Cour d'appel de Versailles, 1re chambre 2e section, 3 mars 2020, n° 19/05828

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 1re ch. 2e sect., 3 mars 2020, n° 19/05828
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 19/05828
Décision précédente : Cour d'appel de Versailles, 26 novembre 2018, N° 17/1733
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 51B

1re chambre 2e section

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 03 MARS 2020

N° RG 19/05828 – N° Portalis

DBV3-V-B7D-TMQJ

AFFAIRE :

Z X

C/

SA IMMOBILIERE 3F

Décision déférée à la cour : Arrêt rendu le 27 Novembre 2018 par le Cour d’Appel de VERSAILLES

N° chambre : 01

N° Section : B

N° RG : 17/1733

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 3/03/20

à :

Me Awa KONE-

BOUSSALEM

Me Christophe DEBRAY

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE TROIS MARS DEUX MILLE VINGT,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Madame Z X

née le […] à […]

de nationalité Française

[…]

3e étage appt 49

[…]

Représentant : Me Awa KONE-BOUSSALEM, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 451

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/005958 du 01/07/2019 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de VERSAILLES)

APPELANTE

****************

SA IMMOBILIERE 3F

N° SIRET : B 5 52 141 533

[…]

[…]

Représentant : Me Elisabeth MENARD de la SCP MENARD – WEILLER, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0128 – Représentant : Me Christophe DEBRAY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

L’affaire a été débattue à l’audience publique du 21 Janvier 2020, Madame Isabelle BROGLY, présidente, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Isabelle BROGLY, Président,

Madame Dominique DUPERRIER, Président,

Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Mme Catherine SPECHT

EXPOSE DU LITIGE

La société SALEFN a donné en location à Madame B X, selon contrat de bail en date

du 1er juin 1974, un logement sis […], 78955 Carrières-sous-Poissy. Un glissement de

bail a été accordé par la SA Immobilière 3F, venant aux droits du bailleur, à Mme Z X à

compter du 1er décembre 2015.

Par acte d’huissier de justice délivré le 5 juillet 2016, la société Immobilière 3F a fait assigner Mme

X à comparaître devant le tribunal d’instance de Poissy, aux fins de, sous le bénéfice de

l’exécution provisoire :

— voir prononcer la résiliation judiciaire du bail aux torts de la locataire, eu égard à son

comportement imprévisible et violent qui nuit à la tranquillité et la sécurité des autres occupants de

l’immeuble,

— se voir autoriser à faire procéder à l’expulsion de Mme X et autres occupants le cas

échéant, par toutes voies de droit et avec l’assistance de la force publique si besoin est,

— voir condamner Mme X, outre les dépens, au paiement :

* d’une indemnité mensuelle d’occupation égale au montant du loyer outre les charges, due depuis la

résiliation du bail et jusqu’au départ effectif,

* de la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Par jugement contradictoire en date du 10 janvier 2017, le tribunal d’instance de Poissy a :

— débouté la société Immobilière 3 F de l’ensemble de ses demandes,

— dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

— laissé les dépens à la charge du demandeur.

Par déclaration reçue au greffe en date du 3 mars 2017, la société Immobilière 3F a relevé appel de

ce jugement. L’appelant a déposé ses conclusions au fond le 15 avril 2017. Mme X n’a pas

constitué avocat. La déclaration d’appel et les conclusions de l’appelante lui ont été signifiées par acte

d’huissier de justice délivré le 24 avril 2017 par dépôt à l’étude.

Par arrêt rendu par défaut en date du 27 novembre 2018, la 1re chambre B de cette cour a :

— infirmé le jugement du tribunal d’instance de Poissy rendu le 10 janvier 2017 en toutes ses

dispositions, sauf celles relatives à l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure

civile et aux dépens,

statuant à nouveau,

— prononcé la résiliation judiciaire du bail aux torts exclusifs de Mme X,

par conséquent,

— ordonné l’expulsion de Mme X, ainsi que celle de tous occupants de son chef, des lieux sis

[…], 78955 Carrières-sous-Poissy, avec le cas échéant, le concours de la force

publique,

— rappelé que, par application de l’article 412-1 du code des procédures civiles d’exécution, cette

expulsion ne pourra pas être poursuivie qu’à l’expiration d’un délai de deux mois suivant la

délivrance d’un commandement d’avoir à libérer les lieux,

— dit que le sort des meubles sera réglé selon les dispositions des articles 65 et 66 de la loi du 9 juillet

1991 et des articles 200 à 209 de son décret d’application du 31 juillet 1992,

— condamné Mme X à verser à la société Immobilière 3F, une indemnité mensuelle

d’occupation égale au montant du loyer révisable dû si le bail s’était poursuivi, augmenté des charges,

et ce jusqu’à la libération des lieux se matérialisant soit par l’expulsion, soit par la remise des clés,

— dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en faveur

des parties,

— condamné Mme X aux dépens d’appel.

