Cour d'appel de Versailles, 17e chambre, 2 décembre 2020, n° 18/00972

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 17e ch., 2 déc. 2020, n° 18/00972
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 18/00972
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Nanterre, 20 décembre 2017, N° 14/03571
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

17e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 2 DECEMBRE 2020

N° RG 18/00972

N° Portalis DBV3-V-B7C-SFIE

AFFAIRE :

Y X

C/

SAS VINCI CONSTRUCTION GRANDS PROJETS

Décision déférée à la cour : Décision rendu le 21 décembre 2017 par le Conseil de Prud’hommes Formation paritaire de NANTERRE

Section : E

N° RG : 14/03571

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Drossoula PAPADOPOULOS

Me Stéphanie DUMAS

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DEUX DECEMBRE DEUX MILLE VINGT,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur Y X

né le […] à […]

de nationalité française

[…]

[…]

Représentant : Me Drossoula PAPADOPOULOS de la SELEURL PAPADOPOULOS SOCIETE D’AVOCAT, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E2095

APPELANT

****************

SAS VINCI CONSTRUCTION GRANDS PROJETS

N° SIRET : 343 088 134

[…]

92851 RUEIL-MALMAISON CEDEX

Représentant : Me Stéphanie DUMAS de la SCP FLICHY GRANGÉ AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0461 et Me Claire RICARD, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 622

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 16 octobre 2020 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Clotilde MAUGENDRE, Présidente, et Madame Evelyne SIRE-MARIN, Présidente, chargées du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Clotilde MAUGENDRE, Présidente,

Madame Evelyne SIRE-MARIN, Présidente,

Monsieur Laurent BABY, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK,

Par jugement du 21 décembre 2017, le conseil de prud’hommes de Nanterre (section encadrement) a

:

— dit M.'X irrecevable en son action pour cause de prescription,

— débouté la SAS Vinci construction grands projets de sa demande reconventionnelle,

— condamné aux dépens M.'X y compris aux éventuels frais et actes d’exécution et dit n’y avoir

lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration adressée au greffe le 9 février 2018, M.'X a interjeté appel de ce jugement.

Une ordonnance de clôture a été prononcée le 30 juin 2020.

Par dernières conclusions déposées au greffe le 8 avril 2020, M. X demande à la cour de':

— infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Nanterre du 21 décembre 2017 dans toutes ses dispositions,

en conséquence,

— dire que son action est recevable et non prescrite,

— condamner la société Vinci’à lui payer les sommes suivantes :

.'115'362 euros à titre d’indemnité pour préjudice subi suite à l’absence d’affiliation au régime général de la sécurité sociale engendrant 37 trimestres manquants et l’obligation pour lui à travailler trois ans supplémentaires de 2001 à 2004 pour liquider sa retraite à taux plein,

.'10'000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner la société Vinci à verser des intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement,

— condamner la société Vinci aux dépens.

Par dernières conclusions déposées au greffe le 12 juin 2020, la société Vinci construction grands projets demande à la cour de':

— confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Nanterre du 21 décembre 2017 en ce qu’il a déclaré irrecevables car prescrites les demandes du salarié,

en conséquence et en tout état de cause,

— débouter le salarié de l’ensemble de ses demandes,

— condamner le salarié à lui verser la somme de 10'000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner le salarié aux entiers dépens.

LA COUR,

M.'Y X a été engagé par la société Dumez, du 6 juillet 1977 au 31 août 1979, puis par le Groupement d’Intérêt Economique Dumez pour l’Arabie Saoudite ( GIEDAS) du 1er septembre 1979 au 19 octobre 1992.

En dernier lieu, le salarié exerçait les fonctions d’intendant, position B 1.1 , coefficient 95.

La convention collective applicable était celle du bâtiment et des travaux publics.

A compter du 1er août 2004, le salarié a fait valoir ses droits à la retraite.

La société Vinci construction grands projets intervient aux droits de la société Dumez SA et du GIEDAS.

Par requête adressée le 5 décembre 2014, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes de Nanterre aux fins de réclamer des indemnités pour préjudice de l’absence d’affiliation au régime général et complémentaire de la sécurité sociale.

Sur la prescription :

L’article 6, paragraphe premier, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, dispose : '« 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. (…)

L’article 2224 du code civil issu de la loi du 17 juin 2008 prévoit : «' Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

L’article 2232 du code civil, issu également de la loi du 17 juin 2008, dans sa version applicable à l’espèce, dispose : «''Le report du point de départ, la suspension ou l’interruption de la prescription ne peut avoir pour effet de porter le délai de la prescription extinctive au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit.

Le premier alinéa n’est pas applicable dans les cas mentionnés aux articles 2226, 2227, 2233 et 2236, au premier alinéa de l’article 2241 et à l’article 2244. Il ne s’applique pas non plus aux actions relatives à l’état des personnes.'»

