Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 7 décembre 2022, n° 20/02709

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 19e ch., 7 déc. 2022, n° 20/02709
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 20/02709
Importance : Inédit
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Nanterre, 14 octobre 2020, N° 18/01384
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Date de dernière mise à jour : 12 décembre 2022
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Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

19e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 07 DECEMBRE 2022

N° RG 20/02709

N° Portalis DBV3-V-B7E-UFYN

AFFAIRE :

[J] [S] [N]

C/

S.A.S. ADI-GARDINER (ADI GLOBAL DISTRIBUTION FRANCE)

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 15 Octobre 2020 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section : I

N° RG : 18/01384

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

la SELARL LBBA

la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SEPT DECEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Madame [J] [S] [N]

née le 17 Septembre 1982 à [Localité 7]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Thomas HOLLANDE de la SELARL LBBA, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P469 substitué par Me Benjamin DELSAUT, avocat au barreau de PARIS

APPELANTE

****************

S.A.S. ADI-GARDINER (ADI GLOBAL DISTRIBUTION FRANCE)

N° SIRET : 732 060 272

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625

Représentant : Me Thierry MEILLAT du PARTNERSHIPS HOGAN LOVELLS (PARIS) LLP, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J033 substitué par Me Pauline MANET, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 12 Octobre 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle MONTAGNE, Président,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Laure TOUTENU, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Morgane BACHE,

Du 28 mai au 31 août 2007, Mme [J] [S] [N] a travaillé en qualité d’assistante commerciale par le biais d’un contrat de mission au sein de la société ADI-GARDINER, employant habituellement au moins onze salariés et spécialisée notamment dans la fabrication, la vente et l’installation de matériel de détection contre le vol et l’incendie.

A compter du 1er septembre 2007, Mme [N] a été embauchée selon contrat de travail à durée indéterminée en qualité d’assistante commerciale par la société ADI-GARDINER.

Mme [N] a été affectée en dernier lieu au sein d’une 'agence’ située à [Localité 5].

Par lettre du 29 septembre 2016, la société ADI-GARDINER a convoqué Mme [N] à un entretien préalable à un éventuel licenciement.

Par lettre du 19 octobre 2016, la société ADI-GARDINER a notifié à Mme [N] son licenciement pour insuffisance professionnelle.

Le 6 juillet 2018, Mme [N] a saisi le conseil de prud’hommes de Nanterre pour contester le bien-fondé de son licenciement et demander la condamnation de la société ADI-GARDINER à lui payer notamment une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, un rappel de salaire sur le fondement d’une inégalité de traitement, des dommages-intérêts et un rappel de prime d’ancienneté.

Par jugement du 15 octobre 2020, le conseil de prud’hommes (section industrie) a :

— fixé l’ancienneté de Mme [N] au 28 mai 2007 ;

— condamné la société ADI-GARDINER à payer à Mme [N] les sommes suivantes :

* 147,39 euros à titre de rappel de prime d’ancienneté ;

* 28,98 euros à titre de rappel d’indemnité légale de licenciement

— dit que le licenciement de Mme [N] est fondé sur une cause réelle et sérieuse ;

— débouté Mme [N] du surplus de ses demandes ;

— débouté la société ADI-GARDINER de sa demande ;

— rappelé que les sommes allouées portent intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation;

— 'condamné pour moitié des dépens, la société et Mme [N]'.

Le 1er décembre 2020, Mme [N] a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses conclusions du 6 juillet 2021, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé des moyens, Mme [N] demande à la cour d’infirmer le jugement attaqué, sauf en ce qu’il a fixé son ancienneté au 28 mai 2007, et statuant à nouveau sur les chefs infirmés de :

— dire son licenciement pour insuffisance professionnelle dépourvu de cause réelle et sérieuse;

— condamner la société ADI-GARDINER à lui payer les sommes suivantes :

* 13 378,70 euros brut à titre de rappel de salaire sur la période de décembre 2013 à décembre 2016 ;

* 7 200 euros brut à titre de rappel de rémunération variable sur la période de décembre 2013 à décembre 2016 ;