Par requête remise et notifiée le 4 août 2019, Mme X a formé opposition à cet arrêt. Aux

termes de cette requête, elle demande à la cour de :

— la déclarer recevable et bien fondée en son opposition,

statuant à nouveau,

— constater qu’au vu des éléments, il n’y a pas d’atteinte grave aux obligations du locataire de nature à

induire la résiliation du bail.

Aux termes de ses conclusions signifiées le 12 décembre 2019 au soutien de son opposition, Mme

X demande à la cour de :

— rejeter les moyens soulevés par la société Immobilière 3F et tendant à l’irrecevabilité de l’opposition

à arrêt,

— la déclarer recevable et bien fondée en son opposition,

statuant à nouveau,

— constater qu’au vu des éléments, il n’y a pas d’atteinte grave aux obligations du locataire de nature à

induire la résiliation du bail,

en conséquence,

— infirmer l’arrêt n°443, rendu par la cour d’appel de Versailles le 27 novembre 2018 sous le

RG N°17/01733,

— rejeter les demandes de résiliation et d’expulsion et d’indemnités subséquentes de la société

Immobilière 3F et de permettre à Mme X de continuer à occuper légitimement son

logement,

— débouter la société Immobilière 3F de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure

civile,

— dire que chacune des parties supportera sa part des dépens.

Aux termes de ses conclusions signifiées le 23 décembre 2019, la société Immobilière 3F demande à

la cour de :

— déclarer irrecevable, nulle et mal fondée la requête en opposition de Mme X,

— débouter Mme X de son opposition,

— confirmer l’arrêt de la cour d’appel du 27 novembre 2018 en ce qu’il a prononcé la résiliation

judiciaire du bail aux torts de Mme X,

— ordonner l’expulsion de Mme X, ainsi celle que tout occupant de son chef des lieux […]

des écoles 78955 Carrières sous Poissy avec le concours de la force publique,

— dire que le sort des meubles sera réglé selon les dispositions des articles 65 et 66 de la loi du

9 juillet 1991 et des articles 200 à 209 de son décret d’application du 31 juillet 1992,

— condamner Mme X à payer à la société Immobilière 3F une indemnité mensuelle

d’occupation égale au montant du loyer révisable dû si le bail s’était poursuivi augmenté des charges

et ce jusqu’à complète libération des lieux,

— condamner Mme X à 1 000 euros en application de l’article 700 et aux dépens dont

distraction au profit de Me Christophe Debray, avocat au Barreau de Versailles, conformément aux

dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour

renvoie leurs écritures conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION.

Sur les moyens d’irrecevabilité et de nullité de l’acte d’opposition soulevés par la société

Immobilière 3F.

— sur l’exception d’irrecevabilité de l’opposition.

La société Immobilière 3 F soulève l’irrecevabilité de l’opposition au visa des articles 573 et 576 du

code de procédure civile, faisant valoir que :

* Mme X a sollicité le bénéfice de l’aide juridictionnelle le 25 mars 2019, l’ayant obtenue le

1er juillet 2019, elle a été transmise au barreau le 5 juillet 2019,

* elle disposait donc d’un mois à compter de la désignation de son conseil, soit jusqu’au 5 août 2019

pour introduire son recours,

* or, si sa requête en opposition à l’arrêt rendu par défaut le 27 novembre 2018 a bien été déposée le

4 août 2019 au greffe de la cour, elle ne l’a pas dénoncée au conseil de la société Immobilière 3 F,

alors qu’il lui incombait de le faire avant le 5 août 2019, et ce d’autant qu’elle ne pouvait ignorer la

présence de ce conseil devant la cour d’appel de Versailles dont le mandat n’avait pas expiré.

