CAA de BORDEAUX, 1ère chambre - formation à 3, 28 décembre 2017, 15BX02303, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Bordeaux, 1re ch. - formation à 3, 28 déc. 2017, n° 15BX02303
Juridiction : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Numéro : 15BX02303
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Tribunal administratif de Bordeaux, 6 mai 2015, N° 1301763, 1301764, 1301765
Identifiant Légifrance : CETATEXT000036314905

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L’EARL Château de Puisseguin La Gourlière, l’indivisionB…, F… et M. E… B… ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux, sous le n° 1301765, d’annuler pour excès de pouvoir la délibération du 27 février 2013 par laquelle le conseil municipal de Puisseguin a approuvé le plan local d’urbanisme de la commune et à titre subsidiaire, d’annuler cette délibération en tant seulement qu’elle classe en zone N et en espace boisé classé des parcelles de l’indivision B… et du GFA La Gourlière.

Par un jugement n°s 1301763, 1301764, 1301765 du 7 mai 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté l’ensemble des requêtes formées contre cette délibération par l’indivision du Château Beauséjour, la SCEA Haut Saint Clair et l’EARL Château de Puisseguin La Gourlière et autres.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 3 juillet 2015 et le 14 mars 2017, l’EARL Château de Puisseguin La Gourlière, l’indivisionB…, F… et M. E… B…, représentés par Me C…, demandent à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 7 mai 2015 ;

2°) d’annuler la délibération du 27 février 2013 par laquelle le conseil municipal de Puisseguin a approuvé le plan local d’urbanisme de la commune ;

3°) à titre subsidiaire, d’annuler la délibération du 27 février 2013 du conseil municipal de Puisseguin en tant seulement qu’elle classe en zone N et en espace boisé classé des parcelles de l’indivision B… et du GFA La Gourlière, cadastrées C n°147 à 157, n°162, n° 171 à 175n n°814, n°816, n°818 à 820, n°822 et n°825 ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Puisseguin la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative ainsi que « les entiers dépens ».

Ils soutiennent que :

 – la procédure d’élaboration du plan local d’urbanisme est entachée d’irrégularité, les modifications intervenues postérieurement à l’enquête publique sont substantielles et portent atteinte à l’économie générale du plan local d’urbanisme. L’étendue des modifications nécessitait que le plan local d’urbanisme soit soumis une nouvelle fois à enquête publique ;

 – les réserves émises par le commissaire enquêteur n’ont pas été prises en compte par la commune. Dès lors, le plan local d’urbanisme devait être regardé comme adopté à la suite d’un avis défavorable du commissaire enquêteur, ce qui aurait dû entraîner l’annulation de la délibération ;

 – la commune a commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant, d’une part, que la situation des parcelles litigieuses dans l’aire AOC ne nécessitait pas un classement en zone agricole alors même que les différents intervenants à l’élaboration du PLU avaient mis en exergue la nécessité de les classer en zone agricole, et d’autre part, que le classement en zone N ne faisait pas obstacle à la culture de la vigne alors que le rapport du commissaire enquêteur fait apparaître clairement que ce classement serait défavorable à cette culture ;

 – l’activité viticole n’a pas été prise en compte par le plan local d’urbanisme. Le plan local d’urbanisme litigieux prévoit le reclassement de zones A, actuellement destinées à l’activité viticole, en zones N alors même que le rapport de présentation met en avant la nécessité de préserver l’activité viticole et que le rapport du commissaire enquêteur précise que sept observations ont été faites concernant le classement en zone N des parcelles plantées de vignes ou en replantation, répertoriées par l’INAO. Dès lors, le plan local d’urbanisme ne respecte pas les dispositions de l’article R. 123-2 du code de l’urbanisme ;

 – il existe des incohérences manifestes entre le projet d’aménagement et de développement durable et le rapport de présentation. En vertu des articles L. 123-1-4 et -5 du code de l’urbanisme, le projet d’aménagement et de développement durable (PADD) impose aux orientations d’aménagement et de programmation et au règlement du plan local d’urbanisme une exigence de respect et de cohérence avec les orientations qu’il définit. Le plan local d’urbanisme approuvé va à l’encontre des objectifs du PADD fixés par le conseil municipal, qui comportent notamment la préservation de l’économie agricole, en ce qu’il prévoit la suppression de nombreuses zones classées en zones agricoles pour les transformer en zone naturelles ou grevées d’espace boisé classé ;

