Cour d'appel de Versailles, 11e chambre, 10 décembre 2020, n° 19/01086
Chronologie de l’affaire
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Sur la décision
Référence : | CA Versailles, 11e ch., 10 déc. 2020, n° 19/01086 |
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Juridiction : | Cour d'appel de Versailles |
Numéro(s) : | 19/01086 |
Décision précédente : | Conseil de prud'hommes de Nanterre, 24 janvier 2019, N° F17/03287 |
Dispositif : | Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée |
Sur les parties
- Président : Hélène PRUDHOMME, président
- Avocat(s) :
Texte intégral
COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
11e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 10 DECEMBRE 2020
N° RG 19/01086 – N° Portalis DBV3-V-B7D-TAWJ
AFFAIRE :
Z X
C/
D Y G sous l’enseigne LE CAFE DE FRANCE
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 25 Janvier 2019 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de NANTERRE
N° Chambre :
N° Section : C
N° RG : F17/03287
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Mme B C
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DIX DECEMBRE DEUX MILLE VINGT,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Monsieur Z X
né le […] à […]
de nationalité Française
[…]
[…]
Représentant : Me Jennifer SERVE, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VAL D’OISE, vestiaire : 87
APPELANT
****************
Monsieur D Y G sous l’enseigne LE CAFE DE FRANCE
N° SIRET : 487 492 209
[…]
[…]
Représentant : Mme B C (Délégué syndical patronal)
INTIME
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 28 Octobre 2020 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marie-Christine PLANTIN, Magistrat honoraire chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Hélène PRUDHOMME, Président,
Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,
Madame Marie-Christine PLANTIN, Magistrat honoraire,
Greffier lors des débats : Madame Sophie RIVIERE,
Le 29 août 2011, M. Z X était embauché par M. D E (commerçant G sous l’enseigne « le Café de France ») en qualité de cuisinier par contrat à durée indéterminée pour une durée de 169 heures par mois. Il était promu chef de cuisine en avril 2013. Sa rémunération mensuelle s’élevait à 2 215,10 euros selon les salaires figurant sur l’attestation Pôle emploi.
A partir de 2014, M. X constatait plusieurs retards de paiement de salaire et ne recevait pas régulièrement ses bulletins de paie.
Le 16 juin 2017, M. X, qui n’avait pas encore reçu son salaire du mois de mai, prenait acte de la rupture de son contrat de travail aux torts exclusifs de son employeur. Il invoquait des retards
récurrents dans le paiement des salaires et une erreur sur son taux horaire compte tenu du passage de 35 à 39 heures.
Le 29 juin 2017, M. D E contestait la réalité et le sérieux des griefs invoqués. Il indiquait qu’à la date de réception du courrier du salarié, tous les salaires avaient été versés. Quant au taux horaire, il s’agissait d’une erreur matérielle du comptable qui n’affectait en rien le salaire dû. La rectification avait été faite et les bulletins de salaire étaient désormais conformes aux heures travaillées.
Le 31 octobre 2017, M. Z X saisissait le conseil de prud’hommes de Nanterre aux 'ns de faire donner à la prise d’acte les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour obtenir les indemnités associées.
Vu le jugement du 25 janvier 2019 rendu en formation paritaire par le conseil de prud’hommes de Nanterre qui a :
— dit que la prise d’acte opérée par M. Z X s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
— condamné M. D E G sous le nom commercial Le Café de France à payer M. Z X les sommes suivantes :
— 4 430,20 euros à titre d’indemnité de préavis et 443,02 euros pour les congés payés afférents,
— 2 643,04 euros à titre d’indemnité de licenciement,
— 2 215,10 euros à titre d’indemnité pour rupture abusive,
— 629,29 euros à titre de d’indemnité d’habillage/déshabillage,
— 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
— ordonné à M. D E G sous le nom commercial Le Café de France de remettre à M. Z X un certificat de travail, une attestation Pôle emploi, un solde de tout compte et un bulletin de paie récapitulatif conformes à la présente décision,
— dit n’y avoir lieu à exécution provisoire sous réserve des dispositions des articles R.l454-28 du code du travail selon laquelle la condamnation de l’employeur au paiement des sommes visées par l’article R1454-14 2° du code du travail est exécutoire de plein droit dans la limite de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire, qui est de 2 215,10 euros,
— débouté M. Z X du surplus de ses demandes,
— condamné M. D E G sous le nom commercial Le Café de France aux éventuels dépens de l’instance,
Vu l’appel interjeté par M. Z X le 4 mars 2019,
Vu les conclusions de l’appelant, M. Z X, notifiées le 1er avril 2019 et soutenues à l’audience par son avocat auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, par lesquelles il est demandé à la cour d’appel de :
— juger M. Z X recevable et bien fondé en ses demandes,
— infirmer le jugement déféré en ce qu’il a :