Mme X réplique que :

* l’article 573 du code de procédure civile n’impose aucune obligation de la notification de

l’opposition à l’avocat de l’intimé à l’expiration du délai prévu pour engager la procédure devant la

juridiction,

* les dispositions du code de procédure civile visant la déclaration d’appel ne posent pas davantage

cette exigence comme une obligation, cette formalité n’étant au demeurant assortie d’aucune

sanction,

* l’opposition a été notifiée à l’avocat postulant représentant la société Immobilière 3 F à bref délai,

dès que son conseil a eu connaissance de sa constitution,

* en effet, c’est par mail du 8 août 2019 que l’avocat postulant chargé de représenter la société

Immobilière 3 F a informé son conseil de son intervention dans le dossier,

* par mail en retour du 12 août 2019, son conseil a transmis à l’avocat représentant la société

Immobilière 3 F copie de sa requête en y annexant ses pièces, soit moins de dix jours après avoir eu

connaissance de sa constitution,

* l’argument selon lequel le mandat de l’avocat de la société Immobilière 3 F constitué pour la

procédure d’appel n’avait pas expiré, ne saurait prospérer et ce, parce que d’une part, son avocat

n’était pas partie à la procédure d’appel et d’autre part, son avocat ne pouvait connaître les contours

du mandat confié à l’avocat postulant intervenu dans le cadre de cette procédure,

* en effet, il n’y a aucune automaticité entre le fait d’être désigné avocat postulant dans la cadre d’une

procédure d’appel et avocat postulant dans le cadre d’une procédure d’opposition dirigée contre le

même arrêt huit mois plus tard,

* seule une constitution formelle de l’avocat postulant au profit de la société Immobilière 3 F pouvait

permettre à son conseil de connaître avec certitude l’avocat en charge de représenter les intérêts de la

société Immobilière 3 F, ce qui n’est possible qu’après l’enregistrement de la requête et l’information

transmise par le greffe à la défenderesse à l’opposition sur l’existence d’une procédure d’opposition

diligentée contre l’arrêt rendu par défaut qui lui avait accordé gain de cause l’année précédente.

Sur ce,

Force est de constater que c’est à tort que l’avocat postulant de la société Immobilière 3 F invoque

l’irrecevabilité de la requête en opposition et ce, dans la mesure où il est constant que son mandat

était expiré à l’issue de la procédure d’appel ayant conduit au jugement rendu par défaut le

27 novembre 2018 et qu’il se trouvait donc dessaisi par l’effet de cette décision, étant au surplus

observé ainsi que Mme X le soulève justement, que son propre conseil n’a pu connaître

l’intervention de l’avocat postulant représentant les intérêts de la société Immobilière 3 F que par sa

constitution.

Ce moyen est rejeté comme inopérant.

— sur l’exception de nullité de l’opposition.

La société Immobilière 3 F soulève encore la nullité de l’opposition formée par Mme X au

motif qu’aux termes de ses conclusions, son conseil ne sollicite pas la rétractation de l’arrêt rendu par

défaut, se bornant à solliciter que 'Mme X soit déclarée recevable en son opposition et

statuant à nouveau de constater qu’au vu des éléments, il n’y a pas d’atteinte grave aux obligations

du locataire de nature à justifier la résiliation judiciaire'. Elle fait valoir que ces formulation sont

insuffisantes, que depuis l’entrée en vigueur ai 1er septembre 2017 du décret du 6 mai 2017 relatif

aux exceptions d’incompétence et à l’appel en matière civile, l’appelant doit mentionner dans son acte

d’appel les chefs du jugement critiqués, qu’au surplus en vertu de l’article 574 du code de procédure

civile, l’opposition doit contenir les moyens du défaillant, qu’en l’espèce, l’opposition de Mme

X ne respecte pas les dispositions susvisées, qu’ainsi la cour qui ne pourra que constater

qu’elle n’est saisie d’aucune demande d’infirmation de l’arrêt de la cour d’appel rendu le 27 novembre

2018, prononcera la nullité de la requête en opposition de Mme X.

Mme X réplique que son opposition est parfaitement valable et ce d’autant que tant, dans sa

requête que dans ses conclusions, elle critique le bien-fondé de l’arrêt et y développe ses moyens de

défense.

Sur ce,

En l’espèce, il y a lieu de rappeler que la requête en opposition, dans l’hypothèse où elle a été

déclarée recevable ainsi que tel est le cas en l’espèce, a précisément pour objet de mettre à néant

l’arrêt rendu par défaut et de statuer à nouveau sur les chefs critiqués du jugement, dans le cadre de

l’appel initialement interjeté.