 – la procédure est irrégulière, le rapport d’enquête publique ne répondant pas aux exigences requises. Le commissaire enquêteur a fait une analyse très succincte des observations faites lors de l’enquête publique. De nombreuses observations orales ont été faites sur le projet mais l’avis du commissaire enquêteur n’a pas été détaillé sur chacune d’entre elles. Son analyse concernant l’observation inscrite sur le registre pendant l’enquête publique reste lacunaire. En outre, le commissaire enquêteur ne produit pas de document séparé présentant ses conclusions motivées favorables et il n’a pas suffisamment motivé son opinion personnelle sur le projet de modification ;

 – la publicité de l’avis annonçant l’enquête publique est insuffisante et méconnaît les dispositions de l’article R. 123-19 du code de l’urbanisme. La commune ne justifie pas du respect de ces dispositions relatives aux mesures de publicité spécifique ;

 – le classement des parcelles litigieuses en espace boisé classé est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation. Les différents avis des personnes impliquées dans le projet précisent que les boisements ne présentent pas un caractère tel qu’une protection en espace boisé classé soit nécessaire, surtout au détriment des zones classées AOC. Le commissaire enquêteur met en doute la nécessité de classement de la zone protégée. Par ailleurs, le classement en espace boisé classé des parcelles litigieuses rend impossible le respect du cahier des charges de l’appellation lorsque les zones plantées doivent être complétées de terre qui ne peut être extraite en dehors du périmètre de l’appellation. Enfin, il est incohérent de classer en espace boisé classé des parcelles faisant l’objet d’une autorisation de défrichement. Or dans un courrier du 24 mai 2011, la direction départementale de l’agriculture et de la forêt a donné un avis favorable au défrichement des parcelles cadastrées section C 151 et 155.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 13 décembre 2016 et le 3 avril 2017, la commune de Puisseguin conclut au rejet de la requête, subsidiairement à ce que la cour fasse application des dispositions de l’article L. 600-9 du code de l’urbanisme et limite l’annulation à ceux des classements qu’elle estimerait entachés d’erreur manifeste d’appréciation, et à ce que soit mise à la charge des requérants la somme de 4 500 euros au titre des dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

 – les requérants ne démontrent pas en quoi les modifications apportées au projet de plan local d’urbanisme après enquête publique seraient de nature à en bouleverser l’économie générale. D’une part, les modifications listées sont erronées et d’autre part, les requérants n’ont pas fourni d’élément objectif permettant de justifier l’atteinte à l’économie générale. Enfin, les modifications apportées postérieurement à l’enquête publique n’avaient pour seul objectif que de répondre aux observations des personnes publiques associées, en particulier à celles de l’Etat, sans remettre en cause l’économie générale du projet arrêté le 11 juin 2012 ; elles ont consisté à compléter le rapport de présentation au niveau de la justification de certains choix de zonage, précisions techniques qui ne sont pas de nature à avoir affecté l’économie générale du plan ;

 – sans apporter d’élément de droit ou de fait nouveau, les requérants ne précisent pas en quoi la levée de l’éventuelle réserve émise par le commissaire enquêteur était une condition de légalité de la délibération. La commune n’était pas liée par l’avis favorable avec réserve du commissaire enquêteur, elle pouvait approuver le projet sans lever la réserve ;

 – le moyen tiré de la méconnaissance de l’article R. 123-2 du code de l’urbanisme, relatif au contenu du rapport de présentation, manque en droit et en fait. Les requérants n’excipent en fait aucune insuffisance formelle du rapport de présentation dès lors qu’ils ne remettent en cause ni la partie diagnostic, ni la partie relative à la justification. Par ailleurs, le moyen n’est pas sérieusement fondé, les requérants ne se focalisent que sur des zonages sporadiques qui ne permettent pas d’établir une quelconque remise en cause de l’activité agricole à l’échelle communale alors que les zonages N ou EBC ne compromettent pas la qualité agronomique des sols. Enfin, la simple lecture du rapport de présentation démontre que les auteurs du plan local d’urbanisme ont pris en compte la prépondérance de l’activité viticole, ce qui se traduit de façon concrète au plan du zonage, auquel les personnes publiques associées ne se sont d’ailleurs pas opposées ;

