Cour d'appel de Versailles, 4e chambre, 24 janvier 2022, n° 19/06259

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 4e ch., 24 janv. 2022, n° 19/06259
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 19/06259
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Nanterre, 10 juillet 2019, N° 19/04131
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES


Code nac : 54G

4e chambre

ARRET N°


CONTRADICTOIRE


DU 24 JANVIER 2022


N° RG 19/06259 -


N° Portalis DBV3-V-B7D-TNT7


AFFAIRE :

SARL AGRYL & CO


C/

SA COMERCAF-EXPANSION


Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 11 Juillet 2019 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE


N° Chambre : 7


N° RG : 19/04131


Expéditions exécutoires


Expéditions


Copies

délivrées le :

à :


Me Jacky FEDER


Me Anne-Laure DUMEAU

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


LE VINGT QUATRE JANVIER DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

SARL AGRYL & CO

[…]

[…]


Représentant : Me Jacky FEDER, Postulant et Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0018

APPELANTE

****************

SA COMERCAF-EXPANSION prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[…]

[…]


Représentants : Me Anne-Laure DUMEAU, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 628, et Me Catherine HERRERO, Plaidant, avocat au barreau de Seine-Saint-Denis.

SARL F.K. IMMOBILIER prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[…]

[…]


Représentants : Me Anne-Laure DUMEAU, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 628, et Me Catherine HERRERO, Plaidant, avocat au barreau de Seine-Saint-Denis

INTIMÉES

****************

Composition de la cour :


En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 29 Novembre 2021 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Emmanuel ROBIN, Président, ayant été entendu en son rapport.


Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Emmanuel ROBIN, Président,

Madame Pascale CARIOU, Conseiller,

Madame Valentine BUCK, Conseiller,


Greffier, lors des débats : Monsieur Boubacar BARRY, FAITS ET PROCÉDURE


La société Hadi, locataire d’un local commercial donné à bail par la société Comercaf-expansion, a fait procéder à des travaux au cours de l’été 2014 ; la réalisation de ces travaux a été confiée à la société Agryl & Co, dont le gérant est M. Y X ; des désordres sont apparus de nature à compromettre la solidité de l’immeuble.


Par ordonnance en date du 18 août 2015, le juge des référés a ordonné une expertise à la demande de la société Comercaf-expansion et de la société FK immobilier, locataire de bureaux situés au-dessus du local donné à bail à la société Hadi ; l’expert a déposé son rapport le 22 mai 2018.


Par acte d’huissier du 27 mars 2019, la société Comercaf-expansion et la société FK immobilier ont fait assigner la société Agryl & Co et M. Y X devant le tribunal de grande instance de


Nanterre, statuant à jour fixe, afin d’être indemnisées des préjudices subis du fait des travaux.


Par jugement en date du 11 juillet 2019, le tribunal de grande instance de Nanterre, après avoir débouté la société Agryl & Co et M. Y X de leur demande de sursis à statuer, les a condamnés in solidum à payer à la société Comercaf-expansion les sommes de 46 813,80 euros,

4 181,56 euros et 3 947,90 euros, en réparation de son préjudice matériel, et à la société FK immobilier la somme de 3 000 euros, en réparation de son préjudice de jouissance ; la société


Comercaf-expansion a été déboutée de sa demande au titre du préjudice de jouissance ; par ailleurs la société Agryl & Co et M. Y X ont été condamnés aux dépens ainsi qu’au paiement d’une indemnité de 6 960 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.


Co n’étaient pas conformes à ceux qui avaient été prescrits par un bureau d’études techniques et qu’ils étaient affectés de désordres graves affectant notamment la structure de l’immeuble ; il a considéré que la société Agryl & Co et M. Y X, qui était intervenu en qualité de maître d''uvre, avaient commis des fautes à l’origine de ces désordres, notamment en agissant en dehors de leur domaine de compétence. Pour l’évaluation du préjudice, le tribunal a retenu le coût des travaux de remise en état évalués par l’expert, outre le coût de l’intervention d’un architecte, et celui de travaux conservatoires effectués à la demande de la commune ; en revanche il a considéré que l’existence

d’un préjudice de jouissance subi par la société propriétaire du bien n’était pas suffisamment démontrée et il a indemnisé seulement le préjudice de jouissance subi par la société locataire du local du premier étage.