Par suite, les moyens soulevés à l’appui de l’exception de nullité de la requête en opposition doivent

être rejetés comme non fondés.

Sur le fond du litige.

— sur la résiliation du bail.

La société Immobilière 3F fait grief au jugement déféré à la cour de l’avoir déboutée de sa demande

de résiliation judiciaire du bail aux torts de la locataire alors que la locataire a manqué à son

obligation contractuelle de jouissance paisible de l’appartement mentionnée à l’article 8 du contrat de

bail d’une part et, n’a pas respecté l’obligation d’user de la chose louée raisonnablement et suivant la

destination qui lui a été donnée par le bail qui résulte de l’article 1728 du code civil et de l’article 7 b

de la loi du 6 juillet 1989 d’autre part.

Elle fait valoir au soutien de ses prétentions que Mme X a un comportement injurieux,

agressif et dangereux pour son voisinage et que les faits qui lui sont reprochés sont anciens, graves et

renouvelés, à savoir :

— nuisances telles des insultes et jets d’objets par sa fenêtre,

— agression de la gardienne de la résidence le 1er mars 2016, alors que celle-ci faisait le ménage, pour

preuve, il est produit le procès-verbal du dépôt de plainte de Mme Y, la gardienne, et un

certificat médical.

— altercation avec Mme Y ayant fait l’objet d’une description précise et circonstanciée de la part

de la victime qui n’a pas été niée par Mme X mais minimisée,

— ce comportement agressif de Mme X ayant pu se vérifier à l’audience devant le tribunal

d’instance, si bien que le service de sécurité a dû intervenir plusieurs fois ainsi que le magistrat car

elle agressait verbalement différentes personnes dans la salle d’audience.

— les attestations anonymes des voisins produites en première instance qui ne sont pas dépourvues de

force probante puisque cet anonymat a été autorisé, compte-tenu des circonstances, par le président

du tribunal d’instance de Poissy par une ordonnance rendue le 12 avril 2016.

— insultes incessantes de Mme X à l’encontre des autres locataires comme l’attestent les

nouveaux témoignages qui datent de 2017 où il est mentionné que Mme X laisse

volontairement le gaz ouvert et qu’elle a causé deux dégâts des eaux faisant intervenir les pompiers.

— agression physique et verbale envers un voisin qui a déposé une main courante à la suite de cette

altercation.

La société Immobilière 3 F souligne que ce comportement agressif de Mme X ne peut être

'excusé’ par des problèmes de santé qui ne sont d’ailleurs pas prouvés lors de l’audience.

Mme X réplique que :

— sa défaillance devant la cour d’appel, est liée à son état de santé ainsi qu’elle en justifie par les

certificats médicaux du Dr C D qui certifie le 19 mars 2019 que la patiente a été

hospitalisée le 9 octobre 2018 aux urgences de Poissy avant d’être transférée en service de

psychiatrie.

— les faits relatés par la société Immobilière 3 F sont faux,

— ainsi qu’il ressort clairement de la décision de première instance, le juge a relevé qu’il ressort des

pièces que Mme X connaît des problèmes de santé nécessitant une prise en charge et une

éventuelle mesure de protection, ce qui pourrait expliquer qu’elle n’ait pas toujours les réactions

adéquates,

— contrairement aux affirmations de la bailleresse qui reposent sur des témoignages anonymes et

surtout mensongers de ses voisins, c’est elle qui est victime de troubles de voisinage, elle a d’ailleurs

déposé une main courante au commissariat de Conflans Sainte-Honorine le 8 mars 2019,

— en effet, depuis le décès de sa mère et le transfert de bail à son profit, elle est confrontée à des

difficultés avec ses voisins, pour une raison qu’elle ignore, ceux-ci semblent chercher à la faire

expulser du logement qu’elle occupe, alors qu’elle a toujours réglé son loyer,

— elle ne cause et n’a jamais causé de problème de voisinage, et c’est d’ailleurs plutôt l’inverse, ce sont

ses voisins qui profèrent des insultes à son égard,

— son agressivité et sa dangerosité ne sont nullement établies,

— enfin, son agressivité à l’audience devant le premier juge n’a nullement atteint les proportions

évoquées par la société Immobilière 3 F dans ses écritures d’appel, sinon le magistrat d’audience en

aurait tenu compte et aurait rendu une décision différente, en fait elle n’est bornée à assurer sa

défense en exposant sa version des faits avec l’émotion qui habite naturellement une personne

injustement accusée de faits qu’elle n’a pas commis.

