Cour d'appel de Versailles, 17e chambre, 7 décembre 2022, n° 20/02038

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 17e ch., 7 déc. 2022, n° 20/02038
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 20/02038
Importance : Inédit
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Nanterre, 30 juin 2020, N° F18/00612
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Date de dernière mise à jour : 12 décembre 2022
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Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80B

17e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 7 DÉCEMBRE 2022

N° RG 20/02038

N° Portalis DBV3-V-B7E-UCDY

AFFAIRE :

[S] [P]-[V]

C/

Société DAIICHI SANKYO FRANCE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu 1er juillet 2020 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de NANTERRE

Section : I

N° RG : F18/00612

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Thomas HOLLANDE

Me Christophe DEBRAY

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SEPT DECEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dont la mise à disposition a été fixée au 16 novembre 2022, puis prorogée au 7 décembre 2022, dans l’affaire entre :

Madame [S] [P]-[V]

née le 20 février 1973 à [Localité 4]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentant : Me Thomas HOLLANDE de la SELARL LBBA, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P469

APPELANTE

****************

Société DAIICHI SANKYO FRANCE

N° SIRET : 382 677 144

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentant : Me Eve LABALTE de la SELARL SELARL L&KA AVOCATS – LABALTE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1626 et Me Christophe DEBRAY, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

L’affaire a été débattue à l’audience publique du 5 octobre 2022, Madame Aurélie PRACHE, présidente ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Aurélie PRACHE, Président,

Monsieur Laurent BABY, Conseiller,

Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller

qui en ont délibéré,

Greffier lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Mme [P]-[V] a été engagée en qualité de visiteuse médicale par contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 25 mai 1999, par la société Lipha-Santé.

Suite à une acquisition externe, elle est devenue salariée de la société Daiichi Sankyo France (DSFR) par transfert de son contrat de travail en date du 1er janvier 2009, avec reprise intégrale de son ancienneté.

Cette société est spécialisée dans la commercialisation des médicaments du groupe japonais Daiichi Sankyo (le groupe DS). Elle emploie plus de 10 salariés et applique la convention collective nationale de l’industrie pharmaceutique.

Le 19 juillet 2016, la direction de la société DSFR a remis au comité d’entreprise une « note économique sur un projet de restructuration ».

Le 6 janvier 2017, un accord d’entreprise portant plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) a été signé avec les organisations syndicales représentatives.

Le même jour, le comité d’entreprise a rendu, à l’unanimité de ses membres, un avis négatif sur le projet de réorganisation.

Le 23 janvier 2017, la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Direccte) d’Ile-de-France a validé l’accord portant PSE.

Mme [P]-[V] et 282 autres salariés ont été licenciés pour motif économique par lettre du 2 mars 2017 en raison de la nécessité 'd’adapter l’organisation de DSFR à une situation de graves difficultés, afin de sauvegarder la compétitivité du Groupe sur le marché pharmaceutique', et dispensés d’exécuter leur préavis.

Mme [P]-[V] a choisi d’adhérer au congé de reclassement et de bénéficier du parcours reconversion professionnelle dans le domaine du management d’équipes commerciales avec ouverture à d’autres secteurs d’activité que celui de la pharmacie.

Le 1er mars 2018, avec 85 autres salariés, Mme [P]-[V] a saisi le conseil de prud’hommes de Nanterre aux fins de dire son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et d’obtenir la réparation de son préjudice matériel et de son préjudice moral, du fait de l’exécution fautive des mesures prévues par le plan de reclassement, ainsi qu’une indemnité au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse et diverses sommes de nature indemnitaire.

Par jugement du 1er juillet 2020, le conseil de prud’hommes de Nanterre (section industrie) a :

— dit que le licenciement de Mme [P]-[V] est fondé sur une cause réelle et sérieuse,

— dit que la société Daiichi Sankyo France a respecté ses engagements dans le cadre de l’extension du congé de reclassement,

en conséquence,

— débouté Mme [P]-[V] de ses demandes,

— débouté la société Daiichi Sankyo France de sa demande reconventionnelle,

— condamné Mme [P]-[V] aux éventuels dépens.

Par déclaration adressée au greffe le 28 septembre 2020, Mme [P]-[V] a interjeté appel de ce jugement.

Une ordonnance de clôture a été prononcée le 28 juin 2022.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 17 juin 2022 , auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles Mme [P]-[V] demande à la cour de :

— infirmer le jugement rendu le 1er juillet 2020 par la section industrie du conseil de prud’hommes de Nanterre en ce qu’il a :

. dit que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse,

. dit que la société Daiichi Sankyo France a respecté ses engagements dans le cadre de l’extension du congé de reclassement,

en conséquence,

. l’a débouté de ses demandes,

. l’a condamné aux éventuels dépens,

et, statuant à nouveau,

— dire que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

en conséquence,

— condamner la société Daiichi Sankyo France à lui verser les sommes de :

. 81 109,58 euros nets à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. 39 497,56 euros en réparation de son préjudice matériel, outre la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral, du fait de l’exécution fautive des mesures prévues par le plan de reclassement,

— débouter la société Daiichi Sankyo France de l’intégralité de ses demandes reconventionnelles, fins et prétentions,

— condamner la société Daiichi Sankyo France à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner la société Daiichi Sankyo France aux entiers dépens.

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 5 mai 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la société Daiichi Sankyo France demande à la cour de :

— déclarer irrecevable et en tout cas mal fondé l’appel de Mme [P]-[V] à l’encontre du jugement du conseil de prud’hommes de Nanterre prononcé le 1er juillet 2020,

— le débouter de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

— confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

subsidiairement,

— limiter le montant des dommages – intérêts alloués à Mme [P]-[V] à titre de licenciement sans cause réelle et sérieuse à 6 mois de salaires bruts, soit 24 332,88 euros qui seront brutes de prélèvement social,

— déclarer irrecevable le cas échéant mal fondé Mme [P]-[V] du surplus de ses demandes du chef de l’extension du congé de reclassement,

— prononcer la déduction des sommes perçues par Mme [P]-[V] dans le cadre des dispositions du Plan de sauvegarde de l’emploi (hors dispositif purement légal) du montant des condamnations,

en tout état de cause,

— condamner Mme [P]-[V] à lui verser la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens qui seront recouvrés selon les dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur le bien-fondé du licenciement

Au cas présent, la lettre de licenciement notifiée à la salariée en date du 2 mars 2017 énonce :

« La société Daiichi Sankyo France (DSFR) doit mettre en 'uvre un projet de restructuration de ses activités se traduisant par :

— la suppression de 326 postes, dont 43 postes vacants et 283 postes occupés ;

— la création de 3 postes ;

— la modification de 9 postes.

