Cour administrative d'appel de Bordeaux, 24 janvier 2013, n° 12BX00095

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Bordeaux, 24 janv. 2013, n° 12BX00095
Juridiction : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Numéro : 12BX00095
Décision précédente : Tribunal administratif de Toulouse, 16 novembre 2011, N° 0905564

Texte intégral

COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL

DE BORDEAUX

XXX

________

ASSOCIATION BIEN VIVRE EN TREMOUILLAIS, PAYS DU LEVEZOU ET HAUT SEGALA ET AUTRES

________

Mme Catherine Girault

Président

________

Mme Sabrina Ladoire

Rapporteur

________

Mme Christine Mège

Rapporteur public

________

Audience du 13 décembre 2012

Lecture du 24 janvier 2013

________

68-03-02-02

68-03-03-01-01

C + CC

XXX

AU NOM DU PEUPLE Français

La Cour administrative d’appel de Bordeaux

(1re Chambre)

Vu la requête, enregistrée le 13 janvier 2012 en télécopie et le 16 janvier 2012 en original, présentée pour l’association « Bien vivre en Trémouillais, Pays du Lévézou et Haut Ségala » dont le siège est XXX à XXX, l’association « Lévézou en péril » dont le siège est à XXX, M. et Mme X Y demeurant XXX à XXX, M. et Mme Z-A E demeurant à XXX, M. et Mme Z-A B demeurant XXX à XXX, M. Z-G H demeurant Fayret à XXX, par le cabinet Maillot avocats associés ;

L’association « Bien vivre en Trémouillais, Pays du Lévézou et Haut Ségala » et autres demandent à la cour :

1°) d’annuler le jugement n° 0905564 du 17 novembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande tendant à l’annulation des arrêtés des 19 et 26 juin 2009 par lesquels le préfet de l’Aveyron a accordé à la Sarl Juwi Energie éolienne B permis de construire dont trois concernent l’implantation de quatre éoliennes sur des terrains situés aux lieux-dits « Montels », « Montels-XXX », « XXX » sur le territoire de la commune d’Arques, un porte sur l’implantation de trois éoliennes au lieu-dit « Puech Magrin » sur le territoire de la commune de Ségur, et le dernier autorise la construction d’un poste électrique au lieu-dit « Montels » sur le territoire de la commune d’Arques ;

2°) d’annuler ces arrêtés ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat et de la société Juwi Energie éolienne une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent :

— que le tribunal administratif de Toulouse aurait dû accueillir le moyen tiré de ce que les permis attaqués ont été délivrés en méconnaissance des exigences de l’article L.424-4 du code de l’urbanisme, la décision n’étant pas accompagnée des informations prévues à l’article L.122-1 du code de l’environnement portant à la connaissance du public les motifs pour lesquels elle a été prise ;

— que le tribunal administratif a commis une erreur de fait et une erreur de droit en retenant que le projet de centrale constitue une « installation ou un équipement public » au sens des dispositions de l’article L. 145-3 III du code de l’urbanisme ; que ce projet ne respecte pas les dispositions dérogatoires visées au c de l’article L. 145-3 III de ce code, car l’importance du parc ne justifie pas le mitage du territoire ;

— que ce projet est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation au regard des dispositions de l’article R.111-21 du code de l’urbanisme dans la mesure où, implanté sur une crête de 3,5 kilomètres de long et en partie sur le Parc naturel des grands Causses, il porte atteinte au caractère des lieux avoisinants, comme le confirme l’avis défavorable du SDAP sur l’incohérence de l’implantation des éoliennes n°13, 14 et 15 ;

