CAA de BORDEAUX, 1ère chambre - formation à 3, 15 novembre 2018, 16BX02936, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Bordeaux, 1re ch. - formation à 3, 15 nov. 2018, n° 16BX02936
Juridiction : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Numéro : 16BX02936
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Tribunal administratif de Toulouse, 29 juin 2016, N° 1400468
Identifiant Légifrance : CETATEXT000037618822

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme F… D… ont demandé au tribunal administratif de Toulouse d’annuler la délibération du conseil municipal de la commune d’Artix du 19 septembre 2013 relative à leur demande de définition du statut de la partie Nord du chemin des Babots et la délibération du 7 novembre 2013 portant classement des nouvelles voies communales et mise à jour du tableau des voies communales à caractère de chemin, de condamner la commune d’Artix à leur verser une somme de 3 000 euros en raison des abus de pouvoirs commis et, subsidiairement, d’annuler cette délibération du 7 novembre 2013.

Par un jugement n° 1400468 du 30 juin 2016, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 26 août 2016 et des mémoires enregistrés le 30 novembre 2016 et le 7 février 2018, M. et Mme D…, représenté par Me B… A…, demandent à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 30 juin 2016 ;

2°) d’annuler les délibérations du conseil municipal de la commune d’Artix des 19 septembre 2013 et 7 novembre 2013 ;

3°) de mettre à la charge de la commune d’Artix une somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

Ils soutiennent que :

 – le chemin des Babots fait partie du domaine public communal et ne pouvait donc être déclassé par la délibération du 19 septembre 2013 ;

 – la cession le 1er octobre 1993 de la parcelle AZ n° 577, assiette du chemin des Babots, a eu pour effet de régulariser en tout état de cause son appartenance au domaine public communal, décidée par la délibération du 27 mars 1967 qui fixe le statut de la voie communale n°4, et qui n’avait pas été démentie au demeurant ; le chemin goudronné en 1993 et entretenu par la commune doit être regardé comme ayant reçu un aménagement indispensable, et il est l’accessoire des réseaux publics qui passent au-dessous ; la cession d’une voie privée entraîne son transfert dans la voirie communale ;

 – le tribunal a relevé d’office, sans information préalable, le moyen tiré du défaut de publicité de la délibération du 27 mars 1967 ;

 – le défaut de publicité de la délibération du 27 mars 1967 est sans influence sur le classement de la voie ;

 – la parcelle est mentionnée comme voie communale dans un arrêté d’alignement de 2002 ;

 – le chemin des Babots devant être regardé comme une voie de passage au sens de l’article L. 161-2 du code rural et de la pêche maritime et présumé affecté à l’usage du public, il s’agit d’un chemin rural au sens de l’article L. 161-1 du même code ;

 – la délibération du 7 novembre 2013 devait être précédée d’une enquête publique en application de l’article L. 141-3 du code de la voirie routière ;

 – leur action n’est pas abusive au regard de l’historique du dossier.

Par des mémoires en défense enregistrés le 2 novembre 2016 et le 6 novembre 2017, la commune d’Artix conclut au rejet de la requête, à ce que les requérants soient condamnés au paiement d’une somme de 2 500 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure manifestement abusive et à ce que soit mise à leur charge une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du même code.

Elle soutient que :

 – la délibération du 19 septembre 2013 ne comporte aucune décision et se borne à confirmer une précédente lettre du maire ;

 – celle du 7 novembre 2013 ne comporte aucun déclassement ;

 – les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 15 février 2018, la clôture d’instruction a été fixée au 28 mars 2018 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

 – le code général des collectivités territoriales ;

 – le code général de la propriété des personnes publiques ;

 – le code rural et de la pêche maritime ;

 – le code de la voirie routière ;

 – le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 – le rapport de M. David Terme,

 – les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteur public,

 – et les observations de M. E…, maire de la commune d’Artix.

Considérant ce qui suit :

1. Par un courrier du 9 août 2013, M. et Mme D… ont demandé que le conseil municipal de la commune d’Artix se prononce sur le statut domanial de la parcelle cadastrée section A n° 577 constituant la partie Nord du chemin des Babots, qui dessert leur propriété. Par délibération du 19 septembre 2013, le conseil municipal a constaté que cette parcelle appartenait au domaine privé de la commune. Puis par délibération du 7 novembre 2013, le conseil municipal a procédé au classement de nouvelles voies communales et à la mise à jour du tableau des voies communales sans y inclure la parcelle cadastrée section A n° 577. Par courriers du 30 octobre 2013 et du 20 décembre 2013, M. et Mme D… ont saisi le préfet de l’Ariège d’une demande d’annulation de chacune de ces deux délibérations. Par courriers du 16 décembre 2013 et du 10 janvier 2014, le préfet de l’Ariège et le sous-préfet de Pamiers, respectivement, ont rejeté ces demandes. M. et Mme D… relèvent appel du jugement du 30 juin 2016 du tribunal administratif de Toulouse par lequel celui-ci a rejeté leur demande tendant, d’une part, à l’annulation des délibérations du 19 septembre 2013 et du 7 novembre 2013 et, d’autre part, à la condamnation de la commune d’Artix à leur verser la somme de 3 000 euros.

