Cour administrative d'appel de Marseille, 28 décembre 2022, n° 22MA01732

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Marseille, 28 déc. 2022, n° 22MA01732
Juridiction : Cour administrative d'appel de Marseille
Numéro : 22MA01732
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Tribunal administratif de Marseille, 17 mai 2022, N° 2203105
Dispositif : Rejet R. 222-1 appel manifestement infondé
Date de dernière mise à jour : 28 août 2023

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B A a demandé au tribunal administratif de Marseille d’annuler l’arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 8 avril 2022 l’obligeant à quitter le territoire français sans délai, lui interdisant le retour sur le territoire français pour une durée de deux années et fixant le pays de destination.

Par un jugement n° 2203105 du 18 mai 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 20 juin 2022, M. B A, représenté par Me Sandrine Colas, demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n° 2203105 du tribunal administratif de Marseille du 18 mai 2022 ;

2°) d’annuler l’arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 8 avril 2022 ;

3°) d’enjoindre au préfet de procéder au réexamen de sa situation administrative et de lui délivrer un récépissé l’autorisant à travailler, dans le délai de huit jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

En ce qui concerne l’obligation de quitter le territoire français :

— cette décision méconnaît les stipulations de l’article 8 de la convention européenne des droits de l’Homme ;

— elle est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation et d’une erreur de fait ;

— sa situation n’a pas fait l’objet d’un examen approfondi.

En ce qui concerne l’interdiction de retour :

— sa situation n’a pas fait l’objet d’un examen approfondi et le préfet n’a pas justifié la durée de deux ans qu’il a retenue ;

— cette décision est illégale par voie de conséquence de l’illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

— elle méconnait les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales ;

— elle est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation et d’une erreur de fait ;

— elle méconnaît les dispositions de l’article 55 de la constitution du 4 octobre 1958 ;

— elle méconnaît les dispositions des articles L. 612-6 et L. 612-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— il ne représente pas un danger pour l’ordre public.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— la Constitution ;

— la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

— le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— le code de justice administrative.

Vu la décision par laquelle la présidente de la cour administrative d’appel de Marseille a désigné Mme Chenal-Peter, présidente de la 7ème chambre.

Considérant ce qui suit :

1. M. B A, de nationalité bangladaise, relève appel du jugement du 18 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande dirigée contre l’arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône en date du 8 avril 2022 lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai, lui interdisant le retour sur le territoire français pour une durée de deux années et fixant le pays de destination.

2. En vertu de l’article R. 222-1 du code de justice administrative : « () / les présidents des formations de jugement des cours peuvent () par ordonnance, rejeter () après l’expiration du délai de recours ou, lorsqu’un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire les requêtes d’appel manifestement dépourvues de fondement () ».

En ce qui concerne l’obligation de quitter le territoire français :

3. En premier lieu, si M. A fait valoir, « à titre liminaire », qu’il entend reprendre en appel ses écritures de première instance, dirigées contre la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai, lui interdisant le retour sur le territoire français pour une durée de deux années et fixant le pays de destination, cette simple déclaration ne met pas la Cour en mesure de se prononcer sur les erreurs qu’aurait pu commettre le tribunal en écartant l’ensemble des moyens soulevés devant lui.

4. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, ni des termes de l’arrêté contesté, qu’avant de le prendre le préfet des Bouches-du-Rhône n’aurait pas procédé à un examen particulier et suffisamment approfondi de la situation de l’intéressé. Il mentionne avec suffisamment de précision que nonobstant la présence de son frère en France, l’intéressé n’établit pas l’existence d’autres liens sur le territoire français, ni en être dépourvu dans son pays d’origine. Par suite, l’arrêté attaqué n’ayant pas à faire état de l’ensemble des éléments caractérisant la situation de l’intéressé, le moyen tiré du défaut d’examen de la situation de M. A, doit être écarté.

5. En troisième lieu, aux termes de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme : « 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. ».

