Cour administrative d'appel de Nancy, 29 décembre 2022, n° 22NC01332

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Nancy, 29 déc. 2022, n° 22NC01332
Juridiction : Cour administrative d'appel de Nancy
Numéro : 22NC01332
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Cour administrative d'appel de Nancy, 31 août 2022
Dispositif : Rejet R. 222-1 appel manifestement infondé
Date de dernière mise à jour : 28 août 2023

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D B a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d’annuler l’arrêté du 6 avril 2022 par lequel le préfet du Haut-Rhin l’a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d’office et lui a fait interdiction de revenir sur le territoire français pendant une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2202422 du 21 avril 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 23 mai 2022, M. B, représenté par Me Lagha, demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du 21 avril 2022 ;

2°) d’annuler l’arrêté du 6 avril 2022 ;

3°) d’enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat le versement à son conseil de la somme de 1000 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

S’agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

— elle est insuffisamment motivée ;

— le préfet n’a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;

— le préfet n’a pas visé l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

— la décision attaquée est entachée d’une erreur de fait ;

— le préfet a commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant qu’il constituait une menace pour l’ordre public ;

— la décision attaquée porte à son droit au respect dû à sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée et méconnaît par suite les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

S’agissant de la décision portant refus de délai de départ volontaire :

— l’illégalité de la décision l’obligeant à quitter le territoire français entraîne par voie de conséquence l’illégalité de la décision lui refusant l’octroi d’un délai de départ volontaire ;

S’agissant de la décision fixant le pays de destination :

— l’illégalité de la décision l’obligeant à quitter le territoire français entraîne par voie de conséquence l’illégalité de la décision désignant le pays d’éloignement ;

S’agissant de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

— l’illégalité de la décision l’obligeant à quitter le territoire français entraîne par voie de conséquence l’illégalité de la décision lui interdisant de revenir sur le territoire français pendant une durée de deux ans.

Par une décision du bureau d’aide juridictionnelle de Nancy en date du 9 novembre 2022, M. B a été admis au bénéfice de l’aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

— l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

— le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— le code des relations entre le public et l’administration ;

— la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

— le code de justice administrative.

Par une décision du 1er septembre 2022, la présidente de la cour administrative d’appel de Nancy a désigné M. Laubriat, président assesseur, pour statuer par ordonnances sur le fondement des alinéas 1° à 5° et 7° de l’article R. 222-1 du code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. M. B, ressortissant algérien, est entré sur le territoire français à la fin de l’année 2018 muni de son passeport revêtu d’un visa court séjour valable du 20 décembre 2018 au 19 janvier 2019. Il s’est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa, a été interpellé à plusieurs reprises pour des faits de vol aggravé et a été condamné par le tribunal correctionnel de Mulhouse les 7 juillet 2020 et 3 mai et 15 juin 2021. Le 11 novembre 2021, il a été placé en garde à vue par les services de police de Mulhouse pour des faits de violence sans incapacité sur la personne de sa concubine. M. B a été écroué le 1er décembre 2021 en exécution des jugements des 7 juillet 2020, 3 mai et 15 juin 2021 du tribunal correctionnel de Mulhouse. Avant sa levée d’écrou prévue le 9 avril 2022, le préfet du Haut-Rhin, par un arrêté du 6 avril 2022, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d’office et lui a interdit de revenir sur le territoire français pendant une durée de deux ans. M. B fait appel du jugement du 21 avril 2022 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l’annulation de cet arrêté.

2. Aux termes du dernier alinéa de l’article R. 222-1 du code de justice administrative : « () les autres magistrats ayant le grade de président désigné à cet effet par le président de la cour peuvent, en outre, par ordonnance, rejeter () après l’expiration du délai de recours ou, lorsqu’un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire les requêtes d’appel manifestement dépourvues de fondement () ».

