CAA de BORDEAUX, 5ème chambre, 15 décembre 2020, 19BX00140, Inédit au recueil Lebon

  • Permis d'aménager·
  • Urbanisme·
  • Incendie·
  • Forêt·
  • Illégalité·
  • Plan de prévention·
  • Commune·
  • Lotissement·
  • Prévention des risques·
  • Statuer

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CAA Bordeaux, 5e ch., 15 déc. 2020, n° 19BX00140
Juridiction : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Numéro : 19BX00140
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Tribunal administratif de Bordeaux, 3 décembre 2018
Dispositif : Avant dire-droit
Identifiant Légifrance : CETATEXT000042828210

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet de la Gironde a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d’annuler l’arrêté du 29 décembre 2017 par lequel le maire de Lacanau a délivré à la société Grisel un permis d’aménager pour un lotissement de 69 lots sur une unité foncière située avenue de Bordeaux au lieu-dit « Garriga », et d’annuler la décision du 27 mars 2018 du maire rejetant sa demande de retrait de ce permis d’aménager.

Par un jugement n° 1802231 du 4 décembre 2018, le tribunal a annulé le permis d’aménager du 29 décembre 2017 et la décision du 27 mars 2018.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, présentés le 11 janvier 2019, le 28 janvier 2019, le 7 août 2020 et le 9 novembre 2020, la commune de Lacanau, représentée par Me D…, demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement n° 1802231 du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) de prononcer un non-lieu à statuer sur la demande du préfet dès lors que A… vices relevés par le tribunal ont été régularisés par la délivrance d’un nouveau permis d’aménager ; sinon de rejeter la demande de première instance du préfet de la Gironde ;

3°) subsidiairement, de surseoir à statuer pour permettre la régularisation du permis d’aménager en application de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 7 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient, en ce qui concerne le non-lieu à statuer, que :

 – il convient de prononcer un non-lieu à statuer dès lors que A… vices qui entachaient le permis d’aménager en litige ont été régularisés par le nouveau permis d’aménager du 1er juillet 2019.

Elle soutient, en ce qui concerne la régularité du jugement attaqué, que :

 – le tribunal a méconnu le principe du contradictoire ; il a écarté la demande de sursis à statuer sollicitée en application de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme au motif que la régularisation impliquait un nouveau permis ; cette réponse n’a jamais été débattue durant l’instruction et n’a donc pas été discutée contradictoirement ;

 – la communication des conclusions du rapporteur public n’a pas permis aux parties de prendre utilement connaissance du sens de celles-ci ; le rapporteur public n’a pas indiqué A… motifs pour lesquels il envisageait de refuser la demande de sursis à statuer présentée par A… défendeurs ;

 – le jugement attaqué est insuffisamment motivé ; il n’a pas exposé de manière suffisante pour quelle raison le moyen tiré de l’exception d’illégalité du zonage retenu par le plan de prévention des risques naturels, opposé en défense, ne pouvait être accueilli ; en particulier, le tribunal n’a pas répondu au moyen tiré de ce que ce plan méconnaissait le principe d’égalité entre A… territoires ; il n’a pas tenu compte de la possibilité de régulariser le permis d’aménager en application de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme.

Elle soutient, au fond, que :

 – le plan de prévention des risques incendie forêts (PPRIF) ne pouvait être appliqué car il est illégal en ce qu’il a méconnu le principe d’égalité entre A… territoires ; ainsi, d’autres communes présentant un même niveau d’aléa ne sont pas prises en compte dans le périmètre du PPRIF ;

 – ce plan est également entaché d’erreur manifeste dans l’appréciation de la réalité des risques d’incendie ; le secteur d’implantation du projet est partiellement urbanisé, est aisément accessible pour A… engins de lutte contre l’incendie et bénéficie de dispositifs d’alimentation des services de secours ;

 – le règlement du PPRIF autorise en zone orange des opérations groupées d’habitat sous réserve de respecter certaines prescriptions ; le dossier de permis montre que A… dispositifs prévus pour la sécurité-incendie de l’opération sont conformes à ces prescriptions ; A… voies prévues assurent la fonction de la piste périphérique prévue au règlement du PPRIF ; la sécurité des personnes est donc assurée tant au regard du PPRIF qu’au regard de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme ;

 – le dossier de permis d’aménager prévoit de respecter l’obligation, issue du règlement du PPRIF, de mettre en place une bande inconstructible de 50 mètres à maintenir à l’état débroussaillé ; l’article 10 du cahier des charges du futur lotissement impose aussi cette obligation pour A… futurs copropriétaires ; en tout état de cause, le pétitionnaire a déposé une demande de permis d’aménager modificatif qui établit que l’obligation de respecter l’espace-tampon de 50 mètres est respectée ;

 – le tribunal aurait dû faire usage des pouvoirs de régularisation de l’autorisation que lui confère l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme ; d’ailleurs, une telle demande a été déposée par la société et la cour en tiendra compte ; c’est ainsi qu’un nouveau permis a été délivré le 1er juillet 2019.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 septembre 2020, le préfet de la Gironde conclut au non-lieu à statuer sur la requête et, subsidiairement, au rejet de celle-ci.