6. M. A soutient avoir établi le centre de ses intérêts en France, où il est hébergé par son frère, qui a la qualité de réfugié, et sa belle-sœur, depuis le 12 octobre 2018, date d’enregistrement de sa demande d’asile par le préfet des Bouches-du-Rhône. Il précise également être bien inséré dans la société française et travailler depuis le mois de juin 2019, et produit notamment un contrat à durée indéterminée à temps partiel du 1er juin 2019 puis à temps plein à compter du 1er février 2021, ainsi que les fiches de paie couvrant la période allant de juin 2019 à avril 2022. Toutefois, si le requérant, âgé de 41 ans à la date de l’arrêté en litige, établit ainsi sa présence habituelle sur le territoire français depuis le mois d’octobre 2018, et l’exercice d’une activité professionnelle depuis 2 ans et 10 mois , ces circonstances sont insuffisantes pour établir qu’il aurait fixé durablement en France le centre de sa vie privée et familiale, alors qu’il ne conteste pas que son épouse et son enfant résident au Bangladesh, pays dans lequel il a vécu jusqu’à l’âge de 37 ans. Dans ces conditions, la décision portant obligation de quitter le territoire français n’a pas porté au droit de l’intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le préfet n’a pas méconnu les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ni n’a entaché sa décision d’une erreur manifeste d’appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l’intéressé.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

7. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. A n’est pas fondé à exciper de l’illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai au soutien de sa demande d’annulation de la décision portant interdiction de retour.

8. En deuxième lieu, aux termes de l’article L. 612-6 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « Lorsqu’aucun délai de départ volontaire n’a été accordé à l’étranger, l’autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d’une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l’autorité administrative n’édicte pas d’interdiction de retour. /Les effets de cette interdiction cessent à l’expiration d’une durée, fixée par l’autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l’exécution de l’obligation de quitter le territoire français ». L’article L. 612-10 du même code dispose que : « Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l’autorité administrative tient compte de la durée de présence de l’étranger sur le territoire français, de la nature et de l’ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu’il a déjà fait l’objet ou non d’une mesure d’éloignement et de la menace pour l’ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / . ».

9. Il ressort de ces dispositions que l’autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l’encontre de l’étranger soumis à l’obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu’elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l’un ou plusieurs d’entre eux. La décision d’interdiction de retour doit comporter l’énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l’autorité compétente, au vu de la situation de l’intéressé, de l’ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n’impose que le principe et la durée de l’interdiction de retour fassent l’objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l’importance accordée à chaque critère.

10. Il incombe ainsi à l’autorité compétente qui prend une décision d’interdiction de retour d’indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l’étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l’intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l’étranger sur le territoire français, à la nature et à l’ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d’éloignement dont il a fait l’objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l’ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l’intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n’est pas tenue, à peine d’irrégularité, de le préciser expressément.

11. L’interdiction de retour en litige vise les articles L. 612-6 à L. 612-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Elle mentionne, notamment, qu’en l’absence de circonstances humanitaires, M. A, entré en France en 2018, ne justifie pas de la nature et de l’ancienneté de ses liens en France, ni être dépourvu d’attaches familiales dans son pays d’origine, nonobstant la présence de son frère en France, et qu’il n’a pas exécuté spontanément la mesure d’éloignement prise à son encontre le 28 janvier 2021. Ainsi, dès lors que les termes de l’ensemble de la décision contestée établissent que la situation du requérant a été appréciée au regard de sa durée de présence en France et de ses conditions de son séjour, le préfet des Bouches-du-Rhône a suffisamment motivé la décision portant interdiction de retour sur le territoire français et ne l’a pas entachée d’un défaut d’examen de sa situation, alors même que M. A ne représenterait pas une menace pour l’ordre public.

12. En troisième lieu, si le requérant réside en France depuis le mois d’octobre 2018, avec son frère, titulaire d’une carte de résident, il n’est pas dépourvu d’attaches personnelles et familiales au Bangladesh, et s’est soustrait à une précédente mesure d’éloignement. Par suite, le préfet des Bouches-du-Rhône n’a pas commis d’erreur d’appréciation dans l’application des dispositions des articles L. 612-6 et L. 612-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, ni entaché sa décision de disproportion, en décidant de prononcer à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d’une durée de deux ans, alors même que l’intéressé ne représente pas une menace pour l’ordre public.

13. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 6, M. A n’est pas fondé à soutenir que cette décision serait entachée d’une erreur de fait, d’une erreur manifeste d’appréciation ou méconnaîtrait les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, laquelle figure au nombre des traités ou accords régulièrement introduits dans l’ordre juridique interne conformément à l’article 55 de la Constitution.

14. Il résulte de ce qui précède que la requête d’appel de M. A, qui est manifestement dépourvue de fondement, au sens des dispositions du dernier alinéa de l’article R. 222-1 du code de justice administrative, doit être rejetée, en application de ces dispositions, y compris ses conclusions aux fins d’injonction et d’astreinte, et celles présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B A.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Fait à Marseille, le 28 décembre 2022.

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