Sur la régularité du jugement :

2. En relevant qu’il ne ressortait pas des pièces du dossier qui leur était soumis que la délibération du 27 mars 1967 avait été régulièrement publiée, les premiers juges se sont bornés, ainsi qu’il leur appartenait de le faire, à répondre au moyen tiré du caractère définitif de cette délibération, et n’ont pas ce faisant soulevé d’office un moyen qui aurait dû faire l’objet de l’information préalable prévue par les dispositions de l’article R. 611-7 du code de justice administrative. Par suite, le jugement n’est pas irrégulier sur ce point.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

3. Eu égard à la teneur du courrier du 9 août 2013 mentionné au point 1 et des délibérations attaquées, il y a lieu de regarder la délibération du 19 septembre 2013 comme refusant de faire droit à la demande des requérants de classement de la parcelle cadastrée section A n° 577 comme voie communale. Il y a lieu, par suite de rejeter la fin de non-recevoir opposée par la commune tirée de l’absence de caractère décisoire de cette délibération. Par ailleurs, la position du conseil municipal n’est pas purement confirmative de celle que le maire avait adoptée dans une lettre du 18 février 2013 sur le même sujet, rappelant aux requérants une délibération du 22 mars 2003 qui soumettait l’acceptation de la commune à un classement dans la voirie communale à la réalisation avec l’accord des deux riverains d’un bornage à frais partagés, dès lors qu’entre-temps les requérants avaient saisi le préfet, qui s’est également prononcé le 26 février 2013 sur l’appartenance de la parcelle litigieuse au domaine privé communal, et que les requérants avaient sollicité par lettre du 9 août 2013 que la question soit portée à l’ordre du jour de l’assemblée délibérante de la commune.

4. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que la délibération du 7 novembre 2013, telle que corrigée par une délibération du 20 février 2014, a eu pour objet, d’une part, d’incorporer dans le domaine public routier de la commune le « chemin de la plaine de Michéou » pour une longueur de 75 mètres linéaires ainsi que la « place de la Salle des fêtes » et la « place Devant l’Eglise », et d’actualiser le tableau des voies communales, qu’elle arrêtait et substituait à celui annexé aux précédentes délibérations portant classement de voies communales. Ce faisant, elle a implicitement confirmé le refus de classer la parcelle cadastrée section A n° 577 comme voie communale résultant de la délibération du 19 septembre 2013, qui n’était pas devenue définitive. Par suite, la fin de non recevoir opposée par la commune doit être rejetée.

Sur le bien-fondé du jugement :

5. Aux termes de l’article L. 2111-14 du code général de la propriété des personnes publiques : « Le domaine public routier comprend l’ensemble des biens appartenant à une personne publique mentionnée à l’article L. 1 et affectés aux besoins de la circulation terrestre, à l’exception des voies ferrées ». Aux termes de l’article L. 2212-1 du même code : « Font également partie du domaine privé : 1° les chemins ruraux (…) ». Aux termes de l’article L. 161-1 du code rural et de la pêche maritime : « Les chemins ruraux sont les chemins appartenant aux communes, affectés à l’usage du public, qui n’ont pas été classés comme voies communales. Ils font partie du domaine privé de la commune ». Aux termes de l’article L. 161-2 du même code : « L’affectation à l’usage du public est présumée, notamment par l’utilisation du chemin rural comme voie de passage ou par des actes réitérés de surveillance ou de voirie de l’autorité municipale (…) ». Enfin, aux termes de l’article L. 141-3 du code de la voirie routière : « Le classement et le déclassement des voies communales sont prononcés par le conseil municipal (…). / Les délibérations concernant le classement ou le déclassement sont dispensées d’enquête publique préalable sauf lorsque l’opération envisagée a pour conséquence de porter atteinte aux fonctions de desserte ou de circulation assurées par la voie (…) ».