*


Le 26 août 2019, la société Agryl & Co a interjeté appel de cette décision en intimant la société


Comercaf-expansion et la société FK immobilier. La clôture de l’instruction a été ordonnée le 7 septembre 2021 et l’affaire a été fixée à l’audience de la cour du 29 novembre 2021, à l’issue de laquelle elle a été mise en délibéré.
*


Par conclusions déposées le 23 novembre 2021, la société Agryl & Co sollicite la révocation de

l’ordonnance de clôture afin de produire des décisions de la Cour de cassation en date des 2 juillet

2020 et 4 février 2021.


Quant au fond du litige, par conclusions déposées le 6 septembre 2021, elle demande à la cour de réformer le jugement entrepris, de juger que M. Y X n’a commis aucune faute et qu’il doit être mis hors de cause, de juger que le coût des travaux de purge du mur pignon doit s’imputer sur celui des travaux de remise en état et qu’elle ne doit pas supporter plus de la moitié du coût total des travaux de reprise, et de condamner la société Comercaf-expansion et la société FK immobilier aux dépens ainsi qu’au paiement d’une indemnité de 3 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.


La société Agryl & Co soutient que M. Y X est son gérant et qu’il n’a pas commis de faute de nature à engager sa responsabilité personnelle à l’égard des tiers ; en outre, il n’existerait aucun lien de causalité entre le comportement reproché à M. Y X, à savoir l’usage de la fausse qualité d’architecte, et le préjudice allégué.


La société Agryl & Co conteste avoir commis des fautes dans l’exécution des travaux ; le mur dénommé M1 par l’expert n’aurait pas été modifié et les murs dénommés M2 et M3 auraient été affectés de désordres préexistants ; en outre un ravalement aurait été exigé par la commune cinq ans avant les travaux litigieux. La société Agryl & Co reproche à la société Comercaf-expansion d’avoir commis des fautes en interdisant au bureau d’études d’accéder à l’étage et en ne sollicitant pas une autorisation du syndicat des copropriétaires.


Par conclusions déposées le 24 novembre 2021, la société Comercaf-expansion et la société FK immobilier s’opposent à la révocation de l’ordonnance de clôture.


Quant au fond du litige, par conclusions déposées le 7 septembre 2021, elles demandent à la cour de déclarer irrecevables les demandes concernant M. Y X, de confirmer partiellement le jugement entrepris, de condamner la société Agryl & Co à payer à la société FK immobilier la somme de 15 000 euros et à la société Comercaf-expansion celle de 5 000 euros en réparation de leur préjudice de jouissance, de condamner solidairement M. Y X et la société Agryl & Co aux dépens et de condamner la société Comercaf-expansion au paiement d’une indemnité de 15 160 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.


La société Comercaf-expansion et la société FK immobilier relèvent que M. Y X n’est pas partie à l’instance, en ajoutant que l’appel qu’il avait interjeté a été déclaré caduc par ordonnance du 15 septembre 2020.


Elles reprochent à la société Agryl & Co d’avoir commis des fautes en effectuant des travaux ne relevant pas de son domaine de compétence et en ne respectant pas les règles de l’art ni les règles de sécurité incendie relativement à la présence, sur la parcelle voisine, d’une station-service. Ces fautes seraient directement à l’origine du préjudice et la société Comercaf-expansion, qui n’aurait jamais été avisée des travaux envisagés et n’aurait commis aucune faute.


Elles soutiennent que le tribunal a sous-évalué le coût de l’intervention d’un architecte et demandent une réévaluation du préjudice de jouissance.