* 380,68 euros à titre de complément d’indemnité de licenciement ;

* 20 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant d’une inégalité de traitement ;

* 35 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause et sérieuse ;

* 15 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral résultant du caractère brutal et vexatoire de la rupture du contrat de travail ;

* 247,38 euros brut à titre de rappel de prime d’ancienneté sur la période de décembre 2013 à décembre 2016, subsidiairement la somme de 193,44 euros brut ;

* 32,01 euros brut à titre de complément d’indemnité de licenciement, subsidiairement la somme de 28,98 euros brut ;

* 15 000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement de l’employeur à son obligation de formation ;

* 15 000 euros à titre de dommages-intérêts au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail ;

— dire que les condamnations porteront intérêts au taux légal à compter de la date de saisine du conseil de prud’hommes et ordonner la capitalisation des intérêts ;

— ordonner à la société ADI-GARDINER, sous astreinte de 50 euros par document et par jour de retard à compter du septième jour suivant la notification du jugement à intervenir, de lui remettre des bulletins de salaire, une attestation pour Pôle emploi, un solde de tout compte et un certificat de travail conformes à l’arrêt à intervenir ;

— débouter la société ADI-GARDINER de ses demandes ;

— condamner la société ADI-GARDINER à lui payer une somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Aux termes de ses conclusions du 11 mai 2021, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé des moyens, la société ADI-GARDINER demande à la cour de :

— confirmer le jugement attaqué sur le licenciement et le débouté des demandes de Mme [N] ;

— infirmer le jugement attaqué sur les condamnations prononcées à son encontre et sur le débouté de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et statuant à nouveau sur les chefs infirmés, débouter Mme [N] de ses demandes et condamner cette dernière à lui payer une somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Une ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 4 octobre 2022.

SUR CE :

Sur l’ancienneté de la salariée dans l’entreprise :

Considérant que la société ADI-GARDINER fait valoir qu’elle ne s’oppose pas à une fixation de l’ancienneté au 28 mai 2007 par application des dispositions de l’article L. 1251-38 du code du travail ; que le jugement attaqué sera donc confirmé sur ce point ;

Sur les rappels de salaire et d’indemnité de licenciement ainsi que les dommages-intérêts au titre d’une inégalité de traitement :

Considérant que Mme [N] soutient qu’elle a été victime d’une inégalité de traitement en matière salariale aux motifs qu’au moins trois de ses collègues de travail, exerçant la fonction identique d’assistante commerciale, bénéficiaient d’un salaire de base plus important ainsi que du bénéfice d’une rémunération variable alors qu’elle en était privée ; qu’elle réclame en conséquence un rappel de salaire de base d’un montant de 12 134,88 euros brut ainsi qu’un rappel subséquent de prime d’ancienneté d’un montant de 876,41 euros brut, pour une somme globale de 13 011,29 euros brut ; qu’elle réclame également une somme de 7 200 euros brut à titre de rappel de salaire sur la rémunération variable dont elle a été privée ; qu’elle réclame en outre une somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts 'en réparation du préjudice subi du fait de cette inégalité salariale’ ;

Considérant que la société ADI-GARDINER soutient que Mme [N] a effectivement été victime d’une inégalité de traitement tant sur la rémunération de base que par l’absence de paiement d’une rémunération variable mais que, lorsque cette situation a été constatée, la salariée a refusé les avenants au contrat de travail visant à augmenter son salaire de base et à ajouter le paiement d’une rémunération variable ; qu’elle ajoute que l’inspection du travail n’a jamais donné de suites aux plaintes de Mme [N] sur ce point ; qu’elle conclut donc à titre principal au débouté ; qu’elle demande à titre subsidiaire de limiter les rappels de salaire en litige aux sommes qui ont été proposées à Mme [N] par le biais des avenants qu’elle a refusés ;

Considérant que le salarié qui invoque une atteinte au principe d’égalité doit soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une telle inégalité ; qu’il incombe alors à l’employeur de rapporter la preuve d’éléments objectifs justifiant cette différence ;

