CAA de NANCY, 1ère chambre, 10 février 2022, 19NC03680, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Nancy, 1re ch., 10 févr. 2022, n° 19NC03680
Juridiction : Cour administrative d'appel de Nancy
Numéro : 19NC03680
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Tribunal administratif de Besançon, 24 juillet 2019, N° 1800595
Identifiant Légifrance : CETATEXT000045159110

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B… A… a demandé au tribunal administratif de Besançon d’annuler la décision du 25 janvier 2018 par laquelle le directeur interrégional des services pénitentiaires de Dijon a confirmé la décision du 2 janvier 2018 par laquelle le président de la commission de discipline de la maison d’arrêt de Besançon a prononcé à son encontre la sanction de quatorze jours de cellule disciplinaire, dont sept jours avec sursis et de mettre à la charge de l’Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique.

Par un jugement n° 1800595 du 25 juillet 2019, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 décembre 2019, sous le n° 19NC03680, M. A…, représenté par Me David, demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement du tribunal administratif de Besançon du 25 juillet 2019 ;

2°) d’annuler la décision du 25 janvier 2018 par laquelle le directeur interrégional des services pénitentiaires de Dijon confirmé la décision du 2 janvier 2018 par laquelle le directeur de la maison d’arrêt de Besançon a prononcé à son encontre la sanction de quatorze jours de cellule disciplinaire, dont sept jours avec sursis ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat le versement à son conseil d’une somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique.

Il soutient que :

s’agissant de la régularité du jugement attaqué :

 – la communication du sens des conclusions du rapporteur public du tribunal administratif de Strasbourg n’a pas répondu aux exigences de l’article R. 711-3 du code de justice administrative ;

 – le jugement attaqué ne comporte pas les signatures exigées par l’article R. 741-7 du code de justice administrative ;

 – eu égard à sa situation de dépendance à l’égard de l’administration pénitentiaire, le tribunal aurait dû mettre en œuvre son pouvoir d’instruction et exiger de l’administration pénitentiaire des éléments de preuve ;

s’agissant de la légalité de la décision du 2 janvier 2018 :

 – la procédure disciplinaire a méconnu les exigences des articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

 – la sanction qui lui a été infligée est entachée d’erreur de fait et d’erreur manifeste d’appréciation ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 juillet 2021, le garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. A… a été admis au bénéfice de l’aide juridictionnelle totale par décision en date du 17 octobre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

 – la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

 – le code de procédure pénale,

 – le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 – le rapport de M. Goujon-Fischer, premier conseiller,

 – et les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A…, écroué à la maison d’arrêt de Besançon à compter du 14 décembre 2017, a été placé au quartier disciplinaire à titre préventif, le 30 décembre 2017, à la suite d’un incident survenu le même jour avec le personnel pénitentiaire. Par une décision du 2 janvier 2018, le président de la commission de discipline de la maison d’arrêt a prononcé à son encontre une sanction de 14 jours de cellule disciplinaire dont 7 jours avec sursis. Par une décision du 25 janvier 2018, prise sur le recours de M. A…, le directeur interrégional des services pénitentiaires de Dijon a confirmé cette sanction. M. A… relève appel du jugement du 25 juillet 2019, par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l’annulation de cette décision.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l’article R. 711-3 du code de justice administrative : « Si le jugement de l’affaire doit intervenir après le prononcé de conclusions du rapporteur public, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l’audience, le sens de ces conclusions sur l’affaire qui les concerne ».

3. La communication aux parties du sens des conclusions, prévue par ces dispositions de l’article R. 711-3 du code de justice administrative, a pour objet de mettre les parties en mesure d’apprécier l’opportunité d’assister à l’audience publique, de préparer, le cas échéant, les observations orales qu’elles peuvent y présenter, après les conclusions du rapporteur public, à l’appui de leur argumentation écrite et d’envisager, si elles l’estiment utile, la production, après la séance publique, d’une note en délibéré. En conséquence, les parties ou leurs mandataires doivent être mis en mesure de connaître, dans un délai raisonnable avant l’audience, l’ensemble des éléments du dispositif de la décision que le rapporteur public compte proposer à la formation de jugement d’adopter, à l’exception de la réponse aux conclusions qui revêtent un caractère accessoire, notamment celles qui sont relatives à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Cette exigence s’impose à peine d’irrégularité de la décision rendue sur les conclusions du rapporteur public. Par ailleurs, pour l’application de l’article R. 711-3 du code de justice administrative et eu égard aux objectifs, mentionnés au point 6, de cet article, il appartient au rapporteur public de préciser, en fonction de l’appréciation qu’il porte sur les caractéristiques de chaque dossier, les raisons qui déterminent la solution qu’appelle, selon lui, le litige, et notamment d’indiquer, lorsqu’il propose le rejet de la requête, s’il se fonde sur un motif de recevabilité ou sur une raison de fond, et, de mentionner, lorsqu’il conclut à l’annulation d’une décision, les moyens qu’il propose d’accueillir. La communication de ces informations n’est toutefois pas prescrite à peine d’irrégularité de la décision.