— que le tribunal administratif de Toulouse a commis une erreur de droit au regard de l’article R.122-3 du code de l’environnement en ne retenant pas le moyen tiré de ce que l’étude d’impact souffrait d’une insuffisance substantielle de nature à fausser l’information du public et l’appréciation de l’administration ; qu’en effet, cette étude ne prend pas suffisamment en compte la présence de zones humides de plus de 10 000 m², alors qu’un dossier au titre de la loi sur l’eau aurait dû être joint ; qu’elle omet de mentionner le captage d’eau du village d’Arques, dont le périmètre de protection rapproché inclut l’éolienne 12 ; que l’étude spécifique portant sur les chiroptères est insuffisante ; que l’étude d’impact ne comporte pas suffisamment de photomontages impliquant les habitations les plus proches et qu’elle ne permet pas de déterminer l’impact visuel global et de proximité de ce projet ;

— que le tribunal administratif de Toulouse a insuffisamment motivé son jugement en écartant de façon laconique le moyen tiré de l’erreur manifeste d’appréciation au regard de l’article R.111-14 du code de l’urbanisme, alors que les permis favorisent une urbanisation dispersée incompatible avec la vocation des espaces naturels environnants ;

Vu le jugement et les décisions attaqués ;

Vu le mémoire en défense et le mémoire complémentaire, enregistrés les 9 et 19 mars 2012, présentés pour la Sarl Juwi Energie éolienne, prise en la personne de son représentant, par le cabinet d’avocats VOLTA ;

La société Juwi Energie éolienne demande à la cour de rejeter la requête et de condamner solidairement les requérants à lui verser la somme de 10 000 euros en application de l’article L.761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient :

— que l’étude d’impact jointe au dossier était suffisante ; qu’aucune éolienne ne sera implantée sur une zone humide ; que seules les éoliennes en mer sont soumises à la règlementation sur l’eau et aux autorisations prévues par les articles L. 214-1 et suivants du code de l’environnement ; que l’étude d’impact permet d’apprécier l’impact visuel du projet dans un paysage proche et lointain et qu’elle est dès lors conforme aux exigences de l’article R. 122-3 du code de l’environnement ; qu’une analyse paysagère complémentaire a été adressée au commissaire-enquêteur ; que la ville de Rodez, le Causse Comtal et le Causse de Séverac, situés à plus de vingt kilomètres, excluent la perception des éoliennes en cause ;

— que le moyen tiré de la violation de l’article L.424-4 du code de l’urbanisme est inopérant ;

— que le tribunal n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en qualifiant le projet de parc éolien d’ « équipement public incompatible avec le voisinage des zones habitées » pouvant justifier la dérogation au principe d’urbanisation en continuité énoncé par l’article L.145-3 III du code de l’urbanisme ; qu’en effet, les critères de l’importance (quinze éoliennes) et de la destination du projet (alimenter le réseau au profit de 35 000 foyers), fixés par la jurisprudence, ont été respectés ;

— que le tribunal n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en écartant le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l’article R. 111-21 du code de l’urbanisme ; que le critère de co-visibilité n’est pas de nature, à lui seul, à justifier un refus de permis ; que ce projet s’intègre correctement dans le paysage ; que les documents qui consacrent l’intérêt de la zone n’ont aucune portée normative ; que le secteur ne comporte aucun site paysager remarquable ; que la saturation du paysage en parc éolien n’est pas accrue par le projet en cause, lequel prend en considération la configuration du terrain ;

— que le moyen tiré de l’insuffisance de motivation du jugement, en tant qu’il a écarté le moyen tiré de la méconnaissance de l’article R.111-14 du code de l’urbanisme, est inopérant, ces dispositions n’étant pas applicables ; qu’en tout état de cause, le tribunal pouvait se borner à écarter ce moyen dès lors qu’il avait écarté celui tiré de la violation de l’article L. 145-3 III, en vertu de la même analyse ;

Vu le mémoire enregistré le 10 avril 2012, présenté par le ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, qui demande à la cour de rejeter la requête ;

Il soutient :

— que le moyen tiré de la méconnaissance de l’article L. 424-4 du code de l’urbanisme doit être écarté, cet article ne pouvant être interprété comme imposant une motivation en la forme de l’octroi d’un permis de construire qui serait une condition de sa légalité ;