Ce projet a été présenté aux Représentants du Personnel de la société qui ont été dûment informés et consultés. DSFR a signé avec l’ensemble de ses Organisations Syndicales représentatives un accord collectif d’entreprise le 6 janvier 2017 qui a été validé par la DIRECCTE le 23 janvier dernier.

Les raisons de cette restructuration sont les suivantes :

Le Groupe Daiichi Sankyo (DS) est un laboratoire pharmaceutique japonais qui développe, produit et commercialise des médicaments dans le domaine des pathologies cardiovasculaires, thrombotiques, oncologiques et de l’hypertension artérielle.

A l’échelle mondiale, DS est présente majoritairement au Japon, en Amérique du Nord et en Europe. Le marché européen constitue son troisième marché en part de chiffre d’affaires (7.6% en 2015).

Le marché mondial des produits de prescription connaît un fort ralentissement sur les marchés matures, en particulier en Europe et au Japon où DS est implanté.

Sur ces marchés dit matures, les mesures de réduction des dépenses de santé, prises par un certain nombre d’Etats, entraînent des retards de mise sur le marché et une pression à la baisse sur les prix.

Le Groupe rencontre une succession de difficultés qui l’ont fragilisé :

— Retard des ventes du Lixiana avec – 50% par rapport au budget prévisionnel en 2015, et – 35% en 2016.

— Résultats décevants aux états-Unis : perte de 90 % des revenus sur les produits existants d’ici à 2018, perte du brevet Olmésartan fin 2016 et ventes quasi nulles de Lixiana.

— Fermeture de la filiale au Venezuela et des activités au Mexique.

— Réductions de prix imposées par le gouvernement japonais pour les 5 prochaines années impactant particulièrement DS, numéro 2 du pays.

— échec de l’acquisition de RANBAXY et vente dégradée de cette filiale.

Daiichi Sankyo Europe (DSE) n’échappe pas à ces difficultés : le chiffre d’affaires de DSE est en effet fragilisé par l’effet cumulé du lancement décevant de Lixiana (UK, Pays-Bas), la performance mitigée d’Efient, la mise en danger de la gamme Olmésartan, et un pipeline vide de produits en phase d’application.

Les seuls relais de croissance des marchés matures reposent sur les médicaments de spécialité, qui nécessitent des investissements en R&D accrus pour lancer de nouvelles molécules.

Pour survivre sur le marché, il est vital pour un laboratoire de soutenir les efforts de recherche (R&D) afin de compléter le pipeline de produits. La contribution du Groupe était de 21% du chiffre d’affaires en 2015.

La baisse annoncée du résultat opérationnel de DSE ne lui permettrait plus de contribuer à un niveau suffisant dans la R&D pour la sauvegarde de compétitivité du Groupe.

Pour l’ensemble de ces raisons, le chiffre d’affaires et le résultat opérationnel du Groupe ont subi une forte baisse, ce que confirment les données financières publiées le 31 octobre 2016 et le 31 janvier 2017.

En France, la situation économique et financière de DSFR s’est soudainement et brutalement dégradée en 2016, sans perspective d’amélioration à moyen terme.

Dans le contexte d’une politique de réduction du déficit des comptes de la Sécurité Sociale, l’état est amené à prendre des décisions de déremboursement de médicaments, et de réduction du prix de vente des médicaments par les laboratoires.

Le premier événement qui a frappé DSFR est la décision du déremboursement brutal de la gamme Olmésartan, annoncée en avril 2016 par publication au Journal Officiel du 3 avril 2016. De plus, cette annonce a été faite avec un préavis très court (3 mois) ce qui n’a laissé aucune possibilité à Daiichi Sankyo de se préparer à la transition.

Un recours en justice a permis le 13 juin 2016 d’obtenir du Conseil d’Etat un report de la fin du remboursement de la gamme Olmésartan, au 2 janvier 2017. Une perte de 55% du chiffre d’affaires a été accusée sur les mois qui ont suivi l’annonce.

L’impact du déremboursement de l’Olmésartan est total depuis le 2 janvier 2017, avec une perte de CA de plus de 2/3 par rapport au chiffre d’affaires antérieur.

Faute de produits à commercialiser, il n’est plus envisageable de maintenir la structure des effectifs en l’état.

Le maintien des coûts fixes, représentant 28 millions de coûts liés au personnel auxquels s’ajoutent les dépenses commerciales (10 millions environ) et l’ensemble des frais généraux, s’avère impossible.

Le second événement qui affecte durement DSFR est lié à une succession de difficultés avec le lancement de Lixiana.

Le lancement de Lixiana a subi des retards et était finalement annoncé pour le second semestre 2016.

Entre-temps, l’annonce de la perte de la gamme Olmésartan a contraint à une révision des prévisions.

La Direction a dû se résoudre à constater que quel que soit le niveau du chiffre d’affaires estimé pour Lixiana, celui-ci serait bien en dessous de la perte de chiffre d’affaires de la gamme Olmésartan.

Ainsi, la note économique présentée aux Représentants du Personnel exposait les raisons pour lesquelles le scénario de lancement et de vente interne de Lixiana ne permettrait pas d’assurer une rentabilité de DSFR, à cause des coûts d’exploitation trop élevés pour un seul produit.

C’est dans ces conditions que la Direction avait clairement exposé que seul un scénario de partenariat permettrait d’assurer à DSFR un chiffre d’affaires tout en limitant les pertes dues à la fin du remboursement de la gamme Olmésartan.

Entre la remise de la note économique en juillet 2016, et la procédure d’information des IRP début janvier 2017, la situation s’est encore aggravée et la Direction a annoncé aux Représentants du Personnel qu’en l’état actuel, le lancement de Lixiana en France n’est toujours pas envisageable.

Il est donc nécessaire d’adapter l’organisation de DSFR à cette situation de graves difficultés, afin de sauvegarder la compétitivité du Groupe sur le marché pharmaceutique.

Les effectifs et activités de DSFR doivent donc profondément évoluer pour se concentrer sur :

— la distribution et le suivi des produits matures existants ;

— le développement des ventes à l’export ;

— et la préparation de lancements dans l’oncologie à l’horizon fin 2018, début 2019.