MOTIFS

Sur la réouverture des débats


Conformément à l’article 803 du code de procédure civile, l’ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s’il se révèle une cause grave depuis qu’elle a été rendue.


En l’espèce, les décisions de la Cour de cassation que la société Agryl & Co souhaite verser aux débats sont antérieures de plusieurs mois à l’ordonnance de clôture ; il ne s’agit donc pas d’une cause qui se serait révélée après cette ordonnance.


Il convient en conséquence de rejeter la demande de révocation de l’ordonnance de clôture.

Sur les demandes de la société Agryl & Co concernant M. X


La cour n’est saisie d’aucun appel interjeté par M. X à l’encontre du jugement du tribunal de grande instance de Nanterre du 11 juillet 2019.


La société Agryl & Co n’a pas qualité pour former des demandes au profit d’un tiers à la procédure.


En conséquence, les demandes de la société Agryl & Co concernant M. X seront déclarées irrecevables.


Il en sera de même de la demande formée à son encontre par les intimées et tendant à sa condamnation aux dépens, solidairement avec la société Agryl & Co.

Sur la responsabilité de la société Agryl & Co


Lors de la visite des lieux du 8 février 2016, l’expert judiciaire a constaté à l’intérieur du local du premier étage d’importantes fissures verticales et horizontales sur le mur de façade ; il a constaté que la plupart de ces fissures étaient traversantes et visibles de l’extérieur, que la peinture était écaillée à certains endroits et que l’enduit intérieur se détachait de son support par la déchirure de la façade ; il

a également constaté la fixation de plusieurs compresseurs sur les consoles du mur du premier étage et la présence d’un conduit d’extraction des cuisines de la société Hadi à moins d’un mètre de la fenêtre du premier étage, en précisant que les distances réglementaires n’étaient pas respectées ; il a relevé que le mur en parpaing réalisé lors des travaux d’aménagement ne reprenait absolument pas les surcharges verticales du mur.


Après avoir pris connaissance des plans établis avant les travaux par un bureau d’études techniques,

l’expert judiciaire a constaté que les travaux réalisés n’avaient pas mis en 'uvre les préconisations de ce bureau d’études.


L’expert judiciaire a conclu de ses constatations que toutes les fissures constatées provenaient des travaux réalisés par la société Agryl & Co dans le local commercial de la société Hadi en précisant :

1) que la démolition du mur M3 avait provoqué des fissures sur les murs du local de la société


Comercaf-expansion et de la société FK immobilier et l’effondrement partiel des enduits ciment du pignon donnant sur la station-service,

2) que la démolition du mur M2 avait déclenché un affaiblissement des porteurs du local commercial et de celui du premier étage et que cet affaiblissement était à l’origine de l’apparition des fissures traversantes constatées dans le local de la société Comercaf-expansion,

3) que l’absence de réalisation de renfort au niveau du mur M1 avait facilité la propagation des désordres visibles dans le local de la société Comercaf-expansion et de la société FK immobilier suite à la démolition du mur M2, les fissures visibles dans les sanitaires de ce local étant situées au croisement de la jonction des murs M1 et M2.


Aucun des éléments produits par la société Agryl & Co ne permet de contredire utilement les constatations et conclusions de l’expert concernant les fautes commises par cette société lors de la réalisation des travaux d’aménagement du local donné à bail à la société Hadi et le rôle causal de ces fautes dans l’apparition des désordres majeurs affectant le local situé à l’étage.


Dès lors, le tribunal a estimé à juste titre que la société Agryl & Co avait commis des fautes lors de

l’exécution des travaux et qu’elle devait être condamnée à réparer le préjudice causé à la société


Comercaf-expansion et à la société FK immobilier.


Par ailleurs, la société Agryl & Co ne rapporte la preuve d’aucune faute de la société


Comercaf-expansion qui aurait concouru à la réalisation du préjudice. Elle ne peut donc prétendre

s’exonérer partiellement de sa responsabilité.

