Cour administrative d'appel de Marseille, 8e chambre, 11 mai 2021, n° 19MA01664

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Marseille, 8e ch., 11 mai 2021, n° 19MA01664
Juridiction : Cour administrative d'appel de Marseille
Numéro : 19MA01664
Décision précédente : Tribunal administratif de Montpellier, 6 février 2019, N° 1606532
Dispositif : Satisfaction partielle

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G O épouse I, Mme M I, Mme B I et la SCI de Prades ont demandé au tribunal administratif de Montpellier :

— de constater l’emprise irrégulière créée par la communauté urbaine Perpignan Méditerranée sur leur propriété et d’ordonner la démolition de cette emprise, ou, à défaut, de condamner la communauté urbaine Perpignan Méditerranée à leur verser la somme de

460 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de cette emprise ;

— de condamner la communauté urbaine Perpignan Méditerranée à verser à

Mme G I la somme de 9 872,55 euros au titre du préjudice occasionné par la

non-location d’un parking à la société Cosmos et de 27 806 euros au titre du préjudice né de l’impossibilité de mettre en location le premier étage de sa maison ;

— de condamner la communauté urbaine Perpignan Méditerranée à verser aux consorts I la somme de 36 474,59 euros en réparation des désordres affectant leur immeuble ;

— de condamner la communauté urbaine Perpignan Méditerranée à verser aux consorts I et à la SCI de Prades la somme de 6 579,60 euros au titre des frais de déplacement pour les opérations d’expertise, et la somme de 19 478,63 euros au titre des travaux de reprise des évacuations des écoulements des eaux pluviales ;

— d’ordonner à la communauté urbaine Perpignan Méditerrané, sous astreinte de

1 500 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement de procéder à la réalisation des travaux de reconstruction auxquels elle s’est engagée dans le cadre de l’acte de vente amiable qu’elle a conclu avec les consorts I.

Par un jugement n° 1606532 du 7 février 2019, le tribunal administratif de Montpellier a jugé que la pose de clous (tirants d’ancrage) pour la réalisation d’un mur digue dans le tréfonds de la propriété des consorts I constituait une emprise irrégulière, a mis à la charge définitive de la communauté urbaine Perpignan Méditerranée les frais et honoraires de l’expertise taxés et liquidés par ordonnance du président du tribunal et a rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 8 avril 2019, 16 mai 2019 et

2 octobre 2020, Mme G O épouse I, Mme M I,

Mme B I et la SCI de Prades, représentés par Me F, demandent à la Cour :

1°) d’annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier en tant qu’il a rejeté leurs conclusions tendant à la démolition de l’ouvrage empiétant irrégulièrement sur leur propriété et à fin d’indemnisation de leurs différents préjudices, et à ce qu’il soit enjoint à la communauté urbaine Perpignan Méditerranée de réaliser les travaux auxquels elle s’était engagée lors de la vente amiable d’une parcelle de la propriété des consorts I ;

2°) de condamner la communauté urbaine Perpignan Méditerranée à leur verser la somme de 586 211,37 euros en réparation des préjudices qu’ils ont subis du fait des conséquences dommageables de l’emprise irrégulière et des travaux de réalisation de la voie aux droits de leur propriété ;

3°) d’enjoindre à la communauté urbaine Perpignan Méditerranée de démolir l’ouvrage irrégulièrement implanté, sous astreinte de 1 500 euros par jour de retard, à compter de la notification de l’arrêt à intervenir ;

4°) d’enjoindre à la communauté urbaine Perpignan Méditerranée de réaliser ces travaux prévus aux termes de l’acte de vente, sous astreinte de 1 500 euros par jour de retard, à compter de la notification de l’arrêt à intervenir ;

5°) de mettre à la charge de la communauté urbaine Perpignan Méditerranée une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Les appelantes soutiennent que :

— leurs demandes indemnitaires n’étaient pas atteintes de prescription à la date de l’introduction de leur requête devant le tribunal administratif de Montpellier et n’étaient pas irrecevables faute de réclamation préalable ;

— leurs conclusions à fin d’injonction, accessoires à leurs demandes indemnitaires, étaient recevables ;

— le jugement attaqué est irrégulier dès lors que les premiers juges ont considéré, à tort, que la SCI de Prades ne justifiait pas de sa qualité pour agir, qu’il est entaché d’une omission à statuer sur les conclusions tendant à ce qu’il soit enjoint à la communauté urbaine Perpignan Méditerranée de remettre en état leur propriété et qu’il est insuffisamment motivé ;

—  la démolition de l’ouvrage public irrégulièrement implanté, causant des atteintes importantes à une propriété sans qu’il réponde à une finalité d’intérêt général ni qu’il résulte du seul procédé technique possible ou que son maintien présente des avantages supérieurs à de tels inconvénients, doit être ordonnée ;

— l’emprise irrégulière ne peut faire l’objet d’aucune régularisation, plus de six années après l’implantation de l’ouvrage litigieux ;

— la seule implantation irrégulière de l’ouvrage est à l’origine d’un préjudice perdurant depuis sept années à la date d’introduction de la requête d’appel, qu’elles sont fondées à invoquer pour la première fois en appel, dès lors qu’il se rattache au même fait générateur que les chefs de préjudice dont elles avaient demandé l’indemnisation en première instance ;

— l’installation de clous de 5 mètres de long dans le tréfonds de leur propriété, ont entraîné le percement d’une canalisation d’évacuation des eaux pluviales, susceptible d’entraîner la formation de bouchons, la présence de ces clous qui empêche la réalisation de travaux de réaménagement de l’immeuble et les travaux d’implantation eux-mêmes, sont à l’origine de fortes vibrations ayant eu pour effet d’affaiblir la solidité de l’immeuble ; l’ensemble de ces faits a entraîné une dépréciation de la valeur vénale de l’immeuble des consorts I de