Dans le cadre de ce projet, il est prévu la suppression de votre poste de DMSH, qui appartient à la catégorie Délégué Médical.

L’ensemble des postes de votre catégorie professionnelle étant supprimé, il n’y a pas eu lieu d’appliquer les critères d’ordre de licenciement.

Il en résulte que nous sommes contraints d’envisager votre licenciement.

Nous avons alors recherché l’ensemble des solutions permettant votre reclassement au sein du Groupe.

Nous avons ainsi recensé les postes vacants au sein des sociétés françaises du Groupe Daiichi Sankyo.

Malheureusement, aucun des postes actuellement vacants n’est compatible avec votre qualification, vos compétences et votre expérience, ou accessible par une formation d’adaptation.

Nous vous avons également adressé un questionnaire de mobilité à l’étranger.

Vous n’avez pas souhaité manifester votre intérêt pour une telle mobilité.

En l’absence de possibilité de reclassement interne, nous sommes par conséquent contraints de procéder à votre licenciement économique pour motif rappelé ci-dessus. (…) »

— Sur la réalité du motif économique du licenciement

La salariée soutient :

— que contrairement à ce qu’a considéré le juge de première instance, l’expiration de certains brevets, le ralentissement mondial et européen du marché pharmaceutique, les difficultés croissantes de renouvellement du portefeuille de produits, l’évolution des politiques de santé publique, ou encore le ralentissement du marché du médicament en France ne sauraient caractériser une menace sur la compétitivité du groupe, alors qu’il ne s’agit que de considérations d’ordre général et que toutes les entreprises du secteur sont confrontées à ce même contexte,

— que le conseil de prud’hommes n’a pas tenu compte des perspectives de substitution encourageantes au niveau mondial des ventes de Lixiana et des produits oncologiques (Efient et autres) à l’Olmesartan, dès l’année 2017,

— que l’employeur a volontairement centré la présentation de sa situation sur les seuls résultats des filiales européenne et française du groupe, qui ne représentent respectivement que 7,6 % et 2 % du chiffre d’affaire mondial sans apporter de données et économiques et financière détaillées sur la situation du groupe au niveau mondial notamment sur les deux principaux marchés du groupe, les marchés américain et japonais,

— que le groupe a vu sa profitabilité s’améliorer de façon très nette entre 2013 et 2015, le profit opérationnel ayant augmenté de 12,6% du chiffre d’affaires en 2013 à 13,2% en 2015, et qu’au-delà de ces performances, le groupe profitait d’une stabilité et d’une solidité financière incontestable puisqu’il affiche un ratio de fonds propres de 65%, et un taux d’endettement négatif de -41%,

— que, d’une part, l’apparente baisse de classement entre 2013 et 2016 (de la 18ème à la 25ème position mondiale) s’explique exclusivement par la cession par DS, en 2014, de la société filiale indienne Ranbaxy au profit du groupe Sun pharmaceutical industries, et que, d’autre part, le groupe a conservé une position stable dans le classement Top 50 établi par « Pharma Exécutives » depuis 2015 (25ème place en 2015, 26ème place entre 2016 et 2019, 24ème place en 2020).

La société objecte :

— que la situation du groupe était menacée et s’est d’ailleurs détériorée au cours de la procédure et même postérieurement aux licenciements, qu’il existait une impérieuse obligation de conserver de la trésorerie pour la recherche-développement (R & D),

— que de nombreuses décisions de cours d’appel concernant des licenciements économiques notifiés par des laboratoires en vue de sauvegarder leur compétitivité ont été validés par les juges du fond, que l’expert APEX se livre à une critique de la stratégie de l’entreprise, imposée par la nécessité de R & D,

— que le contexte règlementaire était particulièrement difficile, avec le déremboursement d’un médicament, le retard de mise sur le marché d’un autre médicament,

— que l’expert a volontairement circonscrit son analyse à la période arrêtée à 2015 alors que la situation imposait d’adapter les coûts fixes et les effectifs à un chiffre d’affaires en chute libre, de reprendre des parts de marchés, de redonner aux filiales la capacité de dégager des marges, de prioriser la R & D pour pouvoir sortir de nouveaux produits, sans quoi la perte de compétitivité se serait transformée en difficultés économiques avec des conséquences plus graves,

— que l’inspecteur du travail saisi pour les salariés protégés a constaté l’impossibilité pour l’employeur de fournir du travail aux délégués médicaux faute de médicaments à promouvoir.

**

En matière de licenciement économique collectif, les textes applicables sont ceux en vigueur au moment de l’engagement de la procédure de licenciement par l’employeur. Cet engagement se situe au jour où l’employeur met en oeuvre la procédure consultative des représentants du personnel sur son projet en application des article L.1233-8, L.1233-28 ou L.1233-30 du code du travail selon le cas, l’article 18,XXXIII de la loi n°2013-504 du 14 juin 2013 précisant que la procédure de licenciement collectif est réputée engagée à compter de la date d’envoi de la convocation à la première réunion du comité d’entreprise. A défaut, il peut s’agir des délégués du personnel.

Selon l’article L. 1233-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, en vigueur du

27 juin 2008 au 1er décembre 2016, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.

La jurisprudence y a ajouté notamment la réorganisation de l’entreprise qui peut être nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise ou justifiée par des difficultés économiques.

Dans sa rédaction actuelle non applicable au litige, en vigueur depuis le 1er avril 2018, issue de la loi n°2018-217 du 29 mars 2018, l’article L.1233-3 comporte notamment un nouvel alinéa indiquant que 'Les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise s’apprécient au niveau de cette entreprise si elle n’appartient pas à un groupe et, dans le cas contraire, au niveau du secteur d’activité commun à cette entreprise et aux entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national, sauf fraude.'

Lorsque l’entreprise fait partie d’un groupe, des difficultés économiques ou la menace pesant sur la compétitivité ne peuvent justifier un licenciement que si elles affectent le secteur d’activité du groupe dans lequel intervient l’employeur.

Lorsque la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige auquel peut ensuite donner lieu cette mesure, fait état d’une réorganisation nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité , le juge doit rechercher si la décision de l’employeur était nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise ou du secteur d’activité du groupe dont elle relève.