La société Vinci constructions grands projets soutient que les demandes du salarié sont doublement prescrites, au titre de la prescription quinquennale instaurée par l’article 2224 du code civil et au titre du délai butoir de 20 ans instauré par l’article 2232 du code civil.

Elle expose qu’il résulte des débats parlementaires relatifs à la loi du 17 juin 2008 que le législateur en instaurant par l’article 2232 du code civil un délai butoir de 20 ans a voulu, pour assurer l’équilibre des droits de chaque partie, mettre en place une contrepartie à la réduction du délai de droit commun passé de 30 ans à 5 ans et aux effets du point de départ «'glissant » de la prescription.

Elle ajoute que l’article 6 & 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, qui affirme le droit accordé à chaque personne d’avoir accès à un tribunal, n’organise pas un droit absolu et permet que soit apportée une limite au droit au juge à condition que celle-ci soit légitime et proportionnée au but recherché.

Elle précise que la CEDH a jugé que l’absence de délai de prescription peut constituer une menace grave pour la sécurité juridique et méconnaître ainsi les droits de la défense, également garantis par la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales,

Elle en déduit que l’action en responsabilité contractuelle en réparation à l’encontre de l’employeur qui n’aurait pas ou pas assez versé de cotisations de retraite et/ou de retraite complémentaire sur les salaires est définitivement prescrite en 20 ans après le fait générateur c’est à dire 20 ans après le paiement des salaires, paiement qui fait naître le droit à cotisation.

S’agissant de M. X, elle soutient qu’ayant liquidé sa retraite à taux plein le 1er août 2008 et ayant saisi le conseil de prud’hommes le 5 décembre 2014, en application de l’article 2224 du code civil ses demandes sont prescrites.

En ce qui concerne le délai butoir, elle fait valoir que seules les demandes relatives aux cotisations afférentes à des salaires payés après le 12 décembre 1994 sont recevables et que, la période de cotisations concernée étant celle de 1983 à 1992, les demandes sont irrecevables.

Le salarié se prévaut de l’article 6 &1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et affirme que la CEDH refuse l’application systématique des règles de prescription qui fermerait l’action en justice aux victimes alors qu’elles n’ont pas encore connaissance soit du dommage soit de l’étendue du dommage subi.

Il souligne la particulière complexité des modalités juridiques affectant les régimes de retraite.

Il indique qu’il n’a pris connaissance du défaut de cotisations qu’en recevant son relevé de carrière qui met en évidence un manque de 37 trimestres de cotisations et renvoie à un relevé du 17 décembre 2016 (pièce 6)

Il affirme cependant que le délai butoir a commencé à courir à partir de la liquidation de ses droits à la retraite le 1er août 2004 et qu’il avait donc jusqu’au 1er août 2024 pour saisir la juridiction.

L’action en responsabilité d’un salarié contre son employeur qui n’a pas versé les cotisations aux organismes de retraite est une action en responsabilité civile contractuelle.

Elle est donc soumise au délai de de prescription de droit commun de cinq ans en application des dispositions de l’article 2224 du code civil issu de la loi du 17 juin 2008 et ne court qu’à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu’elle n’en avait pas eu précédemment connaissance.

En application des dispositions de l’article 2232 du code civil interprétées à la lumière de l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et de celles de l’article 2224 du même code, le délai de prescription de l’action fondée sur l’obligation pour l’employeur d’affilier son personnel à un régime de retraite, régime de base ou régime complémentaire, et de régler les cotisations qui en découlent court à compter de la liquidation par le salarié de ses droits à la retraite, jour où le salarié a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son action.

Contrairement à ce que prétend le salarié, le délai butoir de 20 ans instauré par l’article 2232 du code civil n’a pas pour effet de se substituer ou de prolonger le délai quinquennal mais au contraire, potentiellement, d’en limiter les effets.

Le salarié, qui fait état d’un relevé de carrière du 17 décembre 2016, ne remet pas pour autant en cause la date du point de départ du délai de prescription et la fixe à la date de liquidation de ses droits à la retraite, le 1er août 2004.

En l’espèce, le salarié ayant connu ses droits à la retraite à la date de sa liquidation, le 1er août 2004, en application de l’article 2224 du code civil issu de la loi du 17 juin 2008 et des dispositions transitoires de la même loi, ses demandes formulés par requête adressée le 5 décembre 2014, soit après l’expiration du délai de cinq ans prévu par l’article 2224 du code civil, sont prescrites et donc irrecevables.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile :

Le salarié qui succombe, doit supporter la charge des dépens et ne saurait bénéficier de l’article 700 du code de procédure civile ; toutefois, pour des raisons d’équité, il n’y a pas lieu de faire application

à son encontre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement et contradictoirement, en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. X aux dépens.

- prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Clotilde Maugendre, présidente et par Madame Dorothée Marcinek, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

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La greffière La présidente

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