractuels négociés, qu’il a signé le même jour un ordre de mission pour une prestation à compter du 1er septembre 2014 chez le client F, lequel avait retenu sa candidature à l’issue d’un entretien, que le salarié s’était ainsi engagé à commencer

l’exécution de son travail le 1er septembre 2014, qu’il a commis une faute contractuelle en rompant son engagement le 17 juillet 2014 sans respecter un délai de prévenance et sans fournir d’explication à ce revirement. La société Aixial conteste s’être prévalue d’une exclusivité de la société F, indiquant qu’il s’agissait de remplacer une collaboratrice placée par elle chez ce client et que de ce fait la mission, qui courait jusqu’en janvier, lui revenait de facto.

Aux termes de l’article L. 1231-1 du code du travail, le contrat à durée indéterminée peut être rompu à l’initiative du salarié ou de l’employeur ou d’un commun accord, la précision étant apportée que ces dispositions ne sont pas applicables pendant la période d’essai.

La démission est la rupture du contrat de travail à durée indéterminée à la seule initiative du salarié. Elle se définit comme un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail.

Selon l’article L. 1237-2 du code du travail, une telle rupture ouvre droit, si elle est abusive, à des dommages-intérêts pour l’employeur. La démission est jugée abusive lorsque les circonstances dans lesquelles est intervenue la rupture révèlent une intention de nuire à l’employeur ou, au moins, une légèreté blamable du salarié.

En cas de litige, le juge se prononce conformément aux dispositions de l’article L. 1235-1, lequel prévoit que le juge forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instruction qu’ils estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

En l’espèce, il est établi que le contrat de travail à durée indéterminée signé le 11 juillet 2014 n’a pas reçu de commencement d’exécution et qu’il devait prendre effet le 1er septembre 2014, date d’engagement du salarié et, selon la lettre de mission signée le 11 juillet 2014, date de début de sa mission au sein de la société F G.

M. X a rompu le contrat par lettre recommandée avec accusé de réception datée du 17 juillet 2014 ainsi rédigée :

« J’ai signé un contrat à durée indéterminée auprès de votre société Aixial Pharma le vendredi 11 juillet 2014.

Ce contrat est censé débuter le 1er septembre prochain mais je tiens à vous informer de mon souhait de me désengager de celui-ci.

Vous trouverez ci-joint mon exemplaire de contrat rayé.

Après plus mûre réflexion, le contrat ainsi que mon engagement auprès de votre société ne correspondent pas à mes attentes, merci de considérer cette décision comme irrévocable.

Le choix de mon employeur, de la société que je représente est primordial et je ne souhaite plus initier de collaboration sur du long terme avec votre société.

Je vous remercie donc d’accueillir ma demande d’annulation du contrat et sollicite votre compréhension à mon égard. »

Il a également adressé le 18 juillet 2014 à la société Aixial un courriel rédigé dans les mêmes termes.

Cette rupture du contrat de travail à l’initiative du salarié s’analyse en une démission.

Il convient d’examiner si cette démission présente un caractère abusif.

L’employeur communique deux attestations. L’une, par M. J Z, président de la société Aixial, est ainsi rédigée : « (…) la non-intervention de Monsieur X a causé un préjudice commercial et financier, notamment avec la perte du contrat prévu avec notre client F pour une durée d’un an renouvelable et dont le coût journalier était de 570 euros HT. Je me permets de mettre l’accent sur l’historique avec notre client qui remonte à plusieurs années, sans compter le travail important de notre équipe commerciale pour aboutir à la sélection par le client de Monsieur X puis ensuite à sa présentation chez le client. Tout s’est soldé par un échec total. Ce genre de situation vient ternir nos relations fortes et antérieures avec notre client et surtout vient impacter notre notoriété. »

La société Aixial ne produit cependant aucun élément justifiant de l’existence d’une relation contractuelle établie et durable avec la société F G, telle que décrite par M. Z.