— que le moyen tiré de la méconnaissance de l’article L.145-3 III du code de l’urbanisme doit être écarté, le projet de parc éolien pouvant être qualifié d'« équipements publics incompatibles avec le voisinage des zones habitées » et à ce titre, bénéficier de la dérogation au principe d’urbanisation en continuité ; qu’en effet, les quinze aérogénérateurs prévus permettront d’alimenter en électricité environ 22 000 foyers ;

— ce projet qui s’intègre dans l’environnement proche et lointain, ne méconnaît pas les dispositions de l’article R.111-21 du code de l’urbanisme ;

— que le moyen tiré de l’insuffisance de l’étude d’impact manque en fait tant s’agissant de la prise en considération des zones humides que concernant l’impact visuel proche et lointain ; que les captages d’eau de Douzoumayroux et Galan sont respectivement éloignés de l’éolienne la plus proche de 1000 et 600 mètres ;

— que le moyen tiré de la méconnaissance de l’article L. 214-1 du code de l’environnement est inopérant, les éoliennes n’entrant pas dans le champ d’application de la loi sur l’eau ;

— que le moyen tiré de la méconnaissance de l’article R.111-14 du code de l’urbanisme est inopérant en vertu de l’article L.145-3 du même code ;

Vu le mémoire, enregistré le 10 avril 2012, pour l’association « Bien vivre en Trémouillais, Pays du Lévézou et Haut Ségala » et autres, qui concluent aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens ;

Ils soutiennent en outre :

— que les dispositions de l’article L.424-4 du code de l’urbanisme sont plus exigeantes que celles de la directive n° 85/337/CEE et les écarter impliquerait une erreur de droit ; que cet article porte sur le contenu de la décision et les exigences qu’il impose présentent en conséquence un caractère substantiel ;

— que ce projet ne peut bénéficier de la dérogation prévue par l’article R.145-3 III du code de l’urbanisme dès lors qu’il ne présente aucun intérêt particulier et qu’il est de nature à engendrer des effets dommageables sur l’environnement ; que selon le document intitulé « Réflexion cadre pour un développement de l’énergie éolienne en Aveyron » élaboré par les services de l’Etat en 2009, ce projet se situe en zone d’enjeux forts à exceptionnels sur la carte de synthèse « des contraintes avifaunes et chiroptères » ;

— que le moyen tiré de la violation de l’article R.111-14 du code de l’urbanisme est opérant à l’encontre de l’arrêté portant permis de construire, alors même que les éoliennes seraient regardées comme pouvant déroger aux dispositions de la loi Montagne ;

Vu le mémoire enregistré le 7 mai 2012, présenté pour la société Juwi Energie éolienne, qui conclut aux mêmes fins que ses précédents mémoires, par les mêmes moyens ;

Vu l’ordonnance en date du 16 avril 2012 fixant, en dernier lieu, la clôture de l’instruction au 15 mai 2012 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive n° 85/337/CEE du Conseil du 27 juin 1985 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement ;

Vu le code de l’environnement ;

Vu le code de l’urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 13 décembre 2012 :

— le rapport de Mme Sabrina Ladoire, conseiller ;

— les conclusions de Mme Christine Mège, rapporteur public ;

— et les observations de Me Castagnino, avocat de l’association « Bien vivre en Trémouillais, Pays du Lévézou et Haut Ségala » et autres, et celles de Me Guiheux, avocat de la Sarl Juwi Energie éolienne ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 13 décembre 2012, présentée pour la Sarl Juwi Energie éolienne par le cabinet d’avocats VOLTA ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 24 décembre 2012, présentée pour l’association « Bien vivre en Trémouillais, Pays du Lévézou et Haut Segala » et autres par le cabinet Maillot avocats associés ;