Répond à ce critère la réorganisation mise en oeuvre pour prévenir des difficultés économiques à venir liées à des évolutions technologiques et leurs conséquences sur l’emploi, sans être subordonnée à l’existence de difficultés économiques à la date du licenciement. La réorganisation, en revanche, ne peut avoir pour objet d’optimiser la rentabilité de l’entreprise et d’accroître les profits du groupe. Mais, dès lors que sont établis la réalité et le sérieux du motif économique du licenciement et l’adéquation entre la situation économique de l’entreprise et les mesures affectant l’emploi ou le contrat de travail, le juge ne peut se substituer à l’employeur quant aux choix qu’il effectue dans la mise en oeuvre de la réorganisation.

Enfin, la constatation de l’existence ou non d’une menace pesant sur la compétitivité de l’entreprise ou de difficultés économiques relève du pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond, qui, pour cette appréciation, peuvent tenir compte d’éléments postérieurs à la date du licenciement.

Au cas d’espèce, la réorganisation mise en oeuvre le 29 août 2016 par réunion d’information du comité d’entreprise, dans le cadre d’un accord collectif majoritaire portant PSE signé par la direction et les organisations syndicales représentatives le 6 janvier 2017, et validé par l’administration le 23 janvier 2017, s’est traduite par la suppression de 326 postes dont 43 postes vacants et 283 postes occupés, la création de 3 postes et la modification de 9 postes.

Le secteur d’activité à prendre en considération est l’ensemble des sociétés du groupe Daiichi Sankyo, lesquelles évoluent toutes dans le secteur de la production et la commercialisation de médicaments dans le domaine des pathologies cardiovasculaires, thrombotiques, oncologiques et de l’hypertension artérielle, sans limitation au territoire national.

Les seuls résultats économiques de la société DSFR sont indifférents s’agissant d’une réorganisation pour sauvegarder la compétitivité du groupe sur le marché pharmaceutique.

La société DSFR, à laquelle il appartient d’établir l’existence d’une menace pesant sur la compétitivité de l’ensemble du groupe Daiichi Sankyo, soutient que la menace sur la compétitivité du groupe résulte :

— d’un chiffre d’affaires et un résultat opérationnel du groupe en forte baisse, selon les données financières publiées le 31 octobre 2016 et le 31 janvier 2017,

— de la décision du gouvernement français de déremboursement brutal de la gamme Olmésartan, annoncée en avril 2016 par publication au Journal Officiel du 3 avril 2016, induisant une perte de 55% du chiffre d’affaires sur les mois qui ont suivi l’annonce, et à compter du 2 janvier 2017, une perte de chiffre d’affaires de plus de 2/3 par rapport au chiffre d’affaires antérieur,

— de l’absence de produits à commercialiser, alors que les coûts fixes liés au personnel de la filiale française représentent 28 millions auxquels s’ajoutent les dépenses commerciales (10 millions environ) et l’ensemble des frais généraux.

— du retard puis de l’absence de lancement en France du Lixiana, dont le niveau du chiffre d’affaires estimé est bien en dessous de la perte de chiffre d’affaires de la gamme Olmésartan.

Pour en justifier, la société produit les éléments suivants :

* le procès-verbal de la réunion extraordinaire du 29 août 2016 dans lequel il est indiqué 'le chiffre d’affaires du groupe devrait enregistrer une baisse de 6.7 % entre 2015 et 2016, pour un résultat opérationnel en baisse de 23.3 % sur la même période. Ces chiffres tiennent à la perte de divers brevets en 2016 notamment aux Etats-Unis et au développement insuffisant des ventes de Lixiana aux Etats-Unis. La direction précise que le périmètre considéré exclut le partenariat avec la société indienne Ranbaxy. (…) La direction indique que le groupe a prévu des restructurations en Europe, au Japon, et aux Etats-Unis, compte tenu de ses difficultés. Ainsi il a récemment fermé son centre de R&D au Royaume-Uni. (…) La direction relève qu’aux Etats-Unis, DS prévoit une baisse de chiffre d’affaires de 90% entre 2013 et 2018 sur les produits existants, essentiellement par la perte du brevet d’Olmesartan. La prévision de baisse de résultat opérationnel a entraîné la suppression de 1200 postes sur plus de 2000 au total, soit près de 70 % de l’effectif. (…) La direction précise que la perte du brevet d’Olmetec et Co-Olmetec concerne l’Europe entière, contrairement à la fin de la protection des données d’essais cliniques de Sevikar et Tri-Sevikar. Quant à l’irruption prématurée des génériques de Sevikar (qui est déjà possible en Tchécoslovaquie [sic]), elle tient à l’absence de protection des données sur le produit. Les élus s’étonnent qu’aucune alternative n’ait été recherchée compte tenu de ces menaces prévisibles.(…)

S’agissant plus précisément du médicament Olmesartan, le PV indique : 'Les élus constatent qu’à certains mois la France représente près d’un tiers du chiffre d’affaires de l’Europe. Ils maintiennent que la performance de la filiale française ne justifie pas sa fermeture. En outre, le graphique montre que cette baisse n’est pas cantonnée à la France.

La direction souligne la baisse de 50 % du chiffre d’affaires en six mois (30-35 Meuros)'

* la décision du gouvernement français de dérembourser l’Olmesartan à compter de juin 2016 reportée à janvier 2017 (pièces 13 et 14) : la société établit que cette situation a été suivie par le Ministère du travail, la direction de DSFR ayant demandé à rencontrer un conseiller du cabinet en décembre 2016, rendez-vous pour lequel un document de présentation (pièce 53) a été élaboré, rappelant notamment (p. 3) que :

— le 29 avril 2015 un avis de la commission de la transparence a attribué subitement un SMR [service médical rendu] insuffisant aux spécialités à base d’Olmesartan,

— le 9 septembre 2015, s’est tenu 'un entretien à l’Elysée à la demande de [G] [T] (DES) et [D]. [B] (président DSFR) reçu par M. [Z] [O] (conseiller emploi de la présidence de la République) pour sensibiliser les ministères de la santé et des finances sur les conséquences dramatiques de la décision de déremboursement sur l’emploi et trouver une alternative économiquement et socialement raisonnable.',

— 'le 18 mars 2016 M. [O] affirme être désolé de la situation d’impasse dans laquelle se trouve DSFR.' (…)

— '18 juillet 2016 (…) nouvel entretien avec deux conseillers de la Présidence de la République : M. [N] [C] (conseiller santé) et M. [Z] [O] (conseiller emploi) au cours duquel DSFR continue d’alerter l’Etat des conséquences désastreuses des arrêtés [de déremboursement] sur l’avenir de la société.'