Sur l’indemnisation du préjudice matériel


Le coût des travaux de reprise nécessaires à la consolidation du local du premier étage a été évalué par l’expert judiciaire à la somme de 42 558 euros, hors taxes, soit 46 813,80 euros toutes taxes comprises.


La nécessité de ces travaux de consolidation est directement et entièrement imputable aux fautes commises par la société Agryl & Co lors de l’aménagement du local de la société Hadi ; outre qu’il n’est pas démontré que le mauvais état préexistant de l’immeuble entraînait des défauts structurels, il appartenait, en tout état de cause à la société Agryl & Co de prendre en compte cet état afin de ne pas

l’aggraver.


En outre, le coût des travaux de reprise n’inclut pas celui du ravalement, évalué par un devis distinct

à la somme de 13 871 euros toutes taxes comprises, dont la nécessité était antérieure aux travaux

d’aménagement exécutés par la société Agryl & Co.


Aucun élément ne permet de déduire de l’estimation de l’expert, au titre des travaux de reprise, le coût des travaux provisoires réalisés à la demande de la commune afin d’éviter la chute de matériaux.


Au contraire, le coût de ces travaux, qui a été exposé pour remédier aux conséquences immédiates des travaux de la société Agryl & Co afin d’assurer la sécurité des personnes dans l’attente de la fin des opérations d’expertise et de la réalisation des travaux de réfection, constitue un préjudice supplémentaire que le tribunal a indemnisé à bon droit.


Par ailleurs, le tribunal a pris en compte à juste titre le coût de l’intervention d’un maître d''uvre et a fait une juste évaluation de son montant.

Sur le préjudice immatériel


La société Comercaf-expansion, qui invoque un préjudice moral et un préjudice de jouissance, ne produit aucun élément permettant de démontrer la réalité de l’un ou l’autre de ces préjudices.


Elle a donc été déboutée à juste titre de sa demande à ce titre.


La société FK immobilier a nécessairement été troublée dans sa jouissance par l’apparition de fissures traversantes dans les murs de son local ; elle ne verse cependant aux débats aucun élément permettant de démontrer que ce préjudice excède le montant alloué en première instance.


Il convient donc de confirmer le jugement sur ce point.

Sur les dépens et les autres frais


La société Agryl & Co, qui succombe, a été à juste titre condamnée aux dépens de première instance,

y compris le remboursement des frais d’expertise judiciaire. Elle sera également condamnée aux dépens d’appel, conformément à l’article 696 du code de procédure civile. Les dépens pourront être recouvrés directement dans les conditions prévues par l’article 699 du même code.


Selon l’article 700 1° de ce code, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès

à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée.


Le premier juge a fait une application équitable de ces dispositions ; les circonstances de l’espèce justifient de condamner la société Agryl & Co à payer à la société Comercaf-expansion et à la société


FK immobilier une indemnité de 5 000 euros au titre des frais exclus des dépens exposés en cause

d’appel ; elle sera elle-même déboutée de sa demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS


La Cour, statuant après débats en audience publique, par arrêt contradictoire,

REJETTE la demande de révocation de l’ordonnance de clôture ;

DÉCLARE irrecevables les demandes de la société Agryl & Co concernant M. Y X, ainsi que la demande de condamnation de celui-ci aux dépens ;

CONFIRME le jugement déféré ;

CONDAMNE la société Agryl & Co aux dépens d’appel, qui pourront être recouvrés directement dans les conditions prévues par l’article 699 du code de procédure civile, ainsi qu’à payer à la société


Comercaf-expansion et à la société FK immobilier une indemnité de 5 000 euros, par application de

l’article 700 du code de procédure civile, et la déboute de sa demande à ce titre.


Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.


Signé par Monsieur Emmanuel ROBIN, Président et par Monsieur Boubacar BARRY, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


Le greffier, Le président,
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Textes cités dans la décision

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