COUR ADMINISTRATIVE D'APPEL DE LYON, 2ème chambre - formation à 3, 16 avril 2013, 12LY02332, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Lyon, 2e ch. - formation à 3, 16 avr. 2013, n° 12LY02332
Juridiction : Cour administrative d'appel de Lyon
Numéro : 12LY02332
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Fiscal
Décision précédente : Tribunal administratif de Clermont-Ferrand, 28 juin 2012, N° 1100625
Identifiant Légifrance : CETATEXT000027349287

Sur les parties

Texte intégral

Vu la requête, enregistrée le 29 août 2012 au greffe de la Cour, présentée pour M. et Mme A…, domiciliés la grande rue à Lamothe (43100) ;

M. et Mme A… demandent à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n° 1100625 du 29 juin 2012 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l’impôt sur le revenu ainsi que des pénalités correspondantes auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2006 et 2007 ;

2°) de les décharger desdites impositions ;

3°) de condamner l’Etat aux dépens ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que les motifs avancés par l’administration pour rejeter la comptabilité de Mme A… sont imprécis et ne sont pas d’une gravité suffisante, ainsi que l’indique la doctrine administrative 4 G-3341 du 25 juin 1998 ; que ni l’enregistrement global des recettes en fin de journée ni l’établissement d’un procès-verbal de non présentation de la comptabilité ne peuvent suffire à écarter une comptabilité comme non probante ; que la reconstitution du chiffre d’affaires faite par l’administration est excessivement sommaire et radicalement viciée dans son principe ; qu’elle présente en effet de nombreuses erreurs et incohérences ; qu’elle est en tous cas exagérée, le chiffre d’affaires reconstitué étant largement supérieur aux encaissements bruts imposables retrouvés sur leurs comptes bancaires ; que l’avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires de la Haute-Loire était irrégulier, au regard des prescriptions de l’article R. 60-3 du livre des procédures fiscales, comme insuffisamment motivé et comme n’ayant pas porté sur la reconstitution de recettes ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 7 décembre 2012, présenté par le ministre de l’économie et des finances, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que l’avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires de la Haute-Loire, qui n’était saisie que du rejet de la comptabilité de Mme A…, était suffisamment motivé ; que la comptabilité de Mme A… a pu être écartée comme non probante dès lors notamment que seul un livre de caisse retraçait de manière générale chaque jour les recettes sans présentation d’aucune pièce justificative ; que la doctrine invoquée par la requérante ne comporte aucune interprétation de la loi fiscale ; que la reconstitution des recettes s’appuyait sur des données propres à l’entreprise ; que la méthode de reconstitution du chiffre d’affaires proposée par les requérants ne présente aucune garantie ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 26 mars 2013 :

— le rapport de M. Besse, rapporteur,

— et les conclusions de M. Lévy Ben-Cheton, rapporteur public ;

1. Considérant que Mme A…, exerçant une activité de boulangerie, pâtisserie et épicerie, sur deux points de vente situés à Brioude et Lamothe (Haute-Loire) et un véhicule utilisé pour des tournées foraines, a fait l’objet d’une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2007 ; qu’à l’issue de cette vérification, l’administration l’a informée qu’elle entendait procéder à des rectifications en matière d’impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, selon la procédure de rectification contradictoire en 2006 et selon la procédure d’évaluation d’office pour l’année 2007 ; que des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu établies au titre des années 2006 et 2007 ont été mises en recouvrement le 19 mars 2010, conformément à l’avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur les chiffres d’affaires qui s’était réunie le 3 décembre 2009 ; que, par décision du 24 janvier 2011, antérieure à la demande présentée par Mme A… devant le Tribunal administratif, le directeur départemental des finances publiques de la Haute-Loire a prononcé un dégrèvement en pénalités de 1 137 euros en 2006 et de 516 euros en 2007 ; que, par jugement du 29 juin 2012, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté la demande de M. et Mme A… tendant à la décharge des impositions restant en litige ; que les intéressés relèvent appel de ce jugement ;

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne la charge de la preuve :