436 000 euros ;

— les désordres causés par les travaux réalisés pour la communauté urbaine Perpignan Méditerranée ont entrainé une perte de revenus tirés de la location d’un parking, pour un montant de 9 872,55 euros et de la location d’un appartement, pour un montant de 27 806 euros ;

— elles ont dû exposer des frais de déplacements pour les besoins des opérations d’expertise, s’élevant à 6 579,60 euros ;

— les travaux de reprise du tuyau d’évacuation des eaux pluviales qu’elles doivent supporter, et qui présentent le caractère d’un préjudice certain, s’élèvent à 19 478,63 euros ;

— les travaux d’installation des clous dans le tréfonds de leur propriété ont endommagé leur propriété, dont le coût de réfection s’élève à 36 474,59 euros ;

—  elles sont fondées à demander à ce qu’il soit enjoint à la communauté urbaine Perpignan Méditerranée de procéder aux travaux qu’elle s’était engagée à réaliser lors de la vente d’une partie de leur propriété à la communauté urbaine Perpignan Méditerranée, et dont le défaut de réalisation engage la responsabilité contractuelle de celle-ci.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 juin 2020, la communauté urbaine Perpignan Méditerranée, représentée par Me H, conclut, à titre principal, au rejet de la requête comme irrecevable, à titre subsidiaire, à son rejet comme étant non fondée, très subsidiairement, au caractère injustifié et excessif des sommes réclamées, à ce qu’elle soit relevée et garantie par la société Egis Aménagement et par la société Garnier Ingénierie de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre et à ce que soit mise à la charge des requérantes la somme de 5 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

— la SCI de Prades ne justifiait pas de sa qualité et de son intérêt à agir en première instance ;

— le tribunal administratif n’a pas omis de statuer sur la demande de remise en état de la propriété après démolition de l’emprise irrégulière, dès lors qu’il avait rejeté cette demande de démolition ;

— le jugement attaqué est suffisamment motivé ;

— les créances dont se prévalent les appelantes étaient prescrites à la date d’enregistrement de la requête par le tribunal administratif de Montpellier ;

— la requête est irrecevable en l’absence de demande préalable, les dispositions de l’article R. 421-1 du code de justice administrative dans sa version en vigueur au 1er janvier 2017 étant applicables en l’espèce ;

— les demandes d’injonction présentées à titre principal sont irrecevables ;

— il n’y a pas d’emprise irrégulière car les travaux incriminés ont fait l’objet d’un accord annexé à l’acte de vente ;

— les travaux litigieux n’ont causé aucun dommage à l’immeuble des intéressées, qui présentait des faiblesses structurelles ;

— si l’implantation de clous dans le tréfonds de l’immeuble devait être regardée comme constitutive d’une emprise irrégulière, une indemnisation de la servitude de tréfonds serait envisageable ;

— la présence d’un tirant d’ancrage visible dans une canalisation d’eau pluviale n’emporte aucune conséquence dommageable ;

— la démolition de l’ouvrage litigieux, à laquelle il n’existe pas d’alternative sans destruction d’une partie de l’immeuble des intéressées, présenterait en outre un coût disproportionné ;

— la perte de valeur vénale de la propriété des appelantes, ainsi que les autres préjudices invoqués, ne sont pas établis ;

— les appelantes n’établissent pas que la communauté urbaine Perpignan Méditerranée n’aurait pas respecté les engagements souscrits dans l’acte de vente conclu avec les consorts I ;

— si les travaux litigieux ont provoqué des désordres, la responsabilité en revient à la société Egis Aménagement en qualité de maître d’oeuvre de l’opération et à la société Garnier Ingénierie, en charge de la maîtrise d’oeuvre des travaux, qu’elle est par suite fondée à appeler en garantie pour la couvrir d’éventuelles condamnations prononcées à son encontre.

Par une lettre du 15 avril 2021, les parties ont été informées, en application de l’article R. 611-7 du code de justice administrative que l’arrêt était susceptible d’être fondé sur un moyen relevé d’office, tiré de l’incompétence de la juridiction administrative pour connaître des conditions d’exécution de l’acte de vente signé le 30 mars 2011 entre la communauté urbaine Perpignan Méditerranée et les consorts I.

Les appelantes ont répondu à cette lettre par un mémoire, enregistré le 19 avril 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— le code général des collectivités territoriales ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de Mme Renault,

—  les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,

— et les observations de Me L, substituant Me F, représentant les appelantes.

Une note en délibéré, produite pour les appelantes, a été enregistrée le 21 avril 2021.