Qu’en l’espèce, il ressort des débats d’appel que la société ADI-GARDINER reconnaît que Mme [N] a été victime d’une inégalité de traitement par rapport à ses collègues exerçant les fonctions semblables d’assistantes commerciales, à raison d’une rémunération de base inférieure et de l’absence de paiement d’une rémunération variable ;

Que le moyen tiré de ce que Mme [N] a refusé les avenants lui proposant d’augmenter sa rémunération de base et d’y ajouter une rémunération variable est inopérant, contrairement à ce qu’a estimé le conseil de prud’hommes, aucune modification du contrat de travail ne pouvant être imposée à un salarié et étant relevé au surplus que les sommes proposées étaient inférieures à celles résultant de l’inégalité en litige ;

Que dans ces conditions, Mme [N] est fondée à réclamer les sommes suivantes :

—  12 134,88 euros brut à titre de rappel de salaire sur la période de décembre 2013 à décembre 2016 calculés par rapport à la rémunération d’une assistante commerciale se trouvant exactement dans la même situation en terme d’ancienneté, de classification et de coefficient, outre 876,41 euros brut à titre de rappel subséquent de prime d’ancienneté, soit la somme globale de 13 011,29 euros brut réclamée par l’appelante ;

—  7 200 euros brut à titre de rappel de rémunération variable sur la même période, calculé par rapport à la moyenne de la rémunération variable des autres assistantes commerciales s’élevant à 200 euros mensuels ;

—  380,18 euros à titre de rappel d’indemnité de licenciement en conséquence de ces rappels salariaux ;

Que le jugement attaqué sera donc infirmé sur ces points ;

Qu’en revanche, il y a lieu de débouter Mme [N] de sa demande de dommages-intérêts à raison de cette inégalité de traitement, l’appelante ne justifiant d’aucun préjudice à ce titre ; que le jugement attaqué sera confirmé sur ce point ;

Sur le rappel de prime d’ancienneté d’un montant de 247,38 euros brut sur la période de décembre 2013 à décembre 2016 ou subsidiairement de la somme de 193,44 euros brut :

Considérant qu’aux termes de conclusions obscures sur ce point et qui ne renvoient à aucune pièce, Mme [N] lie cette demande de rappel de prime à l’inégalité de traitement mentionnée ci-dessus ; qu’elle a déjà obtenu un rappel à ce titre ainsi qu’il est dit ci-dessus ; qu’il y a donc lieu de la débouter de ses demandes principales subsidiaires à ce titre qui ont le même objet et la même cause ; que le jugement attaqué sera donc infirmé sur ce point ;

Sur le bien-fondé du licenciement et ses conséquences :

Considérant que la lettre de licenciement pour insuffisance professionnelle notifiée à Mme [N] est ainsi rédigée : ' (…) Nous vous informons que nous avons décidé de vous licencier en raison de la dégradation de votre prestation de travail entraînant des conséquences dommageables sur l’organisation de l’entreprise.

En effet, votre responsable hiérarchique a dû revenir vers vous à plusieurs reprises suite à des demandes non satisfaites ou des plaintes clients , lesquelles portent préjudice à l’entreprise et la désorganise.

Le 21 juillet 2016, il vous a envoyé un e-mail concernant le client Mondal, qui a expliqué avoir passé commande avant le 14 juillet, et qui n’avait pas reçu sa commande. Après vérification, il s’est avéré que vous ne l’aviez pas passé, et vous avez expliqué à votre responsable que vous aviez été coupés dans votre lancée puis aviez complètement oublié simplement et malheureusement de saisir sa commande.

Le 25 juillet 2016, Monsieur [O] [H] vous demandait de lui faire un point sur la valeur globale des reliquats entrant en stock avant la fin du mois. Vous l’avez redirigé vers une collègue du service clients. Or, votre responsable a constaté un délai de réponse important sur chaque demande de ce type, alors même que cette tâche doit être réalisée quotidiennement afin de pouvoir informer nos clients, et que l’agence de [Localité 5] présente le taux d’activité le plus faible.