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

3. En premier lieu, pour obliger M. B à quitter le territoire français, le préfet du Haut-Rhin a visé les dispositions pertinentes du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, notamment les alinéas 2° et 5° de l’article L. 611-1. La circonstance que le préfet n’ait pas visé l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 est en tout état de cause sans incidence dès lors que cet accord est relatif à la circulation, à l’emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles et non à leur éloignement. Le préfet a ensuite rappelé les principaux éléments de la situation administrative et personnelle de M. B, notamment qu’il est entré en France sous couvert d’un passeport revêtu d’un visa court séjour et qu’il s’est maintenu sur le territoire français après l’expiration de son visa sans effectuer de démarche pour régulariser sa situation. Le préfet a également relevé que l’intéressé a été écroué le 1er décembre 2021 et condamné à six mois de prison par un jugement du 30 décembre 2021 du tribunal correctionnel de Mulhouse pour des faits de vol aggravé par deux circonstances, qu’il est connu sous plusieurs identités et est défavorablement connu des services de police pour des faits de recel de bien provenant d’un vol à deux reprises, vol en réunion et vol simple et qu’ainsi, son comportement représente une menace pour l’ordre public. Le préfet a encore indiqué que M. B se déclarait célibataire et sans enfant à charge, qu’il était sans ressource légale, qu’il n’établissait pas avoir constitué une vie privée stable sur le territoire français ni être dépourvu d’attaches familiales dans son pays d’origine et qu’il ne justifie pas encourir de traitements contraires aux stipulations de l’article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales en cas de retour en Algérie. La décision attaquée comporte ainsi l’énoncé des circonstances de droit et de fait qui en constituent le fondement et est, par suite, suffisamment motivée.

4. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que préalablement à l’édiction de la décision attaquée, le préfet du Haut-Rhin a, par courrier du 22 mars 2022, informé M. B de ce qu’il envisageait de prendre à son encontre une mesure d’éloignement et l’a invité à présenter ses observations. Dans ses observations écrites présentées le 30 mars 2022, M. B n’a pas fait mention de sa relation avec Mme C A qu’il présente pourtant à ce jour comme sa concubine. Il résulte par ailleurs de la motivation de la décision attaquée que le préfet a procédé à un examen de la situation de M. B aussi complet que possible au vu des éléments portés à sa connaissance. Par suite le moyen tiré du défaut d’examen ne peut qu’être écarté.

5. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que le 10 novembre 2021, M. B a été placé en garde à vue pour des faits de violence sur sa conjointe, Mme C A. Lors de son audition le 11 novembre 2021 par les services de police, il a déclaré vivre avec cette dernière depuis juillet-août 2020, soit depuis moins de deux ans à la date de la décision contestée. Il a également indiqué vouloir mettre un terme à cette relation. Enfin, comme il a été dit précédemment, M. B n’a pas fait mention de sa relation avec Mme C A dans ses observations écrites du 30 mars 2022. Dans ces conditions, M. B n’est pas fondé à soutenir que le préfet aurait commis une erreur de fait en le regardant, comme il l’avait lui-même déclaré, célibataire.

6. En quatrième lieu, aux termes de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : « 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui ». L’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ne garantit pas à l’étranger le droit de choisir le lieu le plus approprié pour développer une vie privée et familiale. En outre, pour apprécier l’atteinte à la vie privée et familiale, il y a lieu de prendre en considération la durée et l’intensité des liens familiaux dont la personne se prévaut.