Sur ce,

Le bailleur est fondé en application combinée des articles 1728,1729 et de l’article 17 b) de la loi du

6 juillet 1989, à obtenir la résiliation du bail, à charge pour lui de démontrer que le preneur a manqué

à son obligation d’user de la chose en bon père de famille et suivant la destination qui lui a été

donnée par le bail, peu important que le manquement ait ou non cessé. A cet égard, il est

constamment admis que les comportements violents, notamment envers un gardien d’immeuble ou

d’autres locataires sont suffisamment graves pour justifier la résiliation du bail aux torts exclusifs du

preneur.

La société Immobilière 3F produit à l’appui de sa demande de résiliation du bail :

— le procès-verbal dressé le 1er mars 2016 suite à l’agression verbale par Mme X de Mme

E Y, gardienne de l’immeuble. Il résulte de ce procès-verbal que Mme Y a été insultée

et frappée avec son balai au bras par Mme X, le même jour.

— le certificat médical en date du 1er mars 2016 de la patiente, Mme Y, dans lequel il est constaté

l’absence de lésion cutanée et de douleur au bras droit suite à la prise de doliprane.

—  3 déclarations anonymes des voisins qui figurent sur le procès-verbal dressé le 1er juin 2016 par

l’huissier de justice, Me Mercadal, recueillies conformément à l’ordonnance rendue le 12 avril 2016

par le Président du tribunal d’instance de Poissy, autorisant l’huissier à recueillir les témoignages des

voisins sur les troubles constatés, de manière anonyme.

— une déclaration de main courante, datée du 22 septembre 2016, d’un voisin qui déclare avoir été

agressé verbalement par Mme X, suite à une altercation également verbale, la veille. Il

indique avoir été, lui et sa famille, menacés d’être tués puis, avoir été frappé par Mme X

avec son sac voyant qu’il ne répondait pas. Il précise que ce n’est pas la première altercation qu’il a

eue avec elle.

— quatre attestations des voisins datées des 14 et 16 mars 2017 dans lesquelles ces derniers indiquent :

* avoir été victimes de violences verbales ainsi que de menaces physiques et verbales,

* avoir constaté des jets d’objets par la fenêtre dont un couteau,

* entendre Mme X crier dans la journée et sonner n’importe quand aux portes des voisins,

* avoir été victimes de deux dégâts des eaux causés par Mme X, ayant entraîné

l’intervention des pompiers,

* que Mme X a déjà laissé volontairement le gaz ouvert chez elle,

* avoir constaté que lorsque Mme X n’est pas dans son appartement, les nuisances cessent.

— neuf déclarations manuscrites des voisins datées du 22 mars 2017, recueillies par l’huissier mandaté

par la société Immobilière 3F où il est fait état du comportement régulièrement dangereux, agressif,

menaçant, imprévisible, grossier de Mme X, ainsi que des dégâts des eaux qu’elle a causés à

deux reprises et du gaz qu’elle a ouvert volontairement.

Le juge de première instance n’a pas reconnu de valeur probante aux déclarations anonymes des

voisins produites, après avoir relevé que les voisins n’étaient pas nommément désignés par l’huissier

et n’ont pas voulu signer de sorte que le contradictoire ou la vérification était impossible mais aussi

que les faits relatés étaient vagues, non datés et non circonstanciés. Or, il convient de relever qu’en

cause d’appel, la société Immobilière 3F produit une ordonnance sur requête aux fins de constat

rendue le 12 avril 2016 par le Président du tribunal d’instance de Poissy qui autorise l’huissier, au vu

des circonstances, à recueillir des témoignages anonymes. Ainsi, le caractère anonyme des neuf

attestations ne peut être retenu pour considérer que ces attestations sont dépourvues de valeur

probante.

De plus, s’agissant du caractère vague, non circonstancié et du fait que les faits relatés ne soient pas

datés, il convient de relever que les voisins font état d’agissements et de comportements répétés et

étalés dans le temps. Ainsi, compte-tenu de leur caractère récurrent, ces actes s’inscrivent dans le

quotidien des voisins, de sorte qu’il n’est pas possible de rapporter précisément un événement à une

date précise.

En l’espèce, vu le procès-verbal dressé le 1er mars 2016 et le certificat médical du même jour et vu la

main courante déposée par un voisin le 22 septembre 2016, il est établi que Mme X a

agressé verbalement et physiquement la gardienne de l’immeuble mais aussi un voisin.