Aux termes de la seconde attestation, M. E A, business unit director de la société Aixial, indique que la société Ividata est « coutumière de débaucher des consultants Aixial et de s’accaparer la mission que le consultant menait au sein de notre client », qu’en outre il n’a jamais été évoqué avec M. X une quelconque exclusivité Aixial chez F. Il témoigne que « M. X devait intervenir chez F pour remplacer une collaboratrice Aixial. Ce contrat courait jusqu’en janvier. Nous avons donc perdu une mission qui nous revenait de facto, le client F nous a prévenu qu’il était pris à la gorge par Ividata car il avait besoin d’un consultant immédiatement et qu’il ne pouvait attendre que l’on puisse lui présenter d’autres consultants pour assurer la poursuite de la mission. »

Outre que l’affirmation de M. A selon laquelle la société Ividata a pour habitude de débaucher des consultants Aixial est contredite par des attestations d’anciens collaborateurs Aixial produites par M. X, ces seuls éléments ne démontrent pas une stratégie du salarié visant à nuire à la société Aixial.

La cour observe que la rupture est intervenue dans un temps très proche de la signature du contrat de travail et que la période d’essai ne devait commencer qu’un mois et demi plus tard ce qui, compte tenu d’un délai de prévenance qui apparaît suffisant, exclut une légèreté blâmable du salarié.

Il sera enfin relevé que M. X a démissionné le 11 juillet 2014 du poste qu’il occupait depuis le 1er mars 2011 au sein de la société Cardinal Systems, soit le jour même de la signature du contrat avec la société Aixial, que son ancien employeur lui a donné son accord pour un départ anticipé le 19 septembre 2014, ce dont M. X a informé la société Aixial dès le 11 juillet, en lui indiquant que la mission chez F ne pourrait pas commencer le 1er septembre, que d’ailleurs sa mission chez F pour le compte de la société Ividata Stats n’a débuté que le 22 septembre 2014.

L’ensemble de ces constatations doit conduire, par infirmation du jugement entrepris, à écarter le moyen tiré de la rupture abusive du contrat de travail. La société Aixial, qui ne justifie au demeurant pas du préjudice qu’elle invoque, sera en conséquence déboutée de sa demande de dommages-intérêts à ce titre.

Sur la demande de dommages-intérêts au titre de la procédure abusive

M. X se présente comme la victime collatérale d’une concurrence sauvage entre la société Ividata et la société Aixial, faisant valoir que cette dernière n’a pas fait état d’un quelconque préjudice lorsqu’il l’a informée le 18 juillet 2014 de sa décision de rompre le contrat de travail, qu’elle a réagi dès le moment où elle a appris que la société Ividata l’avait placé auprès de la société F G, que si elle estimait que sa concurrente avait bénéficié d’informations confidentielles, elle aurait dû également diriger ses demandes contre elle pour concurrence déloyale.

Il considère, dans ces conditions, que la procédure diligentée contre lui est abusive, ce qui justifie la condamnation de la société Aixial à lui verser la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts.

La société Aixial s’y oppose au motif qu’aucun abus ne saurait lui être reproché, son action et ses demandes étant étayées par des fondements juridiques sérieux et la production de pièces. Elle considère que le fait que son action ait prospéré en première instance suffit à exclure le prétendu abus de droit.

L’abus du droit d’ester en justice n’étant cependant pas ici caractérisé, M. X sera débouté de sa demande à ce titre et le jugement entrepris confirmé sur ce point.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

La société Aixial, qui succombe, supportera les dépens en application des dispositions de l’article'696 du code de procédure civile.

Elle sera en outre condamnée à payer à M. X une indemnité sur le fondement de l’article'700 du code de procédure civile, que l’équité et la situation économique respective des parties conduisent à arbitrer à la somme de 1 000 euros.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement rendu le 21 novembre 2017 par le conseil de prud’hommes de Nanterre en ce qu’il a débouté la société Aixial Pharma de sa demande de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de loyauté et en ce qu’il a débouté M. B X de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

L’INFIRME pour le surplus ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DÉBOUTE la société Aixial, venant aux droits de la société Aixial Pharma, de sa demande de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail ;

CONDAMNE la société Aixial, venant aux droits de la société Aixial Pharma, à verser à M. B X la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE la société Aixial, venant aux droits de la société Aixial Pharma, de sa demande de ce chef ;

CONDAMNE la société Aixial, venant aux droits de la société Aixial Pharma, aux dépens de première instance et d’appel ;

Arrêt prononcé publiquement à la date indiquée par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Madame Isabelle Vendryes, présidente, et par Madame Elodie Bouchet-Bert, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

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