Il soutient que le permis en litige doit être regardé comme ayant été retiré par le nouveau permis délivré en juin 2019 ; au fond, que tous A… moyens de la requête doivent être écartés comme infondés.

Par lettres du 23 septembre et du 10 novembre 2020, A… parties ont été invitées à présenter leurs observations sur la possibilité pour la cour de surseoir à statuer, en application de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme, afin de permettre l’intervention d’une mesure de régularisation.

Vu A… autres pièces du dossier.

Vu :

 – le code général des collectivités territoriales ;

 – le code de l’environnement ;

 – le code rural et de la pêche maritime ;

 – le code de l’urbanisme ;

 – la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique ;

 – le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

 – le code de justice administrative.

A… parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 – le rapport de M. C… B…,

 – et A… conclusions de Mme Sylvande Perdu, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le 29 décembre 2017, le maire de Lacanau a délivré à la société Grisel, au nom de la commune, un permis d’aménager pour la création d’un lotissement de 69 lots sur un ensemble foncier de 88 847 m2 situé avenue de Bordeaux, chemin de Curat, au lieu-dit « Le Garriga ». Le préfet de la Gironde a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d’annuler ce permis d’aménager et la décision du maire de Lacanau du 27 mars 2018 rejetant sa lettre d’observation tendant au retrait de cette autorisation. La commune de Lacanau relève appel du jugement rendu le 4 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a fait droit à la demande du préfet en annulant le permis d’aménager du 29 décembre 2017 et la décision du 27 mars 2018.

Sur A… conclusions à fins de non-lieu à statuer :

2. Aux termes de l’article L. 424-5 du code de l’urbanisme issu de l’article 58 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 : « (…) La délivrance antérieure d’une autorisation d’urbanisme sur un terrain donné ne fait pas obstacle au dépôt par le même bénéficiaire de ladite autorisation d’une nouvelle demande d’autorisation visant le même terrain. Le dépôt de cette nouvelle demande d’autorisation ne nécessite pas d’obtenir le retrait de l’autorisation précédemment délivrée et n’emporte pas retrait implicite de cette dernière. ».

3. Il résulte de ces dispositions que la délivrance par le maire de Lacanau, pour le même terrain et le même bénéficiaire, du permis d’aménager du 1er juillet 2019 n’emporte pas le retrait du permis contesté du 29 décembre 2017. Par suite, il y a lieu de statuer sur la requête de la commune.

Sur la régularité du jugement attaqué :

4. En premier lieu, l’article L. 5 du code de justice administrative prévoit que « L’instruction des affaires est contradictoire (…) ». Aux termes de l’article L. 7 du même code : « Un membre de la juridiction, chargé des fonctions de rapporteur public, expose publiquement, et en toute indépendance, son opinion sur A… questions que présentent à juger A… requêtes et sur A… solutions qu’elles appellent ». Aux termes du premier alinéa de l’article R. 711-3 de ce code : « Si le jugement de l’affaire doit intervenir après le prononcé de conclusions du rapporteur public, A… parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l’audience, le sens de ces conclusions sur l’affaire qui A… concerne (…) ».

5. La communication du sens des conclusions, prévue par A… dispositions précitées de l’article R. 711-3 du code de justice administrative, a pour objet de permettre aux parties d’apprécier l’opportunité d’assister à l’audience publique, de préparer, le cas échéant, A… observations orales qu’elles peuvent y présenter, après A… conclusions du rapporteur public, à l’appui de leur argumentation écrite et d’envisager, si elles l’estiment utile, la production, après la séance publique, d’une note en délibéré. En conséquence, A… parties ou leurs mandataires doivent être mis en mesure de connaître, dans un délai raisonnable avant l’audience, l’ensemble des éléments du dispositif de la décision que le rapporteur public compte proposer à la formation de jugement d’adopter, à l’exception de la réponse aux conclusions qui revêtent un caractère accessoire, notamment celles qui sont relatives à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Cette exigence s’impose à peine d’irrégularité de la décision rendue sur A… conclusions du rapporteur public.