De plus, au vu des diverses attestations versées aux débats, il apparaît que l’agression de la gardienne

et du voisin ne sont pas des faits restés isolés puisqu’il résulte d’une part de ces attestations que Mme

X a un comportement agressif et dangereux allant jusqu’à mettre en péril la sécurité des

personnes et des biens (dégâts des eaux dont elle est à l’origine, gaz laissé volontairement ouvert) et

d’autre part, qu’elle perturbe la jouissance paisible des voisins par ses agissements inciviques répétés

(cris poussés dans la journée, elle sonne aux portes etc).

Bien que la police n’ait retenu que la qualification d’injure, il n’en demeure pas moins que ces

violences exercées sur une préposée de l’organisme bailleur, constituent une infraction pénale, et si

elles n’ont pas donné lieu à un jugement de condamnation, elle constituent néanmoins un trouble

particulièrement grave dans l’ensemble immobilier.

Il convient de souligner que ce comportement agressif et imprévisible de la locataire s’est également

manifesté à l’audience du 10 janvier 2017 devant le juge d’instance.

Depuis lors, la société Immobilière 3F justifie que cette situation perdure ainsi qu’il résulte des

attestations en date des 14, 16 et 22 mars 2017.

En tout état de cause, quelle que soit sa situation personnelle et médicale, la responsabilité de la

locataire ne peut être ni effacée ni minorée par le fait qu’aucune autre infraction n’ait été établie, ni

même alléguée depuis la date de survenance des faits, car exiger la persistance du trouble au moment

où le juge statue serait ajouter à la loi.

Ainsi, est-il établi que le comportement et les agissements agressifs, dangereux et imprévisibles de

Mme X constituent une violation grave à l’une des clauses essentielles du bail qui lui impose

de n’importuner quiconque par son attitude et de quelque façon que ce soit. La gravité des faits est

donc de nature à justifier la résiliation du bail.

Par suite, le jugement déféré doit être infirmé en toutes ses dispositions.

Sur les dépens et l’application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile

Mme X ayant succombé en cause d’appel, elle sera condamnée aux dépens d’appel et

gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qui ont été exposés par la société

Immobilière 3F, les dispositions de première instance relatives à l’article 700 du code de procédure

civile et aux dépens étant confirmées.

L’équité ne commande pas de faire droit à la demande de la société Immobilière 3F au titre des frais

de procédure par elle exposés en cause d’appel sur le fondement des dispositions de l’article 700 du

Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt contradictoire et par mise à disposition au greffe,

Rejette les exception d’irrecevabilité et de nullité de l’opposition soulevées par la société

Immobilière 3 F,

Déclare Mme X recevable en son opposition à l’arrêt rendu par cette cour le

27 novembre 2018,

Met à néant cet arrêt,

Infirme le jugement du tribunal d’instance de Poissy rendu le 10 janvier 2017 en toutes ses

dispositions, sauf celles relatives à l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure

civile et aux dépens.

Statuant à nouveau,

Prononce la résiliation judiciaire du bail aux torts exclusifs de Mme X,

Par conséquent,

Ordonne l’expulsion de Mme X, ainsi que celle de tous occupants de son chef, des lieux sis

[…], 78955 Carrières-sous-Poissy, avec le cas échéant, le concours de la force

publique,

Rappelle que, par application de l’article 412-1 du code des procédures civiles d’exécution, cette

expulsion ne pourra pas être poursuivie qu’à l’expiration d’un délai de deux mois suivant la

délivrance d’un commandement d’avoir à libérer les lieux.

Dit que le sort des meubles sera réglé selon les dispositions des articles 65 et 66 de la loi du

9 juillet 1991 et des articles 200 à 209 de son décret d’application du 31 juillet 1992,

Condamne Mme X à verser à la société Immobilière 3F, une indemnité mensuelle

d’occupation égale au montant du loyer révisable dû si le bail s’était poursuivi, augmenté des charges,

et ce, jusqu’à la libération des lieux se matérialisant soit par l’expulsion, soit par la remise des clés.

Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en faveur

des parties.

Condamne Mme X aux dépens d’appel.

prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement

avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

signé par Mme Isabelle BROGLY, Présidente et par Mme SPECHT, greffier, auquel la minute de la

décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,

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Cour d'appel de Versailles, 1re chambre 2e section, 3 mars 2020, n° 19/05828