Le 28 juillet 2016, vous échangez avec votre collègue sur un devis du client AMICA, pour lequel une référence de batterie était selon vous indisponible. Cette collègue vous répondait alors que la commande était conforme, et qu’elle ne comprenait pas que la commande n’ait toujours pas été passée pour une demande urgente du 11 juillet 2016. Elle a alors pris en charge cette demande auprès de l’équipe des achats.

Le 3 août 2016, le client Mondal se plaignait à nouveau du service rendu. En effet, vous l’avez eu au téléphone ce même jour, et sa demande de rappel suite à une commande qu’il souhaitait passer en urgence n’a pas été prise en compte. Ce client souhaitait s’assurer que le produit allait être expédié le jour même et, sans nouvelles de votre part, il a appelé l’agence et vous lui avez expliqué que son compte était bloqué pour un règlement en retard. C’est donc l’agence de [Localité 6] qui a dû gérer cette commande. Dans une telle situation, étant donné le problème qui avait déjà impacté ce client, il aurait été de votre devoir de rappeler le client pour lui assurer l’accompagnement nécessaire dans la gestion de sa commande.

De même, nous avons constaté que vous arrivez régulièrement à l’agence après l’ouverture de celle-ci, alors que vos horaires de travail impliquent que vous soyez présente dès l’ouverture.

En parallèle, et depuis plusieurs mois, vous n’avez eu de cesse de nous adresser des courriers recommandés relatifs à votre situation professionnelle. À cette situation, nous avons souhaité ouvrir le dialogue, notamment en proposant plusieurs réunions pour comprendre vos difficultés dans l’accomplissement de vos missions. (….)

Nous vous rappelons cependant que nos réponses et votre souhait d’évolution que vous avez réitéré lors de notre entretien préalable ne constitue en aucun cas une excuse ou un motif pour la dégradation des prestations. (…)' ;

Considérant que Mme [N] soutient que l’insuffisance professionnelle qui lui a été reprochée n’est pas établie et que le véritable motif du licenciement réside dans un refus de la proposition de devenir chef d’agence ; qu’elle réclame en conséquence une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Considérant que la société ADI-GARDINER soutient que les cinq griefs évoqués dans la lettre de licenciement au titre d’une insuffisance professionnelle reprochée à Mme [N] sont établis et que son licenciement est ainsi fondé sur une cause réelle et sérieuse ; qu’elle conclut au débouté de la demande d’indemnité à ce titre ;

Considérant qu’en application de l’article L. 1232-1 du code du travail un licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse ; que, si la charge de la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement n’appartient spécialement à aucune des parties, le juge formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toute mesure d’instruction qu’il juge utile, il appartient néanmoins à l’employeur de fournir au juge des éléments lui permettant de constater la réalité et le sérieux du motif invoqué ; que l’insuffisance professionnelle qui se manifeste par la difficulté du salarié à exercer correctement sa prestation de travail, quelle que soit sa bonne volonté, constitue un motif de licenciement dès lors qu’elle repose sur des éléments objectifs matériellement vérifiables au regard des responsabilités du salarié ;

Qu’en l’espèce, s’agissant des faits du 21 juillet 2016 relatifs à une commande du client Mondal, Mme [N] reconnaît avoir oublié de traiter la commande en cause ; qu’elle établit toutefois qu’elle était effectivement seule à ce moment pour faire fonctionner l’agence, son collègue étant en congé payé d’été et qu’elle était confrontée dès lors à une surcharge de travail expliquant cet oubli ;

Que s’agissant des faits du 25 juillet 2016 relatifs au 'point sur la valeur globale des reliquats entrant en stock avant la fin du mois’ demandé par le supérieur hiérarchique, il ressort des débats qu’il est simplement reproché à Mme [N] d’avoir proposé à son supérieur de se tourner vers une autre salariée de l’entreprise pour obtenir les éléments demandés en invoquant une surcharge de travail, ce qui ne caractérise pas en soi une insuffisance professionnelle, cette surcharge étant de surcroît établie ainsi qu’il est dit ci-dessus ; qu’il n’est de plus pas contesté que Mme [N] a fourni en temps et en heure les informations demandées ; qu’en outre la société ADI-GARDINER ne soutient pas dans ses conclusions, contrairement à ce qui est mentionné dans la lettre de licenciement, l’existence antérieurement à cet épisode, 'd’un délai de réponse important sur chaque demande de ce type’ ;