6. Il ressort du dossier de première instance, et de l’extrait de l’application « Sagace », que le rapporteur public a informé A… parties avant l’audience qu’il conclurait à l’annulation totale du permis d’aménager et au rejet de la demande de sursis à statuer présentée par la commune en application de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme en vue d’obtenir la régularisation de la décision contestée. Ce faisant, le rapporteur public doit être regardé comme ayant livré aux parties une information suffisante sur le sens de ses conclusions alors même qu’il n’a pas indiqué pour quel motif il entendrait conclure au rejet des conclusions aux fins de sursis à statuer.

7. En deuxième lieu, en rejetant A… conclusions aux fins de sursis à statuer sur la demande d’annulation du permis d’aménager au motif que la régularisation de cette décision impliquerait un nouveau permis et non une simple décision modificative, le tribunal a exposé, comme il était tenu de le faire au titre de son obligation de motivation, A… raisons pour lesquelles il a rejeté ces conclusions. C’est également pour respecter cette obligation de motivation que le tribunal a relevé que l’article L. 161-1 du code rural faisait obstacle à ce que le terrain d’assiette du projet soit regardé comme entouré d’une piste périphérique répondant aux caractéristiques exigées par le plan de prévention des risques incendie et forêt (PPRIF). Par suite, le tribunal n’ayant fait qu’exercer son office sur ces points, sans soulever d’office aucun moyen, la commune appelante n’est pas fondée à soutenir que le tribunal a méconnu le principe du contradictoire en n’invitant pas, au préalable, A… parties à présenter leurs observations sur ces éléments retenus par lui.

8. En troisième lieu, le tribunal a écarté le moyen tiré de l’exception d’illégalité du PPRIF en tant qu’il classe le terrain d’assiette du projet en zone à risque au motif que « la circonstance que, quoique boisées, certaines communes du département ne soient plus couvertes par un PPRIF est, par elle-même, sans incidence sur la légalité du plan opposable à la commune de Lacanau ». Ce faisant, A… premiers juges doivent être regardés comme ayant répondu au moyen tiré de ce que le classement litigieux portait atteinte au principe d’égalité. Par ailleurs, en rejetant A… conclusions aux fins de sursis à statuer après avoir relevé que la régularisation des vices « conduirait à réduire de manière significative le nombre des lots constructibles ou leur dimension pour que le conception générale du projet doive être regardée comme remise en cause », ce qui impliquerait la délivrance d’un nouveau permis et non un simple permis modificatif, le tribunal a motivé A… raisons qui l’ont conduit à rejeter A… conclusions des défendeurs présentées en application de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme.

9. Il résulte de ce qui précède que le jugement attaqué n’est pas entaché des irrégularités invoquées par la commune appelante.

Sur le fond :

10. Pour annuler le permis d’aménager contesté, le tribunal a retenu le motif tiré de la méconnaissance du plan de prévention des risques d’incendie de forêts (PPRIF) et l’erreur manifeste d’appréciation au regard de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme.

11. En vertu de l’article L. 562-1 du code de l’environnement, A… plans de prévention des risques naturels prévisibles tels que A… incendies de forêt ont notamment pour objet de délimiter A… zones selon leur exposition aux risques et d’y interdire tout type de construction, d’ouvrage, d’aménagement ou d’exploitation agricole, forestière, artisanale, commerciale ou industrielle ou de prescrire A… conditions dans lesquelles A… constructions, ouvrages, aménagements ou exploitations doivent être réalisés, utilisés ou exploités. Aux termes du premier alinéa de l’article L. 562-4 du code de l’environnement : « Le plan de prévention des risques naturels prévisibles approuvé vaut servitude d’utilité publique. Il est annexé au plan local d’urbanisme (…) ». Aux termes de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme, qui est applicable aux permis d’aménager : « Le projet peut être refusé ou n’être accepté que sous réserve de l’observation de prescriptions spéciales s’il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d’autres installations ».

12. A… prescriptions d’un plan de prévention des risques naturels prévisibles d’incendie de forêt (PPRIF) destinées notamment à assurer la sécurité des personnes et des biens exposés à de tels risques, valant servitude d’utilité publique, s’imposent directement aux autorisations d’utilisation des sols, sans que l’autorité administrative soit tenue de reprendre ces prescriptions dans le cadre de la délivrance du permis d’aménager.