 – le moyen tiré de ce que la suppression de nombreuses zones classées en zones agricoles pour les transformer en zone N ou grevées d’un EBC méconnaîtrait le projet d’aménagement et de développement durable et rendrait le rapport de présentation incohérent, manque en fait alors qu’aucune pièce du plan local d’urbanisme ne démontre d’incohérence interne ; l’objectif de protection de la vocation agricole de la commune se décline comme un objectif de protection de la valeur agronomique des terres agricoles. Par ailleurs, le rapport de présentation justifie précisément la protection des espaces naturels et ne méconnaît pas d’avantage l’objectif de protection de la vocation agricole, il en résulte que le plan local d’urbanisme est en parfaite cohérence avec les orientations définies par le projet d’aménagement et de développement durable ;

 – le moyen tiré de ce que le rapport d’enquête publique est lacunaire manque en droit et en fait. L’obligation faite au commissaire enquêteur d’examiner les observations du public et de formuler des conclusions ne lui impose pas de répondre à chacune des observations présentées au cours de l’enquête. En l’espèce, le commissaire enquêteur a listé l’ensemble des observations écrites et orales émises au cours de l’enquête publique, les a regroupées par thème et y a apporté une réponse circonstanciée ;

 – si le commissaire enquêteur a présenté dans un seul document son rapport et ses conclusions, cette circonstance n’est pas de nature à constituer la violation d’une formalité substantielle susceptible de vicier la procédure d’enquête publique dès lors qu’elle n’est pas de nature à priver les tiers d’une garantie ou à influer sur le sens de la décision administrative. De même, les requérants ne démontrent pas en quoi la prétendue insuffisance de motivation de l’avis du commissaire enquêteur serait de nature à priver les tiers d’une garantie ou à avoir influé sur le sens de la décision administrative, alors au demeurant que la motivation s’avère être en l’espèce argumentée et personnelle ;

 – le moyen tiré de ce que la publicité de l’avis d’enquête publique a été insuffisante est irrecevable comme soulevé plus de six mois après la date de la prise d’effet du document en application de l’article L.600-1 du code de l’urbanisme. Au demeurant, l’avis d’enquête publique a été publié dans deux journaux régionaux comme l’atteste le rapport du commissaire enquêteur ;

 – le conseil municipal n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en classant en zone N et en EBC certaines parcelles des requérants. Les auteurs du plan local d’urbanisme disposent d’une compétence discrétionnaire qui implique que les particuliers ne peuvent se prévaloir d’un quelconque droit d’antériorité pour commander un zonage particulier. Par ailleurs, le classement AOC est un régime de protection du droit de la consommation inopposable à un document d’urbanisme conformément au principe d’indépendance des législations ;

 – le classement en zone N n’est pas entaché d’une erreur de droit. D’une part, les personnes publiques associées ne se sont pas opposées à un tel classement, l’INAO a même émis un avis favorable. D’autre part, la réserve émise par le commissaire enquêteur sollicitait de motiver le zonage N d’une zone AOC par un aspect paysager précis. Enfin, les requérants n’établissent pas dans les faits la moindre erreur manifeste d’appréciation dans le zonage N, ni de contradiction entre le zonage et les objectifs de protection de l’environnement ou de la qualité agronomique des sols par le projet d’aménagement et de développement durable ;

 – le classement des espaces boisés n’est pas entaché d’erreur manifeste d’appréciation. Le classement d’un espace boisé peut se justifier par la nécessité d’en assurer la sauvegarde, peu importe la qualité du boisement, voire même sa préexistence. Les requérants se fondent sur un extrait inopérant de l’avis de la chambre d’agriculture rendu dans le cadre de la première version du plan local d’urbanisme, alors qu’à nouveau consultée sur le projet de plan local d’urbanisme cet organisme n’a formulé aucune réserve ou observation sur les espaces boisés classés. De plus, l’administration n’est pas liée par les avis émis. Par ailleurs, le classement AOC n’astreint pas à une obligation de prise en compte, de compatibilité ou de conformité. Enfin, d’une part, les requérants ne justifient aucunement que ce zonage en EBC méconnaîtrait ces principes de classement et donc les objectifs recherchés par les rédacteurs du plan local d’urbanisme et d’autre part, la circonstance selon laquelle ils bénéficient d’un avis favorable sur une demande d’autorisation de défrichement est inopérante en vertu de l’indépendance des législations ;

 – à titre subsidiaire, en application des dispositions de l’article L.600-9 du code de l’urbanisme, il convient de restreindre l’annulation aux seuls zonages querellés, ou de surseoir à statuer si l’un des moyens de légalité externe était reconnu fondé.