Que s’agissant des faits du 28 juillet 2016, il ressort de l’échange de courriels versés aux débats que le blocage de la commande en cause est imputable à un autre service de l’entreprise et non à Mme [N] et que cette dernière a relancé à plusieurs reprises ce service pour débloquer la situation ; qu’aucun grief ne peut donc être formulé à l’encontre de Mme [N] à ce titre ;

Que s’agissant des faits du 3 août 2016, il ressort des débats et des pièces versées que la commande en litige n’a pas été honorée du seul fait de l’application par Mme [N] des procédures internes relatives à la gestion des impayés ; que le grief tiré de ce que Mme [N] n’a pas 'rappelé le client pour lui assurer l’accompagnement nécessaire dans la gestion de sa commande’ est très imprécis et n’est étayé par aucun élément par l’employeur ; qu’en outre, la société ADI-GARDINER ne verse aucune pièce établissant une dégradation de la relation commerciale avec le client concerné ;

Que s’agissant des retards dans sa prise de poste reprochés à Mme [N], aucun élément n’est versé par l’employeur relativement à leur ampleur, à leur fréquence et à leur éventuelle incidence sur la qualité du travail accompli par la salariée ;

Que par ailleurs, Mme [N] fait valoir à juste titre que les griefs formulés à son encontre ne sont relatifs en tout état de cause qu’à une très courte période de temps comprise entre le 21 juillet et le 3 août 2016, qu’elle a fait l’objet de très bonnes évaluations professionnelles depuis son embauche, au point que l’employeur lui a proposé de prendre la direction de l’agence de [Localité 5] et que la seule évaluation négative de son travail réalisée en juin 2016 n’est pas corroborée par des éléments objectifs et fait immédiatement suite à son refus d’accepter cette proposition ;

Qu’il résulte de ce qui précède que l’insuffisance professionnelle reprochée à Mme [N] n’est pas établie contrairement à ce qu’ont estimé les premiers juges ;

Que le licenciement est donc dépourvu de cause réelle et sérieuse ; que le jugement attaqué sera donc infirmé sur ce point ;

Que Mme [N] est donc fondée à réclamer, en application des dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail, dans sa version applicable au litige, une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse d’un montant ne pouvant être inférieur aux salaires des six derniers mois, soit, au vu des pièces versées, à la somme de 14 364,36 euros brut ; qu’eu égard à son âge (née en 1982), à son ancienneté (neuf années), à sa rémunération, à sa situation postérieure au licenciement (chômage justifié jusqu’en janvier 2020 sans élément relatif à une recherche d’emploi), il y a lieu d’allouer une somme de 20 000 euros à ce titre ; que le jugement attaqué sera donc infirmé sur ce point ;

Sur le rappel d’indemnité de licenciement d’un montant de 32,01 euros brut ou subsidiairement d’un montant de 28,98 euros brut en conséquence de la reprise d’ancienneté:

Considérant que Mme [N] n’invoque aucun moyen au soutien de l’infirmation du jugement sur ce point, pas plus que la société ADI-GARDINER ; que dans ces conditions, il y a lieu de confirmer le jugement sur ce point ;

Sur les dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de formation et d’adaptation à l’emploi :

Considérant en l’espèce qu’en tout état de cause, Mme [N] ne justifie d’aucun préjudice à ce titre ; qu’il y a donc lieu de confirmer le débouté de cette demande ;

Sur les dommages-intérêts pour circonstances brutales et vexatoires du licenciement :

Considérant en l’espèce que Mme [N] se borne en réalité à invoquer à ce titre le défaut de caractère réel et sérieux des motifs du licenciement ; qu’en outre, et en tout état de cause, elle ne justifie en rien du préjudice moral invoqué à ce titre ; que le débouté de cette demande sera donc confirmé ;