13. Le PPRIF de la Gironde, approuvé par arrêté préfectoral du 19 octobre 2009, a classé l’essentiel du terrain d’assiette du projet en zone orange, soumise à ce titre à un niveau d’aléa « important » et/ou sa « défendabilité » contre un tel risque est considérée comme « insuffisante » par le règlement de ce document.

14. Il ressort des pièces du dossier que l’unité foncière sur laquelle le projet de lotissement doit être réalisé s’étend sur une superficie de près de 9 hectares (90 000 m2) dont une large partie du périmètre est bordée, sur ses secteurs sud et est, par de vastes zones naturelles constituées de boisements, de landes et de friches. Compte tenu des caractéristiques et de la localisation de cette unité foncière sur le territoire d’une commune soumise à un risque d’incendie de forêt, la seule circonstance qu’elle soit contiguë à l’est et partiellement au nord à un secteur urbanisé lui-même accessible aux engins de lutte contre l’incendie ne suffit pas pour permettre d’estimer que A… auteurs du PPRIF auraient commis une erreur manifeste d’appréciation en retenant le classement en zone orange contesté.

15. La légalité du zonage orange retenu par le PPRIF pour le terrain d’assiette du projet s’apprécie en elle-même au regard du risque identifié, indépendamment des zonages qui ont pu être retenus, ou non, par ailleurs. La circonstance que d’autres communes du département n’ont pas été incluses dans le périmètre du PPRIF alors qu’elles seraient, selon la commune de Lacanau, également soumises à un risque d’incendie ne révèle dès lors pas, en elle-même, que le zonage contesté est entaché d’erreur manifeste ou porterait atteinte au principe d’égalité.

16. Il résulte de ce qui précède que la commune de Lacanau n’est pas fondée à exciper de l’illégalité du zonage retenu par le PPRIF pour le site d’implantation du projet, ainsi que l’ont estimé A… premiers juges.

17. Le règlement de la zone orange du plan de prévention des risques naturels prévisibles d’incendie et de forêt (PPRIF), applicable au terrain d’assiette du projet dispose que : « 2.2. Dispositions applicables en zone orange. Le niveau d’aléa reste important et/ou la défendabilité est insuffisante. Le risque peut être réduit par des parades réalisées de manière collective ou individuelle. Une certaine constructibilité est admise sous réserve du respect de certaines prescriptions (…) Compte tenu du niveau de risque, la constructibilité y est restreinte et conditionnée par le respect de prescriptions destinées à minimiser la vulnérabilité des personnes et des biens (…) ». Aux termes du B du point 2.2.1.1.1 du PPRIF sont autorisées en zone orange : « (…) A… opérations d’urbanisme groupé d’habitat … (ZAC, permis d’aménager…) sous réserve que l’opération totale présente une superficie d’au moins 1 hectare et une densité minimale de 5 logements ou lots à l’hectare et qu’un accès aux zones naturelles à partir des voiries internes soit conservé tous A… 200 m avec au moins un accès normalisé par opération groupée. / Pour A… opérations groupées, sur la totalité du périmètre de l’opération au contact de ces espaces naturels non agricoles (forêts, bois, landes, friches), est rendue obligatoire la création d’une piste périphérique permettant un accès par tous temps des services d’incendie et de secours (véhicules de lutte de 26 tonnes). Cette piste aura une largeur minimale de 5 m hors fossés. Un accès normalisé à la forêt sera aménagé tous A… 200 m. A… issues de la piste doivent être raccordées aux voiries ouvertes à la circulation ou aux pistes de défense contre A… incendies (DFCI) existantes. Cette piste ne doit pas présenter de » cul de sac. L’entretien de la piste devra être assuré par une structure pérenne sous maîtrise d’ouvrage publique ou privée (association de propriétaires…). Ces aménagements sont obligatoires tant que l’opération est au contact d’espaces naturels non agricoles… ".