1. Considérant que par des arrêtés des 19 et 26 juin 2009, le préfet de l’Aveyron a accordé à la Sarl Juwi Energie éolienne B permis de construire dont trois concernent l’implantation de quatre éoliennes sur des terrains situés aux lieux-dits « Montels », « Montels-XXX », « XXX », un porte sur l’implantation de trois éoliennes au lieu-dit « Puech Magrin » sur le territoire de la commune de Ségur, et le cinquième autorise cette société à réaliser un poste de livraison au lieu-dit « Montels » sur le territoire de la commune d’Arques ; que par des recours gracieux présentés les 11, 16 et 17 août 2009, l’association « Bien vivre en Trémouillais, Pays du Lévézou et Haut Segala », l’association « Lévézou en péril », les époux Y, E, B, et H ont sollicité le retrait de ces arrêtés ; que les requérants relèvent appel du jugement n° 0905564 du 17 novembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande tendant à l’annulation de ces arrêtés ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que les requérants reprochent au tribunal administratif de s’être borné à estimer qu’il ne ressortait pas des pièces du dossier que les décisions seraient entachées d’erreur manifeste d’appréciation au regard des dispositions de l’article R.111-14 du code de l’urbanisme, lesquelles prévoient qu'« En dehors des parties urbanisées des communes, le projet peut être refusé ou n’être accepté que sous réserve de l’observation de prescriptions spéciales s’il est de nature, par sa localisation ou sa destination : a) A favoriser une urbanisation dispersée incompatible avec la vocation des espaces naturels environnants, en particulier lorsque ceux-ci sont peu équipés (…). » ;

3. Considérant toutefois que selon l’article L.145-3 du même code : « (…) III- Sous réserve de l’adaptation, du changement de destination, de la réfection ou de l’extension limitée des constructions existantes et de la réalisation d’installations ou d’équipements publics incompatibles avec le voisinage des zones habitées, l’urbanisation doit se réaliser en continuité avec les bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d’habitations existants » ; que ces dispositions régissent de façon exclusive les conditions dans lesquelles le développement de l’urbanisation est autorisé dans les zones de montagne, en faisant notamment application d’un principe de prohibition générale de l’urbanisation isolée ; que ces dispositions spéciales ont ainsi seules vocation à réglementer l’urbanisation dérogatoire des espaces naturels de ces secteurs ; que les requérants ne pouvaient dès lors utilement se prévaloir de l’article R. 111-14 du code de l’urbanisme, qui permet de façon générale à l’administration de s’opposer à un projet qui favoriserait une urbanisation dispersée incompatible avec les espaces naturels l’environnant, pour contester le projet de parc éolien implanté sur le territoire des communes d’Arques et de Ségur, lesquelles sont classées en zone de montagne ; qu’en conséquence, l’article R.111-14 du code de l’urbanisme ne trouve pas à s’appliquer en l’espèce ; que les premiers juges n’avaient dès lors pas à répondre au moyen inopérant tiré de l’erreur manifeste d’appréciation dont seraient entachés les arrêtés contestés au regard de ces dispositions ; que, par suite, les requérants ne peuvent utilement critiquer la brièveté de la réponse apportée par le tribunal administratif pour soutenir que le jugement serait entaché d’irrégularité ;

4. Considérant par ailleurs que si les requérants soulignent également que le jugement n’a pas caractérisé l’importance et la destination du parc éolien en cause pour justifier qu’il entrait dans les dérogations au principe de continuité de l’urbanisation en zone de montagne prévues par les dispositions précitées de l’article L.145.3 III du code de l’urbanisme, cette omission, pour regrettable qu’elle soit, n’a pas entaché la régularité du jugement, dès lors que le nombre d’éoliennes était mentionné dans les visas au titre de l’objet des B permis de construire attaqués portant sur quinze éoliennes et un poste de livraison, et que la destination du parc aux fins d’alimenter le réseau général d’électricité, au demeurant rappelée dans l’étude d’impact, se déduisait de l’importance même de ce projet ;

Sur la légalité des arrêtés des 19 et 26 juin 2009 :

En ce qui concerne la motivation des permis de construire :