7. M. B se prévaut de la durée de son séjour en France, de sa relation avec Mme C A et de ce qu’il ne constitue pas une menace pour l’ordre public. Il ressort toutefois des pièces du dossier que si M. B est entré en France à la fin de l’année 2018 muni de son passeport revêtu d’un visa court séjour valable du 20 décembre 2018 au 19 janvier 2019, il s’est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa sans entreprendre de démarches pour régulariser sa situation. Par ailleurs, il n’a pas déféré à l’obligation de quitter le territoire français prise à son encontre le 30 avril 2020 et a même cherché à se soustraire à l’exécution d’office de cette décision en ne satisfaisant pas à ses obligations d’émargement. Il ressort également de ses propres déclarations qu’il avait décidé de rompre sa relation avec Mme C A, une ressortissante marocaine titulaire en France d’une carte de résident, relation qui, au demeurant, avait débuté en juillet août 2020, soit voilà moins de deux ans à la date de la décision attaquée. Si M. B produit en appel une convocation datée du 12 avril 2022 pour un rendez-vous le 7 juin 2022 pour le dépôt d’un dossier de mariage, cette convocation, postérieure à l’édiction de l’arrêté attaqué, est sans incidence sur la légalité de la décision du 6 avril 2022 lui faisant obligation de quitter le territoire français. Au demeurant, M. B ne produit aucune pièce justifiant de ce qu’il aurait effectivement épousé Mme C A. Il n’établit pas ni même n’allègue avoir d’autres attaches familiales et personnelles en France alors qu’il ressort également de ses propres déclarations lors d’une audition du 30 avril 2020 qu’il s’entretient régulièrement par téléphone avec son frère et sa mère restés en Algérie. Enfin, M. B a fait l’objet, à la suite des jugements des 7 juillet 2020 et 3 mai et 15 juin 2021, d’une condamnation à une peine de six mois d’emprisonnement pour divers faits de vol aggravé. Par ailleurs, M. B est, sous différentes identités, défavorablement connu des services de police pour des faits de recel de bien provenant d’un vol à deux reprises, vol en réunion et vol simple. Dans ces conditions, le préfet du Haut-Rhin, en obligeant M. B à quitter le territoire français, n’a pas porté à son droit au respect dû à sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette décision a été prise. Par suite le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Le moyen tiré de ce que le préfet aurait commis une erreur manifeste dans l’appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. B doit être écarté pour les mêmes motifs.

8. En cinquième et dernier lieu, aux termes de l’article L. 611-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : " L’autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu’il se trouve dans les cas suivants : () 2° L’étranger, entré sur le territoire français sous couvert d’un visa désormais expiré ou, n’étant pas soumis à l’obligation du visa, entré en France plus de trois mois auparavant, s’est maintenu sur le territoire français sans être titulaire d’un titre de séjour ou, le cas échéant, sans demander le renouvellement du titre de séjour temporaire ou pluriannuel qui lui a été délivré ; () 5° Le comportement de l’étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l’ordre public ; () ".

9. Il ressort des termes mêmes de la décision contestée qu’elle se fonde sur les dispositions à la fois du 2° et du 5° de l’article L. 611-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Eu égard à la nature des faits commis par M. B et à leur caractère récent et réitéré, celui-ci n’est pas fondé à soutenir qu’en estimant que son comportement constitue une menace pour l’ordre public, le préfet du Haut-Rhin aurait commis une erreur manifeste d’appréciation au regard des dispositions précitées. En tout état de cause, le préfet aurait pris la même décision en se fondant uniquement sur le 2° de l’article L. 611-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, dès lors qu’il est constant que M. B s’est maintenu sur le territoire français après l’expiration de son visa sans avoir entrepris de démarches pour régulariser sa situation.

Sur les décisions portant refus d’octroi d’un délai de départ volontaire, fixation du pays d’éloignement et interdiction de retour sur le territoire français :

10. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré par voie d’exception de l’illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français à l’appui des conclusions dirigées contre les décisions portant refus d’octroi d’un délai de départ volontaire, fixation du pays d’éloignement et interdiction de retour sur le territoire français ne peut qu’être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions en annulation de la requête présentée par M. B sont manifestement dépourvues de fondement et ne peuvent dès lors qu’être rejetées en application des dispositions précitées de l’article R. 222-1 du code de justice administrative. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter également ses conclusions aux fins d’injonction et d’astreinte ainsi que celles présentées au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

ORDONNE :

Article 1er : La requête de M. B est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. D B.

Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.

Fait à Nancy, le 29 décembre 2022.

Le magistrat désigné,

Signé : A. Laubriat

La République mande et ordonne au ministre de l’intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

A. Bailly

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