Par ordonnance du 4 avril 2017, la clôture d’instruction a été fixée en dernier lieu au 3 mai 2017 à 12 h 00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

 – le code de l’environnement ;

 – le code de l’urbanisme ;

 – le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de M. Paul-André Braud,

 – les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public ;

 – les observations de Me A…, représentant l’EARL Château de Puisseguin la Gourlière et celles de Me D…, représentant la commune de Puisseguin.

Considérant ce qui suit :

1. Par délibération du 19 avril 2011, le conseil municipal de Puisseguin a approuvé le plan local d’urbanisme de la commune. Toutefois, en raison d’avis défavorables de l’Institut national de l’origine et de la qualité, de la chambre d’agriculture de la Gironde et de l’Etat, le conseil municipal a retiré cette délibération par une délibération en date du 15 septembre 2011. Après la réalisation d’une nouvelle enquête publique, le conseil municipal de Puisseguin a approuvé le plan local d’urbanisme par une délibération du 27 février 2013. Par une requête, enregistrée sous le n° 1301765, l’EARL Château de Puisseguin la Gourlière, l’indivisionB…, F… et M. E… B… ont demandé l’annulation de la délibération du 27 février 2013. Par un jugement n° 1301763-1301764-1301765 du 7 mai 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande ainsi que celles d’autres requérants. L’EARL Château de Puisseguin la Gourlière, l’indivisionB…, F… et M. E… B… relèvent appel de ce jugement.

Sur la légalité de la délibération du 27 février 2013 :

En ce qui concerne la régularité de l’enquête :

S’agissant de la publicité de l’enquête publique :

2. Aux termes de l’article R. 123-11 du code de l’environnement : « Un avis portant les indications mentionnées à l’article R. 123-9 à la connaissance du public est publié (…) quinze jours au moins avant le début de l’enquête. L’autorité compétente pour ouvrir et organiser l’enquête désigne les lieux où cet avis doit être publié par voie d’affiches et, éventuellement, par tout autre procédé (…) Le responsable du projet procède à l’affichage du même avis sur les lieux prévus pour la réalisation du projet. Ces affiches doivent être visibles et lisibles de la ou, s’il y a lieu, des voies publiques. (…) ».

3. Il ressort des pièces du dossier que le rapport du commissaire enquêteur atteste des conditions d’affichage de l’avis d’enquête publique. Ce dernier a notamment été publié dans deux organes de presse à portée locale, Sud Ouest, quotidien d’information diffusé dans sept départements du sud-ouest de la France, les 19 septembre et 10 octobre 2012 et Le Résistant, journal hebdomadaire relatant l’actualité de cinq cantons de la Gironde dont le libournais et de deux cantons de la Dordogne, les 20 septembre et 11 octobre 2012, tous deux habilités à recevoir les annonces judiciaires et légales. Le choix de ces publications a été de nature à assurer une information suffisante du public dès lors que ces deux journaux ont permis d’assurer la diffusion de l’information auprès des habitants de Puisseguin, susceptibles d’être intéressés par le projet. Par ailleurs, l’attestation d’affichage du maire suffit à justifier de l’effectivité de l’affichage en mairie en l’absence de tout élément contraire. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que l’avis d’enquête publique n’aurait pas fait l’objet d’une publicité suffisante doit en tout état de cause être écarté.

S’agissant de la motivation du rapport du commissaire enquêteur :

4. Aux termes de l’article R. 123-19 du code de l’urbanisme alors en vigueur : « Le projet de plan local d’urbanisme est soumis à l’enquête publique par le maire ou le président de l’établissement public de coopération intercommunale compétent dans les formes prévues par les articles R. 123-7 à R. 123-23 du code de l’environnement (…) ». Selon l’article R. 123-19 du code de l’environnement, dans sa rédaction alors en vigueur : « (…) Le commissaire enquêteur ou la commission d’enquête établit un rapport qui relate le déroulement de l’enquête et examine les observations recueillies. Le commissaire enquêteur ou la commission d’enquête consigne, dans un document séparé, ses conclusions motivées, en précisant si elles sont favorables ou non à l’opération (…) ». Cette disposition oblige le commissaire enquêteur à apprécier les avantages et inconvénients du projet et à indiquer, au moins sommairement et, sans qu’il soit tenu de répondre à chacune des observations présentées lors de l’enquête publique, en donnant son avis personnel, les raisons qui déterminent le sens de cet avis.