Considérant ce qui suit :

1. La communauté urbaine Perpignan Méditerranée a procédé à des travaux d’aménagement de liaison routière entre le boulevard Saint Assiscle et le boulevard Edmond Michelet, à Perpignan. Des travaux de démolition ont été engagés en 2011, suivis de travaux de reconstruction en 2012, achevés en octobre 2012. D’une part, par ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier du 5 septembre 2011, étendue par ordonnance du

28 novembre 2011 au contradictoire de Mme G O épouse I, de

Mmes M et B I et de la SCI Prades, la communauté urbaine a sollicité et obtenu, avant la réalisation des travaux, un référé expertise aux fins de faire constater l’état initial des propriétés bâties et non bâties susceptibles d’être affectées par les travaux pour permettre de constater, à la demande de l’une ou l’autre des parties, les causes et l’étendue des dommages pouvant en résulter. D’autre part, pour les besoins de cette liaison routière, la communauté urbaine Perpignan Méditerranée a, par acte notarié des 29 et 30 mars 2011, fait l’acquisition auprès de Mme G O épouse I et de Mmes M et

B I, qui en sont respectivement l’usufruitière et les nues-propriétaires, de la parcelle bâtie cadastrée section BW 766 d’une superficie de 293 m² en nature de parking couvert au prix de 150 000 euros. Estimant que l’ouvrage édifié au droit de leurs propriétés empiète irrégulièrement sur ces dernières et que la réalisation des travaux a provoqué des dommages à leurs immeubles et occasionné de la sorte différents préjudices, Mme G O épouse I et Mmes M et B I respectivement usufruitière et nues propriétaires d’un ensemble immobilier cadastré section BW 765 et BW 678 situé 10-12 avenue de Prades à Perpignan et la SCI de Prades, en tant que propriétaire à la même adresse de la parcelle cadastrée section BW 677, faisant partie du même ensemble immobilier, ont demandé au tribunal administratif de Montpellier, d’une part, de faire constater l’emprise irrégulière, d’ordonner sous astreinte la démolition des ouvrages litigieux, subsidiairement, l’indemnisation des préjudices résultant de cette emprise irrégulière, et, d’autre part, de condamner la communauté urbaine Perpignan Méditerranée à réparer les préjudices résultant des travaux effectués et, enfin d’ordonner à cette dernière, sous astreinte, de procéder à divers travaux qu’elle s’était engagée à réaliser. Mme G O épouse I, Mmes M et B I et la SCI de Prades relèvent appel du jugement du tribunal administratif de Montpellier du 7 février 2019 dont elles demandent la réformation en tant qu’il a rejeté comme irrecevables les demandes de la SCI de Prades et a rejeté leurs demandes tendant à la démolition de l’emprise irrégulière sur leurs parcelles, à l’indemnisation de leurs préjudices et à ce qu’il soit réalisé sur l’immeuble cédé à la communauté urbaine Perpignan Méditerranée les travaux auxquels celle-ci s’était engagée dans l’acte de vente des 29 et 30 mars 2011.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, il résulte de l’instruction que la communauté urbaine Perpignan Méditerranée avait, en première instance, opposé aux demandes de la SCI de Prades, tendant à être indemnisée du préjudice résultant de la présence de clous (tirants d’ancrage) sur sa parcelle, une fin de non-recevoir pour défaut d’intérêt à agir au motif qu’elle n’apparaissait pas dans l’acte de la vente qui lui avait été faite d’une parcelle et qu’elle ne produisait pas ses statuts. Il ressort des termes du jugement attaqué que les premiers juges ont considéré que la SCI de Prades ne justifiait pas de son intérêt à agir au motif qu’elle ne produisait aucun document attestant de sa qualité de propriétaire de la parcelle BW n°677, et qu’en conséquence, elle ne pouvait demander à être indemnisée du préjudice résultant de la présence de clous sur sa parcelle. Il résulte, toutefois, de l’instruction, que la qualité de propriétaire de la parcelle litigieuse, qui n’est plus contestée en appel, était clairement reconnue tant dans l’ordonnance du 21 novembre 2011 par lequel le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier avait étendu la mission de l’expert à la SCI de Prades, que dans les constatations des experts réalisées dans le cadre de leur mission et dans le procès-verbal de constat d’huissier du 30 août 2011, tous éléments produits en première instance. Il appartenait au demeurant au tribunal, dans le cadre de ses pouvoirs d’instruction, de demander la production de l’acte de propriété, s’il estimait qu’il persistait un doute sur la qualité de propriétaire de la parcelle en question par la SCI de Prades. Par suite, cette dernière est fondée à soutenir que c’est à tort que les premiers juges ont déclaré ses demandes irrecevables et à demander, dans cette mesure l’annulation du jugement attaqué.

3. En deuxième lieu, si les requérantes soutiennent que le jugement est entaché d’irrégularité dès lors que les premiers juges n’auraient pas statué sur leurs conclusions, formulées devant eux, tendant à ce qu’il soit enjoint à la communauté urbaine Perpignan Méditerranée de remettre en état leurs propriétés comme une suite logique de la démolition également sollicitée de la partie de l’ouvrage empiétant sur lesdites propriétés, ces conclusions, telles qu’elles ont été exactement analysées par les premiers juges, ne peuvent être regardées comme distinctes des conclusions tendant à cette démolition. Dès lors que les premiers juges ont, au point 7 du jugement, rejeté les conclusions de la requête tendant à ce qu’une telle démolition soit ordonnée, ils n’avaient pas à se prononcer, en outre, sur les conclusions tendant à la remise en état des propriétés postérieurement à cette démolition. Le moyen tiré de l’omission à statuer des premiers juges sur une partie des conclusions de la requête ne peut donc qu’être rejeté.

