Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 24 mai 2023, n° 21/03838

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 19e ch., 24 mai 2023, n° 21/03838
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 21/03838
Importance : Inédit
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt, 24 novembre 2021, N° F21/00116
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Date de dernière mise à jour : 29 mai 2023
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Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

19e chambre

ARRET N°

REPUTE CONTRADICTOIRE

DU 24 MAI 2023

N° RG 21/03838

N° Portalis DBV3-V-B7F-U5KC

AFFAIRE :

S.A.S. EXCELYA SERVICES

C/

[T] [P]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 25 Novembre 2021 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT

N° Section : E

N° RG : F21/00116

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

la SELARL KÆM’S AVOCATS

la AARPI OMNES AVOCATS

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT QUATRE MAI DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

S.A.S. EXCELYA SERVICES

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Blandine DAVID de la SELARL KÆM’S AVOCATS, Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R110 – N° du dossier 210688

Représentant : Me Justine VASSE de la SELAFA CMS FRANCIS LEFEBVRE AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : Nan 1701

APPELANTE

****************

Madame [T] [P]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Aurélien WULVERYCK de l’AARPI OMNES AVOCATS, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J091

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 22 Mars 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle MONTAGNE, Président,,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Laure TOUTENU, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Dévi POUNIANDY,

EXPOSE DU LITIGE

Mme [T] [P] a été embauchée, à compter du 11 février 2019, selon contrat de travail à durée indéterminée en qualité de comptable général (statut de cadre) puis en dernier lieu de 'accounting manager’ par la société EXCELYA SERVICES.

Mme [P] a été placée en arrêt de travail pour maladie du 7 octobre au 6 novembre 2020.

Par lettre du 6 novembre 2020, Mme [P] a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de la société EXCELYA SERVICES.

Le 28 janvier 2021, Mme [P] a saisi le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt pour demander la requalification de sa prise d’acte de la rupture du contrat de travail en un licenciement nul ainsi que la condamnation de la société EXCELYA SERVICES à lui payer notamment des indemnités de rupture et de dommages-intérêts pour harcèlement moral et pour absence de prévention d’un tel harcèlement.

Par un jugement du 25 novembre 2021, le conseil de prud’hommes (section encadrement) a :

— requalifié la prise d’acte de la rupture du contrat de travail de Mme [P] en un licenciement nul ;

— fixé le salaire mensuel moyen à 3 301 euros bruts ;

— condamné la société EXCELYA SERVICES à payer à Mme [P] les sommes suivantes :

* 9 903 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 990,30 euros brut au titre des congés payés afférents ;

* 1 375,42 euros à titre d’indemnité légale de licenciement ;

* 3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral ;

* 3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour absence de prévention du harcèlement moral ;

* 15 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul ;

* 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamné la société EXCELYA SERVICES à rembourser à pôle emploi les indemnités de chômage dans la limite de trois mois ;

— débouté Mme [P] du solde de ses demandes ;

— débouté la société EXCELYA SERVICES de ses demandes reconventionnelles ;

— condamné la société EXCELYA SERVICES aux dépens.

Le 24 décembre 2021, la société EXCELYA SERVICES a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses conclusions du 10 mars 2023, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé des moyens, la société EXCELYA SERVICES demande à la cour de :

— infirmer le jugement attaqué sur la requalification de la prise d’acte de la rupture du contrat de travail en un licenciement nul, sur les condamnations prononcées à son encontre, le débouté de ses demandes reconventionnelles et les dépens ;

— confirmer le jugement sur le débouté des demandes de Mme [P] ;

— statuant à nouveau sur les chefs infirmés :

* dire que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail formée par Mme [P] s’analyse en une démission et débouter Mme [P] de l’ensemble de ses demandes ;

* condamner Mme [P] à lui payer une somme de 9 903 euros à titre de dommages-intérêts pour le préavis non effectué ainsi qu’une somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de première instance et d’appel.

Mme [P], à laquelle la déclaration d’appel et les conclusions d’appel de la société EXCELYA SERVICES, ont été signifiées à personne, a constitué avocat le 8 mars 2023 et n’a pas déposé de conclusions.

Une ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 14 mars 2023.

SUR CE :

Considérant au préalable qu’il y a lieu de rappeler qu’aux termes du dernier alinéa de l’article 954 du code de procédure civile : 'La partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s’en approprier les motifs’ ;

Sur la prise d’acte de la rupture du contrat de travail et ses conséquences :

Considérant que le jugement attaqué est ainsi motivé sur la requalification de la prise d’acte de la rupture du contrat de travail formée par Mme [P] en un licenciement nul et l’ensemble des condamnations prononcées à l’encontre de la société EXCELYA SERVICES : 'qu’en l’espèce, il ressort des débats à l’audience ainsi que l’examen des pièces et conclusions déposées que la société EXCELYA SERVICES n’a répondu aux demandes de Mme [P] que par le biais d’un courrier de son avocat contestant les griefs dénoncés par Mme [P] relatifs au harcèlement qu’elle affirme avoir subi ; que par ailleurs, la société EXCELYA SERVICES ne produit aucun élément permettant de démontrer qu’elle a engagé la moindre enquête, la moindre action, visant à démontrer ou contester la situation dénoncée par Mme [P] et ne respectant pas dans ces conditions les dispositions de l’article L. 4121-1 du code du travail ; en conséquence, le conseil considère dans ces conditions que la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail par Mme [P] produit les effets d’un licenciement nul, ce qui lui confère le droit à une réparation au titre de harcèlement moral et de l’absence de prévention, ainsi qu’à des dommages et intérêts pour licenciement nul, selon les dispositions des articles L. 1235-3-1 et L. 1235-3-2 du code du travail, outre le versement des indemnités compensatrices de préavis, et de l’indemnité légale de licenciement ' ;