5. D’une part, les requérants soutiennent que le commissaire enquêteur a fait une analyse très succincte et lacunaire des observations, qu’il n’a pas détaillé son avis sur chacune des observations orales et qu’il n’a pas suffisamment motivé son opinion personnelle. Toutefois, comme indiqué au point précédent les dispositions précitées n’imposent pas au commissaire enquêteur de répondre à chacune des observations présentées au cours de l’enquête. Il ressort des pièces du dossier que le commissaire enquêteur a établi la liste de l’ensemble des observations présentées au cours de l’enquête et les a analysées en les regroupant par thèmes. Il a indiqué son avis personnel sur le projet, ainsi que les raisons qui ont déterminé le sens de cet avis, tout en émettant une recommandation concernant le reclassement en zone A de certaines parcelles en zone N plantées en vignes ou ayant vocation à l’être, sous réserve de justifications environnementales à leur classement en zone naturelle. En se prononçant ainsi, le commissaire-enquêteur a satisfait aux exigences posées par les dispositions précitées du code de l’environnement.

6. D’autre part, si les conclusions du commissaire enquêteur n’ont pas été consignées, comme l’exigent les dispositions précitées, dans un document séparé, elles figurent dans une partie distincte du rapport aisément identifiable. Il ne ressort pas des pièces du dossier que cette irrégularité ait été susceptible d’exercer une influence sur le sens de la décision ou aurait privé les personnes intéressées par l’avis du commissaire enquêteur d’une garantie.

En ce qui concerne la modification du projet après enquête publique :

S’agissant de l’ampleur des modifications adoptées :

7. Aux termes de l’article L. 123-10 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige au regard de l’article 19 de l’ordonnance n° 2012-11 du 5 janvier 2012 : « Le projet de plan local d’urbanisme est soumis à enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l’environnement par le président de l’établissement public de coopération intercommunale ou, dans le cas prévu par le deuxième alinéa de l’article L. 123-6, le maire. Le dossier soumis à l’enquête comprend, en annexe, les avis des personnes publiques consultées. / Après l’enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l’environnement, le plan local d’urbanisme, éventuellement modifié, est approuvé par délibération de l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale ou, dans le cas prévu par le deuxième alinéa de l’article L. 123-6, du conseil municipal. Le plan local d’urbanisme approuvé est tenu à la disposition du public. » Il résulte de ces dispositions que le projet de plan ne peut subir de modifications, entre la date de sa soumission à l’enquête publique et celle de son approbation, qu’à la double condition que ces modifications ne remettent pas en cause l’économie générale du projet et procèdent de l’enquête. Doivent être regardées comme procédant de l’enquête les modifications destinées à tenir compte des réserves et recommandations du commissaire enquêteur, des observations du public et des avis émis par les autorités, collectivités et instances consultées et joints au dossier de l’enquête.

8. Les requérants font valoir que la modification, postérieure à l’enquête publique, du règlement de la zone UY et de la zone N concernant les occupations et utilisations des sols ainsi que du rapport de présentation rendaient nécessaire la réalisation d’un nouvelle enquête publique. Cependant, il ressort des pièces du dossier que ces modifications ont été introduites à la suite des observations et réserves émises par les personnes publiques associées, par le commissaire enquêteur et par le public. Elles procèdent donc bien de l’enquête publique. En outre, elles ont pour objectif, ainsi que le relève la notice d’information donnée aux conseillers avant l’approbation du plan local d’urbanisme, de mettre le projet de plan en adéquation avec les observations formulées dans le respect des dispositions législatives. Ainsi, le rapport de présentation a été complété afin de préciser et renforcer certains aspects du plan local d’urbanisme et d’apporter des justifications complémentaires. De même, la cohérence entre la consommation de l’espace et la capacité d’accueil a fait l’objet d’un développement plus important, différents zonages ont été justifiés et le règlement a été modifié ou complété, au regard des avis des personnes publiques associées, pour les zones UY et N pour lesquelles les conditions d’occupation et d’utilisation des sols ont été spécifiées. Enfin, certains ajustements mineurs ont été apportés au plan de zonage. Dès lors, eu égard à leur portée limitée, ces modifications n’ont pas remis en cause l’économie globale du plan. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le plan local d’urbanisme ainsi modifié ne pouvait être approuvé sans nouvelle enquête publique.