4. En troisième lieu, les requérantes soutiennent que le jugement doit être annulé faute d’être suffisamment motivé, en méconnaissance des dispositions de l’article L. 9 du code de justice administrative. Elles font valoir que les premiers juges ont retenu, contrairement à ce qu’il ressortait de leurs écritures, qu’elles ne contestaient pas avoir donné leur accord pour la réalisation du procédé constructif de l’ouvrage litigieux, qu’ils n’ont pas répondu à leur argumentation afin d’établir la démolition de la partie de l’ouvrage irrégulièrement implantée, en particulier s’agissant de l’intérêt général s’attachant à sa conservation, et qu’ils ont écarté sans motivation suffisante leurs demandes tendant à l’indemnisation des travaux de reprise des travaux d’intérieur des bâtiments du fait des dégradations apparues durant les travaux. Alors que, en tout état de cause, le tribunal administratif n’est pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, il ressort du point 7 du jugement que les premiers juges, qui n’avaient à se prononcer sur l’intérêt général des conséquences de la démolition de l’ouvrage que si était exclue toute possibilité de régularisation, ont rejeté cette demande de démolition en tenant compte tant de la possibilité de régularisation de l’emprise irrégulière, que des intérêts publics et privés en présence, et du point 13 du jugement que les premiers juges ont motivé leur refus de condamner la communauté urbaine Perpignan Méditerranée à réaliser les travaux d’intérieurs par l’état dégradé des bâtiments avant le début des travaux. Enfin, à la supposer établie, la circonstance que les premiers juges auraient, à tort, jugé que les requérantes ne contestaient pas avoir donné leur accord sur les modalités de réalisation de l’ouvrage, ne peut être regardée comme un défaut de motivation.

5. Il résulte de ce qui précède que les appelantes sont seulement fondées à demander l’annulation du jugement attaqué en tant qu’il a déclaré irrecevables les demandes formées par la SCI de Prades. Par suite, il y a lieu pour la cour administrative d’appel de se prononcer immédiatement sur ces demandes par voie d’évocation et de statuer par l’effet dévolutif de l’appel sur les autres conclusions.

Sur la compétence de la juridiction administrative relativement aux conditions d’exécution de l’acte de vente des 29 et 30 mars 2011 :

6. Par un contrat daté des 29 et 30 mars 2011, les consorts I ont cédé à la communauté urbaine de Perpignan la propriété de la parcelle cadastrée 766, d’une superficie de 293 m² en nature de parking couvert, afin de permettre à cette dernière de réaliser la liaison entre le boulevard Saint Assicle et le boulevard Edmond Michelet ainsi que pour la desserte des différents quartiers de la gare TGV. Toutefois, aucune clause dudit contrat ne présentait un caractère exorbitant du droit commun, et n’impliquait en particulier nullement que le vendeur participe en une quelconque façon à l’exécution d’un service public. Dès lors, les tribunaux judiciaires sont seuls compétents pour connaître de la demande des intéressées en tant qu’elle était fondée sur la méconnaissance par l’administration des obligations qui seraient nées pour elle dudit contrat. Il y a lieu, par suite, de rejeter la demande tendant à ce qu’il soit enjoint à la communauté urbaine de Perpignan d’exécuter les travaux qu’elle s’était engagée à réaliser dans la cadre de la vente de la parcelle BW 766, comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Sur la recevabilité de la requête :

7. Aux termes de l’article R. 421-1 du code de justice administrative disposait, dans sa rédaction en vigueur jusqu’au 1er janvier 2017: « Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. ».

8. Les dispositions de l’article R. 421-1 du code de justice administrative, telles qu’issues de l’article 10 du décret n° 2016-1480 du 2 novembre 2016, ne s’appliquent qu’aux requêtes enregistrées postérieurement au 1er janvier 2017, ainsi que le prévoit expressément le II de l’article 35 du même décret, ce qui n’est pas le cas en l’espèce dès lors qu’il résulte tant des termes du jugement attaqué, que de la date d’enregistrement de la requête retenue par le greffe du tribunal administratif de Montpellier dans l’accusé de réception de la requête des intéressées comme dans son courrier de communication de cette requête à la communauté urbaine Perpignan Méditerranée, tous deux en date de 5 janvier 2017, que la requête a été enregistrée le 31 décembre 2016. La circonstance que figure sur la requête la marque d’un tampon indiquant la date du 2 janvier 2017 ne permet pas de renverser la preuve de l’enregistrement de la requête le 31 décembre 2016, laquelle a d’ailleurs été enregistrée sous un numéro correspondant à l’année 2016. Dans ces conditions, la fin de non-recevoir opposée par la communauté urbaine Perpignan Méditerranée aux conclusions à fin d’indemnisation présentées par les requérantes ne peut qu’être écartée.

Sur la constatation d’une emprise irrégulière :

9. Pour contester l’appréciation des premiers juges, qui ont retenu que la présence de clous d’une longueur de 5 mètres avec positionnement subhorizontal dans les tréfonds de la propriétés de Mmes I, constitue une implantation irrégulière, la communauté urbaine Perpignan Méditerranée se borne à soutenir que ces dernières ont donné leur consentement exprès à la réalisation des travaux de construction du mur de soutènement de la future bretelle routière entre le boulevard Saint Assiscle et le boulevard Michelet dans les conditions dans lesquelles ils ont été effectivement réalisés, en contrepartie d’une indemnisation de