18. Il ressort des pièces du dossier que le site d’implantation du projet de lotissement est bordé par des espaces naturels sur ses côtés est et sud. Le plan de composition P4 et le plan PA8-2 de voirie joints à la demande de permis d’aménager montrent que, sur le côté nord-est du terrain d’assiette du projet, la piste d’accès se situe à l’intérieur du lotissement et non à sa périphérie en contact avec A… espaces naturels. Ainsi, A… dispositions du PPRIF qui exigent l’aménagement d’une piste d’accès sur l’ensemble du pourtour du terrain d’assiette en contact avec A… espaces naturels ne sont pas respectées sur ce point. Par ailleurs, la piste d’accès située au sud du projet inclut en partie le chemin rural de Curat dont une partie est située à l’extérieur du périmètre de l’opération de lotissement. Or, si le plan de composition fait apparaître un raccordement entre le chemin de Curat et une voie de circulation interne au projet, il ne ressort pas des pièces du dossier que ce chemin, qui appartient au domaine privé de la commune, permettrait un accès par tous temps des services d’incendie et de secours répondant aux conditions d’accès normalisés prévues par le règlement du PPRIF, alors que A… dispositions des articles L. 161-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime ne font en principe peser sur A… communes aucune obligation d’entretien des chemins ruraux. Quant à l’avis favorable au projet émis le 17 octobre 2017 par le service départemental d’incendie et de secours de la Gironde, il ne pouvait dispenser l’auteur de la demande de permis d’aménager de satisfaire aux conditions posées par le règlement du PPRIF.

19. Lorsqu’un permis d’aménager a été délivré en méconnaissance des dispositions législatives ou réglementaires relatives à l’utilisation du sol, l’illégalité qui en résulte peut être régularisée par la délivrance d’un permis modificatif dès lors que celui-ci assure le respect des règles applicables au projet en cause. A… irrégularités ainsi régularisées ne peuvent plus être utilement invoquées à l’appui d’un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis initial.

20. Il ressort des plans joints à la demande ayant abouti au permis d’aménager délivré en cours d’instance le 1er juillet 2019, dans laquelle le nombre de lots est passé de 69 à 56, que le macro-lot n° 67 initialement prévu a été remplacé par un espace non constructible permettant à la partie de la piste d’accès aux engins de secours située au nord-est du terrain d’assiette du projet d’être en contact avec A… espaces naturels. Par suite, l’illégalité qui entachait sur ce point le permis d’aménager du 29 décembre 2017 a été régularisée par le permis du 1er juillet 2019.

21. Toutefois, le permis d’aménager du 1er juillet 2019 a été délivré sans que le dossier de demande, qui est identique sur ce point précis au précédent dossier ayant abouti au permis annulé en première instance, n’ait fait apparaître au sud du terrain d’assiette un nouvel aménagement répondant aux conditions d’accès prévues par le règlement du PPRIF. En l’absence de ce nouvel aménagement, l’illégalité qui entache sur ce point le permis contesté demeure. Par suite, et alors que ni la commune de Lacanau ni la société Grisel n’ont présenté leurs observations sur ce vice d’illégalité en dépit des demandes que la cour leur a adressées, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées du B du point 2.2.1.1.1 du PPRIF et de l’erreur manifeste d’appréciation au regard de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme du fait des risques pour la sécurité publique que créée cette absence d’accès, est fondé, ainsi que l’a estimé le tribunal.

22. Le B du point 2.2.1.1.1 du règlement du PPRFI dispose que : « En application de l’article L. 322-4-1 et R. 322-6-4 du code forestier, toute opération nouvelle d’aménagement comporte obligatoirement dans son périmètre une bande de terrain inconstructible de 50 m, à maintenir en état débroussaillé, isolant A… constructions des terrains en nature de bois, forêts, landes, maquis, garrigue, plantation ou reboisement ».

23. A… plans joints à la demande de permis d’aménager ne présentaient pas, autour du périmètre du projet, une bande inconstructible de 50 mètres comme le prévoit le règlement du PPRIF. Par suite, alors même que la notice paysagère de la demande comportait un extrait du règlement départemental de protection de la forêt contre A… incendies, relatif à l’obligation de débroussaillement, le projet du pétitionnaire ne peut être regardé comme respectant A… dispositions précitées du règlement du PPRIF. La société Grisel ne saurait faire valoir qu’il lui sera possible d’instaurer une bande inconstructible sur A… limites extérieures du site avec l’accord des propriétaires concernés dès lors que son dossier ne comportait aucun élément, telle qu’une servitude, garantissant l’entretien permanent de cette bande qu’il est prévu de confier à l’association syndicale libre chargée de la gestion du lotissement. La circonstance que le cahier des charges du futur lotissement, joint au dossier de permis, comporte un article 10 imposant à chaque propriétaire de procéder au débroussaillement de son propre lot, ne pallie aucunement l’absence de la bande de 50 mètres de large autour des limites du terrain d’assiette confrontant des zones naturelles, qui constitue une exigence spécifique du règlement du PPRIF. Quant au service départemental d’incendie et de secours, il s’est borné, dans son avis favorable au projet, à rappeler l’obligation de débroussaillement des parcelles résultant du règlement interdépartemental de protection de la forêt, si bien que le pétitionnaire ne peut, en tout état de cause, se prévaloir de cet avis pour soutenir que le permis d’aménager n’est pas entaché sur ce point d’illégalité. Enfin, l’autorisation de défrichement que le préfet a délivrée le 3 mai 2016 pour permettre la réalisation du lotissement ne saurait, eu égard à l’objet de cette autorisation, pallier l’absence de la bande débroussaillée de 50 mètres exigée par le PPRIF.