S’agissant de la prise en compte de l’avis du commissaire enquêteur :

9. Il ressort des pièces du dossier que le commissaire enquêteur, en conclusion de son rapport en date du 15 novembre 2012, a expressément formulé un avis favorable assorti d’une recommandation à laquelle il n’a pas voulu donner la qualification de réserve. Dès lors, contrairement à ce que soutiennent les requérants, cet avis ne saurait être regardé comme étant défavorable. Par ailleurs, aucune disposition législative ou réglementaire n’impose au conseil municipal de lever les réserves émises par le commissaire enquêteur dans son rapport. Si le commissaire-enquêteur a, dans ses conclusions, recommandé que les zones AOC soient classées en zone A et non en zone N « sauf à motiver réellement l’aspect paysager correctement circoncis et certain qui ne peut être des vignes, des friches ou des taillis (sic) », son avis ne liait pas le conseil municipal. Par suite, la circonstance que l’avis du commissaire enquêteur n’ait pas été suivi est sans influence sur la légalité de la délibération en litige.

En ce qui concerne la cohérence des documents d’urbanisme :

S’agissant du rapport de présentation :

10. Aux termes de l’article R.123-2 du code de l’urbanisme dans sa rédaction alors en vigueur : " Le rapport de présentation : (…) 3° Explique les choix retenus pour établir le projet d’aménagement et de développement durable et, le cas échéant, les orientations d’aménagement et de programmation ; il expose les motifs de la délimitation des zones, des règles et des orientations d’aménagement et de programmation mentionnées au 1 de l’article L. 123-1-4, des règles qui y sont applicables, notamment au regard des objectifs et orientations du projet d’aménagement et de développement durables. Il justifie l’institution des secteurs des zones urbaines où les constructions ou installations d’une superficie supérieure à un seuil défini par le règlement sont interdites en application du a de l’article L. 123-2 ; (…) En cas de modification, de révision ou de mise en compatibilité dans les cas prévus aux articles R. 123-23-1, R. 123-23-2, R. 123-23-3 et R. 123-23-4, le rapport de présentation est complété par l’exposé des motifs des changements apportés ".

11. Si, comme le soutiennent les requérants, le rapport de présentation prévoit que le plan local d’urbanisme devra assurer la protection du territoire viticole et qu’ainsi une grande majorité du territoire sera classé en zone agricole, il ressort des pièces du dossier que le projet d’aménagement et de développement durable sur lequel a débattu le conseil municipal de Puisseguin à l’occasion de l’élaboration du plan local d’urbanisme définit trois orientations générales d’aménagement et d’urbanisme, dont l’une porte sur la protection et la mise en valeur paysagère. Cette orientation a pour objectif de protéger à la fois les espaces naturels sensibles et la vocation agricole de la commune. Pour cela, en délimitant sur les parcelles litigieuses des secteurs de zone naturelle et d’espaces boisés classés et des secteurs de zone agricole, le plan local d’urbanisme entend s’inscrire dans le respect de l’équilibre dans la protection des espaces agricoles et naturels, notamment en préservant les grands fonctionnements écologiques du territoire sans pour autant interdire l’exploitation de la vigne ou de toute autre activité agricole. Dès lors, le plan local d’urbanisme respecte les orientations définies dans le rapport de présentation. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l’article R.123-2 du code de l’urbanisme ne peut qu’être écarté.

S’agissant du projet d’aménagement et de développement durable :

12. Aux termes de l’article L.123-1-5 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction en vigueur à la date de la délibération attaquée : « Le règlement fixe, en cohérence avec le projet d’aménagement et de développement durables, les règles générales et les servitudes d’utilisation des sols permettant d’atteindre les objectifs mentionnés à l’article L. 121-1, qui peuvent notamment comporter l’interdiction de construire, délimitent les zones urbaines ou à urbaniser et les zones naturelles ou agricoles et forestières à protéger et définissent, en fonction des circonstances locales, les règles concernant l’implantation des constructions. »