* la réponse, dans le cadre du CE du 15 novembre 2016, de la direction sur le scénario alternatif des IRP de lancement du Lixiana avec une force de promotion interne plutôt que le partenariat envisagé par DSFR (pièce 23 de l’employeur) dans laquelle on peut lire (p. 18) que 'DSFR serait en situation de perte sur les 3 premières années (FY17 à FY19) en plus de FY16. Or, ce sont des années critiques pour le Groupe compte tenu de la perte du brevet d’Olmesartan.

La force de promotion de 60 VMSH n’aurait que le Lixiana à promouvoir et DSFR ne dispose pas d’autres produits de développement à horizon 5 ans. La promotion de produits Oncologie devrait être réalisée par des MSL (NdR / médecins) et non par une force de promotion composée de VSMH. DSFR encourrait le risque de ne pas atteindre les parts de marché attendues pour Lixiana compte tenu de ses ressources intérieures à nos concurrents (force de promotion réduite)

A cela s’ajoute l’incertitude relative au prix du Lixiana, prix qui devrait quoi qu’il en soit être faible, voire insuffisant pour lancer le produit en France, ce qui nous contraindrait à opter pour le scénario 2 du livre II (pas de lancement).'

* le procès-verbal de la réunion du CE du 13 décembre 2016 indiquant (p. 5) que 'la commercialisation du Lixiana ne sera pas possible en France avec le prix proposé actuellement. La direction confirme qu’aucun accord n’a été signé avec un partenaire.(…) La direction note que la situation de Lixiana s’aggrave (…)

La direction indique qu’elle ne commercialisera pas ce produit avec un prix plus bas que le prix facial en Europe.', de sorte qu’à cette date, la décision de la société concernant le Lixiana était prise, contrairement à ce qu’indique la résolution du CE du 14 décembre 2016 selon laquelle 'A l’égard du lancement du Lixiana, le groupe retarde l’officialisation de sa décision de lancement et est acteur volontaire de ces incertitudes qui obèrent toutes les chances de sauver des emplois qui en découleraient.'

* le procès-verbal de la réunion du CE du 20 décembre 2016 indiquant (p.9) que 'le portefeuille de produits ne permet pas d’assurer la croissance future de l’entreprise et du groupe. Des acquisitions seront nécessaires. La direction considère que le pipeline de produits en France est inexistant. Celui des produits de DS est insuffisant.'

Cette absence de produit dans le pipeline est également évoquée dans le PV de la réunion ordinaire du CE du 8 octobre 2015 (pièce C des salariés), soit un an avant l’engagement de la procédure de licenciement collectif. Il y est indiqué (p. 8), au titre des perspectives 2015-2017, comme challenges de 'réussir le lancement de Lixiana en Q2 2016" et de 'continuer à défendre la position d’Olmesartan dont la procédure est en cours', le Business developpement mentionnant que 'plusieurs projets sont à l’étude sur la recherche de produits ou de partenariat et que le décalage de Lixiana représente une perte de 5M euros en FY15 et plus de 15M euros en FY16 et FY17, (…) Un effort intense est porté sur le business développement car le groupe ne dispose pas dans son PIPELINE de molécule à lancer à court terme.'

* un courriel du 18 juin 2018 (pièce 43) du président de DSFR au président du comité économique des produits de santé (CEPS) indiquant la décision de la société de ne pas envisager le lancement en France du Lixiana et la pièce 44 fait état d’un 'pipeline européen sans molécules en phase d’enregistrement'.

* la note économique définitive adressée au comité d’entreprise de DSFR (pièce 1 employeur) dont il ressort que :

— si, à périmètre constant (soit hors chiffres d’affaires réalisé par la filiale indienne Ranbaxy, cédée en 2014), le chiffre d’affaires du groupe est passé de 899 G¥ en 2013 à 920 G¥ en 2016, il est en régression de 6.7 % entre 2015 à 2016,

— si, toujours à périmètre constant, le résultat d’exploitation du groupe sur la période est passé, de 74.4 G¥ en 2014 à 100 G¥ en 2016, il est en régression de 23.3 % entre 2015 à 2016,

— le résultat d’exploitation du groupe s’élève en 2015 à 13 % de son chiffre d’affaires contre notamment 28% pour Pfizer, 27 % pour BMS … ce qui la situe dans les dernières places du classement des principaux laboratoires pharmaceutiques mondiaux,

— ces résultats sont notamment le fait de ceux de la filiale française (DSFR) pour laquelle il est établi que :

— le chiffre d’affaires est pour sa part passé de 117.4 M€ en 2013 à 109.6 M€ en 2015, puis à 60.3 M€ en 2016, alors que la prévision était de 139.3 M€ , soit une baisse de 42.8 M€ euros entre 2016 et 2015, due à une baisse de 66 % entre 2015 et 2016 du chiffre d’affaires réalisé sur l’Olmésartan,

— le résultat opérationnel étant passé entre 2015 et 2016 de 36.594 à – 6.222 M€.

— le groupe enregistre une chute du chiffre d’affaires réalisé aux Etats Unis (cf pièce 57, p. 6) avec une baisse de 20.3 % entre 2015 et 2016 et baisse de 23.5 % sur le reste des régions, et un chiffre d’affaire des ventes mondiales de Lixiana en hausse entre 2015 et 2017 mais moindre que les prévisions (-13.9 % par rapport au CA envisagé).

— la filiale européenne (DSE) justifie d’une évolution des frais généraux de + 2.1 % entre 2014 et 2018 (de 65.054 M€ en 2015 à 67.176 M€ en 2017), d’une évolution des coûts de vente de + 9.8 % entre 2014 et 2018 (de 128.387 M€ en 2015 à 145.95 M€ en 2016) et d’une évolution du résultat opérationnel de DSE de 187.131 M€ en 2014 à 139.879 M€ en 2015 et 107.661 M€ en 2016.