5. Considérant que les requérants font valoir que les arrêtés méconnaissent l’article L. 424-4 du code de l’urbanisme aux termes duquel : « Lorsque la décision autorise un projet soumis à étude d’impact, elle est accompagnée d’un document comportant les informations prévues à l’article L. 122-1 du code de l’environnement ». ; que selon l’article L.122-1 du code de l’environnement : « (…) Sans préjudice de l’application des dispositions des articles L. 11-1-1 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique et L. 126-1 du présent code relatives à la motivation des déclarations d’utilité publique et des déclarations de projet, lorsqu’une décision d’octroi ou de refus de l’autorisation concernant le projet soumis à l’étude d’impact a été prise, l’autorité compétente en informe le public et, sous réserve du secret de la défense nationale, met à sa disposition les informations suivantes : – la teneur de la décision et les conditions dont celle-ci est le cas échéant assortie ; – les motifs qui ont fondé la décision ; – les lieux où peuvent être consultées l’étude d’impact ainsi que, le cas échéant, les principales mesures destinées à éviter, réduire et si possible compenser les effets négatifs importants du projet. » ;

6. Considérant toutefois, que ces dispositions, qui sont la transposition en droit interne de la directive n° 85/337/CEE du Conseil du 27 juin 1985 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement et qui exigent que l’auteur de la décision, une fois cette dernière prise, porte à la connaissance du public une information supplémentaire explicitant les motifs et les considérations qui l’ont fondée, ne sauraient être interprétées comme imposant une motivation en la forme de l’octroi d’un permis de construire qui serait une condition de légalité de ce dernier ; que, par suite, le moyen tiré de ce que les permis attaqués ne comportent pas les motifs de la décision d’octroi de l’autorisation doit être écarté ;

En ce qui concerne l’étude d’impact :

7. Considérant que les requérants soutiennent que l’étude d’impact souffre d’insuffisances substantielles de nature à fausser l’information du public et l’appréciation de l’administration et que cette étude ne satisfait donc pas aux exigences énoncées par l’article R.122-3 du code de l’environnement, aux termes duquel : « I. – Le contenu de l’étude d’impact doit être en relation avec l’importance des travaux et aménagements projetés et avec leurs incidences prévisibles sur l’environnement. / II. – L’étude d’impact présente successivement : 1° Une analyse de l’état initial du site et de son environnement, portant notamment sur les richesses naturelles et les espaces naturels agricoles, forestiers, maritimes ou de loisirs, affectés par les aménagements ou ouvrages ; 2° Une analyse des effets directs et indirects, temporaires et permanents du projet sur l’environnement, et en particulier sur la faune et la flore, les sites et paysages, le sol, l’eau, l’air, le climat, les milieux naturels et les équilibres biologiques, sur la protection des biens et du patrimoine culturel et, le cas échéant, sur la commodité du voisinage (bruits, vibrations, odeurs, émissions lumineuses) ou sur l’hygiène, la santé, la sécurité et la salubrité publique (…) » ;

8. Considérant que les inexactitudes, omissions ou insuffisances d’une étude d’impact ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d’entraîner l’illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l’information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l’autorité administrative ;

9. Considérant en premier lieu que l’étude d’impact, qui met l’accent sur l’intérêt biologique limité de la zone d’implantation des éoliennes, comporte une description satisfaisante de la flore et de la faune présentes sur le site ainsi qu’une étude détaillée de l’avifaune ; que l’analyse chiroptérologique contenue dans cette étude n’est pas insuffisante ;

10. Considérant en deuxième lieu, que les requérants estiment que cette étude ne permettrait pas d’apprécier l’impact visuel pour tous les sites d’habitations à proximité de ce projet et l’impact visuel éloigné depuis des sites situés à plus de vingt kilomètres du projet ; que toutefois si les prises de vue figurant dans l’étude paysagère ne sont pas toutes accompagnées de photomontages permettant d’apprécier le nombre d’éoliennes visibles et leur échelle dans le paysage, et si le tribunal ne pouvait se fonder sur une analyse complémentaire fournie au commissaire-enquêteur et qui n’a pas été soumise à l’enquête publique, il n’a mentionné cette analyse qu’au surplus après avoir conclu de l’exposé détaillé du contenu de l’étude d’impact, par des motifs qu’il y a lieu d’adopter, que celle-ci permettait suffisamment d’apprécier l’impact visuel du projet tant dans sa perception immédiate que lointaine ;