150 000 euros. Il résulte, toutefois, de l’instruction, que la somme de 150 000 euros a été versée en contrepartie de la vente, par Mmes G O, M I et B I, de la parcelle bâtie cadastrée section BW n° 766 sis avenue de Prades, d’une superficie de 293 m². La notice descriptive des travaux jointe en annexe à l’acte notarié des 29 et 30 mars 2011 prévoit que la nature du terrain nécessite l’exécution de fondations spéciales de type « micro-pieux » et la mise en place d’une semelle en béton armé en tête de ces derniers et la pose de longrines en soubassement sur les micro-pieux afin de maintenir le contreventement du bâtiment et la tenue du mur digue, sauf à ce que l’acquisition de la parcelle ne soit pas conclue rapidement et à l’amiable. Si l’acte de vente précise que la démolition partielle du bâti existant et la reconstruction en retrait du front bâti sont effectuées aux charges, frais et responsabilité de la communauté d’agglomération, il ne précise pas les modalités de construction alors que la fiche de constats complémentaires, en date du 10 juin 2013, établie par l’expert, indique que, lors de la réunion de constat organisée le 22 octobre 2012, il a été relevé la mise en oeuvre de tirants pour tenue en tête de murs de soutènement d’une longueur d’environ 5 mètres sous la propriété de Mme I et la présence d’un tirant visible dans une canalisation d’évacuation d’eau pluviale ainsi que de la présence de tirants sous la propriété de la SCI de Prades. Aucune preuve n’est donnée, à la date de cette réunion, de rachat ou de servitude établie, ou d’un accord donné par la SCI au passage de tels tirants, ce que ne conteste pas utilement la communauté urbaine Perpignan Méditerranée, en se bornant à faire valoir qu’elle a fourni des explications à

Mme B I quant à la technique constructive retenue pour la réalisation du mur de soutènement, et lui a demandé son accord quant à la mise en oeuvre de ce procédé, ce qui ressortirait d’un courrier du 30 novembre 2011. Ce courrier ne permet toutefois pas d’établir qu’un accord aurait été effectivement donné par les intéressées ou même sollicité par la communauté urbaine Perpignan Méditerranée pour que les clous soient implantés sous les propriétés concernées. Par suite, l’implantation de clous dans les tréfonds de la propriété tant de Mmes I que de la SCI de Prades est constitutive d’une emprise irrégulière.

Sur les conclusions tendant à la démolition de l’ouvrage public :

En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée par la communauté urbaine Perpignan Méditerranée :

10. Aux termes de l’article L. 911-1 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu’une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public prenne une mesure d’exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d’un délai d’exécution ». Il appartient au juge administratif de statuer par voie d’injonction sur les mesures propres à mettre fin à une emprise irrégulière, et notamment de déterminer, en fonction de la situation de droit et de fait existant à la date à laquelle il statue, si, eu égard notamment aux motifs de la décision, une régularisation appropriée de l’ouvrage est possible avant, dans la négative, de prendre en considération, d’une part les inconvénients que la présence de l’ouvrage entraîne pour les divers intérêts publics ou privés en présence et notamment, le cas échéant, pour le propriétaire du terrain d’assiette de l’ouvrage, d’autre part les conséquences de la démolition pour l’intérêt général, et d’apprécier, en rapprochant ces éléments, si la démolition n’entraîne pas une atteinte excessive à l’intérêt général.

11. Il résulte de l’instruction que les conclusions à fin d’injonction présentées par les requérantes étaient accessoires de leurs conclusions tendant à faire constater l’emprise irrégulière. Par suite, ainsi que l’a jugé le tribunal, la fin de non-recevoir opposée par la communauté urbaine Perpignan Méditerranée à ces conclusions ne peut qu’être écartée.

En ce qui concerne leur bien-fondé :

12. En premier lieu, si la communauté urbaine Perpignan Méditerranée soutient qu’une régularisation de l’implantation irrégulière est possible par l’indemnisation d’une servitude de tréfonds, la perspective d’accord amiable entre les appelantes et celle-ci pour l’indemnisation d’une telle servitude, qu’aucune disposition législative ou réglementaire ne permet d’imposer unilatéralement, est actuellement inexistante. Ainsi, eu égard aux motifs pour lesquels l’ouvrage a été considéré comme irrégulièrement implanté, et alors que la communauté urbaine Perpignan Méditerranée ne fait état d’aucune démarche afin d’engager une procédure d’expropriation, une régularisation appropriée n’est pas envisageable à la date du présent arrêt.

13. En deuxième lieu, les appelantes soutiennent que la démolition de l’ouvrage doit être ordonnée du fait des atteintes importantes qu’il cause à leurs propriétés, sans répondre à une finalité d’intérêt général dès lors que le mur de soutènement pouvait être réalisé grâce à un procédé technique alternatif n’entraînant pas de telles atteintes. Il résulte de l’instruction, et en particulier des différents constats réalisés par l’expert désigné par le tribunal administratif que les atteintes à la propriété des appelantes sont limitées à l’occupation, sur la longueur du mur de soutènement et une largeur de 5 mètres, du sous-sol des parcelles BW 765 appartenant à

Mmes I et A 677 et BW 678 appartenant à la SCI Prades, et à la présence d’un tirant dans une canalisation d’eau pluviale. La fragilisation des bâtiments par mouvements vibratoires résultant de la présence même des clous, en dehors de la phase de chantier, n’étant pas établie, cette technique de construction du mur permettait de conserver au maximum le bâtiment existant, compte tenu de la faible distance existant entre ce dernier et l’emplacement projeté du mur de soutènement, ce qui n’était pas le cas de techniques alternatives telles que mur sur semelle, mur poids ou pieux sécants, ainsi qu’il ressort du courriel du bureau d’études techniques Egis, maître d’oeuvre du chantier, en date du 8 novembre 2011, adressé aux services de la communauté urbaine Perpignan Méditerranée. Dans ces conditions, étant donné les inconvénients limités de la présence des clous dans le tréfonds des propriétés des requérantes, la démolition de l’implantation irrégulière, compte tenu de son coût ainsi que de la nécessité d’entreprendre de lourds travaux qui comporteraient également des inconvénients pour les propriétaires des terrains d’assiette de l’ouvrage, entraînerait une atteinte excessive à l’intérêt général. Par suite, les appelantes ne sont pas fondées à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté les conclusions de leur demande tendant à ce que soit ordonnée sous astreinte la destruction de la partie de l’ouvrage public empiétant sur leurs propriétés.