Sur les dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail :

Considérant en l’espèce qu’en tout état de cause, Mme [N] ne justifie là encore d’aucun préjudice à ce titre ; qu’il y a donc lieu de confirmer le débouté de cette demande ;

Sur les intérêts légaux et la capitalisation :

Considérant qu’il y a lieu de rappeler que les sommes allouées à Mme [N] portent intérêts légaux à compter de la date de réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation du conseil de prud’hommes pour ce qui est des créances de nature salariale et à compter du présent arrêt en ce qui concerne la créance d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Que la capitalisation des intérêts sera en outre ordonnée dans les conditions prévues par les dispositions de l’article 1343-2 du code civil ;

Que le jugement attaqué sera donc infirmé sur ces points ;

Sur la remise de documents sociaux sous astreinte :

Considérant qu’eu égard à la solution du litige, il y a lieu d’ordonner à la société ADI-GARDINER de remettre à Mme [N] un bulletin de salaire récapitulatif, une attestation pour Pôle emploi, un solde de tout compte et un certificat de travail conformes au présent arrêt ; que le jugement attaqué sera donc infirmé sur ce point ;

Qu’en revanche, une astreinte à ce titre n’étant pas nécessaire, il y a lieu de débouter Mme [N] de cette demande ; que le jugement attaqué sera confirmé sur ce point ;

Sur l’application de l’article L. 1234-5 du code du travail :

Considérant qu’en application de l’article L. 1235-4 du code du travail, il y a lieu d’ordonner le remboursement par la société ADI-GARDINER aux organismes concernés, des indemnités de chômage qu’ils ont versées le cas échéant à Mme [N] du jour de son licenciement au jour de l’arrêt et ce dans la limite de six mois d’indemnités ;

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens :

Considérant qu’eu égard à la solution du litige, il y a lieu d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il statue sur ces deux points ; que la société ADI-GARDINER sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel et sera également condamnée à payer à Mme [N] une somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure suivie en première instance et en appel ;

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement attaqué, sauf en ce qu’il statue sur l’ancienneté, les demandes de dommages-intérêts pour inégalité de traitement, pour manquement à l’obligation de formation et d’adaptation à l’emploi, pour circonstances brutales et vexatoires du licenciement, pour exécution déloyale du contrat de travail, le rappel d’indemnité de licenciement lié à l’ancienneté de 28,98 euros, l’astreinte,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Dit que le licenciement de Mme [J] [S] [N] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Condamne la société ADI-GARDINER à payer à Mme [N] les sommes suivantes :

—  13 378,70 euros brut à titre de rappel de salaire sur la période de décembre 2013 à décembre 2016,

—  7 200 euros brut à titre de rappel de rémunération variable sur la période de décembre 2013 à décembre 2016,

—  380,68 euros à titre de complément d’indemnité de licenciement,

—  20 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Rappelle que les sommes allouées à Mme [J] [S] [N] portent intérêts légaux à compter de la date de réception par la société ADI-GARDINER de la convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation du conseil de prud’hommes pour ce qui est des créances de nature salariale et à compter du présent arrêt en ce qui concerne la créance d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions prévues par les dispositions de l’article 1343-2 du code civil,

Ordonne à la société ADI-GARDINER de remettre à Mme [J] [S] [N] un bulletin de salaire récapitulatif, une attestation pour Pôle emploi, un solde de tout compte et un certificat de travail conformes au présent arrêt

Ordonne le remboursement par la société ADI-GARDINER, aux organismes concernés, des indemnités de chômage qu’ils ont versées le cas échéant à Mme [J] [S] [N] du jour de son licenciement au jour de l’arrêt et ce dans la limite de six mois d’indemnités

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne la société ADI-GARDINER aux dépens de première instance et d’appel,

Condamne la société ADI-GARDINER à payer à Mme [J] [S] [N] une somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure suivie en première instance et en appel,

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Isabelle MONTAGNE, Président, et par Madame Morgane BACHE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,

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