24. Toutefois, le permis d’aménager du 1er juillet 2019 a été délivré au vu d’un nouveau dossier de demande auquel était joint un plan de composition des lots faisant apparaitre l’aménagement d’une bande inconstructible de 50 mètres autour du périmètre du terrain en contact avec A… espaces naturels, conformément au règlement du PPRIF. Par suite, l’illégalité qui entachait sur ce point le permis d’aménager du 29 décembre 2017 a été régularisée.

25. Il résulte de tout ce qui précède que si A… autres moyens retenus par A… premiers juges ne sont plus fondés, le permis d’aménager a été, en revanche, délivré en méconnaissance des dispositions citées au point 17 du règlement du PPRIF et repose, du fait des risques pour la sécurité publique, sur une erreur manifeste d’appréciation au regard de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme, ainsi que l’a jugé le tribunal.

Sur l’application de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme :

26. Eu égard à sa nature, l’illégalité retenue aux points 21 et 25 ci-dessus apparait susceptible de régularisation en application de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme aux termes duquel, dans sa version en vigueur au 1er janvier 2019 : « Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis (…) d’aménager (…) estime, après avoir constaté que A… autres moyens ne sont pas fondés, qu’un vice entraînant l’illégalité de cet acte est susceptible d’être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité A… parties à présenter leurs observations, jusqu’à l’expiration du délai qu’il fixe pour cette régularisation, même après l’achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité A… parties à présenter leurs observations (…) ».

27. Lorsque le juge d’appel estime qu’un moyen ayant fondé l’annulation du permis litigieux par le juge de première instance est tiré d’un vice susceptible d’être régularisé, et qu’il décide de faire usage de la faculté qui lui est ouverte par l’article L. 600-5-1, il lui appartient, avant de surseoir à statuer sur le fondement de ces dispositions, de constater préalablement qu’aucun des autres moyens ayant, le cas échéant, fondé le jugement d’annulation, ni aucun de ceux qui ont été écartés en première instance, ni aucun des moyens nouveaux et recevables présentés en appel, n’est fondé et n’est susceptible d’être régularisé et d’indiquer dans sa décision de sursis pour quels motifs ces moyens doivent être écartés. A compter de la décision par laquelle le juge fait usage de la faculté de surseoir à statuer ouverte par l’article L. 600-5-1, seuls des moyens dirigés contre le permis modificatif notifié, le cas échéant, au juge peuvent être invoqués devant ce dernier.

28. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que A… moyens retenus par le tribunal autres que celui tiré de l’illégalité relevée aux points 21 et 25 ci-dessus, doivent être écartés. En l’absence d’autres moyens invoqués tant en première instance qu’en appel, il y a lieu de surseoir à statuer sur A… conclusions de la requête et d’impartir au pétitionnaire un délai de cinq mois à compter de la notification du présent arrêt aux fins de régularisation du vice relevé.

DECIDE :

Article 1er : Il est sursis à statuer sur la requête de la commune de Lacanau jusqu’à l’expiration d’un délai de cinq mois à compter de la notification du présent arrêt pour permettre à la commune de Lacanau ou à la société Grisel de notifier, le cas échéant, à la cour une mesure régularisant l’illégalité relevée au point 21 du présent arrêt.

Article 2 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n’est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu’en fin d’instance.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Lacanau, au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec A… collectivités territoriales et à la société Grisel. Copie pour information en sera délivrée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l’audience du 17 novembre 2020 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. C… B…, président-assesseur,
Mme Caroline Gaillard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2020.


Le président,

Elisabeth Jayat La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec A… collectivités territoriales en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne A… voies de droit commun contre A… parties privées, de pourvoir à l’exécution du présent arrêt.

5

N° 19BX00140

Extraits similaires
highlight
Extraits similaires
Extraits les plus copiés
Extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
CAA de BORDEAUX, 5ème chambre, 15 décembre 2020, 19BX00140, Inédit au recueil Lebon