— condamné M. D E G sous le nom commercial Le Café de France à payer M. Z X la somme de 2 215,10 euros à titre d’indemnité pour rupture abusive,
— débouté M. Z X du surplus de ses demandes,
Statuant à nouveau,
— condamner M. D E à verser à M. Z X les sommes suivantes :
— dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 18 844,16 euros,
— rappel de salaire (contractuel) 650,69 euros,
— congés payés afférents 65,07 euros,
— dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail : 20 000 euros
— indemnité forfaitaire pour travail dissimulé: 14 133,12 euros,
— dommages et intérêts en réparation du défaut d’entretien professionnel obligatoire : 800 euros
— dommages et intérêts en réparation du préjudice lié au respect de la clause de non-concurrence illicite : 5 000 euros
— annuler la clause de non-concurrence prévue par le contrat de travail du 2 avril 2013,
— ordonner la remise d’un certificat de travail, d’une attestation Pôle emploi, d’un solde tout compte, et d’un bulletin de paie récapitulatif, conformes à la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par document et par jour de retard sous quinzaine à compter de la décision à intervenir,
— débouter M. D E de l’ensemble de ses demandes, moyens et conclusions,
— condamner M. D E à verser à M. Z X la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
— rappeler que les intérêts au taux légal courent de plein droit à compter de la saisine du Conseil de Prud’hommes, et les faire courir à compter de cett e date sur les créances de nature indemnitaire par application de l’article 1231-6 du code civil,
— condamner M. D E aux entiers dépens,
Vu l’arrêt de la cour d’appel de Versailles en date du 10 septembre 2020 confirmant l’ordonnance du conseiller de la mise en état ayant déclaré irrecevables les conclusions notifiées au nom de M. Y en sa qualité d’intimé,
Vu l’ordonnance de clôture en date du 21 septembre 2020,
SUR CE,
A titre préalable il doit être rappelé qu’il ne pourra, selon les dispositions de l’article 472 du code de procédure civile, être fait droit aux demandes de M. X que si celles-ci sont régulières, recevables et bien fondées.
Sur les demandes liées au déroulement du contrat de travail
Sur la demande relative à l’entretien professionnel
Le salarié se prévaut des dispositions d’un texte du code du travail (l’article L 6315-1) qui institue, selon lui, un entretien professionnel obligatoire dans l’hôtellerie, la restauration et les activités connexes.
Il apparaît que le texte cité, dans sa version en vigueur à l’époque des faits examinés, ne mentionnait pas la nécessité de l’entretien évoqué.
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande de dommages-intérêts dès lors, au surplus, qu’il n’est justifié de l’existence d’aucun préjudice.
Sur la demande de rappel de salaire
Le salarié demande une somme de 650,69 euros ainsi que les congés payés afférents.
Il affirme n’avoir pas reçu l’intégralité de la rémunération prévue par le contrat de travail en tous cas durant certains mois entre août 2014 et mars 2017 (pièces 6 à 9 du salarié).
Il apparaît que la demande du salarié repose sur une erreur dès lors que l’intéressé inclut la prime nourriture dans le salaire de base sans tenir compte du nombre de jours ouvrés dans le mois.
Le jugement ayant rejeté ce chef de demande sera confirmé.
Sur la demande d’indemnité au titre du travail dissimulé
Le salarié demande que lui soit allouée, à ce titre, la somme de 14 133,12 euros.
Il expose que depuis sa prise de fonction au sein de l’établissement tenu par M. Y, il a toujours travaillé 39 heures par semaine.
Il ressort de l’examen des bulletins de paie versés aux débats par l’appelant (pièces 6 à 10 du salarié) que ce dernier, au cours des années 2014 à 2017, a reçu les heures supplémentaires qui lui étaient dues. Aucun document n’est versé pour les années antérieures pour contredire cette situation.
En cet état, la dissimulation volontaire d’une partie de la rémunération n’étant pas établie, le jugement ayant rejeté la demande d’indemnité de travail dissimulé sera confirmé.
Sur la demande liée à l’obligation de sécurité
Selon l’article L 4121-1 du code du travail l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent des actions de prévention des risques professionnels, des actions d’information et de formation, la mise en palce d’une organisation et de moyens adaptés. L’employeur doit veiller à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.
Le salarié précise que dans le cadre de ses fonctions, il manipulait des charges lourdes et que son travail l’obligeait à une posture debout prolongée, à des torsions latérales et que, parfois, il lui arrivait de travailler à une température de plus de 30°C. Il fait observer qu’il n’a été tenu compte d’aucun de ces risques.
Il forme une demande mais ne chiffre pas le montant des dommages-intérêts sollicités.
En cet état, la demande ne peut qu’être rejetée.
Sur la demande liée à la clause de non-concurrence
Le salarié demande une somme de 5 000 euros en faisant état de la nullité de la clause de clause de non-concurrence ayant figuré dans son contrat de travail.