Sur les conclusions indemnitaires :

En ce qui concerne l’exception de prescription quadriennale soulevée par communauté urbaine Perpignan Méditerranée :

14. Aux termes de l’article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l’Etat, les départements, les communes et les établissements publics : « Sont prescrites, au profit de l’Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n’ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l’année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis () ». Aux termes de l’article 2 de la même loi : " La prescription est interrompue par toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l’autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l’existence, au montant ou au paiement de la créance, alors même que l’administration saisie n’est pas celle qui aura finalement la charge du règlement. Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l’existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l’auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître, et si l’administration qui aura finalement la charge du règlement n’est pas partie à l’instance ; toute communication écrite d’une administration intéressée, même si cette communication n’a pas été faite directement au créancier qui s’en prévaut, dès lors que cette communication a trait au fait générateur, à l’existence, au montant ou au paiement de la créance ;() Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l’année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l’interruption. Toutefois, si l’interruption résulte d’un recours juridictionnel, le nouveau délai court à partir du premier jour de l’année suivant celle au cours de laquelle la décision est passée en force de chose jugée « . Enfin, aux termes de son article 3 : » La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir () ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l’existence de sa créance () ".

15. La communauté urbaine Perpignan Méditerranée soutient que, les travaux ayant été terminés en 2012, les créances liées à la réalisation de ces travaux étaient prescrites au

1er janvier 2017. Toutefois, ainsi qu’il a été dit au point 7, la requête de Mmes I et de la SCI Prades a été enregistrée au tribunal administratif de Montpellier le 31 décembre 2016. Dans ces conditions, l’exception de prescription soulevée par la communauté urbaine Perpignan Méditerranée doit être écartée.

En ce qui concerne les préjudices résultant de l’implantation irrégulière :

16. Si le droit à l’indemnisation des conséquences dommageables d’une emprise irrégulière d’un ouvrage public n’est pas subordonné au caractère définitif de la privation de propriété qui en résulte, l’indemnisation du préjudice d’atteinte au libre exercice du droit de propriété, qui peut être regardée comme l’allocation d’une indemnité d’immobilisation, ne saurait toutefois correspondre au coût de la valeur vénale du terrain, coût qui serait indemnisé, pour sa part, en cas d’expropriation. En l’absence d’extinction du droit de propriété, la réparation des conséquences dommageables résultant de l’édification sans autorisation d’un ouvrage public sur une parcelle appartenant à une personne privée ne saurait donner lieu donc à une indemnité correspondant à la valeur vénale de la parcelle, mais uniquement à une indemnité réparant intégralement le préjudice résultant de l’occupation irrégulière de cette parcelle et tenant compte de l’intérêt général qui justifie le maintien de cet ouvrage.

17. En premier lieu, ainsi qu’il a été dit au point 13, l’atteinte aux propriétés des appelantes ne concerne que l’occupation du sous-sol de leurs parcelles, sur la longueur occupée par le mur de soutènement et une largeur de 5 mètres. Elle est donc sans incidence sur la jouissance de la propriété bâtie ni ne fragilise la solidité de l’ensemble immobilier, ni n’occasionne de gêne esthétique. Si elle a toutefois pour conséquence, d’une part, ainsi que le note l’expert dans sa fiche de constat datée du 10 juin 2013, de compromettre la réalisation de travaux de réaménagement du sous-sol de l’ensemble immobilier, il n’est donné aucune précision sur le type d’aménagement que la présence de ces clous pourrait compromettre ni n’est établi qu’aucun aménagement ne pourrait être réalisé en sous-sol des bâtiments du fait de la présence de ces clous. D’autre part, les appelantes ne se prévalent d’aucun commencement de projet d’aménagement du sous-sol de l’ensemble immobilier, et l’hypothèse purement théorique d’une vente de cet ensemble pour la construction d’un ensemble de logements sociaux sur lequel repose l’estimation de perte de valeur vénale de l’ensemble immobilier, par un expert immobilier mandaté par elles, qui n’a pas été élaborée dans le cadre d’une procédure contradictoire, ne permet pas d’établir la réalité d’une telle entreprise, y compris au stade du seul projet. Dans ces conditions, le préjudice dont elles demandent réparation ne présentant qu’un caractère hypothétique, le lien de causalité entre l’emprise irrégulière et le dommage n’est pas établi et ne saurait leur donner droit à indemnisation.

18. En second lieu, ainsi qu’il a été dit au point 13, il ressort du constat de l’expert daté du 10 juin 2013 qu’un des tirants est visible dans une canalisation d’eau de l’ensemble immobilier, susceptible de favoriser la formation de bouchon du fait de la gêne au libre passage de l’eau et que cet homme de l’art a préconisé en conséquence des travaux pour retrouver la parfaite vacuité des réseaux. La présence du tirant à l’intérieur de la canalisation ne permettant pas d’assurer une telle vacuité, la réalisation d’une déviation des écoulements d’eaux pluviales apparaît nécessaire. Les appelantes sont ainsi fondées à demander à la communauté urbaine Perpignan Méditerranée une indemnisation à ce titre de la somme de 19 478, 63 euros, correspondant au devis de ces travaux, établi par la SARL J. Bati.

19. Il résulte des points 16 à 18 que le préjudice des appelantes du fait de l’implantation irrégulière d’une partie de l’ouvrage litigieux sur leurs parcelles s’élève à la somme de

19 478, 63 euros.