4. Il ressort des pièces du dossier de première instance que le rapporteur public a, avant l’audience publique du tribunal administratif de Besançon du 4 juillet 2019, précisé le sens de ses conclusions dans l’affaire concernant M. A…, en faisant porter, sur le site Sagace, la mention « Annulation de la décision de sanction du 25 janvier 2018 pour vice de procédure. Rejet du surplus » ". Eu égard aux principes rappelés au point 3 du présent arrêt et contrairement à ce que soutient le requérant, qui ne saurait utilement se prévaloir de la circulaire du 9 janvier 2009, dépourvue de valeur réglementaire, cette mention répondait suffisamment aux exigences de l’article R. 711-3 du code de justice administrative, alors même que le rapporteur public n’avait pas ainsi précisé celui des moyens de procédure invoqué par le requérant qu’il proposait au tribunal d’accueillir. Au demeurant, l’avocat de M. A…, informé du sens des conclusions en temps utile, n’a pas pris l’attache du greffe pour demander d’éventuels éclaircissements. Ainsi, aucune irrégularité n’a entaché l’information donnée par le rapporteur public sur le sens de ses conclusions.

5. En deuxième lieu, aux termes de l’article R. 741-7 du code de justice administrative aux termes duquel : « Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d’appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d’audience ». Il résulte de l’examen de la minute du jugement attaqué que celui-ci comporte toutes les signatures requises par les dispositions qui précèdent. L’absence de signatures sur l’expédition du jugement notifié au requérant n’entache pas ce jugement d’irrégularité.

6. En troisième lieu, il revient au juge de l’excès de pouvoir, avant de se prononcer sur une requête assortie d’allégations sérieuses non démenties par les éléments produits par l’administration en défense, de mettre en œuvre ses pouvoirs généraux d’instruction des requêtes et de prendre toutes mesures propres à lui procurer, par les voies de droit, les éléments de nature à lui permettre de former sa conviction, en particulier en exigeant de l’administration compétente la production de tout document susceptible de permettre de vérifier les allégations du demandeur.

7. Il ressort du jugement attaqué que le tribunal a formé sa conviction sur les faits ayant justifié la sanction infligée à M. A… au vu des éléments versés au dossier par les parties, notamment du rapport d’incident rédigé le 30 décembre 2017 par un premier surveillant mentionnant que M. A… avait bousculé celui-ci à plusieurs reprises et des allégations de M. A… contestant le rapport sur ce point. Compte tenu, d’une part, de la nature et du caractère général de ces allégations et, d’autre part, des diverses pièces versées au dossier par l’administration pénitentiaire pour établir les faits litigieux, le tribunal, qui s’est estimé suffisamment informé, n’a pas entaché son jugement d’irrégularité en écartant les moyens tirés de l’erreur de fait et de la disproportion entachant la sanction en cause sans mettre en œuvre ses pouvoirs d’instruction.

8. Il résulte de ce qui précède que M. A… n’est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué est irrégulier.

Sur la légalité de la décision du 25 janvier 2018 :

9. En premier lieu, eu égard à la nature et au degré de gravité des sanctions disciplinaires encourues par les personnes détenues, qui n’ont, par elles-mêmes, pas d’incidence sur la durée des peines initialement prononcées, les dispositions du code de procédure pénale relatives à la procédure disciplinaire dans les établissements pénitentiaires ne sauraient être regardées comme portant sur des accusations en matière pénale au sens de l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. En outre, si les sanctions disciplinaires encourues par les personnes détenues peuvent entraîner des limitations de leurs droits et doivent être regardées de ce fait comme portant sur des contestations sur des droits à caractère civil au sens des stipulations du paragraphe 1 de l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, la nature administrative de l’autorité prononçant les sanctions disciplinaires fait obstacle à ce que ces stipulations soient, en ce qu’elles concernent les contestations sur des droits de caractère civil, applicables à la procédure disciplinaire dans les établissements pénitentiaires. Par suite, le moyen tiré par M. A… de ce que la procédure disciplinaire menée à son encontre n’aurait pas respecté les exigences de l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales doit, en tout état de cause, être écarté comme inopérant.

10. En deuxième lieu, si l’article R. 57-7-32 du code de procédure pénale prévoit, pour la personne détenue qui entend contester la sanction prononcée à son encontre par la commission de discipline, l’obligation d’un recours administratif préalable auprès du directeur interrégional des services pénitentiaires, ce recours administratif préalable obligatoire ne fait pas obstacle au recours par le détenu concerné aux procédures de référé prévues par le livre V du code de justice administrative, en particulier à celle de référé-suspension régie par l’article L. 521-1 de ce code et à celle de référé-liberté, régie par l’article L. 521-2, dont l’existence est par ailleurs rappelée par le dernier alinéa de l’article 726 du code de procédure pénale. Lorsqu’il est saisi sur le fondement de l’article L. 521-2, le juge des référés, d’une part, « se prononce dans un délai de quarante-huit heures », d’autre part, a le pouvoir de prendre « toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale », au nombre desquelles figurent la suspension de l’exécution de la décision litigieuse ainsi qu’un pouvoir d’injonction à l’égard de l’administration. L’ensemble des voies de recours ainsi offertes à la personne détenue lui garantit le droit d’exercer un recours effectif, susceptible de permettre l’intervention du juge en temps utile, alors même que son exercice est par lui-même dépourvu de caractère suspensif. Il suit de là que le moyen tiré de la violation des stipulations de l’article 13 de la convention européenne doit, en tout état de cause, être écarté.