2. Considérant qu’aux termes de l’article L. 73 du livre des procédures fiscale : " Peuvent être évalués d’office : / 1° Le bénéfice imposable des contribuables qui perçoivent des revenus provenant d’entreprises industrielles, commerciales ou artisanales, ou des revenus d’exploitations agricoles imposables selon un régime de bénéfice réel, lorsque la déclaration annuelle prévue à l’article 53 A du code général des impôts n’a pas été déposée dans le délai légal ; (…). » ; qu’aux termes de l’article L. 193 de ce livre : « Dans tous les cas où une imposition a été établie d’office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l’imposition. » ; qu’aux termes de l’article L. 192 du même livre : « Lorsque l’une des commissions visées à l’article L. 59 est saisie d’un litige ou d’une rectification, l’administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l’avis rendu par la commission. / Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l’imposition a été établie conformément à l’avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l’administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge. (…). » ; qu’aux termes de l’article L. 59 du livre des procédures fiscales : « Lorsque le désaccord persiste sur les rectifications notifiées, l’administration, si le contribuable le demande, soumet le litige à l’avis soit de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires prévue à l’article 1651 du code général des impôts. » ; qu’enfin, l’article R.* 60-3 de ce livre dispose : « L’avis ou la décision de la commission départementale ou nationale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires doit être motivé. Il est notifié au contribuable par l’administration des impôts. » ;

3. Considérant, en premier lieu, que l’imposition concernant l’année 2007 a été établie selon la procédure d’évaluation d’office prévue par les dispositions du 1° de l’article L. 73 du livre des procédures fiscales, au motif que la déclaration de résultats de Mme A… n’avait pas été déposée régulièrement ; que M. et Mme A… ne contestant pas que l’administration pouvait recourir régulièrement à cette procédure, ils supportent la charge du caractère exagéré de ladite imposition, en application des dispositions de l’article L. 193 du livre des procédures fiscales, sans qu’ils puissent utilement faire valoir que l’avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur les chiffres d’affaires était irrégulier, ni que la comptabilité de Mme A… ne pouvait être écartée comme non probante ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que M. et Mme A… soutiennent que l’avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur les chiffres d’affaires de la Haute-Loire était insuffisamment motivé, circonstance faisant obstacle à ce que la charge de la preuve du caractère exagéré de l’imposition soit mise à leur charge, pour l’année 2006 ; qu’il résulte de l’instruction que les intéressés ont demandé la saisine de la commission, le 21 septembre 2009, en déclarant s’en tenir aux arguments mentionnés dans la réponse à la proposition de rectification, en date du 28 juillet 2009 ; que, dans ce courrier, les intéressés n’avaient critiqué que les motifs du rejet de la comptabilité par l’administration, sans remettre en cause la méthode de reconstitution du chiffre d’affaires proposée par celle-ci ; qu’il n’est pas allégué que ces derniers auraient évoqué cette question ultérieurement, notamment lors de la séance de la commission ; que, par suite, la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires, qui est saisie sur les désaccords persistants, a suffisamment motivé son avis en indiquant, de manière détaillée, les raisons pour lesquelles elle estimait que la comptabilité de Mme A… était affectée d’irrégularités graves et nombreuses lui ôtant son caractère probant, et en se prononçant pour le maintien des redressements, sans examiner la méthode de reconstitution du chiffre d’affaires ;

5. Considérant, en troisième lieu, que M. et Mme A… soutiennent que la comptabilité ne pouvait être écartée comme comportant de graves irrégularités ;

6. Considérant, d’une part, qu’il résulte du procès-verbal de défaut de présentation de comptabilité en date du 11 février 2009 établi par l’agent vérificateur et signé par Mme A…, que les recettes de l’activité, en espèces et en chèques, étaient inscrites de manière globale en fin de journée sur un cahier de caisse, en fonction des encaissements constatés, que l’intéressée ne conservait aucun justificatif de recettes et qu’aucune ventilation du chiffre d’affaires par rapport au taux de taxe sur la valeur ajoutée n’avait été présentée, les recettes étant inscrites toutes taxes comprises ; que ces éléments, dont la matérialité n’est pas contestée, étaient suffisants pour permettre à l’administration fiscale d’écarter comme affectée de graves irrégularités la comptabilité de Mme A…, indépendamment des autres éléments relevés dans la proposition de rectification en date du 19 juin 2009 ;

7. Considérant, d’autre part, que M. et Mme A… se prévalent, sur le fondement des dispositions de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des paragraphes 7 à 10 de la documentation administrative de base 4 G-3341 du 25 juin 1998 qui donnent des recommandations générales sur les conditions dans lesquelles une comptabilité peut être écartée comme non probante, « lorsqu’il existe des motifs précis et sérieux » ; que, toutefois, cette doctrine ne fait pas une interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il est fait application ;

8. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la comptabilité de Mme A… ayant à bon droit été rejetée comme affectée de graves irrégularités et l’imposition au titre de l’année 2006 ayant été établie conformément à l’avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires, M. et Mme A… supportent la charge du caractère exagéré de cette imposition ;

En ce qui concerne la reconstitution du chiffre d’affaires :