13. Les requérants soutiennent que le classement de leurs parcelles est incohérent au regard du projet d’aménagement et de développement durables, qui a pour objectif de protéger la valeur agronomique des terres agricoles de toute forme de mitage et de maintenir et dynamiser l’activité économique et commerciale. Toutefois, si le projet d’aménagement et de développement durables fixe comme objectif, dans le cadre de l’orientation n°3 relative à la protection et mise en valeur paysagère, de protéger la vocation agricole de la commune en préservant la valeur agronomique des terres agricoles de toute forme de mitage, il prévoit également de protéger les espaces naturels sensibles et notamment les boisements ripicoles dans la mesure où ces derniers jouent un rôle écologique majeur dans la stabilité des berges des cours d’eau et le filtrage des matières polluantes liées à l’activité agricole. De plus, il ressort des pièces du dossier que certains espaces naturels dont la préservation doit être assurée se situent dans le périmètre de l’appellation d’origine contrôlée « Puisseguin – Saint-Emilion ». Ainsi, les auteurs du plan contesté ont entendu concilier le développement des activités viticoles et la protection des espaces naturels, et notamment des espaces boisés. Les terrains en cause correspondent à des espaces boisés dont la préservation présente un intérêt écologique et paysager, identifiés comme un corridor terrestre dans le cadre de la trame verte du plan local d’urbanisme figurant dans le rapport de présentation. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le classement des parcelles en litige serait incohérent avec le projet d’aménagement et de développement durables.

En ce qui concerne le classement des parcelles :

14. Aux termes de l’article R.123-8 du code de l’urbanisme alors en vigueur : « Les zones naturelles et forestières sont dites » zones N ". Peuvent être classés en zone naturelle et forestière, les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison : a) Soit de la qualité des sites, milieux et espaces naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique ; b) Soit de l’existence d’une exploitation forestière ; c) Soit de leur caractère d’espaces naturels (…)« . Aux termes de l’article L.130-1 du code de l’urbanisme alors applicable : » Les plans locaux d’urbanisme peuvent classer comme espaces boisés, les bois, forêts, parcs à conserver, à protéger ou à créer, qu’ils relèvent ou non du régime forestier, enclos ou non, attenant ou non à des habitations. Ce classement peut s’appliquer également à des arbres isolés, des haies ou réseaux de haies, des plantations d’alignements. Le classement interdit tout changement d’affectation ou tout mode d’occupation du sol de nature à compromettre la conservation, la protection ou la création des boisements(…) ".

15. Il appartient aux auteurs d’un plan local d’urbanisme de déterminer le parti d’aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d’avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. A ce titre, ils peuvent identifier et localiser des éléments de paysage et définir des prescriptions de nature à assurer leur protection. Ce faisant, ils ne sont pas liés, pour déterminer l’affectation future des divers secteurs, par les modalités existantes d’utilisation des sols, dont ils peuvent prévoir la modification dans l’intérêt de l’urbanisme. Leur appréciation sur ces différents points ne peut être censurée par le juge administratif qu’au cas où elle serait entachée d’une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts. Il n’appartient pas, en revanche, au juge administratif de vérifier si un autre classement aurait été possible, mais seulement de vérifier que le classement retenu n’est pas illégal. Ainsi la circonstance que les parcelles en litige seraient classées en appellation d’origine contrôlée « Puisseguin – Saint-Emilion » n’est pas de nature à elle seule, à lier la compétence des auteurs du plan local d’urbanisme.

16. D’une part, les requérants allèguent que le classement de leurs parcelles en zone N est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation. Il ressort des pièces du dossier que si les parcelles en question sont entourées de terrains viticoles classés en zone agricole par le plan local d’urbanisme, qui a mis en zone A 1 222 hectares soit 71% de son territoire, elles suivent également l’ensemble du tracé du cours d’eau La Barbanne et sont à l’état de prairies non entretenues, ou de bois. Dès lors, le plan de zonage retenu pour ces parcelles se justifie au regard de la continuité écologique et de l’intérêt écologique. En effet, le projet d’aménagement et de développement durable prévoit la protection des boisements ripicoles qui accompagnent les cours d’eau et les prairies humides qui constituent des espaces naturels sensibles, et la préservation de la diversité paysagère. En outre, le classement en zone naturelle ne faisant pas obstacle à la culture de la vigne, la circonstance que les parcelles en cause puissent être classées en zone agricole au regard de leur « potentiel agronomique » ne révèle pas par elle-même une erreur manifeste d’appréciation du classement desdites parcelles en zone naturelle. Par suite, au regard des caractéristiques des terrains, de leur emplacement et du parti d’aménagement des auteurs du plan local d’urbanisme, le classement en zone N des parcelles litigieuses n’est pas entaché d’une erreur manifeste d’appréciation.

