Cour administrative d'appel de Bordeaux, 30 avril 2019, n° 19BX01006

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Bordeaux, 30 avr. 2019, n° 19BX01006
Juridiction : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Numéro : 19BX01006
Décision précédente : Tribunal administratif de Guadeloupe, 9 décembre 2018, N° 1800303
Dispositif : Satisfaction totale

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe de condamner M. C, pour contravention de grande voirie, à une amende de 1 500 euros et à remettre en état les parcelles relevant de la zone des cinquante pas géométriques qu’il occupe sur la commune de Petit Bourg, par la démolition de tous les aménagements qu’il y a réalisés.

Par un jugement n° 1800303 du 10 décembre 2018, le tribunal administratif de la Guadeloupe a fait droit à ces demandes en condamnant M. Cà verser la somme de 1 500 euros au Conservatoire du littoral, et en lui enjoignant de remettre en état les parcelles cadastrées AC 197, 198 et 199 dans un délai de trois mois, sous astreinte de 300 euros par jour de retard, en autorisant le Conservatoire à y faire procéder d’office et à ses frais passé ce délai.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 mars 2019, et des mémoires enregistrés les 19 et 25 avril 2019, M. BC, représenté par Me A(D), demande à la cour :

1°) d’ordonner le sursis à exécution de ce jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 10 décembre 2018 ;

2°) de mettre à la charge du Conservatoire du littoral la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

— les conditions de l’article R. 811-17 du code de justice administrative pour prononcer le sursis à exécution de la décision de première instance sont remplies : l’exécution de ce jugement, qui l’oblige à démolir une maison édifiée en 1965 par le père de son épouse, et entretenue par lui depuis plus de 40 ans, à laquelle il est attaché par de nombreux souvenirs et qui est occupée par un locataire, ainsi qu’une partie mal identifiée de la terrasse de sa résidence principale, construite au début des années 1980, provoquerait pour lui des conséquences difficilement réparables ;

— il invoque des moyens sérieux à l’appui de sa requête :

— le jugement est insuffisamment motivé en ce qu’il écarte son droit de propriété ;

— il est propriétaire de la parcelle cadastrée AC 199 depuis 1982, comme en témoignent l’hypothèque légale inscrite en 2006 par le Trésor public sur ce terrain et le certificat établi le 28 février 2019 par le Centre des impôts fonciers de Pointe-à Pitre ; les parcelles AC 866, 1282 et 1283, elles aussi comprises dans la zone des cinquante pas géométriques, et voisines des parcelles ici en cause, appartiennent également à des particuliers dont la situation a été régularisée ;

— le « bornage » auquel a procédé le Conservatoire du littoral hors de sa présence en septembre 2016, alors qu’il avait justifié d’une impossibilité médicale d’être présent à la convocation, est contredit par celui réalisé à sa demande le 9 janvier 2018 par le même cabinet de géomètres-experts, qui fait apparaître la limite des cinquante pas géométriques devant la terrasse, et diffère également de celui qui avait été fait en 1998, qui coupait la maison édifiée sur la parcelle AC1557 ; ainsi, la délimitation qui a été opérée de la zone des cinquante pas géométriques n’est pas précise et ne saurait être utilisée, si bien que le jugement serait impossible à exécuter et il y a lieu d’ordonner une expertise ;

— c’est à tort que le tribunal n’a retenu que la limite de parcelles invoquée dans le procès-verbal de contravention de grande voirie, alors que les techniciens de l’office national des forêts ne sont pas compétents pour délimiter des parcelles et que la régularité de ce procès-verbal était contestée ;

— le plan de septembre 2016 a été établi à partir de la limite du rivage constatée en 1972, qui est obsolète, alors que celui de 2018, qui a bien été produit devant le tribunal le 10 novembre 2018, prend en compte la situation actuelle du rivage ; le tribunal n’a pas tenu compte de cette pièce, qui n’a pas été communiquée ;

— en ne se prononçant pas sur la régularité du procès-verbal soulevée par la défense avant toute défense au fond, le tribunal administratif de la Guadeloupe a omis d’appliquer l’une des garanties offertes par la procédure pénale ;

— il ressort de la photographie qu’ils ont prise que les agents de l’Office national des forêts se sont nécessairement introduits au sein de son domicile aux fins de procéder à la rédaction du procès-verbal qui fonde les poursuites, sans son accord ni information préalable du procureur de la République, et en méconnaissance de l’article 226-4 du code pénal, de l’article 8 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, mais également du droit de propriété consacré par l’article 17 de ce même texte ;

— il subit une discrimination par rapport à ses voisins dès lors que le rendez-vous de délimitation des cinquante pas n’a pas été reporté, et que les opérations de mesure qu’il a financées n’ont pas été prises en considération.