9. Considérant qu’il résulte de l’instruction que pour reconstituer les recettes de l’activité de Mme A…, le vérificateur s’est fondé, s’agissant de l’activité d’épicerie, sur les achats reconstitués à partir des informations fournies suite au droit de communication auprès de tiers et sur les coefficients multiplicateurs indiqués lors du débat oral et contradictoire ; que, s’agissant de l’activité de boulangerie, le vérificateur a pris en compte les volumes de farine achetés, les quantités de farine communément admises pour la fabrication des différents pains, les données figurant dans le cahier de fabrication de Mme A… ainsi que les tarifs qu’elle avait elle-même indiqués ; que, pour la pâtisserie, le vérificateur a déterminé le chiffre d’affaires à partir du nombre de produits vendus et des tarifs indiqués par l’intéressée lors du contrôle, ainsi que des quantités de farine communément admises ; qu’enfin, le vérificateur, qui a tenu compte de pertes et d’invendus, a considéré que l’écart entre les achats consommés de farine et le volume reconstitué servait à la fabrication de différents pains au sujet desquels Mme A… n’avait fourni aucune explication ; que, si le chiffre d’affaires reconstitué pour l’année 2007 de l’activité d’épicerie est légèrement inférieur à celui déclaré, cette circonstance s’explique par l’hypothèse retenue de stocks constants, en l’absence d’inventaire, et ne révèle pas une incohérence de la méthode ; que, contrairement à ce que prétendent les requérants, celle-ci, qui repose sur des données propres à l’activité de Mme A… et les pratiques habituelles du secteur d’activité, n’est pas radicalement viciée dans son principe ;

10. Considérant que M. et Mme A… soutiennent que la méthode repose sur des hypothèses erronées ; que les intéressés, à qui incombe la charge de la preuve, n’établissent pas que le taux de perte de 2 % sur la farine pour le florage est insuffisant, alors que celle-ci est également utilisée pour la pâtisserie, ni que le taux d’invendus serait supérieur à 5 %, hypothèse retenue par l’administration ; que, si Mme A…, qui s’était refusée en cours de contrôle à fournir des indications sur ses recettes de fabrication, ainsi qu’il ressort de la proposition de rectification, conteste le volume de farine pris en compte pour différents produits, notamment les pains au chocolat, les chaussons aux pommes et les pains spéciaux, elle n’apporte aucune précision à l’appui de ses allégations ; que, si elle conteste les prix retenus par l’administration pour la vente de certains produits, à savoir les tropéziennes, les pains au son, les pains complets et les baguettes de seigle, il résulte de l’instruction que ces derniers ont été déterminés lors du débat oral et contradictoire, sans que l’intéressée ne fournisse d’explication sur ces contradictions ; que, par ailleurs, elle n’établit pas que la période de 19 jours à partir de laquelle le vérificateur a fondé les éléments retenus pour les ventes de pain ordinaire ne serait pas représentative de l’activité des boulangeries ; que ce dernier a pu déterminer le nombre de pizzas et quiches vendues dans l’année, à partir des données fournies par Mme A… sur les ventes quotidiennes, en tenant compte d’une ouverture des magasins de six jours par semaine ; qu’enfin, si M. et Mme A… font valoir que la méthode retenue aboutit à un chiffre d’affaires supérieur de 6% en 2006 et de 10% en 2007 au montant total de leurs encaissements bancaires, cette seule circonstance ne suffit pas à établir que l’imposition serait exagérée, alors au demeurant que les recettes de l’activité proviennent majoritairement de versements en espèces, qui n’ont pas nécessairement été déposés sur les comptes des requérants ; que, par suite, M. et Mme A… n’établissent ni que la méthode retenue était excessivement sommaire ni que l’imposition qui en résulterait serait excessive ;

11. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A… ne sont pas fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande ;

Sur les dépens :

12. Considérant qu’aux termes de l’article R. 761-1 du code de justice administrative : «  Les dépens comprennent la contribution pour l’aide juridique prévue à l’article 1635 bis Q du code général des impôts (…). Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l’affaire justifient qu’ils soient mis à la charge d’une autre partie ou partagés entre les parties. » ; qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de laisser la charge des dépens à M. et Mme A…, parties perdantes ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la Cour fasse bénéficier la partie tenue aux dépens du paiement par l’autre partie des frais exposés à l’occasion du litige soumis au juge et non compris dans les dépens ; que, dès lors, les conclusions de M. et Mme A… doivent être rejetées ;


DÉCIDE :


Article 1er : La requête de M. et Mme A… est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C… et Mme B… A… et au ministre de l’économie et des finances.

Délibéré après l’audience du 26 mars 2013 à laquelle siégeaient :
M. Chanel, président de chambre,
M. Bourrachot, président-assesseur,
M. Besse, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 avril 2013.

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N° 12LY02332

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