* le rapport APEX (pièce 7), expert-comptable mandaté par le comité d’entreprise, relevant que les prévisions à 5 ans indiquent des perspectives de croissance du chiffre d’affaires et de la marge positives et que la structure financière du groupe est particulièrement saine et solide compte tenu du poids très élevé des fonds propres et de la trésorerie nette pléthorique, l’expert-comptable en concluant que 'sur la base de ce constat factuel, il est impossible d’affirmer qu’il existe un risque menaçant la sauvegarde de la compétitivité aux bornes du Groupe’ et que 'la note économique qui est présentée n’est qu’une extrapolitation de cette stratégie financière. Mais cette politique ne peut pas être assimilée à une volonté de sauvegarder la compétitivité ni justifier économiquement la mise en place d’un PSE.'

Il ajoute que 'Le choix de ramener la structure à 19 ETP et d’éventuellement confier la promotion de sa nouvelle spécialité à un autre laboratoire, en sacrifiant l’ensemble de ses forces commerciales internes, devraient se traduire par une perte de chiffres d’affaires en France et une marge cumulée sur 5 ans légèrement positive au mieux en tenant compte du coût de la réorganisation. Cette stratégie, totalement antinomique avec une politique de sauvegarde de la compétitivité, confirme la volonté du Groupe de pouvoir remonter du cash le plus rapidement possible, même s’il faut perdre du chiffre d’affaires et financer le coût de la réorganisation.'

Le rapport APEX, sans évoquer la situation de l’année 2016, souligne un résultat net en hausse entre 2014 et 2015 (de 4.7 % du CA à 8.2 % du CA) et des liquidés représentant 19 % du bilan de 2014 contre 38 % en 2015, avec un endettement net par rapport aux fonds propres de – 41% en 2014, alors que 'dans le secteur de l’industrie pharmaceutique, un ratio de 50 % est couramment mis en place et admis, et qu’un ratio d’endettement 'prudentiel’ de 30 % porterait la dette à 1085 G yens, couvert aux 2/3 par les liquidés détenues, soit une dette nette de 370 G yens, et un ratio d’endettement enfin positif permettant de dégager un effet de levier favorable.'

Il affirme enfin que 'le groupe est prêt à décaisser 41Meuros pour mettre en place un PSE afin d’augmenter de façon notable sa profitabilité et sa rentabilité et poursuivre, comme il l’a d’ailleurs déjà annoncé, sa politique d’accumulation de cash afin de mieux rétribuer ses actionnaires. Cette volonté prive de tout fondement économique les licenciements qui pourraient être effectués dans le cadre du projet de PSE'.

* une note de la direction qui répond point par point au rapport APEX dont elle conteste les conclusions, aux termes de laquelle la société expose que 'le niveau de cash est élevé du fait de la cession avec décote de Ranbaxy’ et que le risque financier futur à l’échelle mondiale représenté par l’expiration de brevets est de 77 Md$ sur la période 2016-2020.

* une lettre du 3 janvier 2017 du président de DSFR à l’inspecteur du travail indiquant avoir 'envisagé depuis le début de la procédure de dispenser d’activité les salariés les plus touchés par la chute d’activité, en l’occurrence les visiteurs médicaux, mais que les organisations syndicales et les élus [l']ont alerté sur le fait qu’une dispense d’activité totale à l’initiative de la société pourrait conduire à un isolement de ces salariés ce qui pourrait être facteur de stress supplémentaire.', à laquelle est jointe un tableau du chiffre d’affaires réalisé pour l’année fiscale 2016 (pièce 47 de l’employeur) de 48.628 au lieu des 83.558 prévus.

Il convient par ailleurs de relever que les licenciements des salariés protégés ont été autorisés par l’administration. Ces décisions, rendues par l’inspecteur du travail dépendant de la Direccte d’Ile de France, unité de contrôle des Hauts de Seine, auquel la société avait transmis, par courriel du 5 juillet 2017, les documents financiers en langue anglaise concernant les résultats du groupe sur l’année fiscale 2016, les résultat des Etats-Unis, les documents sur le retard de mise sur le marché et résultats des ventes du Lixiana (edoxaban), les réductions de prix imposés par le gouvernement japonais pour les 5 prochaines années, l’échec de l’acquisition de Ranbaxy et la vente dégradée de cette filiale, la dégradation des moyens du groupe et la diminution de la compétitivité, le rapport APEX, n’ont pas fait l’objet de recours des intéressés devant le tribunal administratif.

La société produit sur ce point l’attestation d’un représentant du personnel, délégué syndical, (p.49) indiquant qu’ 'à l’occasion de la demande d’autorisation de rupture de mon contrat de travail l’inspecteur du travail a validé le motif économique et je ne l’ai pas contesté car j’acceptais vu [l']état de fait sur la situation économique du groupe'.

Sur la réalité du motif économique, les décisions indiquent :

* s’agissant de celle concernant M. [F] (pièce 33) rendue le 31 juillet 2017 , indique que 'la société a matérialisé, afin de justifier la nécessité dans laquelle elle se trouve de réorganiser son entreprise pour sauvegarder sa compétitivité, que la situation économique du groupe auquel appartient la société, le groupe Daiichi Sankyo, est difficile, principalement en raison d’une baisse du chiffre d’affaires de 6.7 % entre les années 2015 et 2016, d’une régression du résultat opérationnel de 23.3 % sur ces mêmes années, d’un recul en matière de compétitivité face à ses concurrents, attendu que le groupe a été classé sur le sujet à la 25ème place mondiale en 2016, alors qu’il occupait la 18ème place mondiale en 2013, et enfin d’une réduction des prix de vente des médicaments à l’initiative du gouvernement japonais.

Considérant, sur ces fondements, qu’il peut être ici caractérisé une réelle nécessité pour le requérant de réorganiser son entreprise au motif de sauvegarder de sa compétitivité.'

* s’agissant de la décision du 18 décembre 2017 autorisant le licenciement de Mme [E], que la société a : 'matérialisé, afin de justifier la nécessité dans laquelle elle se trouve de réorganiser son entreprise pour sauvegarder sa compétitivité, que la situation économique du groupe auquel appartient la société, le groupe Daiichi Sankyo, est difficile, principalement en raison d’une régression de son résultat opérationnel de 33.5 % sur la période courant entre septembre 2016 et septembre 2017, du déremboursement en France de ses médicaments Olmetec, Coolmetec et Sevikar, d’une réduction des prix de vente sur l’ensemble des médicaments sur le territoire japonais, et enfin d’un recul en termes de compétitivité face à ses concurrents, attendu que le groupe a été classé sur le sujet à la 25ème place mondiale en 2016, alors qu’il occupait la 18ème place mondiale en 2013.'