Par des mémoires en défense enregistrés les 17 avril et 23 avril 2019, le Conservatoire du Littoral conclut au rejet de la requête, subsidiairement à ce que le sursis soit limité à la démolition de la terrasse, et à ce que soit mise à la charge de M. Cune somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

— le caractère difficilement réparable des démolitions envisagées de constructions édifiées sans droit ni titre sur le domaine public n’est pas établi ;

— aucun des documents produits ne justifie la propriété de M. Csur la parcelle AC 199, qui appartient aux espaces naturels des cinquante pas géométriques tels que délimités par l’arrêté préfectoral du 17 juillet 2002 ; seuls les espaces urbains ou à urbanisation diffuse peuvent faire l’objet d’une éventuelle régularisation par cession via l’agence des cinquante pas géométriques de la Guadeloupe ; M. Cn’a jamais contesté l’arrêté de 2002 ni formé une action en revendication de propriété :

— le constat d’huissier du 19 octobre 2017 ne s’appuie pas sur la délimitation juridique des parcelles et n’atteste pas que les parcelles AC197 et AC198 ont été totalement libérées, alors que les bâtiments construits sur la parcelle 199 dépassent sur ces parcelles et qu’une clôture demeure, à l’exception du bas des parcelles ;

— M. Cdoit donc être condamné à démolir la maison d’habitation implantée sur la parcelle AC199, la partie de la terrasse issue de la maison d’habitation implantée sur la parcelle AC 1557 (pour une surface approximative de 45 m²), le chemin bétonné reliant la parcelle AC 1557 à l’ensemble des constructions installées sur la parcelle AC 199 (pour une surface approximative de 1 250 m²), ainsi que les ouvrages de terrassement en bordure littorale permettant de soutenir une carrière, les bâtiments à vocation équestre, la clôture périphérique et l’appontement installé sur le domaine public maritime, et à évacuer tous les produits du démontage ;

— la date des constructions est indifférente au regard de l’imprescriptibilité du domaine public ;

— les agents verbalisateurs n’ont pas délimité le domaine public maritime, c’est le tribunal qui l’a fait comme il lui appartenait de le faire ; la zone des cinquante pas géométriques est délimitée en Guadeloupe, elle n’a pas à être redéfinie après l’arrêté préfectoral du 18 janvier 1972 et celui du 17 juillet 2002 ; le plan de 2018 n’a pas été versé en première instance ; il est incohérent et frauduleux ;

— le tribunal a suffisamment précisé la partie de terrasse à démolir en se fondant sur le plan de 2016, établi par un géomètre et métré ;

— aucune règle de droit n’impose au juge administratif de juger de la régularité d’un procès-verbal de contravention de grande voirie « in limine litis » ; en tout état de cause, le tribunal a examiné la question de la régularité des poursuites dans ses considérants 7 et 8 et n’a donc ainsi pas « porté une atteinte grave aux droits du justiciable » ; une contravention de grande voirie n’étant pas une infraction au code forestier, les dispositions de l’article L.161-15 de ce code ne sont pas applicables ; les agents de l’ONF ne se sont pas introduits dans le domicile de M. C, et les parcelles du domaine public étaient accessibles par le bas sans barrière ; en tout état de cause, une irrégularité du procès-verbal ne serait invocable que pour l’action publique, mais non pour l’action domaniale ;

— aucune rupture d’égalité n’est avérée alors que les parcelles voisines 821, 822 et 865 ne relevaient déjà plus des cinquante pas géométriques à la date de l’arrêté du 17 juillet 2002.

La clôture de l’instruction a été fixée en dernier lieu au 26 avril 2019 à 12 heures.

Vu :

— la requête d’appel au fond enregistrée le 11 mars 2019 sous le n° 19BX01005 ;

— les autres pièces du dossier.

Vu :

— le code de l’environnement ;

— le code forestier ;

— le code général de la propriété des personnes publiques ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de Mme Girault, président ;

— les observations de Me Pieranti, avocate de M. C, qui souligne que le tribunal n’avait pas communiqué ni pris en compte le plan établi par un géomètre en janvier 2018 annexé à son mémoire du 10 novembre 2018, lequel fait apparaître l’évolution du rivage, dont elle remet un exemplaire papier plus lisible que les productions précédentes, dont une copie est communiquée immédiatement à l’avocate du Conservatoire du littoral ; elle reprend en outre l’ensemble de ses moyens ;

— et les observations de Me Stahl, avocate du Conservatoire du Littoral, qui souligne en outre que si des enrochements ont été réalisés sur le domaine public maritime, ils n’emportent pas modification de la limite du rivage telle que tracée par l’arrêté préfectoral de 1972, que le plan fourni ne saurait raisonnablement tenir compte du ponton pour reporter la limite du domaine public maritime de façon à éviter la démolition de la villa construite sur la parcelle AC199, qui n’a jamais fait l’objet d’aucune autorisation d’urbanisme ou domaniale, que les agents verbalisateurs sont passés par le bas de la parcelle où M. Ca reconnu avoir supprimé toute clôture sur 10 mètres, la recherche d’un accès à laquelle ils font référence s’entendant de la traversée de la végétation assez dense sur les parcelles AC197 et 198 que l’avocate a elle-même pu constater lors d’une visite sur les lieux ; elle ajoute que le Conservatoire a envisagé de proposer à M. Cde lui accorder une autorisation d’occupation viagère pour la partie de la terrasse située sur le domaine public.