En ce qui concerne les conclusions indemnitaires en réparation des préjudices résultant de la réalisation des travaux :

S’agissant de la responsabilité de la communauté urbaine Perpignan Méditerranée :

20. Même en l’absence de faute, le maître de l’ouvrage ainsi que, le cas échéant, le maître d’oeuvre et les constructeurs en charge des travaux sont responsables vis-à-vis des tiers des dommages causés à ceux-ci par l’exécution desdits travaux publics à moins que ces dommages ne soient imputables à un cas de force majeure ou à une faute de la victime. En outre, dans le cas d’un dommage causé à un immeuble, la fragilité ou la vulnérabilité de celui-ci ne peuvent être prises en compte pour atténuer la responsabilité du maître de l’ouvrage, sauf lorsqu’elles sont elles-mêmes imputables à une faute de la victime. En dehors de cette hypothèse, de tels éléments ne peuvent être retenus que pour évaluer le montant du préjudice indemnisable.

21. Les appelantes soutiennent que la responsabilité de la communauté urbaine Perpignan Méditerranée est engagée dès lors que les travaux d’aménagement de liaison routière entre le boulevard Saint Assiscle et le boulevard Edmond Michelet leur ont porté préjudices du fait des dommages qu’ils ont causés à leur propriété et de la perte de revenus tirés de la location d’un parking et d’un appartement.

22. En premier lieu, il résulte de l’instruction et en particulier des différents constats établis par l’expert, que les vibrations générées par les travaux litigieux, du fait de la mise en oeuvre des tirants avec utilisation de perforateur fonctionnant en rétroperforation, ont affecté l’immeuble situé 10 avenue de Prades, en bordure et en mitoyenneté des travaux d’aménagements, et sont à l’origine d’ouverture ou d’aggravation d’ouverture de fissures, d’effondrements de revêtement de sol, d’un descellement des marches de l’escalier et d’infiltrations en pied de mur sur la partie de l’ensemble immobilier situé sur la parcelle BW 765 appartenant à Mmes I. La communauté urbaine Perpignan Méditerranée ne conteste pas utilement ces constats en se bornant à faire valoir que l’immeuble présentait un état délabré avant le début des travaux, de telles circonstances ne pouvant être retenues que pour évaluer le préjudice indemnisable. Par suite, le lien de causalité entre ces dommages, qui présentent un caractère anormal et spécial, et les travaux d’installation des tirants d’ancrage est établi.

23. En deuxième lieu, les appelantes n’établissent pas le lien direct et certain entre les travaux litigieux et la perte de revenus tirés de la location d’un parking durant la réalisation des travaux et d’un appartement entre mars 2012 et août 2016 en se bornant à soutenir, sans l’appuyer pas des pièces probantes, que la fragilisation du bâti rendait impossible la location, durant la durée des travaux, de la partie non vendue d’un parking et en relevant la concomitance du congé donné en mars 2012 par la locataire occupant l’appartement du 1er étage droite de l’immeuble édifié sur la parcelle appartenant à Mmes I, avec la réalisation des travaux, engagés depuis plusieurs mois à cette date. A supposer même que le congé donné de l’appartement ait eu pour cause déterminante la réalisation des travaux, les appelantes n’établissent pas que les désordres constatés dans l’appartement, mineurs ainsi qu’il ressort du rapport de l’expert qui s’est prononcé sur la valeur vénale de la propriété, M. D, qui indique p.14 de son rapport que les " appartements locatifs [sont] en bon état ", en aient rendu la location impossible, alors que l’appartement a été à nouveau loué à compter du 1er septembre 2016 sans qu’aient été réalisés entre temps des travaux pour le remettre en état. Les appelantes ne sont, par suite, pas fondées à rechercher la responsabilité sans faute de la communauté urbaine Perpignan Méditerranée au titre de ces préjudices.

24. En troisième lieu, les appelantes soutiennent qu’elles ont dû exposer des frais de déplacement, pour les besoins des opérations d’expertise et de suivi des travaux, s’élevant à 6 579,60 euros. Toutefois, elles n’établissent la nécessité de leur présence à ces réunions du fait de convocations à des opérations de constat et d’expertise, ainsi qu’il résulte des différentes fiches de constat établies par M. K, qu’aux dates des 15 janvier 2012, 22 février 2012 et 22 octobre 2012. Seule l’indemnisation des frais de déplacement à ces réunions est ainsi susceptible d’être accordée au titre de la responsabilité sans faute de la communauté urbaine Perpignan Méditerranée.

S’agissant de l’évaluation des préjudices :

25. En premier lieu, les appelantes n’établissent pas la perte vénale de l’ensemble immobilier consécutive à la réalisation des travaux de construction du mur de soutènement, alors que l’expert désigné par le tribunal administratif de Montpellier a indiqué, dans son constat du 22 février 2012 qu’entre le constat initial et les constats suivants, il n’y a pas eu d’évolution significative de la stabilité de l’immeuble, en particulier que les mouvements constatés des appuis de poutre au deuxième niveau ont été constatés dès 2008.