Considérant que ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, notamment en matière de harcèlement moral, l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail et qui, informé de l’existence de faits susceptibles de constituer un harcèlement moral, a pris les mesures immédiates propres à le faire cesser ; qu’aux termes de l’article L. 1152-1 du même code, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; qu’en application de l’article L. 1154-1 du même code, lorsque survient un litige relatif à l’application de l’article L. 1152-1, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement, et au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;

Que lorsqu’un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou le cas échéant nul si les manquements invoqués sont suffisamment graves pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail, soit, dans le cas contraire, d’une démission ;

Qu’en l’espèce, la cour constate qu’il ressort des pièces versées par la société EXCELYA SERVICES en cause d’appel que Mme [P] a le 6 octobre 2020 demandé à quitter le plus rapidement possible la société EXCELYA SERVICES et à conclure une rupture d’un commun accord, ce à quoi l’employeur a opposé un refus ; que la salariée a ensuite dénoncé à son employeur le 7 octobre 2020, concomitamment à son placement en arrêt de travail pour maladie, 'une pression pouvant être assimilée à du harcèlement moral’ ; que la société EXCELYA SERVICES a répondu le 4 novembre 2020, de manière régulière par l’intermédiaire de son conseil, qu’elle recevrait Mme [P] dès la fin de son arrêt de travail pour maladie afin de l’entendre sur sa dénonciation de harcèlement moral ; que Mme [P], à réception de ce courrier, a pris acte de la rupture de son contrat de travail le 6 novembre 2020, au terme de son arrêt de travail pour maladie ; que dans ces conditions, la société EXCELYA SERVICES démontre que, informée de l’existence de faits susceptibles de constituer un harcèlement moral, elle a pris les mesures immédiates propres à le faire cesser ; qu’aucun manquement à l’obligation de sécurité n’est donc établi contrairement à ce qu’ont estimé les premiers juges ;

Que s’agissant ensuite du harcèlement moral invoqué par la salariée en première instance, force est de constater qu’aucun des motifs du jugement n’explique en quoi un tel harcèlement serait établi et que Mme [P] ne présente en appel aucun élément de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement ; qu’aucun harcèlement moral ne peut donc être imputé à l’employeur ;

Qu’il résulte de ce qui précède qu’aucun manquement suffisamment grave pour rendre impossible du contrat de travail de Mme [P] n’est établi ;

Que dans ces conditions, il y a lieu de débouter Mme [P] de sa demande de requalification de sa prise d’acte de la rupture du contrat de travail en un licenciement nul, de ses demandes subséquentes d’indemnités de rupture et de ses demandes de dommages-intérêts pour harcèlement moral et pour manquement à l’obligation de prévention du harcèlement moral ; que la condamnation à remboursement par la société EXCELYA SERVICES des indemnités de chômage est quant à elle sans objet ;

Qu’il y a lieu par ailleurs de requalifier la prise d’acte de la rupture du contrat de travail en une démission et de condamner par suite Mme [P] à payer à la société EXCELYA SERVICES une somme de 9 903 euros à titre de dommages-intérêts pour le préavis non effectué ;

Que le jugement sera infirmé sur ces différents chefs ;

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens :

Considérant qu’eu égard à la solution du litige, il y a lieu d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il statue sur ces deux points ;

Que Mme [P] sera condamnée à payer à la société EXCELYA SERVICES une somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure suivie en première instance et en appel ainsi qu’aux dépens de première instance et d’appel ;

PAR CES MOTIFS :

La cour, statant par arrêt réputé contradictoire,

Infirme le jugement attaqué sur les effets de la prise d’acte de la rupture du contrat de travail formée par Mme [T] [P], les condamnations prononcées à l’encontre de la société EXCELYA SERVICES, le débouté de la demande de dommages-intérêts pour le préavis non effectué formée par cette société, l’application de l’article 700 du code de procedure civile et les dépens,

Statant à nouveau sur les chefs infirmés,

Dit que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail formée par Mme [T] [P] le 6 novembre 2020 s’analyse en une démission,

Condamne Mme [T] [P] à payer à la société EXCELYA SERVICES les sommes suivantes :

—  9 903 euros à titre de dommages-intérêts pour le préavis non effectué ;

—  500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure suivie en première instance et en appel,

Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article L. 1235-5 du code du travail relatif au remboursement par la société EXCELYA SERVICES des indemnités de chômage,

Condamne Mme [T] [P] aux dépens de première instance et d’appel,

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Isabelle MONTAGNE, Président, et par Madame Dévi POUNIANDY, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,

RG 21/03838

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