Il apparaît qu’à l’article VII du dit contrat figure une clause intitulé – Discrétion et concurrence -
(pièce 1 du salarié).
Toutefois la lecture de la clause considérée fait apparaître que celle-ci s’appliquait durant le contrat de travail obligeant l’intéressé, pendant l’exercice de ses fonctions, à ne pas exercer d’activité concurrente à celle de l’entreprise chez laquelle il était employé.
Une telle clause n’est pas concernée par les prescriptions invoquées par le salarié, lesquelles s’appliquent après la rupture du contrat de travail.
Le jugement l’ayant débouté de sa demande de dommages-intérêts sera, en conséquence, confirmé.
Sur la demande relative à la prime d’habillage
L’article L 3121-3 du code du travail prévoit que l’habillage et le déshabillage doivent être réalisés dans l’entreprise ou sur le lieu de travail et faire l’objet de contreparties soit sous forme de repos soit
sous forme financière.
Le contrat de travail ne prévoyait, en l’espèce, aucune indication à ce propos (pièce 1 du salarié).
Aucune pièce n’est communiquée à ce sujet par le salarié mais la prime est prévu par le texte précité.
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a alloué à M. X la somme de 629,29 euros dont le montant n’est pas contesté par l’intéressé.
Sur la demande liée à l’exécution déloyale du contrat de travail
Le salarié demande la somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts en reprochant à son employeur d’avoir exécuté de manière déloyale ses obligations.
Au soutien de sa prise d’acte, M. X a invoqué plusieurs griefs ; s’il apparaît que certains d’entre eux sont établis, il ne se déduit pas de ces seules circonstances que l’employeur ait agi de mauvaise foi à l’égard de l’intéressé. Il est constant, en tous cas, que la bonne foi est présumée et les circonstances de l’espèce ne permettent pas de renverser cette présomption.
C’est, dès lors, à juste titre que les premiers juges ont débouté le salarié de sa demande de dommages-intérêts.
Sur les demandes liées à la rupture du contrat de travail
Lorsque le salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit dans le cas contraire d’une démission, étant observé que l’écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture ne fixe pas les limites du litige et qu’il convient d’examiner les manquements de l’employeur invoqués par le salarié même si celui-ci ne les a pas mentionnés dans cet écrit.
Il appartient au salarié d’établir la matérialité des faits invoqués à l’encontre de l’employeur. S’il existe un doute sur la matérialité de ceux-ci, la prise d’acte doit produire les effets d’une démission.
Les manquements dénoncés à l’encontre de l’employeur doivent rendre impossible la poursuite du contrat de travail.
Au soutien de la prise d’acte notifiée le 16 juin 2017 (pièce 3 du salarié) M. X s’est prévalu de plusieurs retards dans le paiement de son salaire.
La matérialité de ces retards est établie par les pièces versées aux débats (pièces 6 à 13 du salarié).
Il apparaît que, parfois, le salaire a été versé à l’intéressé avec plus de trois mois de retard, ce qui n’avait pas été contesté par l’employeur devant les premiers juges.
C’est à bon droit que le jugement déféré a considéré que ce manquement de l’employeur dans le versement des salaires était de nature à rendre impossible la poursuite du contrat de travail et que,
dans ces circonstances, il y avait lieu de retenir l’existence d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La décision a alloué diverses sommes au salarié en raison de la rupture des relations contractuelles.
M. X demande la confirmation du jugement en ce qui concerne l’indemnité compensatrice de préavis (et les congés payés afférents) et l’indemnité de licenciement.
Il réclame une somme de 18 844,16 euros au titre des dommages-intérêts pour rupture abusive.
Compte tenu de l’âge du salarié, de son ancienneté, du montant de son salaire mensuel et alors qu’il a retrouvé un emploi dès le 1er septembre 2017, il convient de la lui allouer la somme de 10 000 euros au titre des dommages-intérêts pour rupture abusive.
Sur les dépens et sur l’indemnité de procédure
M. Y qui succombe pour l’essentiel sera condamné aux dépens.
Il convient de le condamner à verser au salarié une somme qu’il est équitable de fixer à 2 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant publiquement et contradictoirement
Infirme le jugement du conseil de prud’hommes de Nanterre (section commerce) en date du 25 janvier 2019 en ce qui concerne le montant des dommages-intérêts pour rupture abusive alloués à M. Z X,
Condamne M. D Y G sous l’enseigne Le Café de France à verser à M. Z X la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive,
Confirme le jugement pour le surplus,
Y ajoutant,
Condamne M. D Y G sous l’enseigne Le Café de France à verser à M. Z X la somme de 2 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. D Y G sous l’enseigne Le Café de France aux dépens,
Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
Signé par Mme Hélène PRUDHOMME, président, et Mme Sophie RIVIÈRE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER Le PRESIDENT
Textes cités dans la décision