11. En dernier lieu, aux termes de l’article R. 57-7-1 du code de procédure pénale : " Constitue une faute disciplinaire du premier degré le fait, pour une personne détenue : / 1° D’exercer ou de tenter d’exercer des violences physiques à l’encontre d’un membre du personnel ou d’une personne en mission ou en visite dans l’établissement ; (…) « . L’article R. 57-7-3 de ce code prévoit que : » Constitue une faute disciplinaire du troisième degré le fait, pour une personne détenue : / 4° De ne pas respecter les dispositions du règlement intérieur de l’établissement ou les instructions particulières arrêtées par le chef d’établissement ; (…) « . Aux termes de l’article R. 57-7-33 du même code : » Lorsque la personne détenue est majeure, peuvent être prononcées les sanctions disciplinaires suivantes : 1° L’avertissement ; / 2° L’interdiction de recevoir des subsides de l’extérieur pendant une période maximum de deux mois ; / 3° La privation pendant une période maximum de deux mois de la faculté d’effectuer en cantine tout achat autre que celui de produits d’hygiène, du nécessaire de correspondance et de tabac ; / 4° La privation pendant une durée maximum d’un mois de tout appareil acheté ou loué par l’intermédiaire de l’administration ; / 5° La privation d’une activité culturelle, sportive ou de loisirs pour une période maximum d’un mois ; / 6° Le confinement en cellule individuelle ordinaire assorti, le cas échéant, de la privation de tout appareil acheté ou loué par l’intermédiaire de l’administration pendant la durée de l’exécution de la sanction ; / 7° La mise en cellule disciplinaire « . L’article R. 57-7-47 du même code précise que : » Pour les personnes majeures, la durée de la mise en cellule disciplinaire ne peut excéder vingt jours pour une faute disciplinaire du premier degré, quatorze jours pour une faute disciplinaire du deuxième degré et sept jours pour une faute disciplinaire du troisième degré. / Cette durée peut être portée à trente jours lorsque les faits commis constituent une des fautes prévues au 1° et au 2° de l’article R. 57-7-1 ".

12. Il ressort du rapport d’incident établi le 30 décembre 2017 par un premier surveillant que, ce même jour à 11 heures 15, M. A… a sorti sa poubelle devant sa cellule en méconnaissance du règlement intérieur de la maison d’arrêt prévoyant la sortie des poubelles des détenus le matin à 7 heures, a bousculé une première fois ce premier surveillant, après que celui-ci lui eut rappelé cette règle et eut repoussé la poubelle dans sa cellule, puis une seconde fois, lorsque ce dernier a tenté de fermer la porte, la résistance de M. A… ayant alors rendu nécessaire l’intervention du premier surveillant, aidé par plusieurs autres surveillants, pour le maîtriser au sol et le placer à titre préventif en cellule disciplinaire. Si M. A…, qui a reconnu avoir déposé sa poubelle devant sa cellule et avoir eu une altercation à ce sujet avec ce premier surveillant, nie en revanche l’avoir bousculé, il ne conteste pas que cette altercation a nécessité l’intervention physique de plusieurs surveillants et n’en donne aucune explication cohérente, se bornant à produire un certificat médical du médecin de l’unité sanitaire de la maison d’arrêt de Besançon daté du 2 janvier 2018 faisant état de douleurs cervicales, dorsalgie et dermabrasions, au demeurant compatibles avec les faits relatés dans le rapport du premier surveillant. Dès lors, en retenant que M. A…, non seulement n’avait pas respecté les dispositions du règlement intérieur de l’établissement, mais avait en outre exercé des violences physiques à l’encontre d’un membre du personnel pénitentiaire, le directeur interrégional des services pénitentiaires de Dijon n’a pas fondé sa décision sur des faits matériellement inexacts, ni n’a retenu une appréciation inexacte de ces faits en les qualifiant de fautes disciplinaires au sens des dispositions des articles R. 57-7-1 et R. 157-3 du code de procédure pénale. Dans les circonstances de l’espèce, la sanction de 14 jours de cellule disciplinaire dont 7 jours avec sursis n’est pas disproportionnée au regard de ces faits.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A… n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Sur les frais liés à l’instance :

14. Aux termes de l’article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation ».

15. Ces dispositions font obstacle à ce qu’il soit mis à la charge de l’Etat, qui n’est pas, dans la présente instance, partie perdante, la somme demandée par M. A… au titre des frais non compris dans les dépens.


D É C I D E :


Article 1er : La requête de M. A… est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B… A… et au garde des sceaux, ministre de la justice.

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N° 19NC03680

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