11. Considérant en troisième lieu, qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que les travaux de réalisation des éoliennes soient susceptibles d’emporter l’assèchement de zones humides ; que par suite elles n’avaient pas à faire l’objet d’une étude spécifique au titre de la loi sur l’eau ;

12. Considérant en quatrième lieu, que les requérants soutiennent que les éoliennes E1 et E2 impacteront la tourbière de Gardies et le captage d’eau du village d’Arques, que l’éolienne E9 est implantée sur une petite zone humide identifiée pour ses plantes spécifiques, que l’éolienne E13 se situe à proximité de la zone humide du Galan et qu’enfin, l’éolienne E12 présente un risque pour l’alimentation du captage de Douzoumayroux ;

13. Considérant tout d’abord, que si l’étude d’impact montre que les éoliennes se situeront à proximité de certains réservoirs, ruisseaux, étangs et sources, elle met également en évidence qu’aucun des aérogénérateurs ne sera directement implanté dans une zone humide, lesquelles sont énumérées de manière exhaustive par cette étude ; que les demandeurs qui se bornent à produire un rapport d’observation de la flore de la zone humide du Puech Mejié située sur la commune d’Arques, au niveau de la voie d’accès à l’éolienne E9, n’établissent pas que cet aérogénérateur serait implanté dans une zone humide ou une tourbière et que sa présence ou les travaux de réalisation des accès seraient de nature à impacter un captage d’eau ; qu’il en est de même s’agissant des éoliennes E1, E2 et E13 ;

14. Considérant ensuite, que les requérants font valoir que les travaux de construction de l’éolienne E12 auraient des conséquences néfastes sur le captage de Douzoumayroux en se prévalant d’un rapport rédigé par un hydrogéologue en 2001 en vue de la définition d’un périmètre de protection du captage et d’une lettre que ce dernier a écrite le 29 avril 2010 aux termes de laquelle il indique que « Le point d’implantation de l’éolienne E12 est situé à l’amont hydrogéologique de la source Douzoumayroux. Cette émergence exploite des écoulements très peu profonds. La distance de captage est telle que les fondations du mat et les travaux de terrassement du chemin d’exploitation risqueraient de perturber très fortement les écoulements, le débit et la qualité des eaux captées. Cette éolienne serait au milieu du périmètre rapproché du captage que j’avais défini dans mon rapport du 21 juin 2001. Actuellement, j’interdis l’implantation d’éoliennes non seulement dans le périmètre rapproché mais aussi dans le périmètre éloigné de captages » ; que l’étude intitulée « Proximité du captage de Douzoumayroux » précise qu’une distance de quinze mètres devrait séparer l’éolienne E12 de la limite Est du bassin d’alimentation de ce captage d’eau ; que le Parc Naturel régional des Grands Causses avait relevé, dans son avis en date du 31 mai 2007, s’agissant des effets de ce projet sur les eaux souterraines, que « contrairement à ce qui est indiqué en page 67 de l’étude d’impact, les installations peuvent modifier les circulations d’eaux souterraines car les aquifères sont en général présents dans les formations d’altération du granite et donc, dans la frange superficielle » et il avait précisé que la source Douzoumayroux était notamment susceptible d’être impactée par ce projet ; que le maire d’Arques avait d’ailleurs souligné le risque que l’éolienne E12 était susceptible d’engendrer sur le captage d’eau de Douzoumayroux ; que si, par une lettre adressée au commissaire enquêteur, la Sarl Juwi Energie éolienne s’est engagée à ce que les travaux réalisés à proximité de ce captage soient effectués en-dehors de la période pluvieuse et s’accompagnent d’analyses régulières, ces engagements sont sans incidence sur l’appréciation que devait porter l’administration sur le caractère suffisant de l’étude d’impact ; que le fait que l’étude d’impact ne comporte pas d’analyse spécifique concernant les effets de l’éolienne E12 sur le captage d’eau de Douzoumayroux a été de nature à fausser l’information du public et l’appréciation de l’administration sur les impacts de ce projet et en particulier sur ses incidences en matière de salubrité publique et constitue, en conséquence, une insuffisance substantielle de l’enquête publique ;