Sur ce point, il convient de relever que le groupe, au 25ème rang mondial en 2016, se situait en 2019, selon la pièce 60, au 26ème rang mondial et à la 3ème place pour les sociétés japonaises, en non à la 1ère place comme il l’ambitionnait.

Ainsi, il convient également de relever qu’une ancienne salariée, déléguée du personnel, atteste ainsi dans le cadre de la présente procédure (pièce 48) que 'si le motif économique a été un vrai sujet de discussion, aujourd’hui on ne peut que constater que la situation économique du groupe s’est dégradée, d’ailleurs l’inspecteur du travail a fait le même constat lorsqu’il a donné les autorisations de licenciement des élus. (…). Elle ajoute que ce contentieux a été pour elle un désaveu du travail difficile accompli en tant que représentante du personnnel et de son engagement sans faille en faveur des salariés, soulignant être particulièrement 'attristée de voir que malgré le versement d’indemnités sans commune mesure à la plupart des plans sociaux, certains se permettent aujourd’hui d’agir en justice par cupidité.', cette attestation allant dans le même sens que celle d’une autre salariée, déléguée syndicale (pièce 50) qui avait pu indiquer dans la presse (pièce Q des salariés) que les motivations du PSE sont 'uniquement boursières et financières'.

Il résulte de l’ensemble de ces constatations qu’en l’état d’indicateurs financiers, dont la fiabilité n’est pas critiquée dans les écritures, à la baisse entre 2015 et 2016 pour l’ensemble du groupe, et tout particulièrement sa filiale française, de la perte d’un certain nombre de brevets à compter de 2016, dont celui de l’Olmesartan, du déremboursement de ce médicament, produit phare de la société DSFR, de l’absence de lancement du nouveau produit Lixiana sur le territoire français, et de ses résultats décevants pour le reste du monde, de l’absence de produits dans le pipeline européen et de l’insuffisance de produits dans le pipeline du groupe, de la nécessité de conserver en conséquence un haut niveau de trésorerie pour permettre la R&D sur le développement de nouveaux produits notamment en oncologie, la société établit l’existence, à la date de notitification des licenciements, le 2 mars 2017, d’une menace pesant sur la compétitivité du groupe Daiichi Sankyo, rendant nécessaire la réorganisation mise en oeuvre dans le cadre de l’accord collectif majoritaire portant PSE prévoyant la suppression du poste de chacun des salariés appelants, sans recours formé par les salariés à l’encontre de décision de la Direccte validant ce PSE.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu’il a dit le licenciement économique de la salariée fondé sur une cause réelle et sérieuse.

Sur la demande relative à l’extension du congé de reclassement

La salariée expose qu’elle a choisi d’intégrer le « programme grande école » dispensé par l’organisme de formation Kedge Business School, à compter du 15 janvier 2017, que le cabinet de reclassement lui a conseillé de s’inscrire à une formation complémentaire au sein de l’école afin de disposer d’une convention de formation allant jusqu’en mars 2020, et que, suivant ces recommandations il a choisi un module de formation supplémentaire, dont elle s’est finalement vue refuser la prise en charge par la commission de suivi au motif que la période de cours couverte par la convention de formation initiale au sein de l’école prenait fin le 28 juin 2019, la dernière partie de la formation étant consacrée à la rédaction d’un mémoire.

La salariée soutient que ce refus de prolongation du congé de reclassement jusqu’à l’achèvement de la formation reconversion, consacrée par la rédaction de son mémoire, est contraire aux stipulations précitées de l’accord, qui ne conditionne pas l’extension du congé de reclassement au suivi effectif de cours, mais prévoit uniquement que les formations réalisées doivent être qualifiantes, certifiantes ou diplômantes, et qu’à ce titre, la rédaction du mémoire est indispensable à l’obtention du diplôme.

L’employeur objecte qu’il ressort des stipulations expresses de l’accord majoritaire que toute prolongation exceptionnelle de la durée du congé de reclassement demeure une hypothèse, qui en tout état de cause nécessite un avis en ce sens de la commissions de suivi qui a expressément refusé d’étendre le congé de reclassement de l’interessée par une décision du 29 août 2017 qui lui a été notifiée par lettre recommandée le 31 janvier 2018.

**

Aux termes de l’accord majoritaire portant plan de sauvegarde de l’emploi (Partie 3.2, article II.3), la société DSFR s’est engagée à proposer aux salariés un congé de reclassement d’une durée supérieure à celle du dispositif légal dans les conditions suivantes : « ['] La durée du congé de reclassement serait appréciée en fonction de l’âge du salarié à la date de fin de son préavis conventionnel :

Moins de 50 ans : 15 mois,

De 50 à 55 ans : 18 mois,

A partir de 55 ans : 24 mois.

Cependant quel que soit l’âge du salarié, la durée du congé de reclassement pourra être

portée jusqu’à 30 mois en cas de formation de reconversion. Une prolongation exceptionnelle sera envisageable jusqu’à 42 ou 54 mois en cas de projet validé de cursus de formation de très longue durée et de réussite des 2 premières années de formation, puis de la 3e année de formation, après avis de la commission de suivi et vérification par cette dernière de la réussite aux examens/concours par le salarié. »

L’accord précise (Partie 3.2, article V) que « ['] Les formations réalisées par les salariés doivent, dans le cadre d’un projet professionnel, être des formations qualifiantes, certifiantes ou diplômantes. Les formations de reconversion et ses aides spécifiques seraient accordées après examen préalable de l’Espace Emploi et validation de la Commission de Suivi et sur présentation des justificatifs (acceptation de l’organisme de formation, nature et durée de la formation, etc.). »

Au cas présent, la convention de formation professionnelle de Mme [P]-[V] conclue entre le groupe Kedge et la société DSFR pour une durée de 736 heures, du 15 janvier 2018 au 28 juin 2019, soit durant près de 18 mois, selon un planning figurant en annexe 2 de la convention, précise que :

'A l’issue de la formation, l’organisme de formation délivre au stagiaire une attestation mentionnant les objectifs, la nature et la durée de l’action et les résultats de l’évaluation des acquis de la formation conformément à l’article L. 6353-1 du code du travail.

Et lorsque le stagiaire aura obtenu les crédits ECTS (ou la moyenne générale) correspondant aux modalités fixées par le règlement pédagogique remis à la rentrée, le diplôme Programme grande école de Kedge BS lui sera délivré.'