6. En premier lieu, il résulte de la combinaison de ces dispositions qu’une voie, même affectée aux besoins de la circulation terrestre ou à l’usage du public, ne constitue en principe une dépendance du domaine public routier communal qu’à la condition d’avoir fait l’objet d’un classement dans ce domaine par une délibération du conseil municipal. A défaut d’un tel classement, cette voie constitue un chemin rural faisant partie du domaine privé de la commune. Par suite, le moyen tiré de ce que les délibérations litigieuses seraient illégales, la parcelle en cause constituant nécessairement une voie communale dès lors qu’elle est affectée à l’usage direct du public, a fait l’objet d’un aménagement indispensable par son goudronnage ou constituerait l’accessoire indispensable des réseaux publics construits au-dessous, doit être écarté. De même, les requérants ne peuvent utilement se référer à la procédure prévue par les articles L. 162-5 du code de la voirie routière et L. 318-3 du code de l’urbanisme qui concernent le transfert dans le domaine public de la commune de voies privées ouvertes à la circulation publique « dans des ensembles d’habitations », soit en zone urbaine, lesquelles ne peuvent être donc invoquées dans le contexte rural du litige.

7. En deuxième lieu, si les requérants soutiennent que la parcelle litigieuse a été classée voie communale par la délibération du 27 mars 1967 qui mentionne la VC n° 4 comme aboutissant au lieudit « Les Babots », ce qui serait corroboré par la longueur mentionnée de 250 mètres excédant celle de la partie Sud du chemin des Babots, et que les délibérations attaquées auraient pour effet de revenir illégalement sur ce classement, il ressort des pièces du dossier que la commune n’a acquis la parcelle cadastrée section A n° 577 que par acte du 1er octobre 1993. Par suite, dès lors que les éléments invoqués par les requérants, et notamment la circonstance que cette parcelle ne soit pas mentionnée dans les actes notariés qu’ils produisent, ne sont pas de nature à établir qu’elle aurait été propriété de la commune antérieurement à cette date, ni à caractériser une contestation sérieuse sur ce point, la délibération du 27 mars 1967 ne peut être regardée comme ayant régulièrement incorporé au domaine public routier communal la parcelle cadastrée section A n° 577, sans qu’importe à cet égard le fait que cette partie du chemin des Babots ait été dénommée voie communale dans un arrêté d’alignement datant de 2002. Par suite, le moyen tiré de ce que les délibérations attaquées seraient illégales dès lors qu’elles reviendraient sur le classement issu de la délibération du 27 mars 1967 ne peut qu’être écarté. En outre et en tout état de cause, la seule circonstance que la parcelle serait déclassée ne serait pas de nature, en elle-même et en principe, à caractériser une telle illégalité.

8. Si, en troisième lieu, les requérants soutiennent que les délibérations attaquées auraient illégalement « annulé » celle du 27 mars 1967, cette dernière ne peut être regardée, à supposer même qu’elle soit considérée comme ayant effectivement procédé à l’incorporation de la parcelle A n° 577 parmi les voies communales, comme ayant créé des droits. Le moyen ne peut donc qu’être écarté.

9. En quatrième lieu, si les requérants soutiennent que le déclassement auquel procède selon eux la délibération du 7 novembre 2013 aurait dû être précédé de l’enquête publique prévue par les dispositions de l’article L. 141-3 du code de la voirie routière, il résulte de ce qui vient d’être dit que cette délibération n’a eu ni pour objet ni pour effet de déclasser la parcelle cadastrée section A n° 577 du domaine public routier de la commune. En outre et en tout état de cause, cette affirmation n’est pas assortie d’éléments susceptibles de l’étayer et il ne ressort pas non plus des pièces du dossier, compte tenu de la configuration des lieux et du nombre de propriétés desservies par le chemin des Babots, qu’un tel changement de statut aurait pour effet de porter atteinte aux fonctions de desserte ou de circulation assurées par la voie.

10. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme D…, qui dans le dernier état de leurs écritures ne contestent plus le refus de la commune de qualifier la voie litigieuse de chemin rural, ne sont pas fondés à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande tendant à l’annulation des délibérations des 19 septembre 2013 et 7 novembre 2013.

Sur les conclusions reconventionnelles de la commune tendant à l’allocation de dommages intérêts :

11. Dans les circonstances de l’espèce, les demandes de M. et Mme D… ne présentent pas de caractère abusif. Par suite, les conclusions reconventionnelles de la commune d’Artix tendant à l’allocation de dommages intérêts ne peuvent en tout état de cause qu’être rejetées.

Sur les frais exposés par les parties à l’occasion du litige :

12. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions présentées par les parties sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.


DECIDE :


Article 1er : La requête de M. et Mme D… est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune d’Artix sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. F… et Mme C… D… et à la commune d’Artix.

Délibéré après l’audience du 11 octobre 2018 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, président,
M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,
M. David Terme, premier-conseiller.

Lu en audience publique, le 15 novembre 2018.


Le rapporteur,

David TERMELe président,

Catherine GIRAULTLe greffier,

Virginie MARTY

La République mande et ordonne au préfet de l’Ariège, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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N°16BX02936

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