15. Considérant que l’éolienne E12 constitue un ouvrage distinct des autres éoliennes relevant du même permis de construire n° PC 012 010 06 N1008 du 26 juin 2009 ; qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que les dispositions de ce permis applicables à cette éolienne ne seraient pas divisibles des autres dispositions de ce même permis ; que l’insuffisance de l’étude d’impact sur les incidences de l’éolienne E12 sur le captage d’eau de Douzoumayroux ne concerne que cette seule éolienne, au regard de la distance séparant les autres aérogénérateurs de cette source, et n’est ainsi pas susceptible d’affecter la régularité de l’ensemble de la procédure ayant conduit à la délivrance des permis de construire les quatorze autres éoliennes ; qu’ainsi la méconnaissance par l’étude d’impact des exigences énoncées par l’article R.122-3 du code de l’environnement n’entache la légalité que du permis de construire n° PC 012 010 06 N1008 en tant qu’il autorise la construction de l’éolienne E12 ;

En ce qui concerne l’application de la loi Montagne :

16. Considérant, qu’en estimant que « par son importance et sa destination », le projet de parc éolien, incompatible avec le voisinage des zones habitées, pouvait bénéficier de la dérogation prévue par les dispositions de l’article L.145-3 III du code de l’urbanisme issues de la loi Montagne et citées au point 3, le tribunal n’a pas commis d’erreur de droit ; qu’il ressort de l’étude d’impact que la puissance unitaire des éoliennes est de 2,3 MW et que la puissance totale prévue de ce parc éolien de 34,5 MW permettrait d’alimenter environ 22 000 foyers ; qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que l’annulation de l’autorisation de construire une seule des quinze éoliennes serait de nature à modifier l’appréciation de l’importance du projet pour l’application de ces dispositions ; que les circonstances invoquées par les requérants qu’il n’existe pas de document de planification des parcs éoliens juridiquement opposable dans ce département, que le bilan énergétique de l’Aveyron est déjà très largement positif et que ce projet emporterait des conséquences dommageables sur l’avifaune et les zones humides sont sans influence sur l’application de cet article du code de l’urbanisme ;

En ce qui concerne l’atteinte au site :

17. Considérant que les requérants font valoir que ce projet, qui ne s’intégrera pas dans les lieux avoisinants, est entaché d’erreur manifeste d’appréciation au regard des dispositions de l’article R.111-21 du code de l’urbanisme ;

18. Considérant qu’aux termes de l’article R.111-21 du code de l’urbanisme : « Le permis de construire peut être refusé ou n’être accordé que sous réserve de l’observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l’aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l’intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu’à la conservation des perspectives monumentales » ; qu’il résulte de ces dispositions que, si les constructions projetées portent atteinte aux paysages naturels avoisinants, l’autorité administrative compétente peut refuser de délivrer le permis de construire sollicité ou l’assortir de prescriptions spéciales ; que, pour rechercher l’existence d’une atteinte à un paysage naturel de nature à fonder le refus de permis de construire ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ce permis, il appartient au juge administratif d’apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel sur lequel la construction est projetée et d’évaluer, dans un second temps, l’impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site ; que les dispositions de cet article excluent qu’il soit procédé, dans le second temps du raisonnement, pour apprécier la légalité des permis de construire délivrés, à une balance d’intérêts divers en présence, autres que ceux visés à l’article R. 111-21 cité ci-dessus ;

19. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que ce parc éolien, dont la hauteur en bout de pales atteint cent-vingt mètres, sera implanté en marge du plateau du Lévézou, dans un secteur agricole de cultures fourragères et céréalières, disposé en bocages structurant des prairies temporaires ; que le relief est formé de collines, de plateaux et de vallées boisées artificiellement ; que si ce projet est implanté en bordure du Parc naturel régional des Grands Causses, il ne porte toutefois atteinte à aucun site paysager remarquable ; qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que les éoliennes E1 et E2 seraient en co-visibilité avec l’église de Saint-Martin de Cormière, monument historique inscrit, ni que ce projet se trouverait en co-visibilité avec d’autres monuments historiques, et pas davantage qu’il serait en situation de saturer le paysage en éoliennes ; qu’enfin, il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que les éoliennes E13, E14 et E15, lesquelles, comme l’a relevé l’architecte des bâtiments de France, sont implantées sur le puech du Magrin en opposition visuelle avec l’alignement rythmé des deux autres parcs de Montels et de Mazet, seraient de nature à gêner l’intégration visuelle du projet, qui devrait d’ailleurs être facilitée par le caractère vallonné des lieux ; que dans ces conditions, en autorisant ce projet, le préfet de l’Aveyron n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation au regard des dispositions de l’article R.111-21 du code de l’urbanisme ;

20. Considérant qu’il résulte de l’ensemble de ce qui précède que seul l’arrêté n° PC 012 010 06 N1008 du 26 juin 2009 est illégal, en tant seulement qu’il autorise la construction de l’éolienne E12, dans la mesure où il repose sur une étude d’impact incomplète sur l’environnement de cette construction ;

21. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont fondés à demander l’annulation du jugement n° 0905564 du 17 novembre 2011 du tribunal administratif de Toulouse qu’en tant qu’il a rejeté leur demande tendant à l’annulation de l’arrêté n° PC 012 010 06 N1008 du 26 juin 2009 du préfet de l’Aveyron en tant qu’il a autorisé la Sarl Juwi Energie éolienne à construire l’éolienne E12 ;

Sur l’application de l’article L.761-1 du code de justice administrative :

22. Considérant qu’il n’y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit à aucune des conclusions des parties présentées en application de ces dispositions ;

décide :

Article 1er : L’arrêté du préfet de l’Aveyron n° PC 012 010 06 N1008 du 26 juin 2009 est annulé en tant qu’il autorise la construction de l’éolienne E12.

Article 2 : Le jugement n° 0905564 du 17 novembre 2011 du tribunal administratif de Toulouse est réformé en ce qu’il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête présentée par l’association « Bien vivre en Trémouillais, pays du Lévézou et Haut Ségala, l’association « Lévézou en péril », M. Z-G H, M. et Mme Z-A E, M. et Mme Z-A B, M. et Mme X Y est rejeté.

Article 4 : Les conclusions présentées par la Sarl Juwi Energie éolienne tendant à l’application de l’article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l’association l’association « Bien vivre en Trémouillais, pays du Lévézou et Haut Ségala », l’association « Lévézou en péril », M. Z-G H, M. et Mme Z-A E, M. et Mme Z-A B, M. et Mme X Y, à la Sarl Juwi Energie éolienne et à la ministre de l’égalité du territoire et du logement. Copie en sera adressée au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Rodez.

Délibéré après l’audience du 13 décembre 2012 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, président,

M. Didier Péano, président-assesseur,

Mme Sabrina Ladoire, conseiller.

Lu en audience publique, le 24 janvier 2013.

Le rapporteur, Le président,

Sabrina LADOIRE Catherine GIRAULT

Le greffier,

Florence FAURE

La République mande et ordonne à la ministre de l’égalité des territoires et du logement en ce qui la concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution du présent arrêt.

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Cour administrative d'appel de Bordeaux, 24 janvier 2013, n° 12BX00095