17. D’autre part, les requérants soutiennent que le classement de leurs parcelles en espace boisé classé est également entaché d’une erreur manifeste d’appréciation en ce qu’il ferait obstacle à la plantation de vignes. Toutefois, sur les 24 parcelles dont les requérants sont propriétaires, seules 4 sont classées en espace boisé classé représentant 1,13 hectares, soit moins de 5% de leur propriété. Or, comme indiqué au point précédent, ces parcelles sont composées de boisements ripicoles et de prairies humides qui accompagnent le ruisseau de la Barbanne, les traversant selon un axe nord/sud. Ces parcelles constituent donc des espaces naturels sensibles qu’il convient de protéger, les boisements ripicoles jouant un rôle écologique majeur dans la mesure où ils participent à la stabilité des berges des cours d’eau et permettent de filtrer les matières polluantes liées à l’activité agricole. De plus, ces parcelles sont dépourvues de toute construction et ne sont pas entretenues. Par ailleurs, à supposer même que, comme le soutiennent les requérants, les espaces boisés ne sont pas en danger et ne diminuent pas, cette circonstance ne fait pas obstacle au classement en espace boisé classé, lequel n’est pas subordonné à la valeur du boisement existant. De même, le fait que les parcelles litigieuses soient à l’intérieur du périmètre de l’appellation d’origine contrôlée « Puisseguin – Saint-Emilion », comme la quasi-totalité de l’ancienne commune de Puisseguin, ne fait pas davantage obstacle à leur classement en espace boisé. Enfin, les requérants ne peuvent utilement faire valoir que la direction départementale des territoires et de la mer de la Gironde avait rendu le 24 mai 2011 un avis favorable à la demande de défrichement présentée pour la société Photosol, opérateur de centrales photovoltaïques, sur un ensemble de 8 parcelles dont les parcelles cadastrées section C n°151 et 155 leur appartenant, dès lors qu’un tel avis, dont il n’est pas allégué qu’il aurait été suivi d’une autorisation de défrichement, ne saurait en tout état de cause lier les auteurs d’un plan local d’urbanisme. Au demeurant, le procès-verbal de reconnaissance des bois relève le faible taux de boisement de la commune (6%) et envisage des boisements compensateurs sur des terrains agricoles d’une autre commune à 45 kilomètres. Par suite, le classement desdites parcelles en espace boisé classé n’est pas davantage entaché d’une erreur manifeste d’appréciation.

18. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande tendant à l’annulation de la délibération approuvant le plan local d’urbanisme de la commune de Puisseguin.

Sur les frais exposés par les parties à l’occasion de l’instance :

24. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Puisseguin, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que les requérants demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge solidaire de l’EARL Château de Puisseguin La Gourlière, l’indivisionB…, F… et M. B… E… une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune de Puisseguin et non compris dans les dépens.


DECIDE :


Article 1er : La requête de L’EARL Château de Puisseguin La Gourlière, l’indivisionB…, F… et M. B… E… est rejetée.


Article 2 : L’EARL Château de Puisseguin La Gourlière, l’indivisionB…, F… et M. B… E… sont condamnés solidairement à verser une somme de 1 500 euros à la commune de Puisseguin au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.


Article 3 : Le présent arrêt sera notifié L’EARL Château de Puisseguin La Gourlière, l’indivisionB…, F… et M. E… B… et à la commune de Puisseguin.


Délibéré après l’audience du 14 décembre 2017 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, président,
M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,
M. Paul-André Braud, premier conseiller.


Lu en audience publique, le 28 décembre 2017.


Le rapporteur,

Paul-André BRAUDLe président,

Catherine GIRAULT

Le greffier,

Virginie MARTY


La République mande et ordonne au préfet de la Gironde en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution du présent arrêt.

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No 15BX02303

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CAA de BORDEAUX, 1ère chambre - formation à 3, 28 décembre 2017, 15BX02303, Inédit au recueil Lebon