L’annexe 1, constituée par la fiche action de formation, indique que le parcours comporte notamment, et en dernier module, un mémoire de recherche appliquée (M7) et précise que 'l’obtention du diplôme est conditionnée par la validation de chaque module dans un délai de cinq ans à partir de l’entrée en formation. Chaque module fait l’objet d’une validation. A l’exception du séminaire d’intégration, tous les modules sont validés par l’obtention d’une moyenne supérieure ou égale à 10/20 (…)'

L’attestation établie le 20 mars 2019 par la responsable des programmes diplômants de l’école

Kedge indique que le mémoire appliqué est un bloc de compétence (bloc 11 – fiche RNCP 25440) du Programme grande école et doit être validé au même titre que les 14 autres blocs pour obtenir le diplôme et que 'les étudiants en formation en janvier 2018 doivent remettre et soutenir leur mémoire avant mars 2020 pour être diplômés promotion 2020.'

La fiche en question n’est pas jointe à ladite attestation, qui comporte en revanche les fiches de tous les autres blocs du schéma pédagogique, les modalités d’évaluation (p.46 de la pièce 4.1 du salarié) indiquant 'rédaction d’un mémoire individuel de fin d’études (avec accompagnement par un tuteur) portant sur une problématique concrète d’entreprise, qui fait l’objet d’une soutenance devant jury à l’issue de la formation.', représentant 15 ECTS sur les 135 ECTS de la totalité des épreuves.

Il résulte de ces éléments que la délivrance du diplôme préparé est conditionnée, d’une part, au suivi de la formation objet de ladite convention, et d’autre part, à l’obtention par l’intéressé des crédits ECTS dans un délai de cinq ans à compter de l’entrée en formation, dont il n’est pas contestée qu’il s’agisse ici d’une formation diplômante, condition de sa prise en charge par l’employeur au titre du congé de reclassement du salarié auquel il a adhéré dans le cadre de l’accord portant PSE.

Le dossier de présentation de parcours de conversion de Mme [P]-[V] établi par Alixio, le cabinet de reclassement, le 10 juillet 2017 (pièce 7 de l’employeur) indique ainsi (p.3 ) que '

le programme se termine par la réalisation d’un mémoire avec un accompagnement tutoriel et en présentiel à l’école. La réalisation de ce mémoire et sa soutenance font partie intégrante de cette formation et de l’obtention du diplôme. (…)' et p. 10 que 'Mme [P] [V] demande à ce que le terme de son CR soit fixé à mars 2020 soit jusqu’à l’obtention de son diplôme en mars 2020.'

En réponse à cette demande, le procès-verbal du 18 juillet 2017 de la commission de suivi (CS2) instituée par l’accord collectif indique que la salariée 'demande à ce que son CR [congé de reclassement] soit prolongé jusqu’à la soutenance de son mémoire en décembre 2019, au motif qu’il aurait l’obligation de participer à des sessions de tutorat. La CS2 rappelle que seules les dates de cours sont retenues pour les CR. Les dates de fin de cours marque automatiquement la fin du CR’ et décide d’un avis favorable sur la formation jusqu’au 28/06/19 mais que 'concernant le tutorat pour la période de préparation du mémoire, Alixio va se rapprocher de l’école pour connaître le nombre de jours, de dates, en présentiel ou non, obligatoires ou non. La décision sur ce point sera donnée lors de la CS d’août 2017.'

Le procès-verbal de cette réunion, notifié à l’intéressée par lettre qu’elle a réceptionnée le 1er février 2018 (pièce 6 de l’employeur), indique que 'les 5 salariés [parmi lesquels Mme [P]-[V]] avaient demandé à continuer de bénéficier du CR après la fin des cours et jusqu’à la soutenance de leur mémoire au motif qu’il y a des cours de tutorat imposés.

Or, ce point ayant interrogé Alixio, celui-ci a recontacté Kedge et reçu un écrit confirmant que ces journées de tutorat étaient facultatives et ne revêtaient nullement un caractère obligatoire. Ces journées s’effectuent à la demande du salarié, en présentiel ou à distance, et ne donnent pas lieu à une attestation de présence.' et la commission émet l’avis suivant 'ces personnes n’ont pas été transparentes dans la présentation de leurs demandes et au vue des réponses fournies par Kedge, la date de fin de formation sera bien celle mentionnée sur la convention de formation à savoir le 28/06/19, date à laquelle prendra fin leur CR.'

En l’état de l’ensemble de ces constatations, il convient en conséquence de retenir que la société DSFR a rempli ses obligations contractuelles et respecté les termes de l’accord précité à l’égard de la salarié.

En effet, cette dernière a bénéficié d’un congé de reclassement pendant toute la durée d’une formation dont il n’est pas contesté qu’elle est diplômante, condition de son financement dans le cadre d’un congé de reclassement, selon les termes précités de l’accord (Partie 3.2, article V) qui engage l’employeur uniquement sur la délivrance au salarié d’une formation diplômante, et non sur la délivrance d’un diplôme.

Dès lors, il importe peu que l’obtention définitive du diplôme, conditionnée à la soutenance d’un mémoire, ne puisse intervenir que postérieurement au terme de ladite formation et donc du congé de reclassement de l’intéressée, laquelle, en tout état de cause, n’établit pas qu’elle ne l’aurait pas obtenu. Il en résulte que c’est à bon droit que la commission de suivi a refusé à la salariée une extension du congé de reclassement jusqu’à l’obtention de son diplôme, après soutenance du mémoire.

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu’il a débouté la salariée sa demande de réparation de son préjudice matériel et moral, du fait de l’exécution fautive des mesures prévues par le plan de reclassement.

Sur l’article 700 et les dépens

Il n’apparaît pas inéquitable de dire que chacune des parties gardera à sa charge ses frais irrépétibles en cause d’appel et de dire que chacune des parties gardera la charge des dépens d’appel par elle exposés.

PAR CES MOTIFS:

Statuant publiquement et contradictoirement, en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

DIT n’y avoir lieu à l’application de l’article 700 du code de procédure civile,

LAISSE à chacune des parties la charge des dépens d’appel par elle exposés.

. prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

. signé par Madame Aurélie Prache, président et par Madame Dorothée Marcinek, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier Le président

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Cour d'appel de Versailles, 17e chambre, 7 décembre 2022, n° 20/02038