26. En deuxième lieu, les appelantes font valoir que les travaux d’installation des clous dans le tréfonds de leur propriété ont endommagé leur propriété, dont le coût de réfection s’élève à 36 474,59 euros, et produisent pour l’établir trois devis. Deux devis en date des

27 octobre 2012 estiment à 14 751,24 euros les travaux de réfection complète du plancher du salon et de la cuisine de l’appartement situé au 1er étage, à droite, et à 10 407,41 euros les travaux de réfection complète du plancher du salon et du couloir situé au 1er étage, à gauche, et un devis en date du 9 février 2013 estime à 7 627,50 euros les différents travaux rendus nécessaires par l’affaissement de la charpente de la toiture intérieure du grenier. Il résulte de l’instruction, et en particulier des différentes observations de l’expert désigné par le tribunal, qu’ont été constatés dans le premier appartement locatif (1er étage gauche) la dégradation du revêtement de sol avec effondrement des tomettes, dans le second (1er étage droite), la formation d’effondrements importants au sol dans le séjour et le salon avec descellement de nombreux carreaux, et la formation d’un effondrement du sol en tomettes dans la cuisine et sur la montée d’escalier menant du rez-de-chaussée au 1er étage, la fissuration d’une marche et le descellement d’une autre. Toutefois, il résulte de ces mêmes constats que l’appartement de droite présentait avant le début des travaux un « désafleur du revêtement de sol en tomettes », et le salon un « désordre sur revêtement de sol en tomettes » et que les escaliers étaient affectés de nombreux désordres avant le début des travaux. Dans ces conditions, Mmes I, propriétaires de l’immeuble affecté par les désordres, sont seulement fondées à demander l’indemnisation des travaux de réfection des planchers de l’appartement du 1er étage gauche à hauteur du montant du devis, diminué de 20% pour tenir compte de la vétusté de l’immeuble, ainsi que des travaux de réfection des planchers de l’appartement du 1er étage droite à hauteur du montant du devis, diminué de 50% pour tenir compte de la vétusté de l’immeuble et des désordres préexistants aux travaux. Il y a lieu, par suite, de condamner la communauté urbaine Perpignan Méditerranée à verser à Mmes I une somme de 15 702 euros en réparation des dommages causés à leur immeuble par les travaux.

27. En troisième lieu, il résulte de l’instruction que les frais de déplacement engagés par les appelantes pour chacun des déplacements rendus nécessaires par les réunions auxquelles elles étaient convoquées s’élevaient à 502,65 euros par voyage. Il résulte de ce qui a été dit au point 24 que les frais de déplacements qu’ont exposé les requérantes qui ont été rendus nécessaires pour la conduite des opérations d’expertise, au titre de trois déplacements justifiés, s’élèvent à 1 508 euros, somme dont elles sont fondées à demander l’indemnisation à la communauté urbaine Perpignan Méditerranée.

Sur l’appel en garantie :

28. En se bornant à soutenir que, si les travaux litigieux ont provoqué des désordres, la responsabilité en revient à la société Egis Aménagement en qualité de maître d’oeuvre de l’opération et à la société Garnier Ingénierie, en charge de la maîtrise d’oeuvre des travaux, à qui il appartenait de « prendre des dispositions pour trouver une solution technique qui corresponde parfaitement aux conditions de réalisation de l’opération », alors qu’il n’est ni établi ni même allégué que les sociétés appelées en garantie auraient méconnu en quelconque façon leurs obligations contractuelles, la communauté urbaine Perpignan Méditerranée n’établit pas que ces sociétés auraient commis des fautes susceptibles d’engager leur responsabilité contractuelle. Dans ces conditions, les demandes d’appel en garantie formulées par la communauté urbaine Perpignan Méditerranée ne peuvent qu’être rejetées.

Sur les conclusions relatives aux frais d’instance :

29. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mmes I et de la SCI de Prades, qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme quelconque au titre des frais exposés par la communauté urbaine Perpignan Méditerranée. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de cette dernière la somme de 2 000 euros, à verser solidairement aux appelantes, sur le fondement des mêmes dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1606532 du 7 février 2019 du tribunal administratif de Montpellier est annulé en tant qu’il a rejeté comme irrecevables les conclusions formées par la SCI Prades.

Article 2 : Il est déclaré que la pose des clous pour la réalisation du mur digue en berge de la Têt dans le tréfonds des propriétés de Mmes I et de la SCI Prades constitue une emprise irrégulière.

Article 3 : La communauté urbaine Perpignan Méditerranée est condamnée à verser la somme globale de 19 478, 63 euros à Mme G O épouse I, Mme M I, Mme B I et la SCI de Prades en réparation du préjudice qui résulte pour elles de l’implantation irrégulière décrite à l’article 2.

Article 4 : La communauté urbaine Perpignan Méditerranée est condamnée à verser la somme globale de 17 210 euros à Mme G O épouse I, Mme M I, Mme B I en réparation des préjudices qui résultent pour elles des travaux de réalisation du mur décrit à l’article 2.

Article 5 : Le jugement n° 1606532 du 7 février 2019 du tribunal administratif de Montpellier est réformé en ce qu’il a de contraire au présent arrêt.

Article 6 : La communauté urbaine Perpignan Méditerranée versera à Mme G O épouse I, Mme M I, Mme B I et la SCI de Prades une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative

Article 7 : Le surplus des conclusions de Mme G O épouse I,

Mme M I, Mme B I et la SCI de Prades sont rejetées.

Article 8 : Les conclusions incidentes et les conclusions au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative de la communauté urbaine Perpignan Méditerranée sont rejetées.

Article 9 : Le présent arrêt sera notifié à sera notifié à Mme G O épouse I, à Mme M I, à Mme B I, à la société civile immobilière de Prades, à la communauté urbaine Perpignan Méditerranée, à la société Egis Aménagement et à Me E, liquidateur judiciaire de la société Garnier Ingénierie.

Copie en sera adressée à M. K, expert.

Délibéré après l’audience publique du 20 avril 2021, où siégeaient :

' M. Badie, président,

' M. d’Izarn de Villefort, président assesseur,

' Mme Renault, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 mai 2021.

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Cour administrative d'appel de Marseille, 8e chambre, 11 mai 2021, n° 19MA01664