Considérant ce qui suit :

1. Le 28 mars 2018, un procès-verbal de contravention de grande voirie a été dressé sur le fondement de l’article L. 322-10-4 du code de l’environnement par des agents de l’Office national des forêts à l’encontre de M. Cpour occupation irrégulière des parcelles cadastrées AC 197,198 et 199 sur le territoire de la commune de Petit Bourg au lieudit « Pointe à Bacchus ». Sur ce fondement, le Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres a saisi le tribunal administratif de la Guadeloupe d’une demande tendant à ce que M. Csoit condamné d’une part à payer une amende de 1 500 euros et d’autre part à libérer les parcelles illégalement occupées dans un délai de trois mois, sous astreinte de 300 euros par jour de retard. Par un jugement du 10 décembre 2018, le tribunal administratif de la Guadeloupe a fait droit à cette demande en enjoignant à M. Cde détruire l’ensemble des constructions et aménagements édifiés de manière irrégulière sur les parcelles en litige, constitués d’une maison d’habitation sur la parcelle AC 199, de la partie de la terrasse de sa maison située sur la parcelle AC 1557 qui se trouve sur cette même parcelle AC 199, du chemin bétonné reliant cette parcelle AC 1557 à l’ensemble des constructions réalisées sur la parcelle AC 199, de la carrière destinée à l’entraînement des chevaux et ses ouvrages de terrassement, des bâtiments à vocation équestre construits sur les parcelles AC 198 et 199, de la clôture édifiée en bordure des trois parcelles AC 197, 198 et 199 et de l’appontement installé sur le domaine public maritime. M. Ca relevé appel de ce jugement par une requête enregistrée sous le n° 19BX01005, et il en demande le sursis à exécution par la présente requête.

Sur les conditions du sursis :

2. Aux termes de l’article R. 811-17 du code de justice administrative: « Dans les autres cas, le sursis peut être ordonné à la demande du requérant si l’exécution de la décision de première instance attaquée risque d’entraîner des conséquences difficilement réparables et si les moyens énoncés dans la requête paraissent sérieux en l’état de l’instruction ». En vertu du second alinéa de l’article R. 222-25 du même code, le président de la cour ou le président de chambre statue en audience publique et sans conclusions du rapporteur public sur les demandes de sursis à exécution mentionnées aux articles R. 811-15 à R. 811-17.

S’agissant des conséquences difficilement réparables :

3. Compte tenu des effets du jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe, et en particulier des démolitions d’une maison et d’une partie de la terrasse d’une autre maison qui doivent en résulter, la condition tenant aux conséquences difficilement réparables liées à l’exécution de ce jugement doit être regardée comme remplie, quelles que soient les conditions dans lesquelles ces constructions ont été édifiées.

S’agissant du sérieux des moyens :

4. M. Csoutient qu’il a produit le 10 novembre 2018 un mémoire auquel était annexée en pièce n°13 un plan établi à sa demande en janvier 2018 par le même cabinet de géomètres que celui qui avait établi en 2016 un projet de délimitation des cinquante pas géométriques à la demande du Conservatoire du Littoral, sur lequel s’est basé le tribunal, et que cette pièce n’a pas été soumise au contradictoire ni prise en compte par le tribunal. Il fait valoir que cette pièce est essentielle, en ce qu’elle contredisait le précédent plan et permettait de situer la terrasse de sa résidence construite sur la parcelle AC 1557, et même la villa construite sur la parcelle AC 199, en dehors de la limite des cinquante pas géométriques dès lors que le rivage de la mer a évolué.

5. Il ressort du jugement du 10 décembre 2018, qui ne mentionne aucune ordonnance de clôture avant l’audience du jeudi 22 novembre, qu’il a visé ce mémoire sans l’analyser et a noté qu’il n’avait pas été communiqué. Cependant la clôture de l’instruction étant alors nécessairement intervenue, en application de l’article R.613-2 du code de justice administrative, trois jours francs avant l’audience, soit le dimanche 18 novembre à minuit, le mémoire avait été produit avant la clôture. Par suite, le moyen tiré de ce que l’absence de prise en compte de ce moyen de défense entache d’irrégularité le jugement de condamnation pour contravention de grande voirie est de nature à justifier qu’il soit sursis à son exécution.

Sur les frais exposés par les parties à l’occasion du litige :

6. Dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par les parties sur le fondement de ces dispositions.

DECIDE :

Article 1er : Il est sursis à l’exécution du jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 10 décembre 2018 jusqu’à ce qu’il ait été statué au fond sur la requête n°19BX01005.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 3 : Les conclusions du Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. BCet au Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres.

Fait à Bordeaux, le 30 avril 2019

Le président de la 1re chambre,

Catherine GIRAULT

La République mande et ordonne au préfet de la Guadeloupe en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution du présent arrêt.

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No 19BX01006

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